CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« Vous dites que vous le tuerez pour prendre ses femmes ?
A-t-il tué quelqu’un pour avoir ses femmes ?
Pourquoi voulez-vous alors le tuer pour vous emparer de ses femmes ? »
Nani Palé : chanteur – compositeur – balafoniste et poète lobi, 1925-1985. [J.-M. Kambou-Ferrand et N. Kambou, 1993 : 479].

1En 2004, au sud-ouest du Burkina Faso, plusieurs milliers d’orpailleurs migrants ouest-africains [1] ont investi en quelques semaines un territoire situé au cœur du pays lobi, à quelques kilomètres de la petite ville de Kampti (8 000 habitants). Les populations locales assistèrent et continuent d’assister à l’arrivée de jeunes chercheurs d’or ainsi que de nombreux commerçants, tous venus dans l’espoir de faire fortune en tirant profit de l’exploitation aurifère renaissante. La « ruée vers l’or » s’accompagne de l’installation en brousse de campements, à proximité des lieux d’extraction. L’affirmation d’un style de vie relatif à l’existence quotidienne dans ces mines artisanales, se traduit par l’émergence d’une dynamique identitaire masculine spécifique. Les pratiques de consommation et d’ostentation viennent parfaire une série de « conduites à risque » inhérentes à l’exercice d’un « travail d’hommes ». La mobilité et le mode de vie très singulier des chercheurs d’or s’accompagnent d’une recomposition des rapports de genre et des normes en matière de sexualité. Les riverains des camps miniers établissent un constat récurrent : « les gens des sites d’or sont venus et Kampti a trop changé ». En l’occurrence : « ces lieux de “ruée vers l’or ” sont caractérisés par un afflux important d’étrangers dont les règles et principes s’avèrent souvent incompatibles avec ceux des populations locales, engendrant une situation de pluralisme normatif » [T. Grätz, 2004 : 140]. Les représentations autochtones liées à la virilité – dont nous tenterons de rendre compte dans cet article – sont ainsi, et en partie, remodelées en fonction d’idéaux caractéristiques de l’emprise de valeurs, notamment marchandes et mercantiles, ayant cours sur ces sites aurifères et qui se diffusent, avec une certaine intensité, dans les villes et villages environnants.

La virilité du vengeur de sang

2Dans un premier temps, afin d’apprécier l’ampleur des bouleversements en cours, il importe de rappeler, à grands traits, les représentations lobi de la virilité à l’époque des vengeurs de sang. Ces derniers étaient, jusqu’à la période coloniale, considérés comme les seuls hommes véritables de ces terres. Lors d’un travail antérieur [M. Cros, 1990], nous avons évoqué, dans le cadre d’une communauté aux mœurs et aux valeurs guerrières solidement ancrées, le prestige dont jouissent les Kheldara ou vengeurs de sang émérites unis dans une sorte de confrérie suite à une cérémonie de purification. Le vengeur de sang constituait l’homme viril par excellence et avait droit à de nombreux hommages, tant de son vivant qu’au moment de ses funérailles où les membres de sa confrérie récapitulaient et mimaient ses exploits avec fierté. En 1986, Lanta Bignité, l’un des derniers meurtriers honorifiques de la région nous confiait qu’aujourd’hui, « au temps de la pacification, les vrais hommes n’existent plus ».

3Cette constatation a valeur de truisme dans l’ethos des valeurs du « Lobi » tel qu’il est ou était dépeint par les observateurs de la région, à commencer par ceux qui l’administrèrent en période coloniale. « Dès que les jeunes gens se sentent devenir fort, ils mettent un point d’honneur à prouver par un meurtre leur virilité » souligne L. Charles [1911 : 207]. H. Labouret, dans sa célèbre monographie consacrée aux « Tribus du Rameau Lobi », qu’il avait (en tant qu’administrateur colonial) en charge de « pacifier », ne cesse de rendre compte, lui aussi, des liens privilégiés qui unissent le genre masculin aux armes de jet. Ces liens débutent très tôt. Au troisième jour de sa vie, lors de sa première sortie, le nourrisson mâle est présenté dans un berceau avec, à ses côtés « un petit arc et un carquois minuscule » [Labouret, 1931 : 302]. Encore aujourd’hui, il arrive que ce type de présentation soit effectué dans quelques villages de brousse lorsque les femmes accouchent à la maison. D’ailleurs, dès l’âge de quatre ou cinq ans, les garçonnets de la région s’initient toujours aux « jeux » de mort en tirant sur de petits animaux pour s’en nourrir.

4Dans les années quatre-vingts, divers ethnologues de la région le soulignent à nouveau : « Le prestige de l’homme est associé à son intrépidité guerrière » [M. Fiéloux, 1980 : 71]. « Le courage à la guerre » constitue « la qualité virile par excellence » [C. de Rouville, 1983 : 3]. Autrefois un homme non-initié à la confrérie des Kheldara « n’était pas considéré. Il était comme une femme » [idem]. Le meurtrier qui a participé à une vengeance armée jugée légitime aux yeux de ses compatriotes est aussi appelé Kunkha ou littéralement « homme amer ». L’amertume symbolique dont il est crédité constitue l’essence d’une sorte de bravoure mâle dont aucune femme ne saurait témoigner y compris si elle a versé le sang dans des conditions légitimes [2]. P. Bonnafé et M. Fiéloux [1984 : 78] précisent : « Dans la vie courante, les vrais tueurs sont de vrais hommes, tous les autres étant encore un peu des femmes. Au cours des funérailles, ils peuvent appeler ces derniers par des prénoms de fillette ».

Poursuivants et ravisseurs de femmes

5Dans le chapitre d’un ouvrage précédent consacré à l’évolution du statut du sang, deux constats livrés à cinquante ans d’intervalle sont mis en exergue [M. Cros, 1990 : 233]. Ils seront ici repris et actualisés à la lumière des bouleversements enregistrés à la suite de cette « ruée vers l’or ». H. Labouret [1931 : 393] écrit : « C’est une habitude des jeunes filles Lobi (…) de déclarer qu’elles n’accorderont leurs faveurs qu’à des tueurs d’hommes. Une épouse hésitante et sur le point de commettre un adultère est définitivement conquise par la valeur de son poursuivant qui a percé de traits empoisonnés un être humain[3] ». M. Fiéloux [1980 : 182] constate : « Les femmes en écrasant le mil ou en pilant l’igname dans le mortier inventent des chants qui vantent les mérites du ravisseur idéal : il n’est plus l’intrépide “vengeur de sang ” ou le premier au combat mais le grand cultivateur offrant à la femme “du gâteau de mil comme oreiller ”. »

6Avec la « pacification » coloniale et le développement de l’agriculture sont donc mis en avant non plus « des meurtriers, mais de grands cultivateurs, aux funérailles comme dans la vie quotidienne. (…) On assiste à la disparition de “l’homme amer ”, affrontant la mort en guerrier, dominant les simples hommes, peu agressifs ou peureux. (…) Le grand cultivateur demeure un exemple de virilité, mais il n’atteindra pas le même type de gloire » [P. Bonnafé et M. Fiéloux, 1984 : 79]. Dans cette région frontalière de la Côte-d’Ivoire, nombre de cultivateurs sont également conduits à partir en migration. Dans la mesure où « le Lobi ne peut plus déployer sa bravoure dans la guerre et presque plus dans la chasse, il la montre dans l’émigration de laquelle il revient un homme nouveau, courageux et honoré » [M. Père, 1982 : 1103]. En conséquence « ce sont les migrants – rarement enrichis – qui triomphent comme ravisseurs de femmes » [P. Bonnafé, M. Fiéloux, 1984 : 79].

7Vingt ans plus tard, à l’occasion d’une investigation portant sur l’imaginaire du sida dans la région de Kampti [Cros, 2005], les migrants font figure d’accusés principaux en matière de contamination. Si de fait, il est rare qu’ils se soient véritablement enrichis, ils sont en général un peu moins pauvres que ceux qui sont restés au village. Ils « présentent bien », portent de beaux habits et à l’occasion de leur retour, font preuve d’une générosité qui ne laisse pas indifférente la gent féminine. De nombreux scénarios de contamination rendent compte de cet enchaînement funeste liant le migrant sidéen à la jeune « fille de brousse » qui ne peut lui résister. Un autre type de séducteur est également omniprésent sur la scène des rencontres amoureuses à caractère intéressé, il s’agit du fonctionnaire en poste dans la région, d’origine lobi ou non (douanier, policier, agent de santé ou enseignant, etc.). Tous sont le plus souvent bien habillés et disposent de revenus qui permettent de jouir d’un véritable capital de séduction autorisant des passages à l’acte sur un « terrain » traditionnellement assez ouvert au niveau des échanges sexués avec, en outre, des femmes aptes à prendre bien des initiatives [4].

La « ruée vers l’or »

8En pays lobi, la recherche de l’or constitue un labeur déconcertant qui suscite l’implication croissante, mais réservée à bien des égards, des jeunes gens des villages environnants. Les tâches ordinaires actuelles des populations locales sont à vocation essentiellement agropastorale. L’exploitation de l’or a connu bien des vicissitudes par le passé. Cette activité, préexistante à la récente venue des chercheurs d’or, a longtemps été ici perçue comme un travail délégué aux femmes qui exploitent l’or alluvionnaire « à la bâtée » [K. Schneider : 1993]. Pour les nouvelles générations, parfois scolarisées et lettrées mais pourtant contraintes de retourner travailler aux champs car victimes du chômage, la forme moderne d’extraction artisanale de l’or se présente comme un phénomène économique majeur à l’échelon régional. Du point de vue des cultivateurs âgés, trop de jeunes sont allés à l’école mais n’ont trouvé aucun débouché satisfaisant. Ils refusent de travailler la terre, « tournent » dans la ville, et l’on se demande : « comment peuvent-ils vivre autrement que de mendicité et d’escroquerie ». Depuis la crise ivoirienne, migrer dans ce pays frontalier autrefois très prometteur ne constitue désormais plus une alternative de choix. Pour les jeunes cultivateurs qui habitent non loin d’un placer [5], la tentation est grande. Elle est ici mise en image dans cette narration graphique [6] effectuée par un très jeune père de famille, contraint de quitter le collège faute de moyens. Il est parti « gagner sa chance » en Côte-d’Ivoire. À son retour, il observe, médusé, la diffusion d’un mode de vie dont « au village », on ignorait encore tout, il y a peu. Des jeunes orpailleurs « se montrent » et « font le malin » en compagnie galante.

Illustration 1

« Passer le week-end à Kampti »

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« Passer le week-end à Kampti »

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« On voit les cases en paille du site d’or, le goudron[7], les maisons en dur de Kampti avec les toits recouverts de tôles et les piquets des vérandas, les boutiques au bord du goudron, à côté du marché. La fille est Lobi, c’est pas une Nigériane ou une Ghanéenne. Celles-là, elles se promènent pas, elles sont là pour le travail, nuit et jour[8]. »

Un modèle alternatif de virilité

10Plus de cinquante ans auparavant, au Niger, G. Balandier [1957 : 101] établissait un parallèle métaphorique entre la pratique des « mineurs » et celle des « guerriers ». Force est de constater que ce rapprochement singulier semble toujours d’actualité, notamment en terme de pouvoir de séduction, tant d’un point de vue extérieur que dans la bouche de nos interlocuteurs chercheurs d’or.

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« La vie, c’est quoi ? ! Un début, une fin, on va tous être appelé un jour. Si on reste là à rien faire, on va rester dans la misère, on grouille pour gagner une belle vie. On compte sur Dieu et sur la chance. Pourquoi mettre la capote quand tu risques d’exploser avec ton far away (expression ghanéenne désignant le bâton de dynamite) demain ? Voilà pourquoi l’orpaillage est un travail de guerrier, certains tombent, d’autres restent debout. Tu vois tes amis mourir mais tu continues d’avancer parce que tu n’as pas d’autre choix. C’est ça notre vie. »
Orpailleur du site aurifère de Bantara, février 2008.

12Divers aspects du travail contribuent à la construction de l’identité masculine des orpailleurs. Pratiquant une extraction filonienne, les orpailleurs descendent au fond de puits alignés qui conduisent à des galeries souterraines. Les manœuvres conjuguent leurs capacités physiques (force et endurance) avec des « techniques du corps » appropriées. Ils doivent faire preuve de courage, de ténacité et d’ardeur au travail. Les « tampeurs » sont par exemple les spécialistes du dynamitage, les « caleurs » ceux chargés du soutènement visant notamment, à sécuriser les puits afin d’éviter les accidents meurtriers. Dans ce contexte, la notion de « défi » [T. Grätz : 2003] et de « conduite à risque » permet de rendre compte de la construction identitaire masculine de ces jeunes migrants. L’exil migratoire que suscite la recherche de l’or passe par l’accomplissement d’expériences éprouvantes. Sur les sites aurifères, l’alcool, le nescafé, les « médicaments de la rue », les cigarettes ou la marijuana sont largement répandus. Considérés comme stimulants ou palliatifs, ils permettent de faire face aux dangers et d’oublier la fatigue. L’usage de ces produits répond à une obligation forte de partage, en créant du lien social et notamment du plaisir, là où la pénibilité des conditions de travail l’exige. Cette éthique de partage inclut une forme spécifique de « redistribution » des gains. Elle participe en outre à la création et à la pérennisation d’une économie morale basée sur un système élaboré de crédits et d’obligations [Grätz : 2004b]. Un accord tacite appelé « sélection » s’établit entre coéquipiers. La coopération au sein de l’équipe, pour les partenaires de trous attenants [9], est indispensable [Grätz : 2003c].
Nombreuses sont les expressions démonstratives qui font état des aptitudes et conduites sociales des uns et des autres [10]. À titre d’exemple, un « garçon pile » est un homme juste, « droit et bon ». Il représente les valeurs de camaraderie, d’entraide, de partage et de générosité. Un « garçon pile » est aussi un homme conciliateur et « sans façons », un fin négociateur, un « patron des patrons ». Dans le contexte de la frontière diamantifère congolaise, de Boeck part de l’idée que l’on rencontre dans ces lieux « des personnages subjectivés par divers répertoires d’actions, et qui constituent autant d’inclusions en apparence hétérogènes. Il s’agit du cow-boy, du chasseur, du guerrier, du soldat, du marchand, du gouvernant, du saint et de leurs avatars inscrits dans l’histoire tourmentée de cette région d’Afrique » (2004 : 94). D’autres recherches, (Grätz, 2003 : 160-161 ; Tshonda 2000 : 81) récemment mises en comparaison par K. Werthmann, montrent que les jeunes mineurs d’Afrique de l’Ouest imitent la mode et la culture populaire américaine. Ils portent des jeans, des T-shirts, des casquettes de baseball, des chaussures de basket, et ils se donnent des surnoms qui réfèrent, parmi d’autres, à des acteurs connus, des athlètes et des politiciens. L’auteur ajoute que : « Pour les populations des zones rurales isolées, aller à la mine offre aussi l’accès au style de vie urbain sans avoir à aller dans les villes » (2008 : 68). De nouvelles expressions de la masculinité se donnent alors à voir dans le cadre d’échanges de plus en plus monétarisés.

Enjeux fonciers

13Au sein de l’économie morale de l’orpaillage, l’argent est le vecteur contractuel autour duquel s’exercent les rapports d’échange, de négociation et de domination. Les « billets » deviennent le garant principal des relations sociales entretenues. À l’échelle locale, les orpailleurs contribuent très nettement à accroître et alimenter certains phénomènes de « petite corruption [11] ». Les sommes d’argent offertes aux autorités locales permettent l’expression de rapports de force par la nécessité d’obtenir leur feu vert pour occuper et exploiter une parcelle.

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« L’orpailleur entre dans ton service avec cette façon bizarre de s’asseoir et de te regarder. Il te dit avec ses mots : “patron, on va s’arranger ”, en même temps il ouvre sa veste et sort de sa poche 100 000 francs qu’il pose sur ton bureau. Si tu t’opposes, il ne comprend même pas et il ajoute encore des billets sur la table, il se lève, il te salue et il repart. Ce sont des gens qui n’aiment pas discuter, quand ils te donnent l’argent, toi aussi tu te tais. »
Un fonctionnaire à Kampti, janvier 2008.

15Simultanément, les dons monétaires ou « cadeaux » manifestent l’aboutissement triomphant d’une trajectoire extrascolaire réussie qui permet de s’offrir les services personnels d’agents de l’administration étatique. Ces dons manifestent également la reconnaissance et bien souvent l’obligation faite d’une éventuelle protection, en cas de litige foncier notamment. En effet, si au départ, bon nombre de Lobi refusaient catégoriquement l’exploitation de leurs terres, certains exigent aujourd’hui le financement de sacrifices et un paiement défini pour chaque puits aurifère. Ces versements sont à l’origine de multiples différends entre propriétaires terriens et orpailleurs [12], ils nécessitent régulièrement l’intercession des autorités étatiques. Consécutivement, l’orpaillage suscite de surcroît une véritable division interne entre ceux qui y sont favorables et ceux qui y demeurent farouchement opposés. Ces clivages distinguent par exemple les membres d’un même village ou d’une famille quant à l’appartenance de lopins de terres et la question relative de leur distribution à fin d’exploitation minière. Les orpailleurs font remarquer à ce propos que les comportements des paysans lobi ont fortement changé en quelques années.

« Avant, le Lobi ne voulait rien comprendre, tu vois cette ligne (tranchée d’exploitation), c’est la ligne “galla ” (impératif signifiant “pars ! ” en lobiri). Quand nous sommes venus premièrement, les Lobi ne faisaient que nous chasser, ils disaient “galla, galla ” ! C’est pourquoi on a donné ce nom à cette ligne. Maintenant, les Lobi sont éveillés. Ils ont compris notre travail et pourquoi on est venu ici. Ils travaillent avec nous. Mais ils nous font payer la terre trop cher et ça je n’ai vu que les Lobi pour faire ça ! »
Orpailleur du site aurifère de Fofora, janvier 2008.

Relations conflictuelles et pluralisme normatif

16De même que les enjeux fonciers, la question de la légitimité des rapports entre femmes lobi et chercheurs d’or soulève nombre de conflits. Durant leur temps libre, les mineurs quittent « la colline » et leur « vie de broussard » (cf. l’illustration 1). Ils descendent en ville pour « faire le show » : boire de la bière [13], manger de la viande grillée et inviter les filles de Kampti à partager leurs banquets improvisés [Grätz, 2003b : 160-161]. En pareille situation, les hommes du village éprouvent de la honte, se sentent dévalorisés : « On n’a pas l’argent, qu’est-ce qu’on va faire… ». Ces soirées se terminent parfois en rixes opposant jeunes hommes du village et orpailleurs migrants. Entre manque de respect et provocation, sentiments de vulnérabilité des uns, revendications identitaires et prodigalité des autres, les incompréhensions et querelles trouvent difficilement une issue consensuelle.

17Lieux privilégiés de rendez-vous, les buvettes appelées « maquis » constituent un espace au sein duquel l’imaginaire de la modernité peut se matérialiser par l’intermédiaire des vêtements ou la « sape », des téléphones portables et de la forte consommation de boissons alcoolisées. La planche de bande dessinée suivante – réalisée dans le cadre de nos investigations par un jeune collégien âgé d’une quinzaine d’années environ qui habite dans un petit village non loin de Kampti (et tous près d’un site d’or) – illustre une histoire qui se terminera, hélas, par une contamination du VIH. Nous en resterons ici au tout début : « Le portable sonne. L’orpailleur invite la jeune fille à venir consommer jusqu’à l’aube. Du vin, du “w’iski ” et de nouveau la grosse moto où l’orpailleur et sa belle prennent place. »

Illustration 2

« Consommer jusqu’à l’aube »

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« Consommer jusqu’à l’aube »

18Face à un « éthos de la dépense, du déstockage, du boire, de l’excès (par rapport à la norme fétide de l’épargne) » [Vallée 2004 : 132], les jeunes cultivateurs lobi semblent désemparés. Leurs aînés évoquent parfois ce désarroi en rappelant qu’auparavant, les hommes pouvaient pleinement exprimer leur virilité et leur fierté par le biais, par exemple, du travail accompli au champ.

« Avec l’administration, le Lobi se retient, il ne peut plus taper sa poitrine alors il mort son doigt. Le Lobi a cette façon de te dire : « Je ne mange pas chez toi. », ça veut dire qu’il garde son indépendance financière, il ne vole pas et il ne mendie pas. Il gagne son argent à la sueur de ses bras avec fierté et avec courage. Si tu le vois assis dans un cabaret, il va te montrer ses champs du doigt et se vanter de sa capacité à cultiver plus que les autres ».
Cultivateur retraité de Kampti, février 2008.
Bien des jeunes hommes lobi choisissent de refuser catégoriquement ce labeur à dominante masculine, associé à certains comportements virils, en privilégiant des emplois stables moins sujets à de vives polémiques. D’autres, las de ne trouver aucun débouché viable, tentent leur chance au « site » et conservent parallèlement leur activité de cultivateur, assurant la pérennisation de leurs liens avec leurs familles. Quelques uns choisissent d’échapper à l’ostracisme social et s’installent durablement sur un camp minier. Ils s’intègrent aux équipes d’orpailleurs et adoptent progressivement un certain nombre de valeurs au rang desquelles des références innovantes ayant trait à un certain type de virilité marchande où l’amour s’accompagne de transactions de plus en plus précises.

Voler l’amour ou l’acheter…

19Le récit fleuri des multiples idylles du migrant lobi Biwanté qui aimait tant, dans les années quatre-vingts « voler l’amour » illustre le commun, la facilité et les intérêts d’une telle entreprise pour celui qui savait, alors, la mener à bien [M. Fiéloux, 1993 : 106]. Au temps présent, les anciens séducteurs : agriculteurs, migrants et même fonctionnaires rivalisent tant bien que mal avec les orpailleurs qui sont censés faire preuve d’une grande virilité, à la hauteur de cet « argent de l’or » qu’ils aiment tant montrer et dépenser sans compter pour honorer leurs conquêtes. Quelques extraits de récentes petites pièces de théâtre, rédigées et montées dans la région par de jeunes lobi dans le cadre des campagnes de sensibilisation contre le VIH, illustrent cette forte attractivité.

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« – Avina : J’ai croisé un orpailleur ce matin. Il a vraiment du fric, il m’a même donné 10 000 F que voilà. Tu sais au site, il y a tout. Il s’appelle Rafou et il a un ami qui s’appelle Ladi qui aimerait te voir. Ils nous proposent même de venir habiter avec eux au site et ils ont promis de passer nous voir à 20 heures chez moi, donc nous allons les attendre.
À 20 heures chez Avina : –
Avina : Ladi, c’est Yéri ma copine dont je t’avais parlé.
– Ladi : Je voulais te prendre comme copine Yéri, nous vous donnerons tout ce que vous voudrez.
– Rafou : Tu vois Yéri, toutes les filles d’ici dorment au site car là-bas elles sont à l’aise.
Nous avons chacun de nous deux motos et nous donnerons à chacune une moto pour vos petites courses.
– Yéri : Je suis d’accord.
Et c’est ainsi que les deux amies quittent le village pour aller dormir au site d’or ».

21Dans une autre pièce, deux jeunes filles lobi échangent ces propos limpides :

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« – La première : Regarde comment je suis propre, je suis bien habillée et toi regarde comment tu es sale. C’est mieux pour toi d’aller prendre un gars de Sanmatenga (nom générique des sites d’or au Burkina Faso), là-bas il y a de l’argent, tu pourras bien vivre et bien t’habiller.
– La seconde : Ha ha, quelle belle idée ! »

23Lors d’un entretien, un orpailleur du site aurifère de Fofora rend compte de la situation en termes non moins explicites :

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« Nous les garçons orpailleurs, on gâte les filles avec notre argent. Certaines filles trouvent que leurs parents n’ont pas l’argent, le jour où l’une d’elles arrive au site, tu la vois, elle est belle, tu lui donnes à peu près 50 francs, après-demain 1000 francs, et puis 2 000 francs et ainsi de suite. Tu la flattes, elle vient et après tu lui dis qu’elle peut s’en aller, tu fais la bagarre et elle finit par te laisser. Et puis y’en a une autre et tour à tour c’est ça qui fait que les filles qui sont là ne peuvent plus partir, elles n’osent plus partir parce qu’elles gagnent cadeau ».

Désir et ostentation

25Dans nombre de scénarios – observés sur le terrain et (indépendamment de ces observations) mis en narrations graphiques – où se retrouvent les orpailleurs et des jeunes filles du pays lobi, les téléphones portables sont omniprésents. Ils assurent en tout lieu la connexion entre orpailleurs d’un camp minier à un autre. Le réseau est disponible dans la plupart des contrées du Burkina Faso, même les plus reculées. La maîtrise de cet outil de communication demeure fragile, mais elle suscite un véritable engouement [J.A. Dibakana : 2002]. Les portables « dernier cri » dans lesquels les musiques et vidéos peuvent être enregistrées et passées en boucle sont largement prisés. Ces objets de luxe sont exhibés avec ostentation dans les « maquis », ils « crachent » de la musique d’ambiance aux accents ivoiriens. Les jeunes gens y découvrent également des photos de femmes nues ou des vidéos pornographiques qui circulent de mobile en mobile [14] et qui sont l’occasion de débattre de critères féminins de beauté. Les morceaux dans lesquels l’argent apparaît comme la première qualité d’un homme [15] surgissent d’appareils qui symbolisent l’accession simultanée à la richesse et à la modernité dans des lieux où l’électricité – les villages de brousse du pays lobi en sont encore dépourvus – demeure fournie par des commerçants au moyen de groupes électrogènes. L’obtention du dernier « clip » à la mode montre le degré d’implication des jeunes quant à la maîtrise des nouvelles technologies.

26Tandis que les pratiques de consommation ostentatoires sont l’apanage du « chercheur », la gestion pragmatique d’un salaire mensuel correspond plutôt au modèle de dépense du « fonctionnaire ». Une telle distinction permet de modeler une forme d’opposition de style de vie et de gestion budgétaire très démarquée. Ce qu’un salaire fixe ne permet pas d’acquérir, l’ « argent de l’or » en est capable instantanément et de façon imprévisible. Les relations hommes/femmes offrent une illustration forte de la monétarisation des rapports sociaux à l’œuvre dans ce contexte. Dans la narration graphique suivante, effectuée par un collégien d’un petit village des environs de Kampti, le caractère intéressé de la rencontre entre un orpailleur et une « fille lobi » est fort bien rendu, tant au niveau du dessin que du commentaire livré sous la forme d’un dialogue explicite.

Illustration 3

« L’orpailleur et la vendeuse de bananes »

Illustration 3

« L’orpailleur et la vendeuse de bananes »

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« Au site d’or de Galgouli, Koulité est un orpailleur. Il ne travaille pas ce jour-là. Il revient au comptoir (ville des orpailleurs) pour se distraire toute la journée. Nourena est une vendeuse de bananes. Chaque matin, elle prend la route du site. Elle profite de ça pour se vendre au site. – Koulité dit à Nourena de passer dans sa case pour qu’il la commissionne. – Nourena si contente d’avoir écouté les sonneries de l’appareil de Koulité s’approche de lui et dit : Monsieur tu es beau ; tu peux me marier ? Là je serai toujours à côté de toi. »
– Koulité dit à Nourena de passer dans sa case pour qu’il la commissionne.
– Nourena si contente d’avoir écouté les sonneries de l’appareil de Koulité s’approche de lui et dit : Monsieur tu es beau ; tu peux me marier ? Là je serai toujours à côté de toi. »

Discours critiques et admiratifs

28La monétarisation des rapports sociaux, amplifiée par la venue des chercheurs d’or et l’avènement d’une forme masculinisée d’extraction artisanale sophistiquée [16], fait l’objet de discours moraux populaires, à la fois critiques et admiratifs. Des lycéens de Kampti, expriment leurs opinions en ces termes :

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« Les orpailleurs ont trop d’argent donc ils sont considérés comme des dieux. Il voit le gendarme, il lui dit : « ton prix sera le mien ». Mais en même temps, ils amènent Kampti à se développer parce qu’avant, c’était seulement la forêt. Avant que les orpailleurs ne mettent le pied ici, c’était l’obscurité ! »
« Tu es jeune, on te donne 80 Millions, tu vas devenir fou, tu ne sais même pas ce que tu vas faire, donc tu fais la belle vie, les belles filles, tu achètes un véhicule. L’argent de l’or est démoniaque. »
« L’argent de l’or, on te donne un billet de 10 000, si tu veux le conserver, il faut aller le déposer tout de suite. Si tu fais la monnaie, c’est fini, tu vas bouffer sur place. Quand tu as l’argent ou bien tu deviens méchant ou tu deviens gentil. La plupart du temps, c’est le côté gauche qui gagne. Pour ma part, je vois que c’est… Tu vois, l’argent sale ne vaut-il pas mieux que la misère propre ? »
« Si tu n’as pas l’argent, on te considère comme un animal parce que les gens vont te piétiner, l’argent est au dessus des lois. Même le jeune qui a l’argent, les vieux vont se baisser devant lui pour le saluer. Qui ne veut pas ça ? ! »

30Le portrait ambivalent de « l’orpailleur » apparaît comme un modèle potentiel d’identification de ces jeunes lobi. Nonobstant les mises en garde adressées par les chefs de famille envers leurs filles et fils, un nombre croissant de villageois(es) partent tenter leur chance à la mine. Les dépenses ostentatoires renvoient à l’imaginaire qui s’étend autour du travail de l’or, identifiable à l’écoute des mythes contemporains d’ascension sociale fulgurante (fortunes acquises en un coup de pioche) et de prestige matériel auquel ces lycéens sont particulièrement attentifs. De plus, les besoins récents (téléphones portables et cartes de recharge, « pommades » diverses, « mèches » et colifichets, etc.) constituent un facteur supplémentaire incitant un nombre croissant de jeunes hommes à se rendre sur les sites aurifères pour répondre, entre autres [17], aux attentes féminines.

31En effet, l’arrivée des femmes migrantes et des commerçants au placer coïncide avec la découverte de nouveaux vêtements, de maquillages et autres soins du corps, attributs de la féminité telles que les crèmes éclaircissant la peau venues tout droit de la capitale Ouagadougou et qui parviennent à Kampti. Un habitant de ce bourg précise : « Les orpailleurs, ils ont amené de ces habillements qui font que les filles deviennent belles ! » Personne ne semble pouvoir rester insensible à ces charmes qui symbolisent « l’ailleurs » et le « lointain » de la modernité. De ces filles lobi, pour qui l’obtention de ces nouveaux besoins matériels implique la fréquentation du camp des chercheurs d’or, on dira : « elles ne vont plus chercher l’or comme leurs mamans mais directement l’argent de l’or ». Leurs familles, souvent confrontées à la pauvreté, refusent difficilement ces nouveaux revenus. Les hommes lobi évoquent leur inquiétude d’être « attrapés » par les « maladies des orpailleurs [18] ». Il s’agirait, le plus souvent, d’une contamination indirecte, la « chérie » ou « petite go » de l’orpailleur pouvant être aussi la copine d’un lycéen, la fiancée d’un fonctionnaire voire l’épouse d’un cultivateur partie au site d’or vendre des denrées alimentaires (cf. l’illustration 3).

« Le trésor de l’orpailleur »

32Allons plus loin en rendant compte de l’histoire de vie de Fanta [19]. Originaire de Kampti, âgée de vingt ans, elle est devenue, il y a deux ans, commerçante.

33Elle vient de s’installer sur le nouveau placer de Batié situé à une soixantaine de kilomètres de Kampti. L’un de nous, Q. Mégret, évoque cette rencontre dans son journal de terrain :

34

« Fanta est venue à Kampti pour rendre visite à son père tombé malade et hospitalisé au dispensaire, elle a payé ses ordonnances et donné de l’argent à sa grandmère. Je me suis immédiatement douté qu’il s’agissait d’une “femme orpailleur ” (sous-entendu “femme d’orpailleur ” selon le qualificatif attribué par certains mineurs pour désigner les femmes qui sont commerçantes dans les placers). Son habillement rompait avec les codes vestimentaires qui prévalent dans la localité : haut sexy, jean moulant, casquette vissée sur la tête.
Fanta s’assoit à notre table dans un maquis sans poser de questions, commande de la viande grillée puis une petite Guinness, boisson pourtant réputée masculine. Tel qu’elle le relate, elle s’est levée un jour avec la ferme intention de partir chercher de l’argent au site, devenu à ses yeux, la solution alternative pour une femme célibataire qui désire s’en sortir. Selon elle la Côte-d’Ivoire a perdu de son pouvoir d’attraction depuis la crise économique et politique de ces dernières années, elle avoue d’ailleurs n’avoir jamais mis les pieds dans ce pays. Avec plusieurs amies lobi, elles se sont associées et ont décidé d’ouvrir une buvette. À présent, son objectif est de gagner une somme de un à deux millions de francs CFA, afin de devenir “patron ” et de déléguer son activité à d’autres femmes travaillant pour elle. Si son projet se réalise, elle pourra retourner s’installer au village et aider sa famille.
Fanta se plaît à vivre parmi les orpailleurs même si la vie est dure, elle affirme sa détermination pour “aller chercher l’argent ” étant donné que ce n’est pas “l’argent qui va venir à toi ”. Elle admire le courage des orpailleurs qui sont prêts à se sacrifier pour leur famille. Elle apprécie le “respect ” qu’ils accordent aux femmes : “Les garçons de Kampti sont ingrats et négligents. Les orpailleurs ont peur de décevoir une femme. Ils aiment voir une fille devenir belle et sont prêts à investir leur argent dans les dépenses d’habillements, de pommades et de coiffure. Un orpailleur qui gagne 2 000 francs peut donner 1 000 francs à sa copine. Il peut lui donner à dépenser plus que pour lui-même. La femme est le trésor de l’orpailleur ”.
Pour Fanta, une “femme intelligente ” doit savoir qu’un chercheur d’or ne va pas la marier. Elle doit cependant parvenir à gagner son respect. Ainsi, pendant le temps de leur aventure itinérante, quand bien même cet homme serait déjà marié dans son village d’origine, il traitera sa nouvelle compagne comme s’il s’agissait de sa véritable épouse. De ses relations amoureuses avec les orpailleurs, Fanta retient que même après séparation, ses ex-compagnons continuent de lui offrir des cadeaux : “Il peut te trouver sur un nouveau site et dire à ses amis que cette femme, c’est mon ancienne copine et il va venir te donner l’argent et ses amis vont te respecter. ”
Le regard de Fanta permet de saisir la forte attraction que les femmes exercent sur les orpailleurs [Werthmann, 2008]. De surcroît son point de vue subjectif rend compte de son positionnement vis-à-vis des villageois et autres fonctionnaires qui se trouvent subitement dépourvus d’outils de séduction ad hoc, suite à l’arrivée de jeunes hommes porteurs d’un genre alternatif de masculinité dans lequel l’argent, associé à un comportement prodigue, occupe une place centrale. Plus généralement, selon les moyens qui sont à leur disposition, les femmes lobi profitent ou non des opportunités économiques permises par le développement de l’orpaillage. Les sites aurifères sont des lieux où les femmes rencontrant des difficultés conjugales peuvent saisir une seconde chance de fonder un foyer. Certaines quittent délibérément leurs maris pour s’installer dans un placer. D’autres vont au site juste pour y faire du commerce d’appoint. Mais, dans la majorité des cas, elles n’échappent pas aux commentaires acerbes des hommes lobi, jeunes et moins jeunes qui, en se rendant aux champs, les croisent en chemin.

Conclusion

35

« Les mange-mil[20] sont en train de dévorer Fofora
Ils croient qu’ils ont cultivé
Ils n’ont fait que manger le mil !
Les femmes se croient bien posées au site
Elles ne font que rester avec des mange-mil
Ils sont en train de gâter la terre de Fofora
Ils n’ont qu’à la laisser
Que les villageois restent tranquilles
Les jeunes filles de Kampti divaguent
Quand elles sont en grossesse
Elles ne font que manger des mangues vertes
Elles n’osent plus affronter leur famille
Quand l’orpailleur sera parti, elle restera coincée
Elle cherche l’argent, elle se vend aux orpailleurs
Je suis allé chez un thildar (devin) pour consulter,
Après je rentre, je n’arrive plus à dormir
Qu’est-ce qu’il y a ?
C’est le site d’or qui est là
Chacun cherche une nouvelle femme
Quand les orpailleurs vont partir
Les femmes chercheront les pauvres pour se marie
Nous, nous serons déjà découragés. »

36La « ruée vers l’or » demeure ambivalente. En permettant le développement d’activités innovantes sources de rétributions, elle favorise la mercantilisation des rapports sociaux [Panella : 2007]. Cependant, le travail de l’orpailleur incarne, pour un nombre croissant de jeunes de la région, un modèle réactualisé d’identité virile. Les chercheurs d’or contribuent à diffuser un certain nombre de façons de faire et de consommer dans des lieux où « la modernité n’a pas encore bien pris, mais demeure une réalité fluide et négociable » [de Boeck, 2001 : 210], là où la brousse est devenu l’endroit qui « produit les dollars » [idem]. L’étude de l’évolution des représentations masculines de la virilité, à laquelle nous nous sommes livrés, montre bien que sur ce sujet précis et en pays lobi, le principal moment de rupture est l’instauration armée de la « paix coloniale ». Le temps des vengeurs de sang légitimes et honorés n’est plus. De nouvelles figures masculines émergent, s’effacent ou deviennent prépondérantes. Elles sont tributaires d’une vaste nébuleuse de rapports sociaux qui s’inscrivent dans une histoire de plus en plus mondialisée faite d’incessants mouvements migratoires accompagnés aujourd’hui de la diffusion d’inédites figures de références viriles mises en images et en musique dans des vidéos et des clips. Au meurtrier honorifique, comme modèle de bravoure mâle, succèdent : le grand cultivateur travailleur, le migrant généreux ou le fonctionnaire aisé jusqu’au tout récent chercheur d’or dispendieux et « ravisseur » de femmes lobi séduites à « leurs corps acceptant ».
D’autres facteurs sont en mesure de modifier le tableau ici brossé, avec notamment des travaux de prospection entrepris par des sociétés minières occidentales [Grätz : 2004b, Luning : 2008] qui pourraient entraîner une possible exploitation industrielle de l’or dans les années à venir, risquant de modifier de façon encore plus radicale la situation socio-politique de cette région enclavée et par là même les rapports entre hommes et femmes et entre populations d’origine lobi et migrants. Question annexe, mais centrale dans le cadre de cette réflexion sur les constructions de la masculinité en pays lobi, le modèle de virilité incarné par la figure transethnique de l’orpailleur est-il conjoncturel ou durable ? Entre normes collectives et singularités individuelles, l’improvisation musicale – citée en exergue de cette conclusion – appréhende l’ambiguïté de cette situation. En effet, cet interlude témoigne de l’accommodation problématique qui se pose aujourd’hui à un jeune chanteur, compositeur et balafoniste lobi, devenu orpailleur depuis peu. Ce jeune homme dénonce la fuite des femmes, parties pour chercher de l’argent au site d’or, alors qu’il descendra à la mine, le soir même, avec l’espoir de faire fortune à son tour.

Notes

  • [*]
    Professeur d’anthropologie à l’Université Lumière Lyon 2, Michele.Cros@univ-lyon2.fr
  • [**]
    Doctorant en anthropologie à l’Université Lumière Lyon 2, Quentin.Megret@univ-lyon2.fr
  • [1]
    Principalement burkinabés (d’origine Mossi, Bisa, Gurmantché, etc.). Les orpailleurs migrants sont aussi de nationalité malienne, guinéenne ou ivoirienne.
  • [2]
    On parle alors d’une « ker kun » ou femme-homme, nous avait expliqué le Kheldar Lanta Bignité. À noter qu’un chasseur, même remarquable, ayant réussi à mettre à mort des animaux dangereux peut tout au plus se vanter de disposer d’un bras amer ou d’une main amère.
  • [3]
    Le système semblait sans fin, puisque le rapt d’une femme mariée (y compris si cette dernière était consentante) se retrouvait, avec le vol de pièces de bétail, en tête des motifs donnés en matière de vengeance armée coutumière [M. Cros & D. Dory, 1984 : 477].
  • [4]
    Dans Les Tribus du Rameau Lobi, H. Labouret [1931 : 392] rapporte les expressions suivantes, entendues « au plus fort d’une dispute entre deux ménagères ennemies » : « ô toi chercheuse d’hommes », « qui appelle les hommes » ou encore « qui coupe (le chemin) des hommes » tout en précisant : « Ainsi que je l’ai déjà indiqué en traitant le mariage et l’adultère, les indigènes n’attachent pas une importance extrême au fait d’entretenir des relations sexuelles avant, pendant ou après le mariage. C’est en somme, un geste naturel dont les conséquences peuvent aisément se racheter et qui ne mérite pas une attention spéciale ».
  • [5]
    « En géologie, le placer est un gîte détritique de minéraux lourds ou précieux. On distingue les placers éluviaux, alluviaux et fossiles. En anthropologie, ce terme se réfère à une zone délimitée du placer touchée par une organisation sociale et spatiale des équipes d’orpailleurs » [C. Panella, 2007 : 345].
  • [6]
    Cf. [Cros, 2005] sur l’utilisation de narrations graphiques pour rendre compte de vécus imagés donnant à voir ce qu’il est souvent difficile d’exprimer lors d’un entretien ethnographique classique et qu’il s’avère aussi peu évident à observer. Les dessins, récits, bandes dessinées et pièces de théâtre ici présentés ont donc été recueillis par M. Cros à Kampti et dans ses environs en décembre 2007 et janvier 2008 dans le cadre de la poursuite de ses investigations sur les représentations du sida en pays lobi au temps des chercheurs d’or. Les observations ethnographiques relatives au vécu des orpailleurs et de leurs compagnes sur les sites d’or du pays lobi sont collectées par Q. Mégret pour sa thèse d’anthropologie. Ses recherches visent à rendre compte, à partir du déplacement migratoire des chercheurs d’or et des populations commerçantes qui les accompagnent, des dynamiques de changement social et culturel qui ont cours dans les milieux ruraux ouest africain. Ses investigations de terrain ont commencé en 2006 [Q. Mégret, 2008].
  • [7]
    La route nationale RN 12, bitumée en 2004, assure la liaison directe de Ouagadougou à Kampti [Hien : 2008].
  • [8]
    L’arrivée d’une prostitution « officielle » dans la région – avec par exemple, la nouvelle inclusion de la catégorie 11 : « Travailleuse du sexe » (qui fait suite à la 9 : « Orpailleur ») dans le registre des bénéficiaires de l’Association « Savoir et pouvoir » qui s’occupe de la prise en charge des sidéens et des questions de prévention du VIH à Kampti et dans ses environs – sera traitée dans une autre publication.
  • [9]
    Les conflits portant sur les « frontières » entre trous contigus sont fréquents et dégénèrent parfois en de violentes bagarres : « C’est quand l’or arrive que l’on reconnaît que les orpailleurs sont des bandits, c’est là que l’on voit qui est homme. » Cependant, ces conflits sont désapprouvés et sanctionnés socialement. Le partenariat est en effet essentiel pour l’avancée des travaux, notamment ceux qui nécessitent une intervention concertée et collective des différentes équipes.
  • [10]
    L’atmosphère sociale dans les camps miniers – comme dans de nombreux contextes à dominante masculine – est caractérisée par la violence potentielle et des usages langagiers spécifiques qui amènent à s’interroger sur la construction d’autres virilités masculines [Werthmann, 2008 : 69].
  • [11]
    Ainsi que le mentionne J.-P. Olivier De Sardan [1996 : 103] : « Peu importe le nom employé : aujourd’hui, c’est surtout d’argent qu’il s’agit. La monétarisation de la vie quotidienne, dès avant les indépendances, a transformé le don de cola en don d’argent. »
  • [12]
    Malgré le caractère pluriethnique des populations des camps miniers, les orpailleurs montrent une forte solidarité et structuration interne lorsque des conflits les opposent aux propriétaires fonciers lobi.
  • [13]
    Quand ils ont réellement les moyens, les orpailleurs privilégient la bière de luxe. La Guinness, vendue au prix fort, au taux d’alcool le plus élevé et dont le goût amer est fortement apprécié, constitue la boisson de référence. Selon un orpailleur : « Son épaisseur fait que l’alcool te rentre plus doucement dans le sang, alors aussi tu es saoul plus longtemps. »
  • [14]
    Certains téléphones équipés de caméras sont parfois utilisés pour filmer les ébats amoureux de jeunes gens.
  • [15]
    Les paroles de ces morceaux sont révélatrices de la perception masculine des relations hommes-femmes. À titre d’exemple, voici un extrait de la chanson « Calculeuses » du groupe ivoirien Espoir 2000 tiré de l’album Showbiz, morceau très à la mode et largement écouté à Kampti : « La valeur d’un homme, ce n’est pas d’être joli mais d’avoir un peu d’argent même quand il est vilain…Quand la galère frappe à la porte, l’amour sort par la fenêtre, ce que je t’ai dit c’est pour que tu fermes ta fenêtre parce que quand tu as l’argent tu deviens demi-dieu, le jour où tu n’as rien tu vaux même pas un cafard… Mon frère cherche ton argent, c’est ça qui donne le pouvoir et quand tu as le pouvoir, tu as toutes les belles femmes du monde. »
  • [16]
    Rappelons qu’en pays lobi, avant l’arrivée récente des chercheurs d’or, l’orpaillage n’était pratiqué que par les femmes qui n’exploitaient que les gisements alluvionnaires et éluvionnaires [K. Schneider, 1993].
  • [17]
    L’implication dans l’orpaillage ne se réduit pas, bien entendu, au seul objectif de parvenir à combler des besoins féminins croissants. Les situations de précarité et bien d’autres nécessités, aussi multiples que singulières, peuvent conduire, provisoirement ou de façon indéterminée, à un tel choix de vie ou de « survie ».
  • [18]
    Sur les infections sexuellement transmissibles au Burkina Faso, cf. [M. Egrot & B. Taverne : 2003].
  • [19]
    Fanta est un nom d’emprunt, comme tous ceux qui apparaissent dans cet article.
  • [20]
    Dans le petit village de Fofora situé à proximité du site aurifère du même nom, les jeunes hommes lobi surnomment parfois les orpailleurs « mange-mil ».
Français

Résumé

En 2004, au sud-ouest du Burkina Faso, des milliers d’orpailleurs migrants ont investi un territoire situé à proximité de la petite ville de Kampti, au cœur dupays lobi. L’installationdes camps miniers est créatrice de bouleversements socio-économiques. Au sein d’une société longtemps réputée pour ses valeurs guerrières, l’arrivée des chercheurs d’or remet en question, notamment, les conceptions locales liées à la construction des identités sexuelles. La « ruée vers l’or » demeure ambiguë, le développement d’activités innovantes et sources de rétributions favorisant dans le même temps les « conduites à risque » et la mercantilisation des rapports sociaux. Elle s’accompagne en outre d’une recomposition des logiques familiales et conjugales, des rapports de genre et des normes en matière de sexualité. D’hier à aujourd’hui, d’un idéal de virilité à l’autre, cet article rend compte de la production de la masculinité en dévoilant le passage du modèle du « vengeur de sang » à celui du « chercheur d’or ».

Mots-clés

  • Burkina Faso
  • Lobi
  • orpaillage
  • migration
  • genre
  • masculinité
  • ostentation
  • virilité

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Michèle Cros [*]
Quentin Mégret [**]
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/autr.049.0137
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