La République thermidorienne partage le sort de la IVe République qui, en 1946, fut établie au sortir de la Deuxième Guerre mondiale : elle n’a laissé ni grands souvenirs ni regrets.
Il est vrai que la fin sans gloire de ces deux régimes, le premier le 18 brumaire, le second le 13 mai 1958, suffisait à ternir leurs mérites. L’absence de personnalités vraiment marquantes, dans un pays toujours en quête de grands hommes et de « sauveurs », était un titre de plus au discrédit. Barras, qui fut l’homme fort du Directoire, évoque davantage, on en conviendra, la corruption du pouvoir que le modèle de l’homme d’État ; deux siècles plus tard, la IVe République se fit comme une spécialité des figures les plus ternes et les plus médiocres qu’on puisse imaginer.
Pas facile de gouverner la France entre Robespierre et Bonaparte dans un cas, de Gaulle et de Gaulle dans l’autre. Ces deux régimes ont gardé l’image de simples entractes, d’intermèdes sans relief assurant la transition entre deux épopées : d’une part celles de la Convention et du Consulat et de l’Empire ; d’autre part celles de la guerre et de la Ve République.
Situation pour le moins inconfortable. L’ombre des années incandescentes de la Révolution ne cessa de planer sur la France thermidorienne, affaiblissant par avance la légitimité des institutions nouvelles, tout comme l’ombre du général de Gaulle s’étendit sur celles de 1946 au point d’en compromettre l’avenir. Le Directoire fut un régime pour ainsi dire mort-né, sur lequel même ceux qui l’avaient fondé auraient refusé de miser un centime…