Comment les candidats en campagne en milieu rural portent-ils la thématique de la fracture territoriale ? À partir des observations menées lors de deux campagnes législatives en 2017, auprès d’un candidat FN et d’un candidat PS, cet article entend démontrer que le discours sur les fractures territoriales est formalisé notamment par l’imprégnation et la diffusion auprès des professionnels de la politique de travaux de géographes portant sur les inégalités territoriales. La mise en avant de la « défense de la ruralité » est également une stratégie de dépolitisation de différenciation face aux candidats du parti présidentiel accusé d’être le cheval de Troie des « métropoles ». La ruralité, de discrimination vécue, peut alors devenir un capital à préserver. Néanmoins, si les deux candidats peuvent faire de la ruralité un combat, la manière dont ils le portent n’est pas la même. Pour le candidat socialiste, il s’agit d’un levier d’égalité territoriale opposant la circonscription aux métropoles, quand le candidat FN mobilisera cette thématique pour mettre en évidence des combats ethno-religieux.
Article
En avril 2017, à quelques jours du premier tour de l’élection
présidentielle, la Gazette des communes qualifiait la « fracture territoriale »
de « passage obligé des programmes présidentiels ». Les élus et
professionnels politiques, quelle que soit leur formation politique, pointant
le délaissement des espaces ruraux dans la France contemporaine,
mobilisent une grille d’analyse fondée sur les inégalités spatiales. Comme
les banlieues (Borrel, 2019), les Outre-mer ou les villes moyennes (Warrant,
2020), les territoires ruraux constituent ainsi un « objet politique » à part
entière. Tout se passe comme si le clivage urbain/rural, mis en évidence par
les politistes S. M. Lipset et S. Rokkan en 1967, continuait de structurer le
discours politique en France en constituant notamment la « ruralité » comme
une catégorie de politiques publiques, un espace – plus ou moins imaginaire
– et un enjeu symbolique qui dépasse largement son poids électoral supposé.
Cet article interroge précisément la construction au niveau local de cette
doxa des fractures territoriales et de l’abandon des espaces ruraux. Les
partis politiques nationaux – et les professionnels de la politique au
niveau local – se saisissent donc de la thématique des inégalités
territoriales et des discriminations liées à la ruralité, présentée comme
un stigmate, mais aussi utilisée comme une ressource dans les
campagnes électorales, dans les mondes ruraux.
Nous nous appuierons dans cette analyse localisée (Briquet et Sawicki,
1989) sur l’étude ethnographique de deux campagnes législatives de
juin 2017 en France…
Résumé
Plan
Auteurs
- Mis en ligne sur Cairn.info le 20/01/2022
- https://doi.org/10.3917/clcd.014.0041
![Chargement](./static/images/loading.gif)
Veuillez patienter...