CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Partir, puis revenir comme « un Autre », sans avoir jamais cessé de se sentir différent, étranger, tout au long de son parcours… Cette description sommaire d’un possible « chemin de l’exil » [Tourn, 2003] amène à penser le migrant  [1] comme une figure toujours en mouvement, plus jamais chez lui et sans cesse en quête de sa place : ni vraiment au Nord, ni plus vraiment du Sud. Envisagé comme dépositaire et passeur d’imaginaires de moins en moins inscrits dans des territoires [2], il questionne de manière précise les interpénétrations particulières qui sont ici au centre des analyses. Le désir de départ et celui du retour sont des lieux d’imaginaires changeants, aux formes souvent foisonnantes et difficilement saisissables. À travers les projections et représentations qu’ils engagent, ils débordent les seules dimensions géographiques de la mobilité, démontrant que le déracinement peut être aussi bien géographique que sociologique [Noiriel, 2006, p. 159]  [3]. Comme illustration de ces espaces d’exil hors l’exil, je me suis ailleurs attaché à présenter « l’exil imaginaire » auquel se livrent de jeunes Dakarois  [4]. Ce procédé tend à désinvestir physiquement et/ou symboliquement les temps (diurne/nocturne), places (dépendance/autonomie), espaces (intérieur/extérieur), biens et modes de consommation, etc. les plus cautionnés par les aînés sociaux, tout en surinvestissant corrélativement ceux qui rejoignent le plus et le mieux les images d’un Ailleurs fantasmé. La finalité est ainsi d’accessoiriser et de façonner son existence pour qu’elle puisse faire l’objet de transpositions réalistes dans cet Ailleurs. Le déracinement qui s’opère ainsi renvoi son auteur à une sensation d’exil traduisant un processus d’acculturation et de syncrétisme que nous pourrions peut être qualifier d’intentionnels. L’Ailleurs dont il est ici question exprime un espace d’imaginaires dépositaire des aspirations à un mieux être et à un mieux vivre. Il reste porteur d’une dimension géographique, les esprits le cristallisant presque exclusivement autour des sociétés du Nord. Mais il demeure néanmoins largement du domaine de l’imaginaire, car il se construit surtout sur la base de représentations et fantasmes élaborés sur ces sociétés, qui n’ont pas ou peu d’équivalents dans le tangible. En ce sens, les catégories sociologiques de l’Autre et de l’Ailleurs sont plurielles et ne renvoient, ni nécessairement, ni exclusivement à un critère de distance géographique. D’une part, l’Autre peut être autant le proche que le lointain : dans le cas de l’exil imaginaire, l’Autre est l’aîné social, incarnation de valeurs dont on cherche à se défaire ; mais il est aussi l’occidental dont on cherche à approcher le mode de vie. D’autre part, l’Ailleurs définit un espace avant tout imaginaire, pour lequel la distance physique ne fait donc pas sens, sinon pour la déconstruire dans l’observation des procédés de réinterprétation qu’il induit. En suivant Arjun Appadurai, il apparaît d’ailleurs que les mondes sociaux de la migration et de l’exil font appel avec une acuité particulière aux imaginaires des acteurs, notamment parce que « l’exil renforce (…) les pouvoirs de l’imagination (comme double capacité à se souvenir du passé et à désirer le futur) ; il rend possibles des discours mythiques différents des mythes et des rituels auxquels se consacre traditionnellement l’Anthropologie » [Appadurai, 1996, p. 32]. Peut-être que « la pensée c’est l’exil et que chacun a l’exil qu’il désire »  [5]… C’est en tout cas à une réflexion sur les exils, tels qu’ils sont pensés et désirés par ceux qui les vivent, que vont être consacrées ces pages.

2 « Le bonheur, c’est faire quelque chose… pas être quelque part », concluait un jeune homme Sénégalais rencontré à Dakar en avril 2005, de retour après un séjour de cinq ans en Italie [6]. Nous comprendrons au fil des analyses qui suivent que « faire quelque chose » dans ce contexte ne réfère pas tant au fait d’être actif (activité salariée, etc.) qu’à l’idée de s’autoriser soi-même à investir l’ici, en y construisant son devenir dans le maintenant. Mais ce constat, au demeurant d’une grande sagesse, est bien un luxe réservé à celui qui a pu mettre en acte son aspiration à l’Ailleurs, se démarquant ainsi des perceptions strictement géographiques et/ou factuelles de l’expérience migratoire pour s’attacher à ses aspects symboliques. La migration vers le Nord est désormais entendue par de nombreux candidats au voyage comme moyen de se sentir complet, entier, abouti [7] : étape transitionnelle sans laquelle il ne sera pas possible de s’inscrire dans les possibilités de réalisation personnelle qu’offre la société d’origine. Pour la grande majorité de ceux qui ne sont pas partis, les rêves et promesses d’un Nord mirifique demeurent une actualité quotidienne, un point de mire autour duquel s’articulent des manières d’investir (et de désinvestir) l’espace social, souvent en négatif, et de se construire dans le local. Le voyage migratoire, désormais loin de véhiculer le seul travailleur immigré des années 60 et 70, confère avant tout un statut d’aîné social à ses auteurs : d’une certaine manière, pour beaucoup de jeunes Africains aujourd’hui, il s’agit de partir ou de se sentir « contraint de rester jeune » [Antoine et alii, 2001]. Le projet de départ traduit ainsi au moins autant des quêtes de prestige social et d’émancipation (avec, en filigrane, la nécessité de trouver les moyens de devenir adulte), que de liquidités. Évoquant ce « triomphe du migrant » dans le contexte du Sénégal contemporain, Tarik Dahou et Vincent Foucher nous disent que « les adjectifs “italien” et “américain” [qualifiant ceux qui ont émigré en Italie et aux États-Unis] ont remplacé l’ancien qualificatif “évolué” comme marqueurs de la réussite et comme métaphores du succès et du mérite » [Foucher et Dahou, 2004, p. 9]. Mais la distance qui se crée entre ceux qui sont partis et ceux qui sont restés va bien au-delà des seuls kilomètres qui séparent les corps. Elle finit par être sans doute avant tout culturelle, en s’inscrivant profondément en chacun et en déterminant ainsi la nature des liens qui se recréent par-delà les frontières nationales. En ce sens, l’expression de « culture de la migration » proposée par J. Schoorl pour qualifier notamment les modifications qu’induisent au sein des sociétés d’origine l’expérience vécue au loin par les migrants, semble tout à fait pertinente [Schoorl et alii, 2000].

3 Ces quelques éléments introductifs vont être ici étayés et approfondis sur la base d’entretiens et de récits d’observations réalisés dans le cadre d’une recherche anthropologique traitant du désir de l’Ailleurs des jeunes Dakarois  [8], sur un terrain « multi-situé » (multi-sited) et dans une perspective transnationale : Sénégal, Italie, France. Plus globalement, il va s’agir de penser les liens Afrique/Occident à travers le prisme de dialogues d’imaginaires – parfois muets, souvent de sourds – qui déterminent de nouvelles frontières, en marge de celles politiques, administratives, ou même scientifiques et intellectuelles. Ces frontières sont érigées d’abord sur la base des représentations que s’échangent les jeunes Sénégalais en et hors Sénégal, et s’organisent autour d’illusions de l’Ailleurs permettant de partir surtout et avant tout à la conquête de son existence. Mais ces dialogues dépassent les limites strictes des échanges transnationaux entre Sénégalais. Les regards et imaginaires occidentaux sur l’Afrique et ses ressortissants immigrés y participent également, notamment parce qu’ils déterminent partiellement les places octroyées aux migrants et/ou sollicitées par eux au sein des sociétés d’arrivée à travers le prisme de la construction de l’altérité. Ainsi, en filigrane dans ce texte, une question réversible et récurrente sera posée : le Nord ne serait-il jamais autant « Nord » que lorsqu’il est pensé et rêvé au Sud, et vice versa ? C’est ce voile déformant, mais aussi ces débordements et ces niches d’Ailleurs que cette contribution entend explorer et décrypter. Elle peut en ce sens être vue comme une réflexion sur la notion d’exotisme, ici entendue non pas comme « éloge de la méconnaissance, reflet de l’ethnocentrisme » [Guillaume, 1994, p. 11], ni caractère de ce « qui n’appartient pas aux sociétés occidentales »  [9], mais bien comme mode universel de s’échapper de soi-même vers l’Autre et l’Ailleurs, en réalité incarnations de son propre rêve. L’exotisme dont il sera ici question renvoi ainsi avant toute autre chose à la notion d’altérité, c’est-à-dire au fait de penser l’Autre à travers l’éloignement et/ou la proximité induits par les représentations élaborées sur lui. Ainsi envisagé, le couple exotisme/altérité nous permet de transcender les analyses strictement factuelles des migrations, pour en proposer une approche selon le croisement de regards Sud/Nord, mais aussi l’Autre/Soi-même.

Le voyage migratoire entre transition, intention et invention

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Les années passent, et toi tu es là… Tu regardes les autres qui vivent tranquilles. Tu n’as rien en poche, rien qui te permette de te faire respecter. Les filles ne veulent pas d’un mec qui n’a rien à leur offrir, elles attendent de toi que tu les aides… C’est possible de séduire une fille comme ça, parce qu’un jour tu es bien habillé, parce que tu lui parles bien ou parce que tu es un bon danseur. Mais la fille n’est pas folle plus d’un jour ou d’une nuit. Coucher, c’est pas marier ! Et puis tu sais, les gens se regardent entre eux, et si toi tu as l’âge d’avoir une épouse et que tu n’as rien, pas de piaule à toi, pas de matériel, pas de boulot, et tout ça et bien les gens parlent, on ne te respecte pas. (…) Tu vois bien comment ceux de l’extérieur sont reçus ici, on dirait des Présidents en visite. Quand un cousin d’Italie ou de New York est de passage, je te jure qu’on n’existe plus. Là, c’est grave, tout le monde veut être aimé de lui, mais c’est surtout que tout le monde veut en croquer un petit bout. Les filles là, prêtes à tout je te dis ! Et toi, tu te sens comme un invisible, le mec est là avec ses beaux vêtements, ses belles histoires, son aisance… Le mec frime, je te jure, il raconte du n’importe quoi, et toi tu te sens comme rien du tout à cause de lui. Les gens croient qu’il est puissant juste parce qu’il est parti. C’est comme ça, les Sénégalais ils veulent tous un petit bout de l’Occident à se mettre sous la dent : un vêtement, une adresse, un conseil. Mais si toi tu n’es pas parti, Ah ! … C’est une autre histoire, Bilahi ! , une toute autre histoire même.
(…) Et je crois même que quand les gens d’ici te regardent, c’est comme s’ils se regardaient eux-mêmes, et ce spectacle ils n’en veulent pas ! C’est comme si tu n’étais pas entier. Tu comprends, si c’était juste moi, je m’en fous pas mal de partir ou rester. Le Sénégal c’est doux, on a la paix ici. Belles filles, bon riz, beau soleil, la paix, et tout ça… Mais ces bonnes choses là, il ne suffit pas de les avoir… Il faut aussi pouvoir les savourer. C’est pour ça que si je peux partir, je ne vais pas y réfléchir à deux fois. Tu pars, quand tu reviens tu retrouves les mêmes choses… Sauf que là, vraiment, tu sais les savourer ! Tu es complet, bien rempli (rires), on te regarde comme quelqu’un de lourd ! Le vide, les gens n’en veulent pas ! Personne n’en veut ! C’est tout ! (…) (M, 25 ans, Dakar).

5 Ce témoignage rend compte de manière précise des enjeux symboliques rattachés à la migration : partir, c’est chercher une forme de complétude tout en essayant de changer le regard que l’entourage porte sur nous – et par conséquence la place que l’on occupe au sein de la société d’origine. C’est aussi se lester, en devenant ainsi « quelqu’un de lourd », peut être pour se sentir d’avantage ancré, enraciné. C’est surtout emprunter un chemin de traverse, avoir recours à une dérivation pour revenir sous un jour et avec un regard différents, pour enfin pouvoir « savourer ». Plus concrètement, le voyage migratoire représente une transition possible entre la jeunesse et l’âge adulte. Il fait littéralement « grandir », c’est-à-dire qu’il confère à ses auteurs une stature d’aîné social :

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Tu pars un beau jour, ok ? Tu pars, soit parce que tu connais quelqu’un qui est déjà parti, et qui t’aide avec les démarches… Soit parce que tu as le cœur pour tenter de passer comme ça, en prenant des risques… Bon. Tu pars, et tout le monde le sait ça, que tu es parti. « Lui ? Il est parti en Italie, il est parti en Amérique, et patati et patata ». Y a des gens ici, c’est des vrais griots du voyage, vraiment, ils savent toute la liste de ceux qui ont voyagé, avec les lieux de destination et tout et tout (rires). C’est surtout qu’ils veulent savoir qui va pouvoir les aider quoi… C’est un peu compliqué, mais bon, par exemple, si moi je connais quelqu’un qui est parti, ça me grandit. Je veux dire, par exemple je sais qu’untel est dehors [à l’étranger], alors comme je le connais bien, c’est comme si j’avais mis un pied dehors aussi. Il pourra peut-être me débrouiller des papiers, ou bien me donner des conseils, ou bien me rapporter des trucs de là-bas… Tu vois, c’est comme ça que les gens pensent au Sénégal : t’es grand si t’es parti, mais si tu connais seulement beaucoup de gens qui sont partis, ça te fait grandir un peu aussi. (…) (M, 26 ans, Rome)

7 Il peut « faire grandir » d’un point de vue matériel, d’une part : à travers la constitution possible d’un capital économique (immobilier, voiture, mise en place d’une activité rémunératrice, etc.), la possibilité de se marier, de prendre en charge ses parents et de restaurer ainsi une part du transfert intergénérationnel, etc. D’autre part, il suggère une croissance du capital symbolique : on fait grandir son nom, en s’auréolant de la valeur-prestige rattachée à l’Ailleurs et à ses accessoires (matériels et culturels), et en devenant ainsi incarnation de l’illusion (le terme « prestige », du latin praestigium, signifie étymologiquement : artifice, fantasmagorie, illusion).

8 Cette idée du voyage comme transition le révèle ainsi comme espace-temps intermédiaire, permettant de faire le lien entre deux moments de l’existence distincts. Il épouse en ce sens les caractéristiques de « la jeunesse » telle qu’envisagée par la sociologie contemporaine : c’est-à-dire comme processus de socialisation, consistant à se construire une place ajustée – et j’ajouterais gratifiante, dans la société [Galland, 2001]. Il importe de préciser que cette idée de place gratifiante – tout comme la définition de la jeunesse elle-même, varie dans le temps et l’espace. Schématiquement, devenir adulte en Occident renvoi largement au fait de parvenir à subvenir à ses propres besoins en entrant dans la vie active (s’opposant ainsi à la passivité supposée du jeune), de quitter le domicile des parents pour éventuellement fonder à son tour un foyer ou une famille, etc. L’échec ou le renoncement à cette prise d’autonomie précoce sera perçu négativement. Au Sénégal – et plus globalement dans de nombreuses sociétés du Sud, la donne semble encore bien différente : le « grand » (c’est-à-dire le détenteur de l’autorité sur, notamment, son propre devenir) est celui qui trouve les moyens et ressources de prendre sa part positive au système de la solidarité communautaire. En l’absence persistante d’un système de protection sociale impersonnel, étatique, le groupe demeure aujourd’hui l’espace quasi-exclusif dans lequel l’individu puise ses soutiens, au sens le plus large (logis, nourriture, santé, travail, etc.), et s’inscrivant ainsi dans un principe de dette bien décrit par Alain Marie [Marie, 2002]  [10]. On observe toutefois un effritement de cette solidarité, directement lié à la crise que rencontre le principe de la dette communautaire, notamment parce que les ressources économiques nécessaires à son fonctionnement et à sa reproduction se réduisent continuellement. Sans toutefois disparaître, il connaît des transformations endogènes majeures, particulièrement parce qu’à cette crise objective s’ajoute une remise en cause subjective : « (…) tous mettent effectivement en question la logique de la dette. Plus exactement, sans remettre en cause l’éthique de solidarité qui en est le versant rose, explicitement valorisé et, comme tel, durablement intériorisé, ils prennent une conscience désenchantée de son versant instrumental, utilitariste, car c’est sous cet aspect que, désormais, elle se dévoile sans fard à leurs yeux dessillés » [Marie, ibid.].

9 Au nombre de ces transformations, l’exercice légitime de l’autorité selon la hiérarchisation par l’âge (que traduit notamment le principe du transfert intergénérationnel) ne s’impose plus de lui-même. Sous l’effet conjugué de la circulation – échappant aux médiations communautaires – de modèles individualistes d’être et de faire  [11], et de l’incapacité des aînés à remplir le rôle de procurateur des besoins matériels toujours plus nombreux et multiples des jeunes, leur autorité apparaît de plus en plus contestable, car de moins en moins légitime. Aînesse sociale et aînesse civile ne sont ainsi plus strictement superposables, et la place occupée individuellement dans la hiérarchie sociale est désormais d’avantage produite et conquise qu’octroyée. En revisitant un dicton wolof selon lequel « seule la disparition du père autorise le fils à devenir homme à son tour », nous pourrions dire que pour atteindre la pleine maturité, il ne suffit plus d’attendre la mort de son père ; et corrélativement, la mort de celui-ci n’en est plus une condition nécessaire.

10 La prescription de destins sociaux (et des moyens de les réaliser) culturellement légitimes est, pour ces différentes raisons, rendue de moins en moins claire. Dans le même temps, les jeunes jouissent d’un pouvoir plus important, selon la terminologie de Weber : c’est-à-dire une capacité ou une chance plus grandes pour réaliser leur destin personnel. Un espace plus étendu d’autonomie se dessine en effet, parce que la crise des systèmes d’autorités traditionnelles (hérités) suscite un relâchement du contrôle social qui s’exerce sur eux. Ils sont également « les créatures de nos cauchemars, de nos impossibilités sociales et de nos angoisses » [Comaroff, 2000, p. 91] : ainsi, à la contestation de l’autorité des pères s’ajoute la honte et le sentiment de culpabilité de ces derniers, renforçant encore leur incapacité à s’imposer sur leurs cadets. Les jeunes sont en ce sens appelés à construire leur place de manière relativement autonome et innovante – en tout cas moins normée, notamment par l’inauguration de nouveaux canaux d’accès à l’aînesse sociale, qui se confondent avec des moyens de poursuivre de nouveaux modèles culturels qu’ils plébiscitent largement. La crise des solidarités communautaires traduit ainsi également un conflit de générations, qui se donne à voir – en plus de l’entrée en concurrence décrite plus haut – dans la disjonction des critères de ce sur quoi repose le prestige social  [12], entendu comme fondateur de la situation statutaire individuelle. Il y a ainsi également superposition d’un conflit de valeurs, selon la définition que l’anthropologie propose du prestige : « toutes les sociétés répartissent leurs membres en fonction d’une certaine hiérarchie de prestige, c’est-à-dire selon l’aptitude qu’elles reconnaissent pour chaque individu, à incarner exemplairement, dans ses aspirations et ses comportements, leurs valeurs essentielles » [Bonte, Izard, 1992].

11 C’est ainsi largement dans la déconnection d’avec les modèles transmis verticalement, par leurs aînés, que les jeunes cherchent à élaborer pour eux-mêmes une place gratifiante dans la société, et plus largement à donner du sens à leur vie. La référence à l’Ailleurs peut dès lors être envisagée comme matrice principale du système de valeurs qui suit la « culture de la migration » déjà évoquée, dans la mesure où le voyage migratoire apparaît avant tout comme moyen de se connecter à cet Ailleurs dépositaire des attributs du prestige, et permettant ainsi la constitution d’un capital économique mais aussi symbolique. Ainsi, progressivement le projet migratoire lui-même se substitue au projet de vie, comme objectif (provisoirement) ultime pour de nombreux jeunes  [13]. Précisons que cette idée du voyage comme transition vers un meilleur avenir et quasi rite de passage vers le statut d’aîné social, n’est pas une spécificité sénégalaise. Éliane de Latour notamment a déjà bien mis en lumière des procédés de même type en Côte d’Ivoire, parmi les ghettomen : « Derrière les parcours délinquants observés, se nichait l’idée d’un grand voyage susceptible de modifier le mauvais sort. La réussite des “grands frères” partis au Nord alimentait les rêves des ghettomen dont me parvenaient les chimères et les rumeurs. Tous voulaient toucher l’Occident (…) » [De Latour, 2001, p. 171]. C’est donc sur la base de ce rapport particulier à l’Occident que se construisent de nombreux jeunes africains, tout en s’inscrivant ainsi dans des dynamiques qui dépassent de loin les seules aspirations individuelles et les « petites histoires » qui en découlent : parce que, en suivant Jean-François Bayart, on se doit de constater que la place de l’Afrique dans le monde est avant tout « une histoire d’extraversion » [Bayart, 1999]. Les matrices des représentations et désirs de l’Ailleurs sont en effet plurielles et complexes, inscrites notamment dans une longue histoire d’acculturation progressive, de syncrétismes et d’extraversion (avec pour toiles de fond principales, les situations coloniale et postcoloniale, et le phénomène de globalisation culturelle). Le lieu n’est pas ici d’en proposer une analyse trop détaillée, sinon pour constater qu’au Sénégal, aujourd’hui encore, « l’évolué » reste celui qui maîtrise parfaitement la langue française, et qui a adopté un mode de vie supposée occidental, se manifestant notamment à travers la constitution d’une famille restreinte, des habitudes alimentaires particulières, un mode d’habiter qui marque strictement la frontière entre espace privé/public, etc. Les Sénégalais expatriés viennent effectivement désormais concurrencer ce modèle de réussite [Foucher, Dahou, op. cit.], produit historique de la hiérarchisation sociale créée par l’expérience coloniale et relayée par les termes post-indépendances du contrat social sénégalais, qui posent comme agent idéal du prestige social l’intellectuel, fonctionnaire de surcroît et grand érudit francophone. Au demeurant, il convient de se demander si ces nouvelles figures transnationales du prestige ne sont pas de simples incarnations délocalisées du plus classique évolué aux yeux de ceux restés au pays. D’une certaine manière, incarner l’Occident à travers ses seuls accessoires ne suffirait plus : il faudrait à présent parvenir à le toucher.

12 Toutefois, la migration (et la tentative conséquente de constitution du capital permettant d’accéder à une place prestigieuse au sein de la société d’origine) comporte pour le migrant un certain nombre de conséquences qui peuvent l’éloigner progressivement de son projet initial, en même temps que se crée de la distance avec l’Autre-semblable, c’est-à-dire les proches restés au pays. Les trames principales de ces transformations s’inscrivent dans l’inévitable épreuve du réel qu’est la mobilité, et qui implique la déconstruction de l’Ailleurs devenu mythique. Le migrant se confronte ainsi à une expérience multiple de l’altérité – ou plutôt à une « mise en altérité » désormais multiple, « qui supporte des gradations allant de la reconnaissance d’une proximité et d’une similitude au positionnement dans une extériorité radicale, de l’interdépendance ou l’intersubjectivité à l’étrangeté absolue » [Jodelet, 2005].

Ailleurs, exotisme et altérité : une dialectique du proche et du lointain

13 Le fil de l’Ailleurs imaginaire poursuivi jusqu’à maintenant ne doit pas nous amener hâtivement à conclure à la simple naïveté – ni à l’aveuglement – des candidats à l’exil. Le Nord est en effet connu de manière précise, tant par l’accès – souvent boulimique – aux nouveaux médias que par les discours sur l’Ailleurs proposés par ceux qui ont voyagé. Le projet de départ s’inscrit dans des stratégies très denses, agrégeant souvent une masse impressionnante d’informations qui tendent à le rationaliser autant que possible : potentialités d’être régularisé dans tel pays plutôt que tel autre ; de s’insérer dans un réseau de migrants déjà existant, plus ou moins enclin et apte à accueillir le nouvel arrivant ; bons plans et bonnes connections sur place pour accéder rapidement à une activité rémunératrice, etc. Stratégies qui impliquent, en tout état de cause, une scrutation attentive des contextes sociaux, politiques, économiques, administratifs, etc. des sociétés du Nord, dans leurs diversités. Ainsi, depuis plusieurs années, l’Italie est devenue une destination très prisée pour de nombreux Sénégalais candidats au voyage, la possibilité d’y obtenir une régularisation de sa situation administrative étant réputée moins ardue qu’en France par exemple. Les États-Unis ont quant à eux largement supplanté le Vieux Continent sur le terrain du capital prestige, notamment parce qu’il est plus gratifiant de s’identifier aux nouvelles figures de la réussite afro-américaines (via le sport, la musique et les clips, le cinéma, etc.) qu’aux « racailles » et « sans papiers » parisiens, pour reprendre le vocable politico-médiatique français. Dans le même ordre d’idées, certains développent une véritable expertise des sociétés occidentales, sans n’être toutefois jamais sortis du Sénégal, ni parfois même de la péninsule du Cap-Vert (qui délimite la région de Dakar). L’observateur étranger sera parfois surpris de la finesse et de la relative exhaustivité des analyses développées sur l’actualité politique française par exemple :

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Je sais que là-bas aussi il y a du chômage, qu’il y a le racisme… Je sais qu’un noir reste un noir, même s’il passe mille ans chez les toubabs. J’ai même vu qu’en Europe on laisse brûler des enfants africains dans les immeubles. (…) Je sais bien que la France n’est plus le pays des droits de l’Homme… Mais tu peux me dire tout ça, ça ne change rien, je vais toujours vouloir partir. C’est un truc trop fort, ça ne te lâche jamais. On y pense sans cesse (…) (M, 22 ans, Dakar).

15 Au demeurant, celui qui revient porteur d’avertissements et de mises en garde n’est souvent pas audible : on le suspecte de vouloir dissuader les autres de partir à leur tour, afin de garder pour lui seul tout le prestige de l’Ailleurs. À cela s’ajoute l’ironie parfois désabusée de ceux qui ont vu les deux côtés du miroir, et qui veulent en tirer les bénéfices au moins symboliques : les efforts et souffrances consentis loin du pays sont rendus acceptables par la seule certitude que l’on reviendra en champion, par la conscience que l’on a d’être devenu à travers la migration une potentielle « nouvelle figure de la réussite » [Banégas, Warnier, 2001]. Ces expressions paradoxales du rapport à l’Ailleurs démontrent bien l’ambivalence de son statut [14]. Pour qu’il existe autrement que comme simple chimère, et qu’il puisse ainsi être éventuellement inscrit dans un véritable projet de départ, il est nécessaire de le connaître avec précision. Néanmoins, pour le pérenniser dans sa fonction d’espace dépositaire d’aspirations à un « mieux » et comme vecteur du prestige social, cet effort de rationalisation doit rester au stade du constat distancié – peut être même désincarné. Les discours qui tendent à déconstruire les illusions sur l’Ailleurs sont encore moins acceptables lorsqu’ils sont le fait d’un « autre-semblable », dans la mesure où celui-ci est « le médiateur de l’identité, de la représentation et de la connaissance en ce qu’il complète, réfléchit et donne sens à ce que le sujet éprouve » [Jodelet, op. cit., p. 31]. Il y a en ce sens superposition imperméable de deux registres de perceptions contradictoires, qui donne sa forme particulière aux relations qui se nouent de parts et d’autres des frontières nationales sénégalaises. Celles-ci sont ainsi bien souvent empreintes d’une terrible lucidité :

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Je bosse dur… Caissière dans un supermarché, tu connais ? ! En France, je suis une petite noire que les gens ne regardent même pas, derrière sa caisse [enregistreuse]. Bon c’est vrai que je sors un peu dans les soirées Africaines et tout ça, mais bon, c’est dur quand même… Mais quand je rentre à Dakar avec des valises pleines de cadeaux, les poches bien garnies, je te promets que c’est autre chose. Mes amies d’enfance m’attendent comme la reine de Saba, et si je reste un mois, je vais sortir chaque soir en boîte de nuit, bouteilles, champagne… Jusqu’à ce que j’aie mangé tout mon argent. Je sais très bien qu’elles s’en foutent de moi… Bon, pas vraiment « s’en foutent », mais elles profitent, quoi. (…) Des fois ici j’ai des moments de déprime, à chaque fois je me dis que je vais appeler au pays, parler à des amis, ça me fera du bien… Mais franchement, j’ai beau réfléchir, je ne trouve personne à appeler, à part ma famille. Je sais bien que si je ne suis pas là pour les financer, elles ne s’intéressent pas à moi ! Elles ont déjà retrouvé une autre meilleure copine arrivée de New York [rires]. (…) C’est comme ça, mais c’est pas grave, le plus important c’est d’en être conscient, comme ça tu n’es pas déçu quoi ! (F, 25 ans, Paris)

17 Le venant [15] est ainsi confronté à la nécessité de se reconstruire lui-même comme différent de ses semblables, c’est-à-dire ceux restés au pays, dans ce qu’il continue à considérer bien souvent comme le proche – sa société d’origine, en dépit de la distance géographique. Il devient ainsi un personnage d’entre-deux, détenteur d’un savoir acquis par sa pratique du lointain (la connaissance de la « réalité » de l’Ailleurs) mais aussi incarnation des imaginaires et représentations de ses proches (les « illusions » de l’Ailleurs). En ce sens, il est un révélateur privilégié des procédés de mise en altérité puisqu’il expérimente simultanément l’altérité « du dedans » et celle « du dehors »  [16]. Il se retrouve d’une certaine manière prisonnier de représentations dont il a par ailleurs intérêt à ce qu’elles ne soient pas démenties, d’abord parce qu’elles sont au fondement de son prestige, ensuite parce que l’élaboration d’un tel discours contradictoire pourrait le renvoyer à encore plus de distance vis-à-vis de ses proches :

18

Tu passes un, deux, trois ans comme ça. T’as pas de papier, alors tu penses même pas à retourner au pays pour des vacances. Tu en rêves pourtant, je te jure, moi j’ai tellement rêvé de rentrer à Dakar, franchement, c’est juste ça qui m’a aidé à supporter tout quoi, de savoir qu’un jour je serai de retour au pays, avec tout ce qu’il faut pour que les gens te respectent. Vraiment, si tu parles avec un Sénégalais qui est en Italie, si le gars est honnête, il va jamais te dire que ça lui plait d’être là, il va te dire qu’il veut repartir. Bon, peut-être ceux qui font les voyous ici, ça les gêne pas, mais c’est pas les plus nombreux dé ! Tous ces jeunes qui auraient fait n’importe quoi pour partir, maintenant qu’ils sont loin, ils ne pensent qu’à rentrer au pays. Ouais, c’est comme ça quoi… (…) Bon, les temps passent, et toi, vraiment, tu ne t’es jamais senti autant Sénégalais que depuis que tu as quitté le pays hein, et même, pour dire, le Sénégal tu ne l’as jamais autant aimé… Et puis un jour, à la grâce de Dieu, on te donne les papiers, et tu peux repartir comme ça. Tu te dis : « Ah, je rentre au pays, je rentre chez moi, je vais voir mes vrais parents et tout ça ». Mais là, Wallahi ! , tu rêves vraiment. Faut pas croire qu’on part et qu’on revient pareil. Ça, ça n’existe pas… Les gens, comment tu les retrouves et comment ils te reçoivent, c’est pas du vrai vrai quoi ! Ils ne te considèrent plus vraiment comme toi-même, t’es plutôt celui qu’est parti. Bon je sais pas comment dire ça… C’est comme si c’était pas naturel, hein. Par exemple, si t’as des amis qui ont entendu que tu es de retour, ils vont venir te voir, mais toi tu sais bien qu’il faut leur donner quelque chose, un vêtement, des chaussures, un truc quoi… De te revoir seulement, ça va jamais leur suffire. Et puis par exemple, tes amis ils entrent comme ça dans ta chambre, et puis ils regardent autour, tes bagages et tout. Ils te demandent de leur donner ceci cela… Alors c’est sûr que tu vas donner des trucs, mais après tu penses au mal que t’as eu à acheter tout ça, et si tu dis non, les gars vont te répondre : « Mais tu pourras en racheter un quand tu vas repartir », ou bien ils vont dire à tout le monde que t’es un radin, que t’as changé et tout ça. Alors que toi, tu sais bien que tu n’as pas changé, c’est juste eux qui te voient différemment, tu vois ? ! Ils font comme si c’était gratuit pour toi. Ils ne veulent pas comprendre que ces choses-là, j’ai sué pour les avoir, quoi ! (…) Je me souviens d’une fois, il y avait l’inauguration d’un Centre à la sortie de Dakar. Un truc pour les Sénégalais de l’extérieur qui veulent revenir au pays pour faire des choses. (…) Là bas, y avait presque que des émigrés : des Sénégalais d’Italie, de France, d’Amérique, d’Allemagne… Et je te jure que personne ne parlait wolof : les « Américains » restaient entre eux et parlaient anglais… Les « Italiens » en italien… Les « Français » en français… Ca ne se mélangeait pas, quoi ! C’était bizarre, vraiment… On aurait vraiment dit qu’on n’était pas à Dakar ! (M, 24 ans, Florence)

19 Puisque chaque dedans a son dehors et réciproquement, en surplus de cette expérience multiple de l’altérité vis-à-vis de la société d’origine, le migrant se confronte également à la reconstruction de lui-même comme un étranger au sein de sa société d’accueil. L’étranger, nous dit Simmel, se trouve dans une position d’appartenance particulière : « L’unité de la distance et de la proximité, présente dans toute relation humaine, s’organise ici en une constellation dont la formule la plus brève est celle-ci : la distance à l’intérieur de la relation signifie que le proche est lointain, mais le fait même de l’altérité signifie que le lointain est proche » [Simmel, 1908-1984, p. 54]. Dans l’esprit de cette dialectique du proche et du lointain, l’immigrant est bien souvent amené à traverser une phase paradoxale de régression :

20

Alors, moi par exemple, c’était l’Italie. J’arrive ici avec dans la tête l’idée que la galère c’est fini, que je vais avoir de l’argent, belle vie et tout. Et puis quoi ? Je me retrouve comme un « poverino » [pauvre] là, à courir toute la journée avec mon stock de « verres » [lunettes de soleil], à essayer de vendre ça pour une misère… On me prend pour un voleur, ou bien juste pour un con. C’est ça, les gens ici [les italiens] ils croient que les noirs, on est des sauvages quoi ! Qu’ils peuvent nous faire et nous dire du n’importe quoi, pas grave, on n’est pas des hommes comme eux. Bilahi, c’est dur quoi. Tu quittes ton pays et tes proches pour devenir un Grand, et tu te retrouves à être moins qu’un Boy  [17].

21 Ce va et vient entre quête d’élévation de soi et acceptation simultanée d’une image de « demi-homme » (de « sauvage », ou de petit, « boy ») est d’une certaine manière symptomatique du décalage qui existe entre les rêves et aspirations du migrant et la réalité de la situation migratoire. Mais il traduit aussi un procédé d’enfermement à la fois dans une différenciation culturelle supposée irréductible (un racisme différentialiste, selon la formule de P.-A. Taguieff [1988]) et dans un système de représentations, qui sont au fondement de la construction de l’altérité radicale qui bien souvent accompagne les immigrés africains. Je souhaite ainsi, avant de conclure ce texte, faire brièvement état de deux types de représentations construites autour des migrants africains – en tant que représentants en occident des mondes sociaux africains, qui apparaissent à la fois fondatrices et exemplaires des modes particuliers de production de l’altérité en situation migratoire : la causalité de la pauvreté d’une part, la pérennisation de stéréotypes « exotisants » qui drainent une conception ethno-raciale de la stratification sociale française d’autre part.

22 Le thème de la pauvreté tout d’abord – et plus précisément le cantonnement des migrations internationales africaines aux seules analyses par les déterminants économiques, apparaît comme une manière de ne pas reconnaître la légitimité que l’attrait de l’Ailleurs occidental, exotique, (en tant qu’objet de désir ne traduisant pas nécessairement des stratégies de survie) exerce sur les populations du Sud. Occultant bien souvent tout autre type d’explications, la pauvreté fait figure de concept entonnoir dans la perception des migrations du Sud : mode d’interprétation unique et étroit d’une large collection de contextes et de déterminants initiaux  [18]. En niant les désirs de l’Ailleurs des candidats africains à la migration, pour ne s’attacher qu’à une interprétation molle de leurs besoins et nécessités matérielles et/ou économiques, c’est en fait une part de leur subjectivité que l’on dément. Enfermés dans des représentations où le thème de la misère (mais aussi du sous-développement, de la maladie et de la guerre ethnique) est omniprésent, ils n’ont pas droit de cité dans les sphères du désir d’émancipation et d’accès à l’Autre et l’Ailleurs. Celles de leurs aspirations qui mènent aux projets migratoires ne pourraient avoir pour objet central le besoin – universel – de désirer et de créer ainsi la bascule pour devenir, car l’actualité lourde du continent imposerait que leurs mobiles se confondent avec des finalités de type exclusivement utilitaire. Ce déséquilibre apparaît avec d’autant plus de force que les imaginaires de l’exotisme sont, a contrario, sans cesse sollicités et entretenus au sein des sociétés occidentales. Faisons ici brièvement référence à l’industrie du voyage et du tourisme de masse : photos de cocotiers, visions de minarets au soleil couchant ou d’églises coptes sur fond d’azur tapissent les murs du métro parisien, titillant la fibre de l’Ailleurs chez des citadins hexagonaux en quête de dépaysement. Inutile de préciser que ce tourisme de masse fait finalement moins appel à la curiosité de ses protagonistes qu’il ne façonne des clients-voyageurs, véritables consommateurs de destinations lointaines relativement uniformisées et formatées (hôtels et loisirs standardisés). Dans les couloirs du métro parisien, les affiches publicitaires de ces mêmes voyagistes côtoient directement celles d’un autre prestataire de services, qui s’adresse lui directement à une audience immigrée. Ainsi, l’agence Western Union a proposé en 2006 une campagne de communication dont les visuels et le slogan ( « J’envoie bien plus que de l’argent ») mettaient en scène le migrant comme procurateur des imaginaires matériels de ses proches restés au pays. D’un côté l’Azur, de l’autre l’argent : ces deux médians du rêve (et d’une certaine manière de la réussite) illustrent en eux-mêmes les analyses qui précèdent, renvoyant chacun à sa sphère attributive et exclusive de fantasmes, et de besoins supposés.

23 Comprendre la production de l’altérité à travers le prisme de l’exotisme implique ainsi un croisement des regards. L’Ailleurs occidental largement traité dans ce texte porte assurément les critères de l’exotisme, en tant qu’espace de représentations et d’imaginaires qui tendent à magnifier le lointain. Le Nord n’est pas non plus exempt de niches de Suds fantasmés, bien révélatrices de stéréotypes exotisants très ancrés dans les imaginaires occidentaux, mais aussi plébiscités par eux. Pensons aux boutiques de design ethnique toujours plus nombreuses dans les grandes villes françaises ; aux cours de danse africaine et de percussions ; mais aussi aux succès commerciaux de nombreux musiciens et chanteurs africains classés dans la catégorie World Music (Ali Farka Touré, Salif Keïta, Oumou Sangaré, Youssou N’dour, pour ne citer qu’eux). Rythmes, mouvements, couleurs s’associent dans la construction d’une Afrique attrayante et rassurante, qui tranche ainsi de manière formelle avec les représentations sur la pauvreté de ses ressortissants migrants qui, il faut le constater, sont de loin majoritaires dans le traitement de l’actualité du continent africain. Ajoutons, à la suite de Blanchard et Bancel [1998], que « les images qui, durant près d’un siècle, ont dessiné l’imaginaire sur l’Autre n’ont pu être déconstruites puisque la France n’a pas encore ouvert cette page sensible de son histoire ». D’une certaine manière, l’Autre est acceptable et accepté tant qu’il demeure suffisamment lointain pour que les stéréotypes de l’exotisme lui soient appliqués à loisir ; dès lors que par sa présence – et ce que l’on entrevoit ainsi de sa propre réflexivité – il s’inscrit dans le proche, il devient menaçant, notamment parce qu’il amène à une déconstruction des éléments gratifiants liés à la sensation d’exotisme [Segalen, 1994] qu’il aura d’abord suscité : d’exotique, il devient ethnique. L’altérité du dehors porte et supporte ainsi aisément une certaine idée de la diversité culturelle – celle de l’exotisme, en tant que mode gratifiant d’envisager l’Autre dans un universalisme abstrait. L’altérité du dedans, en envisageant cette même diversité d’un point de vue ethnique ou « racial » (la question sociale se montrant ainsi remarquablement soluble dans la « question raciale » [Fassin, 2006]), la considère comme menaçante, et induit des procédés de différentiation sociale qui reposent largement sur le critère de l’ethnicité comme creuset d’irréductibles différences. Au sujet de l’ethnicisation du lien social en France, Jacqueline Costa-Lascoux écrit : « l’explication ethnique des problèmes sociaux rappelle, en fait, un phénomène observé pendant la colonisation : l’essentialisation de la différence » [Costa-Lascoux, 2005]. Roger Bastide quant à lui, dès 1971, proposait une analyse d’une étonnante actualité :

24

Au fond, ce qui est dépeint, c’est un marginalisme sociologique, plus que culturel, celui d’hommes appartenant à la culture occidentale et qui se sentent rejetés en dehors de cette culture par les barrières des discriminations raciales. Le drame dont il est question n’est pas celui de l’homme divisé entre deux civilisations, c’est celui de la double appartenance, à une culture occidentale et à une société minoritaire [Bastide, (1971) 2000, p. 138].

Conclusion

25 Le rapport à l’autre-étranger (contextuellement, le migrant africain) au sein des pays ex-coloniaux, envisagé dans la longue durée, montre bien que les catégorisations géographiques traduisent en réalité des processus de naturalisation de la différence, notamment par enfermement des individus dans des déterminations à la fois culturelles, historiques et économiques. Pour continuer d’exister, ces procédés de distinction doivent s’étayer sur des différences culturelles supposées irréductibles. Ces modes de traitement de l’Autre participent à la pérennité de la distinction Nord/ Sud, en ce que le géographique semble ainsi irrémédiablement inscrit en chacun sous la forme d’une détermination généalogique, comme l’exprime ce jeune français né de parents sénégalais :

26

Je ne peux pas aller à une soirée ou à un dîner sans que quelqu’un finisse par me demander : « De quelle origine tu es ? »… Au début, je répondais « sénégalaise », après tout je suis fier de mes racines, et je sais que ça ne part pas d’une mauvaise intention. Mais à force, ça me fatigue. Maintenant, je dis : « Coloniale, globalement… Comme toi ! » Ça jette un froid, mais ça a le mérite d’être clair ! (…) Mais quand je suis dans mon quartier [de la banlieue parisienne] avec mes amis d’enfance, là je dis que je suis Sénégalais. En fait, ce qui me dérange, c’est quand les blancs me questionnent sur mes origines. Avec les amis du quartier, on rigole comme ça : « toi là, sale Congolais », ou bien Como-rien du tout [jeu de mot sur le terme « Comorien »]… Ou bien on dit que les Maliens mangent que du sable. Là, avec mes amis noirs, je suis fier de dire que je suis Sénégalais… Même si je sais que je suis français avant tout. Seulement, je sais qu’un noir ne va pas me juger sur ma couleur, alors qu’un blanc, on ne sait jamais ! (M, 28 ans, Cergy)

27 C’est également au travers de tels exemples, a priori peu remarquables tant ils sont communs et récurrents, que se joue une part de « la violence de l’interprétation » [Aulagnier, 1981]. Violence d’autant plus forte qu’elle est – pour partie en tout cas – co-construite, en ce qu’elle suit un processus d’intériorisation que Jean-Louis Sagot-Duvauroux [2004] a bien résumé à travers l’expression « On ne naît pas noir, on le devient ».

28 Cette contribution a voulu démontrer que les attributs catégoriels qui distinguent les populations dites du Sud et du Nord suivent les imaginaires fondateurs de l’Autre et l’Ailleurs et les désirs réciproques qui les mettent en lien. Parce que les rôles et statuts qu’endosse un même individu sont multiples ; parce que le proche parfois devient le lointain, le lointain le proche… et que l’Autre devient parfois soi-même, seules la réflexivité que chacun porte sur son propre parcours et sa manière d’être au monde, et les expériences faites de l’altérité permettent de constamment négocier sa place. Ni vraiment au Sud, ni vraiment au Nord, mais plutôt en un juste milieu, là où le géographique ne fait plus sens et cède la place à un jeu de perpétuelle adaptation et de constante invention, les individus se construisent en se nourrissant d’imaginaires multiples et en élaborant ainsi « leur » monde.

Notes

  • [*]
    Doctorant en Anthropologie sociale, associé au CEAf-EHESS, 96 boulevard Raspail, 75006 Paris.
  • [1]
    Entendu ici comme totalisation de l’expérience migratoire, c’est-à-dire à la fois un émigrant et un immigrant.
  • [2]
    Cette idée d’une déterritorialisation des imaginaires renvoi largement aux travaux d’Arjun Appadurai sur l’imaginaire comme pratique sociale au quotidien. Voir notamment Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Payot, 1996.
  • [3]
    Selon Gérard Noiriel, le déracinement peut être caractérisé « comme une perte, pour l’individu, des principaux repères et soutiens qui lui assuraient l’intégration dans un milieu. M. Halbwachs, A. Leroi-Gourhan ou B. Bettelheim ont montré, chacun dans son domaine, l’importance des cadres spatio-temporels pour l’équilibre psychique et social de l’individu. Toute transplantation (par changement de milieu géographique et/ou sociologique) entraîne un déracinement plus ou moins important ».
  • [4]
    « Et si c’était l’intention qui compte… Le désir de l’Ailleurs des jeunes Dakarois en perspective », Cahiers d’études africaines, Paris, EHESS (à paraître).
  • [5]
    S. Trudel, Le souffle de l’Harmattan (roman), Québec, Les allusifs, 2002.
  • [6]
    Tous les entretiens cités dans ce texte ont été réalisés entre janvier 2003 et décembre 2005. Par soucis de concision et de respect de l’anonymat, les extraits cités ne mentionneront que le sexe (M ou F) et l’âge de l’interlocuteur, ainsi que le lieu de l’entretien.
  • [7]
    Termes qui reviennent fréquemment dans les entretiens que j’ai pu réaliser aussi bien à Dakar qu’auprès de jeunes Sénégalais en Italie.
  • [8]
    Travaux réalisés dans le cadre d’un doctorat en Anthropologie sociale intitulé « Ancrage du corps, transhumance de l’esprit. Le désir de l’Ailleurs des jeunes Dakarois en perspective », CEAf-EHESS Paris (dir. Éliane de Latour).
  • [9]
    Selon la définition, bien révélatrice en elle-même, proposée par le dictionnaire Le Petit Robert (édition de juin 1996).
  • [10]
    Alain Marie écrit : « Sous le couvert des pratiques et de la morale de la solidarité communautaire (familiale, lignagère, villageoise, ou même clanique et tribale), est à l’œuvre un principe (structural) de réciprocité traduisant le fait qu’en son essence, toute communauté est une mutuelle assurant contre les aléas du présent et contre les incertitudes de l’avenir. Or, rendre à celui dont on a reçu par le passé ; rendre à l’un ce que l’on a reçu d’un autre ; donner pour recevoir en retour ( “do ut des”, comme l’avait souligné Mauss) ; aider un jour pour être aidé plus tard ; être généreux pour éviter l’accusation d’avarice et différentes mesures de rétorsion (proscription, malédiction, mauvais sorts, attaques en sorcellerie) ; participer activement aux cérémonies familiales (baptême, mariage, funérailles) ainsi qu’aux investissements communautaires (constructions pour les parents restés au village, projets de modernisation villageoise), toutes ces pratiques se justifient certes au nom d’une solidarité posée comme valeur culturelle et comme morale, mais elles ont en commun, en deçà de leur diversité phénoménologique concrète, de fonctionner selon un schème unique qui est celui de la dette ».
  • [11]
    Parlons d’acculturation médiatisée par les technologies de l’information et de la communication modernes : Internet, télévision satellite, etc.
  • [12]
    Selon la définition du Grand Larousse Universel : « Qualité de qqch, de qqn qui frappe l’imagination, impose l’admiration par son brillant, son éclat, sa valeur. (…) » (édition de 1995, p. 8459).
  • [13]
    Pour une analyse plus précise du projet migratoire, on lira avec intérêt la contribution de Medhi Alioua : « La migration transnationale des jeunes Africains subsahariens au Maghreb : émancipation individuelle, circulations collectives et transgression des frontières », consultable en ligne : http://jeunes-et-societes.cereq.fr/PDF-RJS2/ALIOUA.pdf.
  • [14]
    Dans une réflexion sur « l’origine des idées reçues », R. Boudon nous dit que « (…) ces croyances non fondées s’installent dans la tête du sujet social, non parce que celui-ci serait d’une inexplicable et improbable crédulité, mais parce qu’il a des raisons d’y croire. Ainsi, toutes sortes d’idées reçues ne méritent pas qu’on y croie, mais on a d’un autre côté de bonnes raisons d’y croire. En d’autres termes, on peut avec de bonnes raisons croire dur comme fer à des illusions » [Boudon, 1986].
  • [15]
    Ce terme de « venant » tel qu’employé à Dakar qualifie les Sénégalais expatriés qui sont de retour pour un séjour de plus ou moins longue durée au Sénégal.
  • [16]
    D. Jodelet distingue ainsi ces deux positionnements de l’altérité : « D’une part, “l’altérité du dehors” qui concerne les pays, peuples et groupes situés dans un espace et/ou un temps distants et dont le caractère “lointain” voire “exotique”, est établi en regard des critères propres à une culture donnée correspondant à une particularité nationale ou communautaire ou à une étape du développement social et technoscientifique. D’autre part, “l’altérité du dedans”, référant à ceux qui, marqués du sceau d’une différence, (…) se distinguent à l’intérieur d’un même ensemble social ou culturel (…) », op. cit., p. 26.
  • [17]
    Grand/Boy : ces deux termes, passés dans la langue wolof, sont très largement employés au Sénégal pour marquer les hiérarchisations par l’âge et, par extension, les hiérarchisations sociales.
  • [18]
    On peut ici souligner la confusion quasi-systématique qui existe entre la pauvreté supposée des migrants subsahariens et la paupérisation effective qu’induit le voyage migratoire lui-même, donnée qui semble ressortir du foisonnement d’enquêtes désormais réalisées sur les transmigrations au sein de terrains maghrébins principalement.
Français

« Nord » et « Sud » apparaissent comme deux notions peu opératoires, sinon à les considérer de manière dialectique et selon un rapport de polarité. À quels types d’approches réfèrent-elles : géographique, politique, climatique, etc. ? Cette contribution, en plaçant au centre des réflexions la figure du migrant africain – et plus largement différentes configurations d’exils (imaginaires, géographiques), propose de dépasser les distinctions prévalentes pour qualifier les relations entre l’Afrique et l’Occident. Par l’analyse des imaginaires de la migration, et de la réflexivité que chacun pose sur son propre parcours et sur sa manière d’être au monde, elle tend à démontrer que les catégories qui enferment les individus dans des déterminations sommaires, largement issues de stéréotypes instrumentalistes, apportent davantage d’obscurité que de lumière sur ces relations dites « Nord/Sud ». L’argument défendu est que le Nord et le Sud sont partout présents, en ce qu’ils existent avant tout comme expressions de désirs, dans les imaginaires transnationaux de l’Autre et de l’Ailleurs et les expériences multiples de « mise en altérité » qui en découlent.

Mots-clés

  • migrations sénégalaises
  • exil
  • imaginaire
  • désirs de l’Ailleurs
  • exotisme (l’Ailleurs) et altérité (l’Autre)
  • jeunesses africaines
  • transnational

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Thomas Fouquet [*]
  • [*]
    Doctorant en Anthropologie sociale, associé au CEAf-EHESS, 96 boulevard Raspail, 75006 Paris.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/autr.041.0083
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