CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le paludisme est un problème de santé qui a conduit au Sénégal à la définition de politiques de lutte ayant évolué dans l’histoire sociopolitique de ce pays [Ndoye, 2009] : celle de l’éradication avec la lutte à grande échelle, celle axée sur le contrôle avec des mesures ciblées et celle combinant les méthodes de lutte. Pour mieux structurer et piloter les activités et décisions politiques (curatives, diagnostiques et préventives), un Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) a été mis en place en 1995. Ce dernier a aussi été chargé de développer le partenariat et la recherche de ressources pour financer la lutte.

2La politique curative de la maladie est passée de la monothérapie aux combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) : depuis les années 1970, la chloroquine a été prescrite pour traiter le paludisme simple et utilisée pour la chimioprophylaxie de masse. Cela a conduit à des résistances, décrites pour la première fois en 1988 [Trape et al., 1998]. Ces dernières ont atteint un important niveau de risque nécessitant un changement de politique médicamenteuse. Parmi les antipaludiques de substitution efficaces [Gaye et al., 2007] [1], le Sénégal a choisi en 2006 les CTA (en particulier l’association Artésunate/Amodiaquine-ASAQ) pour traiter le paludisme simple. Cependant, en 2009, les effets secondaires de l’amodiaquine l’ont conduit à recommander le Co-artem (Artémether Luméfantrine) et le duo-cotexin (dihydro-Artémisinine Pipéraquine). Depuis le 1er mai 2010, les CTA sont gratuits. Si elle améliore l’accès aux soins, la gratuité a des effets pervers pour les postes de santé dont le paludisme est l’une des principales sources de ressources financières. Constatant le retard du recours aux soins de santé et la tendance à l’automédication [Faye, 2009], le PNLP a mis en œuvre la stratégie de Prise en charge à domicile (PECADOM). Celle-ci vise à mieux rapprocher les TDR et les CTA des communautés, dans les zones où l’accès aux services de santé pose problème.

3Le diagnostic du paludisme est fondé sur la goutte épaisse et les tests de diagnostic rapide (TDR), introduits et rendus gratuits depuis 2007 dans les postes de santé publics. Le diagnostic présomptif, qui a été pratiqué du fait de l’indisponibilité de matériels de laboratoire, a conduit à une surestimation de l’incidence de la maladie, une prescription exagérée des antipaludiques. Cela a contribué au développement des résistances du parasite à la chloroquine. Les TDR viennent renforcer la qualité du diagnostic, rationaliser la prescription des CTA [Munier, Diallo, Sokhna, Chippaux, 2009].

4Concernant la prévention de la maladie, la chimiorésistance a poussé le PNLP à abandonner la prévention médicamenteuse, utilisée depuis les années 1980, avec les campagnes de chloroquinisation. Aujourd’hui, elle est axée autour de mesures larvicides, de protection individuelle et collective, dans un contexte de pré-élimination de la maladie (Plan stratégique 2011-2015). Concrètement, il s’agit de distribuer gratuitement des moustiquaires imprégnées d’insecticide (couverture universelle), de traiter chimiquement les gîtes larvaires (aspersion intra-domiciliaire) [2], d’assainir l’environnement. La prévention médicamenteuse est exclusivement recommandée chez la femme enceinte, à laquelle on administre de la Sulfadoxine-Pyriméthamine (SP) aux 2e et 3e trimestres de la grossesse. Cette stratégie, adoptée au Sénégal depuis 2004, est plus connue sous le nom de Traitement préventif intermittent (TPI). Elle est définie comme l’administration, à des périodes prédéfinies, de médicaments antipaludiques à des doses thérapeutiques, dans le but de traiter et/ou de prévenir un accès palustre [Gosling, Carneiro, Chandramohan, 2009]. Depuis, des investigations ont été initiées dans des pays africains (Kenya, Tanzanie, Gambie, Sénégal, etc.) pour la tester chez l’enfant, sous des formes différentes : le TPI chez le nourrisson (TPI couplé au PEV) [3], chez l’enfant de moins de cinq ans, le TPI saisonnier.

5Le TPI saisonnier consiste à administrer trois doses de molécules aux enfants de moins de cinq ans, pendant les trois mois de pic du paludisme [Greenwood, 2006]. Au Sénégal, il est expérimenté depuis 2000, dans les districts sanitaires de Fatick, Tivaouane, Ndoffane (Keur Socé) [4]. Les études menées [Cissé et al., 2006] suggèrent qu’il pourrait constituer une méthode efficace dans la réduction du paludisme infantile. Depuis 2008, la mesure est encore testée dans quatre districts sanitaires (Mbour, Fatick, Niakhar, Bambey). L’enjeu actuel est de démontrer que l’intervention est sûre, acceptable par les bénéficiaires et faisable par les relais communautaires.

6Cette stratégie est une nouvelle expérience de recours à des agents communautaires de santé, dont les caractéristiques et statuts ont été définis depuis la conférence de l’Organisation mondiale de la santé [Yaoundé, 1986] :

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« Ils doivent être des membres de la communauté, choisis par elle, être ses représentants, doivent aussi être supervisés par le système de santé sans faire partie de son organigramme et ont une formation plus courte que les professionnels de la santé ».
[WHO, 1989, p. 6]

8L’émergence de ces acteurs ne date pas d’aujourd’hui, car depuis la conférence d’Alma-Ata (1978), plusieurs programmes de santé les ont impliqués [Walt, Ross, Gilson, Owuor-Omondi, Knudsen, 1989] pour améliorer l’accès aux soins des populations : lutte contre le VIH Sida [Eboko, 1999 ; Tchantchou, 2008], travail social [Madelin, 2001 ; Ravon, 2001], gestion des pharmacies villageoises et santé des enfants [Perez, Ba, Dastagire, Altmann, 2009]. Pourtant, l’évaluation de ces expériences n’a pas été suffisamment faite. S’il est démontré que ces acteurs ont un rôle important à jouer dans la promotion de la santé communautaire [WHO, 1989, p. 38], on en sait peu sur leur utilisation à grande échelle, car la plupart des études ont porté sur des expériences à petite échelle [Haines et al., 2007]. En Gambie, la mesure de la morbidité et mortalité infantile a baissé aussi bien dans les zones de l’intervention des relais communautaires que dans les zones témoins [WHO, 1989]. En Éthiopie, on a constaté une réduction de 40 % de la mortalité des enfants, sans pouvoir démontrer que cela résulte de l’implication des relais, chargés de former les mères à la prise en charge de leurs cas palustres [op. cit.].

9Nous analysons ici les pratiques d’administration du TPI saisonnier par les relais communautaires, en les resituant dans les spécificités de leurs contextes socioprofessionnels, et les attentes qu’ils nourrissent à l’égard de cette stratégie. Dans ce cadre, les logiques de leur sélection, la nature de leur formation et leur connaissance du protocole TPI sont documentées. Nous analysons aussi leur niveau d’engagement, de respect ou de renégociation des normes officielles et les rationalités sous-jacentes. Dans la socialisation professionnelle de l’acteur, Dubar [2002] distingue « l’identité pour autrui », c’est-à-dire, attribuée par la communauté et « l’identité pour soi ». Nous analysons la manière dont les relais impliqués dans le TPI sont perçus par les communautés, dont ils se projettent dans cette activité et se construisent des finalités. Nous documentons aussi les stratégies qui leur permettent de faire valoir l’identité pour soi, tout en assumant les identités pour autrui.

10Les relais communautaires sont des agents non statutaires, ne faisant pas partie de l’organigramme officiel du système de santé. En Afrique, les réformes et les politiques sanitaires, la rareté du recrutement par la fonction publique, ont ouvert la voie à l’irruption de ces agents dans le champ sanitaire [Vidal, Fall, Gadou, 2005 ; Hane, 2007]. Cette catégorie est pourtant peu prise en compte dans la littérature sur les professions médicales en Afrique [Jaffré, Prual, 1993 ; Desclaux, 1999 ; Jaffré, Olivier de Sardan, 2003]. La présence des non-professionnels diversifie le champ de la santé et induit une coexistence de personnels aux statuts et rémunérations diverses [Tchantchou, 2008]. Cette situation crée aussi des chevauchements de positions [Fauré, Médard, 1995 ; Eboko ; 1999], des confusions de tâches [Fall, Vidal, 2005]. Elle induit des interactions qui contribuent à des reconfigurations professionnelles et à la redéfinition des contours de la profession médicale [Hane, 2007]. Dans le cas du TPI saisonnier aussi, il y a une diversité de catégories de relais qui n’ont pas la même « identité pour soi » ni la même histoire. Leurs interactions socioprofessionnelles, les raisons et finalités pour lesquelles ils s’engagent dans la stratégie méritent une analyse.

11Par ailleurs, la responsabilisation de ces acteurs dans les activités sanitaires ne va pas de soi, car ils doivent convaincre le milieu de la santé de leurs compétences afin de s’y positionner [Tchantchou, 2008 ; Madelin, 2001]. Dans le cas du TPI, nous analysons les stratégies déployées pour gagner en légitimité. Ces acteurs ont des aspirations individuelles (se constituer en métier) qui peuvent entrer en conflit avec les orientations du système de santé [WHO, 1989 ; Faye, Ndiaye, Ba, Gaye, 2011]. Dans cette stratégie de professionnalisation, l’expérience joue un rôle déterminant, car elle confère une compétence, une reconnaissance [Fall, Vidal, 2005 ; Hane, 2007]. Les relais visent-ils, à travers le TPI saisonnier, à servir leur communauté dans l’esprit du volontariat ou ambitionnent-ils de se constituer des savoir-faire basés sur l’expérience ? Les objectifs poursuivis par ces acteurs peuvent orienter les types d’usages qu’ils ont de l’innovation [Cockerman, 2005] et nécessitent d’être pris en compte dans l’analyse de la faisabilité du TPI saisonnier au Sénégal.

Sources de données, terrains et méthodes

12Les données présentées concernent le projet TPI saisonnier expérimenté, en 2006 dans la région de Thiès (District sanitaire de Tivaouane : postes de santé de Médine, Chérif Lo et Pambal) et en 2007 à Kaolack (district de Ndoffane : poste de santé de Keur Socé).

13Les investigations anthropologiques menées ont utilisé des outils qualitatifs : entretiens semi-directifs approfondis, focus-groups et observations directes. Elles ont documenté le processus de mise en œuvre, l’appropriation et la faisabilité de cette stratégie par les bénéficiaires et les relais, sa faisabilité et les enjeux de la responsabilisation de ces derniers. Malgré des cadres spatio-temporels différents, la collecte de données a obéi aux mêmes principes méthodologiques et à un besoin de diversification. L’équipe cadre de district, les mères/gardiennes d’enfants, les soignants ont été interrogés. Les relais impliqués dans l’administration du TPI ont été inclus. Leur sélection a tenu compte de leur diversité, de l’âge et du sexe. Celle des mères ou gardiennes d’enfants a été faite de manière aléatoire.

14Concrètement, nous avons interrogé deux médecins chefs de district (MCD), 4 infirmiers, 40 relais (30 à Tivaouane, 10 à Keur Socé) et 30 mères (20 à Tivaouane et 10 à Keur Socé). Dans chaque poste de santé, nous avons réalisé un focus-group avec les relais, portant sur les connaissances et perceptions du TPI, les projections de carrière professionnelle, les attentes et difficultés du TPI. Une autre discussion de groupe a concerné les mères et a porté sur la perception de l’utilité de cette stratégie et leur appréciation de la responsabilisation des relais. Enfin, des observations directes ont été menées pendant les formations, afin de suivre le transfert de connaissances sur le TPI lors de l’administration des médicaments pour documenter les comportements des relais. La faisabilité du TPI a été appréciée en termes de réalisation des tâches confiées, de respect des normes techniques ou d’écarts. Les comportements des parents face aux relais ont aussi été renseignés.

Caractéristiques des relais communautaires au Sénégal

15La particularité du TPI saisonnier est la responsabilisation des relais communautaires. Cette catégorie d’acteurs date des années 1970 au Sénégal, mais ses caractéristiques ont évolué.

Historique des relais communautaires dans le champ de la santé

16En 1978, il était admis à la Conférence d’Alma-Ata que les soins de santé primaire (SSP) étaient un moyen de réaliser la « Santé pour tous à l’an 2000 ». Les premières applications ont été faites dans certains pays africains (Éthiopie, Sénégal, Madagascar, etc.) et asiatiques (Chine, Népal), à travers les agents de santé villageois, les aides-soignants ou les matrones. Ces acteurs, nommés Agents de santé communautaire (ASC), ont été impliqués au côté de l’infirmier comme des auxiliaires (aide à la préparation des soins, sensibilisation et communication). Singulièrement, les ASC ont été chargés d’activités relativement simples concernant la sensibilisation et parfois la prise en charge pour des problèmes comme la fièvre jaune, les diarrhées, le paludisme, les infections respiratoires aiguës, la vaccination. Au Sénégal, ces acteurs ont existé bien avant les SSP, précisément en 1967, lorsque les populations de Dakar-Plateau ont été déguerpies et recasées dans la banlieue de Pikine. Des équipes mobiles de mères de familles ont été constituées par les religieuses de la congrégation « Notre Dame » pour participer à la gestion de leurs problèmes de santé. En 1977, dans le cadre du projet de l’USAID Sine-Saloum, 200 villages se sont organisés pour faire construire des cases de santé à Kaolack et Nioro, confiées à des ASC, pour offrir des soins de base.

17Cependant, à la Conférence de Bamako en 1987, les échecs des SSP ont été constatés, du fait de la crise économique des années 1990 et de la dévaluation du franc CFA. Le principe de la décentralisation du système de santé et de soins a été retenu. Cette réforme institutionnelle a institué une pyramide sanitaire avec des centres hospitaliers universitaires (CHU), les hôpitaux régionaux et de district dirigés par des médecins et le niveau périphérique. Ce dernier est composé par des postes de santé dirigés par un infirmier chef de poste et des cases de santé, confiées aux ASC. En responsabilisant l’infirmier au niveau périphérique (administration, curatif, promotion de la santé) et en valorisant la participation communautaire, cette réforme a démultiplié ses fonctions, en rendant nécessaire la présence des ASC. Compte tenu de la charge de travail de ces derniers, il a été décidé de leur confier les soins curatifs primaires et de prospecter des alternatives comme le relais communautaire pour les activités de promotion de la santé (visites à domicile, sensibilisation, mobilisation communautaire).

La fonction de relais communautaire dans le champ de la santé

18Comme l’ASC, le relais est une personne (un homme ou une femme) choisie par sa communauté, qui accepte de consacrer une partie de son temps aux activités d’intérêt collectif [Ruebush, Weller, Klein, 1994]. Il joue le rôle d’intermédiaire entre les communautés villageoises et les soignants, mais aussi les Organisations non gouvernementales pour la mise en œuvre d’activités sanitaires décentralisées. Habituellement, il est distingué de l’ASC dans la mesure où il est chargé de la sensibilisation et de l’information communautaires. Cependant, aujourd’hui, son paquet d’activités s’est étendu à la dispensation et à la distribution de soins communautaires. Cette extension se réalise en Afrique, dans un contexte de faiblesse des systèmes de santé, de faible utilisation des services de santé et d’inadéquation des ressources humaines [Haines et al., 2007]. En Éthiopie, des femmes-relais sont formées pour se focaliser sur la santé maternelle et infantile, le paludisme, le VIH Sida. Au Sénégal, l’expérience des « Persuadeurs communautaires » [5] et le projet Bajenu gox (marraines de quartier) sont des dispositifs opérationnels de suivi des femmes enceintes et de relance pour les amener à fréquenter les services de santé au moment de l’accouchement et pour le post-partum. La prise en charge à domicile du paludisme (PECADOM) est aussi confiée à des relais « Distributeurs de soins à domicile » (DSDOM) qui réalisent des tests de diagnostic rapide et prescrivent des CTA. L’engouement pour ces acteurs rend nécessaire une évaluation de leur impact réel sur le système de santé, de même qu’une analyse des enjeux de leur responsabilisation dans les activités sanitaires.

19Types de relais responsabilisés pour la mise en œuvre du TPI : Le monde des relais est moins homogène qu’on ne le pense. Dans les districts de Tivaouane (Thiès) et Keur Socé (Kaolack), nous avons identifié diverses catégories :

  1. Les relais polyvalents : cette catégorie est regroupée au sein de l’association des relais polyvalents volontaires (ARPV). Depuis le projet Sine-Saloum de l’USAID, ces acteurs ont été choisis par les communautés rurales et formés dans un esprit polyvalent (accompagner à la fois les activités de promotion de la santé, de l’environnement, de l’éducation, etc.) À la fin de ce projet, ils ont été mis à la disposition des postes de santé, sous la tutelle de l’ICP.
  2. Les relais temporaires : ils complètent le groupe des polyvalents à l’occasion d’activités de santé qui requièrent beaucoup d’acteurs, par exemple le TPI saisonnier.
  3. Les relais des organisations communautaires de base (OCB) sont recrutés par les associations comme les Groupements de promotion féminine (GPF), les Groupements d’intérêt économique (GIE) pour l’exécution d’activités de santé, dans le cadre de contrats qui les lient aux partenaires du développement. Cette catégorie, comme les deux premières, est en relation directe avec l’infirmier chef de poste qui procède à des enquêtes de convenance et supervise leurs activités.
  4. Les relais spécialisés recrutés par les ONG pour leurs activités communautaires et qui ne sont pas sous la tutelle de l’ICP. C’est le cas des relais du Programme de renforcement nutritionnel (PRN) ou de l’Association pour le bien-être familial (ASBEF).
Dans l’administration du TPI, les relais polyvalents et les temporaires ont été les plus impliqués (entre 25 et 30 relais par poste de santé). Ces deux catégories sont en principe sous la tutelle de l’infirmier, mais elles n’ont pas la même expérience et légitimité dans l’exécution des activités de promotion de la santé. Leurs modes d’interaction peuvent influencer les conditions de mise en œuvre de la stratégie TPI.

Procédures de sélection des relais

20Au Sénégal, des critères ont été définis par les collectivités territoriales pour choisir ces acteurs : habiter le village, la ville, l’aire de santé ; être crédible dans sa zone de résidence ; savoir lire et écrire, être volontaire et justifier d’une activité annexe, source de revenu. Ce sont les autorités villageoises qui doivent entériner la sélection. Cet acteur a un statut de volontaire, de non-professionnel car n’étant pas membre de l’équipe de santé. Mais, il doit collaborer avec les structures de santé, sous la supervision de l’ICP ou de l’équipe cadre de district. Aussi, son enracinement communautaire territorial est-il considéré comme un élément d’efficacité dans son travail [Madelin, 2001, p. 85].

21Dans la réalité, ceux qui sont devenus relais polyvalents n’ont pas été tous choisis par les autorités villageoises. Certains l’ont été parce qu’ayant un parent qui les a proposés à l’ICP. Dans le cas du TPI saisonnier, la sélection des relais temporaires a été directement faite par les infirmiers et a ciblé les élèves en vacances (sachant lire et écrire). À Tivaouane, le choix n’a pas tenu compte de la résidence des relais. À Keur Socé, c’est la présidente des relais polyvalents qui a fait la sélection et a privilégié les membres de son association. Or, certains ne savaient ni lire, ni écrire et ne pouvaient remplir les outils de gestion. Aussi, la plupart n’avait pas un travail et ne pouvait justifier d’une source de revenus.

Dispositifs de formation des relais sur les normes techniques du TPI saisonnier

22Au Sénégal, les relais souffrent d’une absence de formation initiale dans le domaine de la santé validée par une certification. Lorsqu’ils sont associés à une activité, ils participent à une session de formation à propos des procédures et normes techniques de la mesure. Dans le cadre du TPI saisonnier, celle-ci a duré une journée à Tivaouane et deux jours à Keur Socé. À cette occasion, les enjeux, procédures et modalités d’administration de la stratégie ont été présentés, de même que les outils de gestion (registres). À Keur Socé, les relais ont bénéficié d’une démonstration supplémentaire sur les techniques de pesage, de prise de température et de mesure du tour de bras des enfants (anthropométrie).

23Cependant, les acteurs formés ont été peu satisfaits des sessions, du fait qu’elles étaient courtes, non renouvelées, alors que la stratégie était nouvelle pour eux. De leur avis, ils n’ont pas pu poser des questions pour approfondir leur maîtrise des techniques d’administration, des modes de remplissage des outils de gestion, et des types d’informations à livrer aux familles. Il est vrai qu’une bonne maîtrise cognitive des fonctionnalités d’un objet n’est pas forcément gage de son usage adéquat. Néanmoins, on peut aussi s’attendre à ce qu’en l’absence d’une formation suffisante, les comportements professionnels ne respectent pas les normes techniques [Sylla et al., 2007].

24Les relais tiennent aux formations, d’abord parce que ce sont des occasions de bénéficier des per diem. Selon Fall et Vidal,

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« Au-delà du seul cas de la tuberculose, la quête de formations, qu’elles soient ou non adaptées aux exigences du métier exercé, est aussi le lieu de tensions, voire de conflits, au sein des équipes soignantes, compte tenu des revenus qu’elles génèrent. Les professionnels sont rémunérés, sous forme de per diem, pour participer à ces formations, ce qui occasionne des conflits […], les uns reprochant à leurs supérieurs de s’accaparer les formations. Avec une récrimination qui n’est pas uniquement financière : les collègues des soignants ayant suivi des formations critiquent leur refus de partager avec eux, à leur retour, les informations obtenues et les connaissances acquises. ».
[2005, p. 11]

26En effet, les formations sont aussi perçues comme des opportunités de capitalisation de savoir-faire, de maîtrise des normes techniques du TPI. Ces dernières sont présentées dans ce qui suit.

Le protocole du TPI saisonnier : normes, modalités, procédures

27Au Sénégal, la transmission du paludisme est très saisonnière, exposant les enfants à une morbidité et mortalité élevées. Il est alors envisagé de leur distribuer, durant cette période, un nombre limité de doses curatives de médicaments, sans dépistage préalable d’infection par le paludisme [Greenwood, 2006 ; Packard, 2007 ; Gosling, Carneiro, Chandramohan, 2009]. Cette stratégie préventive nommée le TPI saisonnier se distingue de la chimioprophylaxie de masse dans la mesure où elle réduit le nombre d’administrations de comprimés. Elle consiste en la distribution aux enfants de deux mois à cinq ans, de médicaments en trois doses par mois, précisément en septembre, octobre et novembre où le paludisme sévit le plus.

28Concrètement, la mise en œuvre de la stratégie devait respecter un ensemble de procédures : l’équipe de recherche était chargée d’organiser un plaidoyer dans les localités afin de recueillir le consentement des leaders et chefs coutumiers. L’information et la sensibilisation communautaires ont été confiées aux relais. Une fois dans les localités et les concessions, les relais devaient recruter des enfants n’ayant pas connu d’allergies aux sulfamides, après avoir obtenu le consentement des parents, vérifié l’âge, le statut et la filiation de l’enfant et renseigné les outils de gestion. Ensuite, la première dose de médicament pouvait être administrée par le relais ou sous sa supervision, selon la posologie correspondante. En cas de vomissements, il devait proposer une dose de remplacement. Avant de quitter la concession, les deux doses quotidiennes devaient être laissées aux parents, en leur expliquant le mode d’administration et la posologie. À Keur Socé, le relais devait aussi mesurer le tour de bras de l’enfant et remplir les outils de gestion.

29Après les trois jours de distribution médicamenteuse par mois, l’équipe de recherche devait visiter quelques enfants pour vérifier la compliance des parents, rechercher d’éventuels effets secondaires, des cas fiévreux durant les dernières 48 heures. En cas de température supérieure à 37,5°, elle devait procéder à une prise de sang pour la réalisation d’un TDR et de la goutte épaisse. Pour tout cas positif, les molécules Artésunate + Amodiaquine devaient être administrées à l’enfant, conformément à la politique curative officielle à l’époque (2006-2008). La référence au poste de santé était recommandée en cas de gravité.

30Si ces recommandations techniques ont été partagées avec les relais lors des sessions de formation, cela n’a pas suffi pour que ces acteurs les respectent et les mettent en application.

Pratiques de mise en œuvre du TPI saisonnier : décalages entre normes officielles et normes pratiques

31L’administration du TPI saisonnier a été confiée aux relais communautaires, sous la supervision des infirmiers chefs de poste. De manière générale, leurs pratiques sont restées en décalage, lorsqu’on les compare avec les recommandations techniques.

32Le recueil du consentement individuel dans les concessions au moment de l’administration a été abandonné et remplacé par celui du « consentement communautaire » : lorsqu’ils arrivaient dans un village, les relais allaient d’abord rendre visite à son chef. Une fois dans les concessions, ils appelaient les enfants pour donner les comprimés, sans demander l’autorisation aux parents : « genneeleen kaarne yi te indileen xale yi ngir ñu naanal leen per yi = sortez les cartes et amenez les enfants afin que nous leur donnions leurs médicaments ». En mettant en avant le consentement des leaders communautaires, les relais ont considéré qu’il était suffisant pour amener les parents à adhérer au TPI. Cependant, le consentement collectif, quelle que soit sa forme, ne dispense pas du consentement individuel, les participants à un protocole devant personnellement être informés et sollicités à s’y engager [Campagne, Chippaux et Garba, 2003]. Aussi, le fait que les relais soient issus du terroir, connaissent le milieu, et soient connus des familles, les amènent à ne pas percevoir la nécessité de demander l’autorisation aux parents [Faye, Ndiaye, Ba, Gaye, 2011]. Cette appartenance au milieu peut donc conduire à des attitudes non éthiques.

33Du point de vue technique, les relais n’ont pas interrogé les parents sur l’existence d’antécédents aux sulfamides chez leurs enfants. Aussi, le traitement direct observé (TDO) n’a souvent pas été respecté : dans certains villages, ils ont remis tous les comprimés aux parents et sont passés à la concession suivante. Ils n’ont pas pris non plus le temps de leur expliquer les modalités d’administration des médicaments, la probabilité d’effets secondaires et la conduite à tenir en cas de leur survenue. Cette pratique a été expliquée par les contraintes auxquelles ils faisaient face : une charge de travail importante, les relais devant administrer les médicaments dans 80 ménages par jour.

34On a aussi noté à Keur Socé que certains relais ont confondu les molécules à remettre aux parents : au lieu de laisser à la mère les deux doses d’amodiaquine, ils lui ont également remis de la SP (recommandée en prise unique). Cette non-maîtrise des modalités d’administration illustre l’insuffisance de la formation évoquée antérieurement.

35La conduite à tenir en cas de vomissements de l’enfant n’a pas été respectée, car les relais n’ont pas administré une dose de remplacement. Une telle attitude a été justifiée par leur volonté de gérer les médicaments et de ne pas tomber en rupture dans la journée. Dans la réalité, les relais ne voulaient pas perdre du temps, en retournant aux postes de santé pour se ravitailler en médicaments. Cette gestion du temps les a aussi poussés à peu communiquer avec les parents : ils ne donnaient pas d’explications, mais se contentaient d’administrer les médicaments, de remettre les doses à la mère et de passer à une autre concession. Pourtant, d’autres expériences montrent que les travailleurs communautaires, rémunérés à la journée (et non à l’activité), ont intérêt à perdre du temps pour gagner plus d’argent [Faye, 2009]. Dans le cas du TPI saisonnier, ils ont été contractualisés pour trois jours.

36En dehors de ces décalages dans les pratiques des relais, nous avons noté que les programmes de santé comme le TPI sont le lieu d’expression de conflits entre les catégories de relais, entre les relais, les infirmiers et les médecins, du fait des enjeux de professionnalisation et des chevauchements de positions.

Conflits entre catégories de relais impliqués dans le TPI saisonnier

37L’émergence de nouveaux acteurs communautaires, déjà observée sur la scène politique africaine [Eboko, 1999], induit la coexistence de diverses catégories de personnels, des chevauchements de positions (straddling) et de légitimités [Fauré, Médard, 1997 ; Tchantchou, 2007]. Dans le domaine de la santé, les agents communautaires exercent la fonction de nursing pour laquelle les infirmiers ont déjà été formés, ce qui explique un mal être de ces derniers et des conflits entre les deux groupes. Au Sénégal, cette notion de straddling peut être évoquée pour les relais (DSDOM) qui occupent une fonction de prescription (TDR et distribution ACT) jadis dévolue aux infirmiers. Pour le TPI saisonnier, les conflits ont été observés entre relais, infirmiers et médecins. Singulièrement, les conflits entre les catégories de relais ont retenu notre attention. Ils ont porté sur la délégation des responsabilités, la sélection des relais pour l’administration.

38À Tivaouane, le choix de l’équipe cadre s’est porté au départ sur les relais polyvalents et des élèves en vacances, recrutés comme des relais temporaires, sans tenir compte du lieu de résidence. Cependant, au 2e mois, il a été décidé de ne retenir que les relais qui habitent la zone d’intervention du projet, pour faciliter le travail. Des temporaires ont été maintenus alors que des relais polyvalents ne résidant pas dans cette zone ont été mis à l’écart. Cela n’a pas été apprécié par leurs collègues :

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« F2 : nous avons été les 25 relais recrutés à la formation initiale et les autres sont les relais remplaçants en cas d’absence.
MP : d’ailleurs ce qui me met hors de moi, c’est que maintenant quand il y a un boulot pas trop dur avec une bonne paie on le confie aux autres et pas à nous ! Et on nous a même dit que nous ne sommes plus indispensables et que le boulot peut se faire sans nous !
S : et qui vous a dit ça ?
F 1 : c’est l’ICP elle-même qui nous l’a dit. Elle nous a bien spécifiés que le TPI pouvait se faire sans notre concours et que d’autres peuvent être pris à notre place. Donc on cherche à se débarrasser des relais existants déjà.
S : et qui sont ces autres ?
F1 : ils ne sont même pas relais, ils n’ont pas suivi la formation initiale !
F2 : moi j’en fais partie je suis ASC, en formation de matrone. Lors du lancement du TPI, l’ICP est venu me trouver pour me demander de participer car le nombre était incomplet puisque je suis dans la santé. Je pense que s’il y a quelqu’un qui n’est pas content il devrait plutôt en parler à l’ICP, mais ne pas profiter de son absence pour proférer des calomnies. Si on m’appelle pour appuyer je le fais, c’est tout ! Vous vous plaignez sans cesse, mais c’est à elle qu’il faudra vous adresser, mais pas à moi, je n’y suis pour rien moi ! »

40Les relais polyvalents considèrent qu’ils ont plus de légitimité que les temporaires. Leur non-implication dans une activité de promotion de la santé au profit de ces dernières ne peut être acceptée. Cette attitude détermine les relations socioprofessionnelles entre ces deux groupes, lors de l’exécution des programmes de santé. Elle influence aussi les rapports que ces acteurs ont avec les infirmiers : à Keur Socé, la présidente des relais polyvalents a contesté le fait que l’infirmière ait sélectionné au début des élèves comme relais, en laissant des polyvalents. Cette dernière a justifié son choix par le fait que la mise en œuvre du TPI nécessitait des relais sachant lire et écrire pour tenir les outils de gestion. Les polyvalents qu’elle a écartés n’étaient pas instruits. L’arbitrage de l’équipe du projet a joué en faveur de la présidente des relais. Celle-ci a été chargée de faire la sélection, ce qui a frustré l’ICP qui s’est désengagée. Durant la mise en œuvre, elle n’a pas supervisé le travail ; or son implication est nécessaire si on veut responsabiliser les relais dans la conduite des activités de santé [Haines et al., 2007].

41L’irruption des relais communautaires dans le champ de la promotion de la santé a créé des chevauchements de positions, une remise en cause des hiérarchies existantes.

42

« Même si leur place immédiatement après le médecin [dans la pyramide sanitaire] paraît acquise, les infirmiers semblent se sentir menacés et constamment à la recherche de stratégies pour consolider leur position et affirmer leur prééminence sur les [agents relais communautaires] ».
[Tchantchou, 2008, p. 304]

43Par ailleurs, les médecins, dont la légitimité n’est pourtant pas remise en cause, critiquent la reconfiguration des contours de la profession médicale, du fait que des non-professionnels réalisent des activités de prescription jadis dévolues aux infirmiers. Ces différentes situations obligent les acteurs à avoir des positionnements orientés vers la défense d’intérêts corporatistes, pas toujours favorables à des rapports de travail collaboratif. Par exemple, les attitudes des relais polyvalents s’inscrivent dans des stratégies de professionnalisation, qui déterminent la manière dont ils s’approprient le TPI saisonnier, ses finalités et orientent sa faisabilité.

Le TPI saisonnier administré par les relais est-il acceptable et faisable ? Attitudes et stratégies des acteurs

44Les attitudes des infirmiers face au TPI sont assez favorables, même s’ils ont été assez réservés à propos des molécules choisies pour l’administration :

45

« Pour le TPI, la proposition de molécule basée sur l’amodiaquine me fait douter […] Elle a été proposée concernant le traitement du paludisme antérieurement à la proposition de l’artésunate et l’amodiaquine. Nous avons l’habitude de l’administrer, mais quand même c’est l’amodiaquine qui pose problème. Parce que lors des réunions préparatoires, nous avions discuté de ses effets secondaires. Nous étions préoccupés quand même, et moi je n’étais pas la seule. ».
(C.A., Infirmière chef de poste, Chérif Lô)

46En effet, les infirmiers ont des savoirs tirés de leurs expériences concernant les médicaments comme l’amodiaquine. Cette molécule a des effets secondaires (comme les vomissements) qui créent de la répulsion dans les communautés. Ces points de vue n’ont pas été pris en compte dans les décisions politiques puisque l’amodiaquine a été utilisée pour le TPI. Cette situation a conduit à quelques doutes, mais cela n’a pas empêché les ICP de soutenir la mesure, puisqu’elle contribue à la prévention du paludisme.

47La responsabilisation des relais communautaires est acceptable dans la mesure où elle renforce l’adhésion des communautés. Le relais est généralement apprécié et écouté dans son village d’origine. Il est vu par les parents comme un modèle de dévouement et d’engagement : c’est un fils du terroir qui a accepté de mettre son temps au service de la population. Cette identité qu’on lui attache renforce son prestige social et influence l’attitude des familles face au TPI. Cependant, il faut aussi remarquer que le fait d’être originaire du village ne facilite pas toujours le travail : à Keur Socé, des relais ont refusé de visiter des concessions de leur village parce que leurs familles respectives étaient en conflits (politiques, sociaux). Cela veut dire que la personnalité du relais, et la manière dont la communauté apprécie ses qualités, déterminent la conduite des parents face aux services de soins qu’il administre [Ruebush, Weller, Klein, 1994]. D’où la nécessité et l’importance du respect des critères qui doivent présider à leur sélection.

48Même si les normes du TPI n’ont pas été respectées par les relais, ces derniers ont adhéré à cette mesure, malgré leur faible formation et les contraintes relatives à leurs environnements de travail. Ils ont fait de longues distances à pied puisqu’aucune logistique n’avait été prévue par le projet. Ils ont aussi pris des initiatives pour faciliter l’administration des médicaments : utilisation de bouchons pour écraser les comprimés, distribution de bonbons aux enfants, etc.

49Ces attitudes positives s’expliquent d’abord par le fait que le projet ait proposé une incitation financière importante aux yeux des relais (5 000 FCFA par jour de travail) :

50

« Le TPI a bien marché, car il y avait une bonne motivation et c’est largement supérieur par rapport à d’autres programmes dont je ne citerai pas les noms […] Vous voyez que dans le cadre du TPI les relais se sont bien engagés et à chaque fois qu’on les appelle pour le TPI, ils sont là. Ils n’ont pas généralement ce comportement avec les autres campagnes de masse, car ils ne sont pas suffisamment motivés […] Le relais, je le compare à une poule qui suit deux femmes, la première va chercher du bois pour la cuisine c’est sûr qu’elle ne sera pas suivie par une poule ; la seconde va piler du mil, celle-ci sera suivie par la poule qui espère ramasser les grains tombés par terre. Le relais est la poule et les partenaires sont la femme qui va piler du mil […] ».
(T., infirmier chef de poste)

51Originellement fondées sur le volontariat, les activités des relais ont été accompagnées de mesures d’incitation au travail, en espèce ou nature. Dans le cas du TPI, leur montant a été supérieur à ce qui se pratiquait généralement dans les campagnes de masse et activités de routine (2 500 FCFA par jour). Si cela motive mieux les relais et renforce leur acceptabilité du projet, on peut s’interroger sur la capacité du ministère de la santé à appliquer la même incitation, en cas de généralisation de la mesure.

52Une autre raison des attitudes positives des relais, est le fait qu’ils assignent au TPI une fonction de « communauté d’expériences », utile pour leur professionnalisation [Madelin, 2011]. Cette mesure est perçue comme une opportunité de constitution des savoirs fondés sur l’expérience, permettant de donner la preuve de leurs compétences. En renforçant leurs expériences, les relais (en particulier les polyvalents) pensent gagner en légitimité dans le champ sanitaire et s’y constituer en corps de métier [Dubar, 2002]. Ils n’ont pas encore acquis de sécurité dans le monde de la santé et sont plutôt dans une logique de conquête de place. Celle-ci explique leur dynamisme et leur engagement dans des programmes de santé qui renforcent leur utilité et leurs compétences. Cependant, lorsque les retombées professionnelles de la stratégie sont faiblement perçues, ils se désengagent : à Keur Socé, la présidente des relais polyvalents a démissionné après le premier mois pour aller collaborer avec un autre projet qui, à son avis était plus rémunérateur. On peut donc retenir que les relais se sont construits une identité à eux, sur la base de la professionnalisation, qui ne correspond pas du tout à l’identité perçue par les communautés. Cette situation les amène à s’accommoder de leur statut de volontaire, tout en l’instrumentalisant à des fins de captation de ressources financières. Ces acteurs ambitionnent aujourd’hui de faire de leur fonction, un métier pour accéder à des revenus. Cette stratégie de recherche du travail dans le volontariat observée aussi au Nigeria et en Inde [Haines et al., 2007] a imposé et renforcé la pratique de l’incitation financière. Pour le financeur du TPI qui propose des mécanismes d’incitation (5 000 FCFA), ce qui compte, c’est le résultat atteint par le prestataire relais. Ainsi, ce dernier n’est plus motivé pour contribuer volontairement à l’amélioration de la santé des populations, mais s’il s’engage, c’est parce qu’il est bien rémunéré. Ce dispositif nécessite aussi une bonne supervision formative qui est malheureusement le parent pauvre du système de santé au Sénégal. Par exemple, pour rémunérer la qualité du travail journalier du relais, l’ICP devra l’avoir supervisé et contrôlé. Or, on sait que du fait des difficultés logistiques, financières et de ressources humaines, la supervision ne se réalise pas toujours aux différents niveaux de la pyramide sanitaire. Cette situation crée un vide qui donne plus de poids à l’expérience constituée. Cette dernière attribue de la compétence, confère une légitimité aux écarts et autorise la réinterprétation des normes officielles [Fall, Vidal, 2005]. Aussi, l’absence de supervision est confortée par la mise en place des coopératives ou fédérations de relais [6] qui visent à s’autonomiser et s’affranchir de la tutelle de l’infirmier :

53

« B : nous voulons que les bailleurs viennent eux mêmes. On ne veut plus d’intermédiaire.
MW : nous avons un bureau des relais donc il faut tabler avec le bureau. Moi-même je suis secrétaire générale et F1 est trésorière.
B : il faut parler à notre bureau et si l’offre est intéressante on verra si on va accepter.
F1 : nous vous assurons de notre disponibilités et nous serons toujours là pour travailler quand vous aurez besoin de nous et il ne faut jamais nous sous-estimer ».
(Focus-Group, Relais communautaires, Cherif Lo ­ Tivaouane)

54Ces acteurs veulent agir en structure parallèle, en contractualisant directement avec les partenaires au développement. Cette démarche met l’infirmier « à la périphérie » et ne favorise pas son implication dans le suivi des activités de promotion de la santé qu’ils réalisent. Aussi, les relais, particulièrement les polyvalents, se considèrent-ils comme les ayants droit exclusifs de l’exécution des programmes de santé communautaire. Cette prééminence les conduit à une revendication d’utilité, de légitimité et à contester toute attitude visant à les exclure au profit d’autres catégories de relais à la légitimité « usurpée ». Cette vision ne facilite pas le respect de la hiérarchie au sein de la pyramide sanitaire, ni la collaboration entre les différentes catégories d’acteurs de la santé.

Conclusion

55Depuis que le TPI a été administré chez la femme enceinte, plusieurs programmes le testent chez les nourrissons (TPI couplé au PEV) et les enfants de moins de cinq ans (TPI saisonnier). La spécificité du TPI saisonnier réside dans sa mise en œuvre par les relais communautaires. Ces acteurs ne sont pas nouveaux dans le système de santé. Cependant, peu de travaux analysent la faisabilité de leur responsabilisation et les enjeux posés par la généralisation de cette approche. Nous avons abordé cette question en analysant la manière dont l’implication des relais est appréciée par les communautés et ses effets sur l’appropriation de TPI, leurs attitudes et pratiques.

56La sollicitation croissante des relais communautaires dans l’exécution des activités de santé est a priori justifiée dans les systèmes de santé qui connaissent une crise des ressources humaines. Cependant, elle induit la coexistence de diverses catégories soignantes et une redistribution des positions et tâches. Les non-professionnels que sont les relais en sont arrivés à quitter leur fonction de mobilisateurs communautaires et à réaliser des actes de prescription jusqu’alors réservés aux infirmiers (réalisation de TDR, prescription et distribution de médicaments). Dans le cas du TPI saisonnier, cette situation a été à l’origine de conflits avec ces derniers et a aussi induit des attitudes négatives des médecins à leur égard. Un autre type de conflit, interne au groupe des acteurs communautaires, a été entretenu par le refus des relais polyvalents de reconnaître la légitimité des autres catégories temporaires. Ces situations conflictuelles sont peu favorables à des relations professionnelles de collaboration utiles pour une bonne mise en œuvre du TPI.

57Aussi, l’ambition de professionnalisation des relais communautaires détermine leurs attitudes face aux programmes de santé pour lesquels ils sont responsabilisés. Tout en portant l’identité de volontaire que leur attribuent les communautés, ils veulent aussi se constituer en métier. Leurs comportements de recherche de travail dans le volontariat les amènent à adopter des attitudes positives vis-à-vis du TPI, auquel ils trouvent une utilité stratégique : l’acquisition de savoir-faire, le renforcement des expériences, le développement de compétences pour gagner en légitimité et conquérir une place de « métier de la santé ». Cette revendication de leur existence comme métier impose la modification de leur statut de volontaire et la rémunération de leur travail. Il s’accompagne aussi de la mise en place de fédérations de relais, d’organisations communautaires de base (OCB) qui se sont progressivement impliquées dans la mise en œuvre des politiques de santé, dans un contexte d’incurie de l’État [Gausset, 2005]. La contractualisation directe de ces structures avec les partenaires au développement illustre la place importante qu’elles prennent dans la promotion de la santé. Toutefois, elle trahit un processus d’autonomisation vis-à-vis de la tutelle des infirmiers qui va à l’encontre de l’organigramme du système de santé dans lequel ces derniers sont habituellement considérés comme les premiers interlocuteurs au niveau périphérique. On peut valablement se poser la question de savoir comment responsabiliser et contractualiser avec des acteurs communautaires « autonomes », dans un système de santé qui requiert la supervision de leurs activités par l’infirmier ? Les enjeux posés par la professionnalisation des relais sont donc importants pour la faisabilité des activités sanitaires comme le TPI saisonnier, qui les utilisent comme des prestataires.

58Par ailleurs, il est utile de considérer les effets de leur responsabilisation sur la pyramide des structures du système sanitaire : en contribuant à la diversification des acteurs de la santé, la présence de ces catégories non-professionnelles au sein des structures de santé et leur implication dans la dispensation de soins créent un environnement favorable aux chevauchements de positions [Eboko, 1999]. Aussi, elles sont susceptibles de remettre en cause les fondements classiques de la profession médicale [Hane, 2007]. Si les DSDOM doivent réaliser les TDR et prescrire les ACT, si les relais sont chargés de la prévention du paludisme, que reste-t-il des tâches dévolues à l’infirmier ? Enfin, le système de santé sénégalais ne reconnaît pas encore les relais comme un corps de métier, alors qu’il fonde de plus en plus ses programmes communautaires sur leur responsabilisation. Peut-on refuser à ces acteurs une légitimité dans le champ de la santé, et donc leur statut de métier ? Les ambitions des relais communautaires et leurs revendications d’utilité présagent des dynamiques importantes dans le champ professionnel de la lutte contre le paludisme au Sénégal.

Notes

  • [*]
    Socio-anthropologue, enseignant-chercheur, département de sociologie, FLSH, UCAD, Dakar.
  • [1]
    Cette étude avait montré que les antipaludiques efficaces candidats à la substitution de la chloroquine étaient par ordre croissant la sulfadoxine pyrimethamine (SP), l’amodiaquine, l’artémisinine et les CTA.
  • [2]
    Encore appelée pulvérisation intra domiciliaire d’insecticide à effet rémanent (PID), elle a été la principale méthode de lutte de la campagne pour l’éradication du paludisme des années 1950. Pour des raisons techniques et opérationnelles, l’AID a été abandonnée à la fin des années 1960 et n’a été maintenue qu’en Afrique australe et dans les hautes terres d’Afrique de l’Est et de Madagascar.
  • [3]
    Introduit pour la première fois en Tanzanie en 2000, le TPI couplé au PEV a consisté à administrer au nourrisson (0 à 11 mois) un demi comprimé de SP (dose unique sous traitement direct observé) lors des vaccins pentavalent 2, 3 et rougeole-fièvre jaune.
  • [4]
    Ces études ont été financées par la London School for Hygiene and Tropical Medicine (LSTMH) et le département de parasitologie (FMPOS UCAD) que nous remercions ici.
  • [5]
    Cette expérience a été menée à Kaolack, en 2003-2004 par le Ministère de la Santé et l’USAID pour améliorer la planification familiale et la lutte contre la mortalité maternelle et infantile.
  • [6]
    Les fédérations de relais visent à monnayer leur implication dans différentes actions de développement. Les ressources générées en contrepartie sont gérées et réinvesties comme dans le cas des groupements d’intérêt économique. Chaque relais membre peut faire des prêts pour mener des activités génératrices de revenus.
Français

Résumé

Depuis 2006, le Sénégal a changé sa politique de traitement du paludisme. Il expérimente aussi le traitement préventif intermittent (TPI) saisonnier chez l’enfant, pour proposer sa généralisation. Cet article analyse la faisabilité de cette stratégie, dont l’une des singularités est la responsabilisation des relais communautaires pour son administration.
Les résultats issus des recherches qualitatives (entretiens approfondis, observations directes, focus-group) auprès des prestataires (relais) et bénéficiaires (populations) révèlent des décalages dans les mises en œuvre du TPI saisonnier par les relais communautaires. Cette situation est expliquée par une faible disponibilité de l’information et de la connaissance des recommandations techniques. Elle s’est révélée acceptable par ces acteurs, car elle est perçue comme un outil important dans leur stratégie de professionnalisation. Elle contribue à renforcer leurs savoirs tirés de l’expérience qui leur permettent de gagner en compétences et en légitimité dans le champ de la santé. Cependant, sa faisabilité à une grande échelle reste encore déterminée par les caractéristiques particulières du monde des relais communautaires (diversité, emploi salarié, conflits, dynamiques de coopératives et autonomisation). Les ambitions de professionnalisation de ces acteurs et leurs revendications d’utilité présagent de dynamiques importantes dans le champ de la lutte contre le paludisme au Sénégal.

Mots-clés

  • paludisme
  • TPI saisonnier
  • enfant
  • relais communautaire
  • faisabilité
  • acceptabilité
  • Sénégal

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Sylvain Landry Faye [*]
  • [*]
    Socio-anthropologue, enseignant-chercheur, département de sociologie, FLSH, UCAD, Dakar.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/05/2012
https://doi.org/10.3917/autr.060.0129
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