CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 La pensée de la dichotomie fait souvent florès en sciences sociales par le recours aux oppositions binaires comme tradition/modernité, centre/périphérie, local/global, micro/macro, ou nord/sud qui nous intéresse ici. Si ces couples cherchent à rendre compte de la complexité des phénomènes et des processus, ils n’en sont pas moins englobants, parfois porteurs de présupposés et le plus souvent réducteurs. Peut-on en effet aujourd’hui, dans un monde globalisé dont les processus d’échanges et d’appropriations se complexifient sans cesse, parler de « nord » et de « sud » ? Le présent dossier d’Autrepart nous invite à la mise en question de cette catégorisation historiquement construite qui assimile directement le géographique à l’économique et au politique. Ne faut-il pas dès lors se demander s’il y a du « nord » dans le « sud » et inversement ? Ne pourrait-on pas ainsi penser que « nord » et « sud » s’enchevêtrent et qu’il faut tenter de les dépasser ?

2 Pour ce faire nous proposons une mise en abîme du « nord » et du « sud » à travers une mise en perspective de la crise d’autorité dans la famille en France et au Sénégal qui interroge les modes de structurations familiales ainsi que les figures traditionnelles de l’autorité légitime. Nous cherchons ainsi à mettre en lumière les zones de porosité entre « nord » et « sud » mais également les « zones d’interstices » qui résultent des processus d’échanges et de ruptures entre les deux. Nous nous pencherons notamment sur la traduction médiatique et sur l’instrumentalisation politique de la crise de l’autorité parentale et ses enjeux en France – on abordera, entre autres, la polémique soulevée sur la polygamie – mise en avant pour expliquer la situation explosive dans les banlieues au cours des mois d’octobre et novembre 2005  [2]. Or, il semble que cette crise puisse être éclairée par la réflexion similaire qui touche la cellule familiale au Sénégal à travers l’évolution des rapports d’autorité, comme l’ont illustré les débats sur le Code de la famille en 2002 dans un contexte politique marqué par l’alternance politique.

3 La crise de l’autorité dans la famille peut être pensée comme l’illustration du processus de mise en question des rapports d’autorité au sein des champs sociaux, politiques, économiques et religieux. L’État par la constitution d’une « famille légale » organise la société autour de la famille comme la cellule de base de la société, favorise sa permanence et en fait la gardienne de l’ordre social et moral, que ce soit en France ou au Sénégal. Aussi les débats et les tensions qui touchent cette cellule procèdent-ils d’un double processus : d’une part ils sollicitent directement l’État en questionnant sa capacité de régulation et d’intervention dans les affaires privées, et d’autre part, ils interrogent la nature et les conditions de la citoyenneté au sein de la République.

4 Les événements de l’automne 2005 ont dérouté le « nord » parce qu’ils ont questionné la République notamment sur la réalité de son universalisme proclamé et sur les modalités de la pratique démocratique. Or, on peut voir qu’au Sénégal les débats sur la crise d’autorité dans la famille sont directement associés à la gestion du processus de démocratisation comme l’ont montré les débats sur le Code de la famille. Aussi, en mettant en perspective les situations de crise de l’autorité dans la famille dans les deux pays, nous voudrions essayer de resituer les débats dans un cadre d’analyse plus large qui ne saurait se résumer à l’intrinsèque et au national. Il s’agit d’interroger les hypothèses suivantes : dans quelle mesure la situation et la compréhension du « nord français » peuvent être informées par celles du « sud sénégalais » ? Comment cette mise en perspective peut-elle ouvrir la voie à un décloisonnement des études sur l’Afrique, en espérant modestement montrer que les objets d’études et les terrains de recherche ne se cantonnent pas à une aire géographique et culturelle mais se répondent et se déterminent de manière concomitante ? Comment, quand la crise en France associe directement les questions de famille et celles d’immigration, exclure de la réflexion une pensée corrélée des phénomènes de transferts qui sont à l’œuvre entre « nord » et « sud » ? En France, une « conjoncture de “crise mémorielle” s’est enclenchée au tout début des années 2000 » [Bertrand, 2006, p. 29] et s’illustre notamment à travers la controverse sur la loi du 23 février 2005 qui souligne « les aspects positifs de la colonisation », les violences dans les banlieues à l’automne 2005 et le recours à la loi de 1955 sur l’état d’urgence pour les contenir, les débats sur l’immigration avec le vote de la loi sur « l’immigration choisie » en mai 2006, ou la sortie du film Indigènes et les prises de position du Président de la République sur la revalorisation du statut des anciens combattants. Cette crise témoigne des relectures qui mélangent mémoires blanches du « nord » et mémoires noires du « sud » pour aboutir à ces « mémoires grises » [Deslaurier et Roger, 2006].

5 C’est dans le sens de ce mélange chromatique que nous voulons penser la remise en cause des figures de l’autorité dans la famille et dans la société comme vecteur d’évolution des « matrices morales de l’autorité légitime » [Schatzberg, 1993], participe de la réflexion sur la légitimité et la responsabilité même du pouvoir en France et au Sénégal. Nous avançons ainsi que cette crise de la famille agit comme catalyseur d’actions et de représentations où se rencontrent les différents acteurs du débat social et politique autour de la question des rapports, non pas entre sphère publique et sphère privée mais, entre sphère publique et sphère domestique : le domestique englobe le privé mais ne s’y restreint pas [Collignon et Staszak, 2004], le public et le domestique ne s’opposent pas (comme c’est le cas dans le couple privé/public) mais se chevauchent. En quoi le questionnement des rapports d’autorité au sein de la famille et au sein de cet espace domestique peut-il produire des modalités spécifiques d’investissement politique ? La participation des individus dans la cité, leur sentiment d’appartenance et l’émergence de nouveaux acteurs politiques sont au cœur de notre réflexion. La permanence dans le temps et la réactualisation contextuelle des affrontements urbains au cours de l’année 2006 [3] justifie d’autant plus le propos de cet article. Celui-ci cherche à proposer des pistes de recherche qui pourront documenter une lecture renouvelée des événements qu’a connus la France au cours de l’automne 2005.

De la crise d’autorité dans la famille : la mise en jeu des processus de transferts et de ruptures entre « nord » et « sud »

6 Au cours de l’automne 2005, la famille en « dysfonctionnement » a été médiatisée et stigmatisée comme une des causes de la « crise des banlieues » en France. Les réflexions sur cette institution républicaine posent à la fois la question de la responsabilité des parents mais également celle de l0 l’implication de la puissance publique dans les affaires familiales. Les parents y sont tenus pour « irresponsables, démissionnaires et inconscients », laissant leurs enfants sortir le soir et brûler des voitures. On y retrouve le discours récurrent sur la famille en crise et en faillite qui n’est plus à même d’assurer son rôle d’éducation et de socialisation. La crise de l’autorité parentale est sans cesse avancée dans les débats comme source de tous les maux :

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La dynamique de l’exemple est brisée, les parents peinent à rétablir les règles [Le Figaro, 9/11/2005].
Les récentes émeutes urbaines ont relancé le débat sur la responsabilité des parents. Des adultes d’origine étrangère disent leur crainte de « rater leurs enfants » [La Croix, 26-27 /11 /2006]
Les émeutes n’ont fait que mettre au jour des liens déjà brisés entre les générations, une autorité parentale perdue depuis longtemps [Le Monde, 12-13/11/2005].

8 La famille en s’inscrivant dans le temps passé, présent et à venir rend compte de manière intime des rapports intergénérationnels mais également des rapports entre les sexes et ce, sur le plan social, culturel, religieux, économique et politique. Par la construction d’un « modèle politique » de la famille et d’une « famille légale » [Lenoir, 1991, p. 787], l’État fait ainsi de l’institution familiale la cellule de base de la société qui assure la permanence de l’ordre social par l’imposition d’une morale familiale. Aussi les débats qui questionnent la cellule famille et qui plus est, la question de l’autorité, en appellent-ils directement à la responsabilité de l’État. Le Président français J. Chirac rappelle la toute puissance de l’État (et de la loi) en matière de politique de la famille lors des événements de l’automne 2005 :

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L’autorité parentale est capitale. Les familles doivent prendre toutes leurs responsabilités. Celles qui s’y refusent doivent être sanctionnées comme le prévoit la loi. Celles qui connaissent de grandes difficultés doivent être activement soutenues (…). Il faut être strict dans l’application du regroupement familial. (…) L’adhésion à la loi et aux valeurs de la République passe nécessairement par la justice, la fraternité, la générosité  [4].

10 Car la responsabilisation des familles est devenue un enjeu politique : « À trop regarder les jeunes des cités, la politique publique a longtemps oublié les familles, classées un peu rapidement entre les méritantes et les dépassées » [Le Figaro, 12- 13/11/2005].

11 Si la crise de l’autorité dans la famille est donnée pour déterminante dans l’explication des événements, on voit que loin d’opérer une lecture ethnographique des éléments de la crise (attentes des acteurs, significations et représentations de la parenté), c’est la stigmatisation du coupable qui est recherchée notamment à travers la mise en avant d’une pratique de la famille qui l’identifie. La polémique qui fait de la polygamie une des causes des violences en est symptomatique. Le débat s’attache à une pratique dite du « sud »  [5] importée au « nord », qui lui permet ainsi d’identifier les acteurs issus de l’immigration  [6]. Bien que du « nord », ceux-ci vont être perçus à travers cette pratique comme étant du « sud ». L’inculpation de la polygamie permet ainsi de vilipender toute une population selon l’équation suivante : polygamie = Afrique = immigration noire = banlieues = violences. La controverse a tout d’abord été déclenchée par H. Carrère d’Encausse, historienne et secrétaire perpétuelle de l’Académie française :

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Tout le monde s’étonne : pourquoi les enfants africains sont dans la rue et pas à l’école ? (…) C’est clair, pourquoi : beaucoup de ces Africains, je vous le dis, sont polygames. Dans un appartement, il y a trois ou quatre femmes et 25 enfants. Ils sont tellement bondés que ce ne sont plus des appartements, mais Dieu sait quoi !  [7]

13 Ce plaidoyer contre la polygamie a été repris au niveau des représentants de l’État – G. Larcher, le ministre délégué à l’emploi – et des acteurs du champ politique : B. Accoyer, le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale. Celui-ci évoquait les effets néfastes de la polygamie au sein du foyer : « la désintégration de valeurs familiales qui ne correspondent pas à un modèle partagé », et le cas « d’un certain nombre de familles africaines (…) qui ont une référence lointaine au père, et une mère qui, parfois, connaît des problèmes de respect et d’égalité » [Libération, 16/11/2005]. Face à cette mise en accusation de la polygamie, nombreuses sont les critiques qui montrent que l’instrumentalisation de cette pratique permet d’éviter le débat sur les limites du modèle français d’intégration républicaine. C’est ce qu’exprime la déclaration du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) :

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Ces responsables politiques ethnicisent une révolte révélatrice d’une faillite du modèle français d’intégration en renonçant à prendre en compte l’exclusion, la pauvreté, le chômage dans ces zones de non-droit social que sont les cités populaires [Le Monde, 18/01/2005].

15 Une partie de l’opinion invite la polygamie pour stigmatiser un modèle familial, accuser une certaine population, et pour expliquer le dysfonctionnement du système. L’argumentaire n’est pas fondé sur l’interdiction juridique de la pratique de la polygamie : la question de la réduction de la « polygamie effective » est inscrite légalement depuis les « lois Pasqua » de 1993 ; le Ministère de l’Intérieur annonce pourtant en 2006  [8] le chiffre de 20 000 familles polygames en France, d’où le regain d’intérêt actuel pour la proposition de loi déposée le 8 juin 2004 par C. Brunel (député UMP, Seine-et-Marne) relative à la « lutte contre la polygamie ». Le discours qui instrumentalise et stigmatise la polygamie pose au contraire l’argument des valeurs : « Les violences ont cet avantage que l’on ose parler de certains problèmes jusque-là tabous. On va enfin pouvoir se recentrer sur nos valeurs » [C. Brunel, Le Monde, 18/11/2005]. Les discours opposent famille élargie « à l’africaine » et famille nucléaire « à la française », faisant du critère d’altérité un argument de marginalisation et d’exclusion. Les acteurs accusés de pratiquer la polygamie (en bloc, sans prise en compte de la diversité) sont tenus pour responsables de leur « incapacité à s’intégrer ».

16 Cette appropriation par des discours du « nord » d’une pratique dite du « sud » témoigne de la permanence en France d’un corpus de représentations « exotiques » de la famille en Afrique. Si les événements s’inscrivent dans cette conjoncture de « crise mémorielle » [Bertrand, 2006] ils s’imposent également comme des pratiques du présent dans sa dimension post-coloniale :

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Les objets qu’elle [la postcolonialité] examine ou qu’elle se constitue comme objets d’études sont les cultures hybrides et leur circulation dans les interstices et frontières des fractures culturelles, mettant ainsi en cause la rigidité de la séparation entre métropole et colonie, introduisant la colonisation et les cultures coloniales non plus dans les périphéries exotiques coloniales mais au cœur de la culture européenne. […]. Comme mode d’analyse, elle rejette toute la pédagogie nationaliste ou nativiste qui constitue les relations entre le premier monde et le tiers-monde dans des termes d’opposition structurelles binaires, en reconnaissant que les frontières sociales entre les deux mondes sont beaucoup plus complexes et poreuses [Diouf, 2006, p. 23].

18 La polémique, en assimilant un mode d’organisation familiale (polygamie) à une zone géographiquement déterminée (Afrique sub-saharienne), témoigne de la ligne de séparation entre Nord et sud et des imaginaires racistes qu’elle véhicule. En réquisitionnant la polygamie comme critère explicatif, il semble cependant que la ligne de démarcation soit moins entre nord/sud qu’entre colonial/postcolonial. L’exemple de la polygamie est particulièrement révélateur de ces « zones d’interstices » qui peuvent nous permettre de dépasser le clivage nord/sud. La polygamie met en lumière ces interstices comme intervalles de temps par une prise en compte du temps long (décolonisation, immigration), temps moyen (modifications des pratiques du foyer polygame au Sénégal et en France [Fainzang et Journet, 1989]) et du temps court (événements 2005 et polémique sur la polygamie). Mais les « zones d’interstices » sont également des « espaces de vides » qui sont au fondement même du clivage « nord/sud ». Celui-ci ne peut en effet espérer rendre compte des processus de transferts et ruptures puisque celui-ci est producteur de systèmes de représentations fondés sur des présupposés hiérarchiques et exotiques. C’est dans le sens de ce dépassement que nous pensons que les situations du « sud » peuvent venir éclairer celles du « nord » (sachant que les contextes nationaux sont très différents) et essayer de comprendre ce clivage colonial/postcolonial dans ce sens : « L’universalisation occidentale est une forme de domestication de l’autre [de Certeau, 1975], qui impose un impératif catégorique : s’astreindre à se couler à son régime de vérité et à l’ordre de son discours pour s’affilier à la modernité » [Diouf, 1999, p. 26].

19 À cet égard il est intéressant de voir que ce sont ces modes de gouvernements « modernes » imposés pendant la période coloniale qui ont fait l’objet de processus de transferts et d’appropriations. Lors de son accès à l’indépendance en 1960, l’État sénégalais avec à sa tête L. S. Senghor entreprend de moderniser le pays en décidant d’élaborer un Code de la famille, l’objectif étant de moderniser les rapports au sein de la famille en promouvant la nucléarisation du noyau familial. La famille, considérée comme la cellule de base de la société, doit être placée au cœur de l’édification de la nation avec pour socle, le principe de laïcité : « Pourquoi un Code, alors qu’existent jusqu’ici des régimes et des législations différentes pour toutes les communautés ? (…) Nous aurions pu laisser les choses en l’état. Nous ne l’avons pas fait parce qu’un code civil était nécessaire à la Nation » (A. C. Sall, Ministre de la Justice en 1972  [9]). C’est pourquoi la rédaction du Code de la famille va constituer un enjeu fondamental. Il faudra attendre douze ans pour que l’Assemblée Nationale l’adopte au terme du vote de la loi n° 72-61, le 12 juin 1972. Il s’agissait en effet de concilier les objectifs suivants : le respect des principes proclamés par la Constitution ; celui des règles religieuses considérées comme intangibles pour les croyants ; et celui de certaines valeurs traditionnelles : le législateur se devant ainsi de dégager des règles adaptées aux conditions de vie actuelles. Le choix du « pluralisme juridique  [10] » [Sow Sidibé, 1991] atteste particulièrement du double processus d’appropriation post-indépendance : placer la famille au centre du projet de modernisation et entreprendre la constitution de l’État-nation comme apprentissage d’une destinée commune.

20 Or la question de la polygamie est symptomatique de l’ensemble des débats qui ont mené à l’élaboration du Code de la famille. Celui-ci ne l’a pas remise en question et la consacré comme un des régimes de conclusion du mariage (le Code accorde au mari trois options : monogamie, polygamie limitée et polygamie). La polygamie reste centrale puisqu’elle représente l’attachement à une pratique traditionnelle, religieuse et sociale pour ceux qui la défendent, tout autant que, pour ceux qui la combattent, un obstacle à la modernisation de la société qui doit passer par la nucléarisation de la famille. C’est ce qu’explique A. Sow Sididé  [11] : « On a voulu passer des structures traditionnelles vers des structures plus modernes (…). Le Code a fait l’emprunt des modes au sens moderne de penser et de faire, c’est la famille nucléaire qui y est consacrée »  [12]. En 1996, un projet de réforme cherchant à limiter de manière unilatérale la polygamie à deux épouses échoue. Puis en 2002, les débats se focalisent autour de la proposition de réforme du Code de la famille du CIRCOFS (le Comité Islamique pour la Réforme du Code de la Famille au Sénégal)  [13], véritable lobby islamique né en 1996. Celui-ci propose d’instaurer un Code de statut personnel applicable aux seuls musulmans (95 %), les communautés chrétiennes (catholiques et protestants, 5 %) devant pouvoir conserver, « si elles le désirent », le Code en vigueur. Le Circofs met en avant le caractère majoritaire de la communauté musulmane et l’existence parallèle et « anarchique » de deux dispositifs juridiques, l’un étatique fondé sur le droit positif à la française et l’autre fondé sur le droit coutumier et religieux : « Voter des lois que les citoyens ignorent et que spontanément, ils ne veulent pas respecter, c’est la meilleure façon d’anéantir l’autorité de la loi et donc de susciter les germes de l’anarchie et de multiplier les facteurs d’instabilité, de l’État et de la société » (Me B. Niang)  [14]. Ce projet a pour effet la constitution de deux camps : le Circofs d’un côté, et de l’autre, un « camp laïc » (personnalités, associations de femmes, de défense des droits de l’homme, syndicats) [Brossier, 2004]. Ces derniers se rassemblent contre le projet qu’ils considèrent comme rétrograde et dangereux, car il semble présenter une menace pour la cohésion de l’union nationale. Il ne s’agit plus seulement de revendiquer mais bien de préserver les acquis. Ils se mobilisent à travers la création de réseaux de défense de ces idéaux, un Collectif pour la défense de la laïcité et de l’unité nationale au Sénégal est créé en juin 2003  [15], puis une « Coalition pour la réforme du Code de la famille au Sénégal » sur l’initiative du collectif d’associations Siggil Jigeen [16]. Il permet de rallier autour d’un même objectif des réseaux ou collectifs très divers. Le débat ne naît pas au sein de l’État et n’est pas traité de manière étatique, mais il se joue désormais entre acteurs indépendants de la « société civile » qui interviennent comme acteurs.

21 Le CIRCOFS défend un projet de société fondé sur la famille élargie, tandis que le « camp des laïcs » qui promeut la nucléarisation de la famille comme vecteur de modernisation. Or lorsque les débats sur le Code de la famille se sont cristallisés en 2002, la question de la polygamie n’a pas focalisé les débats qui se sont concentrés sur la nécessité de préserver la cohabitation entre les communautés religieuses. De plus il semble que la question de la polygamie soit moins « brûlante » qu’auparavant et que les revendications des femmes résident plus aujourd’hui dans la reconnaissance juridique et sociale de leurs droits et leurs applications. Depuis 1998, le débat semble s’être concentré sur la revendication d’une autorité partagée entre les deux conjoints. Après la rédaction d’un projet de loi qui n’a pas abouti  [17], le gouvernement a pris tout récemment la décision de permettre à la femme salariée de prendre en charge, en matière de santé, son époux et ses enfants  [18]. La famille, et à travers elle la question de la polygamie, ne constitue pas (plus) le lieu d’affrontement de représentations qui seraient associées les unes au « nord » et à la « modernité », les autres ancrées au « sud » et attachées aux traditions. La complexité des échanges qui se font au sein de la famille à l’interface des dynamiques du dedans et du dehors atteste de l’existence et la richesse d’un système pluraliste de valeurs.

Nouvelles modalités d’investissement politique entre espace domestique et espace public ?

22 La précarisation des conditions socio-économiques sénégalaises [Diop, 2002] amorcée avec la crise économique des années 1980 et le désengagement de l’état (politiques d’ajustement structurel, dévaluation du franc CFA en 1994) conduisent à un accroissement de la demande sociale et à un élargissement de la pauvreté des familles entraînant la déstabilisation des structures sociales de participation communautaire. Les transformations socio-économiques produisent ainsi des mutations au sein des familles notamment avec l’entrée des femmes sur le marché du travail informel, qui leur permettent l’acquérir une certaine indépendance économique [Creevey, 1996] : on parle de femmes « soutiens de famille » [Bop, 1995 : 51]. Pourtant, malgré cette plus grande activité économique des femmes, on voit que les structures familiales n’évoluent pas vers la nucléarisation du noyau familial notamment en raison de conditions économiques difficiles et d’un processus d’urbanisation intense. Au contraire, il semble qu’on ne peut pas « échapper à la polygamie à Dakar » [Antoine, Nanitelamio, 1995] et que les stratégies matrimoniales réaffirment « l’acquis polygamique ». La taille de plus en plus importante des ménages « constitue une stratégie de sécurisation sociale dans un contexte marqué par l’importance des solidarités lignagères et familiale » [Gaye, Fall, Ndao, 2004, p. 264].

23 Mais ces transformations socio-économiques entraînent également un ébranlement de l’autorité morale et économique des hommes chefs de ménage au sein de la cellule familiale. Certes, les débats sur le Code rappellent la dimension fondamentale de l’autorité de l’homme en tant que chef de famille tel que « dans tout navire, il faut un capitaine ». Cependant il semble que la crise de l’autorité au sein de la cellule familiale pose la question des rapports « sociaux de sexes » mais également celle des rapports entre générations. Si elle est évidemment liée aux transformations socio-économiques, la crise de l’autorité parentale relève en premier lieu d’une problématique démographique : en 2004 au Sénégal, 75 % de la population ont moins de 25 ans et l’espérance de vie est de 47 ans [Gaye, Fall et Ndao, 2004, p. 263]. Dans ces conditions, il semble que les notions de jeunes et de vieux, de cadets et d’aînés sont à redéfinir, et ce d’autant plus dans un pays où la prise en compte des générations, la transmission des savoirs ainsi que les rites de passage sont traditionnellement ancrés dans les modes de production sociale, politique, religieuse et culturelle. Les remises en questions des figures traditionnelles de l’autorité posent la question des évolutions des rapports de pouvoir au sein de la famille mais également au sein de la société en introduisant une réflexion sur les représentations de la parenté et surtout de la paternité : le père est-il simplement le géniteur ou est-il celui qui sait répondre aux attentes de ses enfants ?

24 De manière concomitante à la crise de l’État post-colonial, il semble que la crise de l’autorité témoigne des renégociations en cours dans les rapports sociaux de pouvoir au sein de la famille comme affirmation de nouvelles modalités de subjectivation [Latour, 2001] et d’un processus d’individualisation. Il semble que les pratiques évoluent dans le sens de la prise d’autonomie du sujet et de l’affirmation de l’individu. A. Marie définit celles-ci comme le développement des quatre attributs qui définissent le sujet :

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l’autonomie (cette capacité à définir soi-même les normes de sa conduite), la conscience réfléchie (cette aptitude à se poser soi-même comme sujet face à ses désirs et passions), la responsabilité (cette conviction d’être l’auteur de ses actes et en répondre en son propre nom), l’assomption à la première personne de son agressivité (cette faculté de se poser en s’opposant et en s’imposant, de manière à marquer ses légitimes prétentions à la liberté individuelle) [1997, p. 72].

26 L’auteur y associe le processus d’individualisation, défini en Afrique comme un processus de séparation et d’autonomisation des sujets par rapport à leurs attaches traditionnelles en particulier communautaires, comme

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processus de prise de distance, objective et subjective, de la personne vis-à-vis de ses inscriptions et déterminations sociales. Cela implique la capacité matérielle à pouvoir s’affranchir de l’appartenance communautaire, et par la suite, la possibilité intellectuelle (et affective) de se mettre à distance réflexive et critique des fondations éthiques qui sous-tendent les ressorts de la solidarité [ibid., p. 73].

28 Ce processus d’individualisation est lié à la crise du mode d’intégration et de régulation fondée sur la logique de la dette et de la redistribution, et se traduit par l’émergence d’une société civile structurée en « classes sociales » antagonistes [Marie, 2002].

29 Ce processus d’individualisation s’est illustré par l’émergence d’un individu-citoyen lors des élections historiques de 2000 marquée par l’entrée en politique de la nouvelle génération née après l’indépendance mobilisée de manière inédite pour le soutien du candidat du sopi A. Wade. Bien que le Sénégal ait connu une ouverture démocratique précoce au début des années 1980, le « mythe démocratique » n’est pas pour autant parvenu à prendre en compte les nouvelles formes de participation politique et les attentes de la jeunesse.

30 L’alternance en 2000 a ouvert la voie à une renégociation des relations entre champ politique et champ religieux [Cruise O’Brien, 2002]. Elle a aussi permis de mettre en lumière « ces mutations sociologiques profondes de la société, qui n’ont pas été perçues ni par le pouvoir, ni par les marabouts grands électeurs qui n’ont pas vu la transmutation… du taalibe [disciple] en citoyen » [Diaw, Diop et Diouf, 2000, p. 170]. L’émergence d’un individu-citoyen depuis 2000 sonne comme un processus d’appropriation et de libération : « Le mouvement de saisie de Soi du peuple comme sujet (…) initie une rupture qui marque, au moins en pensée, la possibilité d’inventer une autre modernité. Il s’agit là d’une quête fondamentalement démocratique en ce qu’elle induit la pluralité (…) à des valeurs d’adhésion au mythe fondateur se substituent des valeurs d’autonomie, de responsabilité. La véritable modernité est celle qui est créée et non celle qui est imposée par une volonté mimétique » [Diaw, 2002, p. 553-559]. Six ans après l’alternance il semble pourtant que le sopi de A. Wade s’accompagne de « multiples contradictions » [Dahou et Foucher, 2004], ayant déçu nombre des jeunes qui l’avaient appuyé. Or on voit que la mise en question des figures traditionnelles de l’autorité légitime (dont Wade fait partie) est à nouveau mobilisée dans les débats l’aune des prochaines élections présidentielles de février 2007. Elle pose avec d’autant plus d’acuité la nécessité de réfléchir sur le concept de génération en politique notamment autour de « l’assimilation réciproque des élites entre ancienne et nouvelle génération »  [19] identifiée par Bayart [1989, p. 193] dans le contexte de l’État postcolonial.

31 La crise de l’autorité dans la famille permet de mettre en lumière l’homologie entre sphère familiale et sphère politique : « l’autonomisation de l’idiome de la parenté comme idiome ambivalent du politique révèle une question beaucoup plus importante que la “gestion des passions”, toujours problématique : celle des correspondances latentes entre les transformations au sein de la famille et les mutations de l’imaginaire politique, cet “entrelacement des sentiments privés et de la politique publique” » [Bayart, 1996, p. 175]. Les événements de l’automne 2005 en France en mettant en lumière la crise d’autorité dans la famille ont rendu visible la « demande d’État de la jeunesse » [Lagrange, Le Monde, 07/06/2006] comme processus d’inclusion et non d’exclusion  [20]. C’est bien dans le sens de cette apparition violente et inédite de toute une jeunesse qu’il faut penser cette volonté de re-capter de l’espace et de la visibilité sur la scène publique. Ces stratégies résonnent étonnamment avec le refus de la « une vie en attente » dont parle Diouf à propos de la jeunesse africaine : « Contre la conception d’une vie qui n’advient que parce qu’elle est préparée et encadrée par les adultes, les comportements à risques dans la rue, les maquis, les pratiques économiques informelles inventent, des procédures alternatives de présence expressive dans l’espace public » [2005, p. 34].

32 Il est intéressant de voir comment, en mettant l’accent sur la famille en crise, les débats sur les événements de 2005 ont proposé une lecture qui oppose sphère privée et sphère publique. Cette dichotomie fait référence à des notions géographiquement déterminées (monde européen et occidental), historiquement et socialement élaborées (révolution des lumières, société bourgeoise) comme le montrent Habermas [1990] et à sa suite Taylor [1990]. Or ces notions, qui s’appuient sur une conception nucléaire de la famille telle que celle-ci s’est construite en Europe (État, Église chrétienne), peuvent-elles espérer expliquer les débats concernant la crise de l’autorité dans la famille lorsque le modèle familial concerné (polygamique) ne correspond pas à celui (nucléaire) qui oppose strictement privé/public [Dahou, 2005] ? Aussi avec Chatterjee de l’école indienne des « subaltern studies » interrogeons-nous :

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What, then, are the true categories of universal history ? State and civil society ? Public and private ? Social regulation and individual rights ? – all made significant within the grand narrative of capital as the history of freedom, modernity, and progress ? Or the narrative of community – untheorised, relegated to a the primordial zone of the natural, denied any subjectivity that is not domesticated to the requirements of the modern state, and yet persistent in its invocation of the rhetoric of love and kinship against the homogenizing sway of normalized individual ? It is clear, then : the struggle to provincialize European history becomes a struggle against universal history itself [1990, p. 132].

34 Il semble que c’est dans ce sens que nous mène la mise en perspective proposée de situations du « nord » et du « sud » entre la France et le Sénégal. Celle-ci, à travers la question de la crise de l’autorité dans la famille, montre que c’est dans le sens d’un dépassement colonial/post-colonial et de la critique de la permanence de cette universalité définie par l’occident et qui impose ses modes de modernité. La proposition de rechercher les « zones d’interstices » nous mène ainsi à la prise en compte de l’existence d’espaces vides qui semble attester des limites d’une telle universalité. Penser la communauté et à travers elle l’existence d’une opposition entre sphère domestique et sphère publique pourrait permettre de changer l’unité de base sur laquelle repose la conception occidentale de la famille nucléaire comme premier moment de la vie sociale fondée sur l’amour [Hegel, 1967, p. 110]. Or si on pense la famille en terme d’espace non plus privé mais domestique – celui-ci n’étant pas qu’un espace géographique mais également social – on élargit le réseau des relations de parenté et des relations sociales dans lequel s’insère l’individu, processus qui augmente considérablement ses relations de solidarité et ses capacités de mobilisation. Ainsi pourquoi la prise en compte empirique de pratiques du « sud » déterminantes au « nord » – puisqu’on les implique en les stigmatisant dans les débats – ne pourrait-elle permettre de saisir la complexité des processus sociaux et à faire évoluer les cadres de pensée ? Il s’agit de redonner sa place à la pensée du « narrative of community » pour comprendre quels sont les enjeux de la crise de l’autorité dans la famille, le « sud » pouvant être réquisitionné pour aider à comprendre le « nord ». Dans ce sens il semble que les évènements dans les banlieues et la crise de l’autorité dans la famille puissent constituer au sens foucaldien du terme un vrai « événement » :

35

il faut entendre par là (…) un rapport de forces qui s’inverse, un pouvoir confisqué, un vocabulaire repris et retourné contre ses utilisateurs, une domination qui s’affaiblit, se détend, s’empoisonne elle-même, une autre qui fait son entrée masquée. Les forces qui sont en jeu dans l’histoire n’obéissent ni à une destination, ni à une mécanique, mais bien au hasard de la lutte [Foucault, 1994, p. 148].

Notes

  • [1]
    Mes remerciements à Mamadou Diouf, Frédéric Landy et Xaxier Audrain pour leurs stimulantes critiques.
  • [*]
    Doctorante, Université Paris 1 Pantheon-Sorbonne, CRPS/CEMAf – mariebrossier@hotmail.com.
  • [2]
    Voir le sondage CSA réalisé pour le journal La Croix le 8/11/2005 (1 007 personnes) : « 69 % des Français mettent en cause le contrôle insuffisant des parents sur leurs enfants pour expliquer ce qui s’est passé dans les banlieues ». C’est la première raison évoquée, devant la précarité et l’absence de perspective d’avenir (55 % des Français) et les propos tenus par M. Sarkozy (29 % des Français).
  • [3]
    Voir les affrontements des nuits du 29 et 30 mai 2006 à Montfermeil et Clichy-sous-Bois qui font craindre aux institutions une nouvelle « flambée de violence » [Le Monde, 31/09/2006].
  • [4]
    Allocution télévisée le 14 /11/2005.
  • [5]
    La polygamie est présentée comme un mode de structuration familiale du « sud », notamment africain. Il est pourtant intéressant de voir qu’elle est pratiquée par des communautés du « nord », comme le montre de manière provocante le reportage paru dans Le Monde 2 sur une branche dissidente de l’Église mormone dans l’Utah aux États-Unis. Voir « La cavale du polygame fou » [Le Monde 2, 03/06/2006] ; ainsi que la série TV « Big Love » diffusée sur la chaîne américaine HBO depuis 2006 qui relate les aventures d’une famille polygame dans une banlieue de Salt Lake City, dans l’Utah également.
  • [6]
    Voir l’étude de l’Institut national d’Études Démographiques (INED) en 1995 sur l’intégration en France qui estime à 3 500 le nombre de familles polygames en France. L’enquête précise également que cette pratique n’existe quasiment que chez les femmes d’ethnie africaine Mandé qui représentent moins d’un quart de la population africaine noire de France : www.ined.fr.
  • [7]
    Interview donnée à la chaîne de télévision russe NTV le 15/11/2005.
  • [8]
    Voir l’intervention de M. Sarkozy le 06/06/2006 lors de l’examen du projet de loi relatif à l’immigration et l’intégration, au Sénat : http://www.interieur.gouv.fr/misill/sections/a_l_interieur/le_ministre/ interventions/06-06-2006-immigration/view.
  • [9]
    J. Gomis, « Table ronde sur le code de la famille » : M. Clédor Sall : « Nous ne pouvions pas faire un code à la mesure de chacun », Le Soleil, Dakar, 20/06/1972.
  • [10]
    Le Code allie droit traditionnel fondé sur les coutumes, droit islamique et droit positif moderne très fortement inspiré de l’école juridique française, similitude qui lui sera amplement reprochée.
  • [11]
    A. Sow Sididé, très active pour la réforme du Code, est professeur titulaire de la chaire de droit privé à l’Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar.
  • [12]
    Propos recueillis lors d’un entretien réalisé à Dakar, le 07/05/2004, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD).
  • [13]
    Le CIRCOFS, présidé par Me Babacar Niang, est composé à la fois de représentants religieux, du Collectif des Associations Islamiques du Sénégal, et de personnalités éminentes de la scène publique et religieuse sénégalaise.
  • [14]
    Me B. Niang, « Les termes d’une exigence », L’info7, Dakar, 11/06/2003.
  • [15]
    Pour sa déclaration d’intention et la liste des signataires, voir le site.
  • [16]
    Siggil Jigeen est un réseau né en 1998 qui regroupe 18 ONG (Dakar et régions) œuvrant pour une promotion du statut de la femme et de l’enfant, les bailleurs de fond étant principalement canadiens. Voir www.siggiljigeen.sn.
  • [17]
    Le projet concerne l’article 152 du Code sénégalais de la famille lequel traite de la « puissance maritale ». Quant à la puissance paternelle, elle est organisée par les articles 277 à 299 du Code.
  • [18]
    B. Dione, « La femme salariée peut désormais prendre en charge son époux et ses enfants », Le Soleil, Dakar, 10/10/2006
  • [19]
    On pense nnotamment aux houleux débats et autres scandales politiques qui mettent aux prises l’actuel Président de la République A. Wade « le vieux » et son ancien Premier ministre le « jeune » I. Seck.
  • [20]
    Voir l’interview d’E. Todd [Le Monde, 13/11/ 2005] : « J’interprète les événements comme un refus de marginalisation. Tout cela n’aurait pas pu se produire si ces enfants d’immigrés n’avaient pas intériorisé quelques-unes des valeurs fondamentales de la société française. (…) Les jeunes ethniquement mélangés de Seine-Saint-Denis s’inscrivent dans une tradition de soulèvement social qui jalonne l’histoire de France. Leur violence traduit aussi la désintégration de la famille maghrébine et africaine au contact des valeurs d’égalité française ».
Français

Cet article cherche à questionner les catégories de « nord » et de « sud » à travers une mise en perspective des débats sur l’autorité dans la famille tels qu’ils se sont développés au Sénégal, depuis les débats sur le Code de la famille à partir de 2002, et en France lors des événements dans les banlieues, à l’automne 2005. À partir de processus de mise en question des figures traditionnelles de l’autorité dans la famille et dans le politique, il s’agit de montrer comment la complexité d’une crise au « nord » peut trouver au « sud » des pistes de compréhension et d’exploration.

Mots-clés

  • famille
  • autorité
  • polygamie
  • immigration
  • individualisation
  • espace public
  • espace domestique
  • postcolonial
  • démocratisation
  • interstices

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Marie Brossier [*]
  • [*]
    Doctorante, Université Paris 1 Pantheon-Sorbonne, CRPS/CEMAf – mariebrossier@hotmail.com.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/autr.041.0099
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