Pour aborder la question des liens entre les effets psychiques du trauma et la construction de l’historicité, je développerai mon propos en deux temps complémentaires. Tout d’abord, je m’attacherai à une situation clinique singulière, celle de Benoît, un enfant placé, participant à un groupe thérapeutique et allergique aux « histoires ». Et dans un second temps, je m’appuierai sur l’analyse d’un conte merveilleux tiré du recueil des frères Grimm, afin de mettre en évidence la puissance symbolique de ce type de récit et les effets thérapeutiques qu’il est capable d’engendrer.
Benoît est un garçon âgé de 9 ans lorsqu’il est conduit au centre de soin par sa mère d’accueil. Son père est décédé dans des circonstances plutôt troubles et sa mère n’est pas en mesure de l’élever dans de bonnes conditions, étant donné son instabilité sociale : elle a deux autres enfants placés également. D’après madame C., la mère d’accueil, les liens familiaux de Benoît sont très embrouillés : les deux branches familiales sont en conflit permanent autour de la garde des enfants et les grands-parents ne s’entendent pas, chacun réclamant un droit de visite exclusif. Bien qu’ayant des capacités cognitives normales, l’enfant est en échec scolaire et a déjà redoublé une année. D’autre part il est replié sur lui-même et présente une encoprésie résistante.
Benoît accepte de faire partie d’un groupe à médiation thérapeutique centré sur le jeu théâtralisé. Les débuts du groupe sont difficiles pour lui et il reste purement passif, lorsque les quatre autres enfants du groupe construisent les scénarios avec l’aide des deux thérapeutes…