CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Généralement les relations Nord-Sud sont abordées à l’échelle des États. La distinction Nord-Sud traduirait la domination économique et politique des pays du Nord sur ceux du Sud. Dans d’autres occurrences, l’expression « du Sud » désigne une communauté de problèmes. Ainsi évoquer les « villes du Sud », par-delà les considérables différences entre Istanbul et Rio par exemple, c’est désigner d’un même mouvement les favelas et bidonvilles, les problèmes communs d’insécurité ou d’informalité. L’expression « les Sud » pour souligner la diversité de ces espaces est de plus en plus courante. À travers cette présentation apparaît une définition négative de ce que serait le Sud. « Si le Sud ne peut pas être défini positivement par ce qu’il est, il peut alors l’être négativement par ce qu’il n’est pas : le Nord » [Castel, 2002, p. 8]. Au contraire, une définition relationnelle des termes Nord et Sud permet d’en évacuer toute substantialisation. Elle repose sur une définition croisée : le Nord est construit depuis le Sud et vice-versa, en relation avec des lieux fonctionnant comme idéal, modèle, ou repoussoir. Ces constructions imaginaires, mobilisées dans les discours locaux, peuvent influencer les choix de développement urbain.

2 Partant de cette définition relationnelle, trois hypothèses sont testées. D’abord la division Nord-Sud est basée sur une domination du Nord, étudiée ici par le biais des modèles d’aménagement. Cependant, cette présence est médiatisée par des acteurs du Sud qui en jouent, construisant ou relayant des modèles importés.

3 La division Nord-Sud reste basée sur des espaces différents, mais construits de façon imagée. Le Nord alimente à Valparaiso une nostalgie patrimoniale, et à Gênes le Sud représente un repoussoir permettant de formuler les maux de la ville.

4 Enfin, ne faut-il pas s’interroger plus précisément sur ces mélanges dans l’optique de la mondialisation, permettant pour le géographe des comparaisons par-delà Nord et Sud ?

5 Valparaiso, commune de 275 282 habitants en 2002  [1] au sein de la conurbation du Gran Valparaiso, est un des principaux ports du Chili, classé au patrimoine mondial de l’humanité en 2003. La ville, créée à l’époque coloniale, a connu sa période de croissance la plus importante au XIXe siècle. L’ouverture du canal de Panama, le tremblement de terre de 1906 et la centralisation des activités à Santiago ont entraîné un marasme économique, qui se traduit aujourd’hui par des problèmes plus importants que les autres villes chiliennes (délinquance supérieure, taux de chômage, pauvreté, équipements urbains). Gênes, ville de marchands et de banquiers au Moyen Âge et à l’époque moderne, fut durant le XXe siècle une ville industrialo-portuaire importante ; mais la fermeture des industries nationales dans les années 1980 remit ce schéma en cause (la population de la commune passant de 815 000 habitants en 1971 à 630 000 habitants en 2000  [2]). Depuis l’Exposition Colombiane de 1992, la ville mise sur la culture et le patrimoine pour son développement urbain et économique, marqué en 2004 par le titre de Capitale européenne de la Culture. Les palais de son centre historique ont été classés au patrimoine mondial de l’humanité en 2006. Les deux villes ont en commun l’élaboration d’une stratégie de sortie de crise basée sur la culture et le renouvellement urbain, comme beaucoup d’autres villes portuaires en crise [Fanstein, 1996].

La diffusion de modèles du Nord vers le Sud ?

Modèles et références

6 Selon la distinction opérée par Milton Santos, l’application d’un modèle extérieur relèverait du développement exogène, signe d’un espace dominé, par opposition au développement endogène [Santos, 1997]. Le modèle désigne ce qui est « digne d’être reproduit par imitation » [Sanchez et Moura, 2005, p. 25] et il est donc pris dans des transferts, par importation ou imposition. Ainsi l’Amérique Latine a été un espace d’application de modèles d’origine européenne, notamment dans le domaine urbain [Pinon, 1996 ; Sartor, 1997].

7 Mais la circulation des modèles n’est pas une spécificité des relations coloniales puis des relations Nord-Sud. Les modèles circulent entre lieux du Nord, ou depuis le Sud [Verdeil, 2005]. Dans le processus de diffusion des transformations des fronts de mer a été individualisé un modèle de Baltimore, basé sur le développement ludico-touristique, la réhabilitation d’anciens bâtiments portuaires, et la part importante du secteur privé à travers les partenariats [Vermeersch, 1997]. Ce modèle s’est développé dans d’autres villes portuaires nord-américaines. Un contre-modèle est apparu à Montréal, présentant une dimension patrimoniale plus forte [Chaline, 1994]. Dans les années 1980 se développe une version méditerranéenne de la réhabilitation du front de mer, incarnée notamment par Barcelone, « véritable modèle urbanistique » [Rodrigues Malta, 1999, p. 398]. Ainsi il n’y a pas un mais plusieurs modèles de transformation des waterfronts au Nord.

8 Toutefois, il faut différencier le modèle de la référence. Dans le cadre du développement ou de l’aménagement urbain, le modèle implique en amont un processus de formalisation de ses traits caractéristiques. Roncayolo distingue la transformation de Paris, parfois hésitante, de ce qui est ensuite désigné comme modèle haussmannien, permettant son transfert dans d’autres villes [Roncayolo, 2002]. Cette formalisation est souvent liée à la recherche en sciences sociales ou en urbanisme : par exemple les travaux de Castells jouèrent un rôle important dans la création puis diffusion du modèle barcelonais [Velut, Robin, 2005]. Sans l’individualisation et l’application des caractéristiques du modèle, les villes citées par les acteurs locaux font seulement référence.

Définir le futur de la ville : les voies de l’aménagement

9 À Valparaiso les références et modèles de développement sont souvent extérieurs et circulent via des acteurs nationaux ou internationaux (agences de développement de l’État, BID, Union Européenne, Unesco).

10 L’opération de réhabilitation du front de mer illustre cette domination extérieure sur les choix de développement, en terme de capacités d’investissements et de références et justifications. Un projet d’ouverture du front de mer à la ville sur des espaces portuaires en zone centrale, le secteur Barón, est en cours de réalisation, avec la création d’espaces de promenade, et des constructions sous forme de tours pour des usages résidentiels et hôteliers, sur 19 hectares. Jaime Ravinet, ministre des Biens nationaux, se rend en 2002 en Europe à la recherche d’investisseurs et, pour les convaincre, rapproche l’opération de celles menées à Barcelone, Gênes, Baltimore, Buenos Aires. Les villes citées fonctionnent là plus comme références et modes de légitimation que modèles. La réussite des opérations qui y ont été menées garantissent le succès du projet Barón, qui s’appuie sur des processus similaires : participation du secteur privé, développement d’usages culturels et récréatifs du waterfront. Que Baltimore, Barcelone et Gênes soient ici rapprochés, alors que l’on oppose souvent un « modèle méditerranéen » à un « modèle nord-américain » [Chaline, 1994], montre bien qu’il ne s’agit pas dans ces références de l’application stricte de règles, mais plutôt de l’utilisation de cas emblématiques. La venue d’investisseurs internationaux, avec leurs conditions supposées, sert également de justification aux projets d’aménagement : pour que Sheraton investisse, il faut nécessairement de hautes tours en front de mer.

11 Malgré cette mobilisation de références extérieures et cette recherche d’investisseurs étrangers, le projet est porté par un acteur local, l’Empresa Portuaria de Valparaiso (Entreprise Portuaire de Valparaiso – EPV), et par le gouvernement de Ricardo Lagos  [3], via la mise en place d’une commission spéciale, le Plan Valparaiso, structure sous tutelle présidentielle destinée à l’aménagement de la ville, capable de court-circuiter les acteurs institutionnels locaux. Plutôt qu’une opposition entre un Nord pourvoyeur de modèles et de financements et un pays du Sud réceptacle, se met en place une opposition entre des acteurs locaux écartés d’un projet emblématique et une alliance entre acteurs nationaux et internationaux pour un aménagement de grande ampleur [Negrete et Warner, 2002]. La justification passe par le recours à des références étrangères, elles-mêmes alimentées par le lobbying de certaines villes  [4].

12 Le « Comité de Defensa de Valparaiso » (qui regroupe 15 associations et comités d’habitants, dont Ciudadanos por Valparaiso[5], Attac Valparaiso, …) fustige là l’adoption du modèle néo-libéral (par exemple lors d’une conférence tenue au Forum Social Chilien en novembre 2004 à Santiago), porté par des investisseurs étrangers, sans réelle concertation locale, et perçu comme incompatible avec le schéma d’aménagement de Valparaiso. En effet, les hautes tours prévues vont à l’encontre de la patrimonialisation des collines entourant la baie de Valparaiso, en raison de l’intégration paysagère d’un habitat vernaculaire. Ce projet est donc en décalage avec la voie patrimoniale mise en avant par les acteurs locaux, et entérinée par la municipalité en 2004, qui déclare zone de conservation historique l’ensemble des collines.

13 La candidature à un prêt de la BID (Banque Interaméricaine de Développement), permise par l’inscription sur la liste du patrimoine mondial, illustre ce détour par l’étranger et l’utilisation de références et modèles exogènes pour médiatiser les oppositions entre niveaux local et national. L’obtention du prêt est soumise à certaines conditions : processus de participation des habitants et associations, calendrier avec échéancier clair, élaboration d’objectifs, co-financement extérieur (assuré par l’État qui sera en outre chargé du remboursement). La BID encourage ainsi à la mise en place d’un urbanisme stratégique [Ascher, 1995], promu par l’urbaniste Jordi Borja à Barcelone, et de modalités de bonne gouvernance, à l’instar de la Banque Mondiale [Osmont, 1995]. Toutefois c’est l’État qui finance la plus grande partie des projets. L’État participe donc de façon importante à cette recherche de nouvelles modalités d’aménagement urbain, mais le recours à la médiation d’institutions internationales permet d’imposer différemment une transformation des façons de gérer la ville, et de reprendre le contrôle sur un pouvoir municipal jugé inefficace (l’ancien directeur de la commission présidentielle Plan Valparaiso est chargé à présent de la gestion des fonds de la BID).

Les relais : du Nord dans le Sud ?

14 Les modèles et références sont donc portés par des acteurs implantés localement : la différenciation Nord-Sud est une ressource du discours mobilisée localement. La domination n’est pas seulement exogène, elle est aussi celle de certains acteurs locaux légitimant des choix de développement par la référence à des modèles issus du Nord.

15 Todd Temkin, poète venu des États-Unis à Valparaiso au milieu des années 1990, a créé la Fundación Valparaiso. Cette fondation vise le renouveau de Valparaiso, comparant la ville à San Francisco, pour la promouvoir auprès des investisseurs en raison de son supposé potentiel de développement immobilier. Ce sont aujourd’hui les clefs de la reconversion de Baltimore que T. Temkin présente aux acteurs locaux lors de ses conférences. Depuis, le projet d’un aquarium est régulièrement mis en avant, pour développer le tourisme. La Fundación Valparaiso propose aussi son expérience en gestion de projets, à partir de références européennes et nord-américaines en terme de participation du secteur privé. Elle est devenue un acteur clef du développement culturel et touristique de Valparaiso, et le seul à être associé localement au projet de waterfront.

16 Barcelone est la référence européenne la plus courante. L’architecte Nelson Morgada, revenu au Chili en 1995, en importe un projet mis en place à Barcelone pour la préparation de la ville aux Jeux Olympiques de 1992, « Barcelona posa’t guapa » (Barcelone fais-toi belle). Le programme, repris par la municipalité de Valparaiso en 1997 et 1998 pour le quartier portuaire, est appelé Plan Barcelona : des entreprises locales parrainent des édifices en aidant les propriétaires à leur réhabilitation, tandis que les pouvoirs publics se chargent des espaces publics, dans un secteur caractérisé par la pauvreté et la dégradation d’un bâti du XIXe siècle, dans la zone présentée à l’Unesco. Mais les propriétaires locaux participent peu, tandis que les investissements de la municipalité sont jugés insuffisants. Malgré cet échec, une nouvelle phase des relations se développe en 2001, suite à la visite à Barcelone du président chilien Ricardo Lagos et de l’équipe municipale de Valparaiso. Le président s’inspire de l’expérience du front de mer de Barcelone pour la stratégie de mise en place du Plan Valparaiso, et le maire Hernan Pinto envisage l’envoi de personnels à Barcelone pour leur formation.

17 D’autres références sont plus ponctuelles ; Paris ou Bilbao sont souvent mobilisés pour fustiger certains partisans de la patrimonialisation, qui refusent la modernité (Beaubourg et la pyramide du Louvre) au nom de la protection du passé.

18 Ces exemples montrent la relativisation du schéma de transferts directs entre Nord et Sud. Comme l’énonce Éric Verdeil, « le regard doit se déplacer et ne plus se situer dans la logique de transfert “nord-sud” basée sur la métaphore de l’exportation mais s’attacher également aux scènes locales qui jouent un rôle essentiel de filtrage, d’accommodation, de déformation et de recombinaison » [Verdeil, 2005, p. 165].

Le rôle des imaginaires

19 La construction d’une image de lieux du Nord joue un rôle important dans la légitimation des actions menées au Sud. Les imaginaires ne se manifestent pas seulement dans la constitution de références urbaines pour l’aménagement. Ils touchent aussi les modalités d’appropriation de certains territoires, travaillant de l’intérieur la relation au Nord ou au Sud. À Valparaiso la patrimonialisation de certains quartiers s’appuie sur une reconstruction sur un mode nostalgique de relations entre Nord et Sud, tandis qu’à Gênes la présence d’immigrés a alimenté le thème d’une ville se rapprochant d’un contre-modèle du Sud.

La nostalgie, construction imaginaire d’un espace cosmopolite dans le Sud ?

20 La nostalgie est une notion spatiale, liée à la construction d’une identité territoriale et individuelle [Gervais-Lambony, 2003]. À Valparaiso, elle désigne une autre forme de relation entre espace local et espaces lointains, créatrice d’un rapport imaginaire avec le Nord, à travers la patrimonialisation d’une partie de la ville. La patrimonialisation, processus d’identification, de protection et de valorisation, est une « construction sociale » et « une reconstruction du passé » [Rautenberg, 2003]. S’il existe un consensus sur la nécessité de préserver le patrimoine comme élément intégrateur au sein des villes, sa conception fait néanmoins débat [Gravari-Barbas et Veschambre, 2005].

21 À Valparaiso plusieurs types de patrimoines sont mis en avant, dont celui lié aux migrants du XIXe siècle, support du sentiment de nostalgie, qui renvoie à la période faste de la ville, lorsque le port était la porte d’entrée de la modernisation au Chili, escale des navires anglais, allemands et français sur les routes de la Californie, avant le percement du canal de Panama. Valparaiso connaît alors une immigration européenne, essentiellement anglaise et allemande. Ces migrants, agents d’une étape de la mondialisation, travaillent dans les succursales de banques, de compagnies maritimes ou de sociétés d’import-export. Ils établissent leur résidence sur deux collines loties au XIXe siècle, les Cerros Alegre et Concepción, qui manifestent encore dans leurs paysages ce passé européen : architecture victorienne, bow-windows, fenêtres à guillotine, couvertures en calamine, chiens assis, longs couloirs, jardins verdoyants, destination résidentielle exclusive conforme à la séparation spatiale des activités de la bourgeoisie anglo-saxonne [Hall, 1987]. Des églises anglicane et luthérienne sont construites dans ces deux quartiers. Cependant Valparaiso, dès la fin du XXe siècle et suite au tremblement de terre de 1906, entre en crise et la plupart des étrangers quittent la ville.

22 Aujourd’hui ce passé européen est vécu sur le mode de la nostalgie. De nombreux écrits le mettent en scène, sous la forme d’un âge d’or de la ville, comme dans l’ouvrage de Peña Muñoz, Ayer soñé con Valparaíso [6], qui décrit les modes de vie de la bourgeoisie cosmopolite au XIXe siècle, à travers une accumulation de scènes de vie quotidienne. La nostalgie y est omniprésente : « Le XIXe siècle fut une époque […] de mazurkas russes et de nocturnes de Chopin joués sur un piano du Passage Oxford du Cerro Alegre, quand la classe supérieure assistait aux leçons de danse. […] Se rappeler de cette belle époque est comme remonter une boîte à musique dans une maison du Paseo Gervasoni et savoir qu’il est nécessaire d’écrire un mémorial nostalgique et détaillé de cette fin de siècle. » [Peña Muñoz, 1999, p. 32].

23 Ce retour du passé européen se manifeste aussi dans les noms donnés aux commerces touristiques et culturels (le Brighton, le Sommerscales, Villa Toscana), ou dans les voies de la réhabilitation. Il accompagne les processus de gentrification des Cerros Alegre et Concepción. Dans la réhabilitation des édifices victoriens sont privilégiés les éléments évoquant l’architecture européenne du XIXe siècle : toit pointu, bow-windows, fenêtres à guillotine. L’ajout d’éléments neufs (comme des lampadaires de style ancien) accentue davantage encore l’aspect victorien, alors que les maisons de Valparaiso ne reproduisaient que partiellement le modèle architectural anglais. L’hôtel Brighton, pastiche victorien construit dans les années 1990, est devenu une icône des quartiers patrimoniaux de Valparaiso, présent sur les cartes postales, et symbole de ce passé lié à l’immigration anglaise. Ce retour du passé européen peut s’interpréter comme un souci de distinction, ou « le glissement subtil de la patine vers son propriétaire » [Appadurai, 2005, p. 127].

24 Ces liens entre nostalgie et gentrification peuvent sembler paradoxaux. La gentrification est souvent présentée comme le « retour » [Bidou-Zachariasen, 2003] de couches sociales qui ont quitté les espaces anciens, alors qu’un siècle plus tard ce ne sont pas les mêmes personnes ni les mêmes familles qui « reviennent ». Comment peut-on revenir là où l’on n’a jamais été, et quelle signification joue dans ce cas la nostalgie ? Prenant appui sur les traces du passé, elle vise au-delà un mode de vie et une organisation sociale particuliers.

25 Appadurai met en évidence une « nostalgie imaginée » [Appadurai, p. 129] pour des modes de vie qui n’ont pas été vécus, et la construction de « simulacres de périodes ». Ainsi le supplément Habitat-Décoration du Mercurio de 2003, journal national, présente les diverses facettes de Valparaiso, dans le logement, l’art de vivre, … reflet de cette image façonnée de la ville support de modes de vie puisés dans le passé. Y sont décrits les intérieurs décorés des ménages ayant choisi de s’installer dans la zone patrimoniale, et les objets apportés par les migrants au XIXe siècle.

26 Or ce passé est en même temps un espace autre, comme le déclare un de ces nouveaux arrivants : « je voulais une maison pour les fins de semaine, pas pour les vacances, mais un lieu tranquille, qui serait comme sortir du Chili, comme accomplir plusieurs fois par mois un voyage dans d’autres mondes ». Cette nostalgie n’est pas seulement tournée vers le passé. Une relation s’instaure entre le regard porté sur le passé et le changement social lié à la réhabilitation patrimoniale. Les marques d’un passé vécu sous le mode de la nostalgie sont en même temps les jalons de la réhabilitation. La nostalgie est donc le pathos territorial permettant une valorisation des traces des migrants anglais, allemands et italiens du XIXe, et légitimant la gentrification considérée alors comme un retour.

27 En même temps cette nostalgie réinterroge la distinction Nord-Sud. Les nouveaux habitants viennent majoritairement de Viña del Mar ou de Santiago et Las Condes [7] (commune riche à l’est de Santiago). L’installation à Valparaiso permet l’imagination d’un nouveau mode de vie. « Les hommes tendent à construire un territoire idéal, qui est relation et qui n’existe sans doute pas. […] Cette quête de territoire est aussi construction de soi (individuelle) et construction du rapport aux autres (collectif) » [Gervais-Lambony, 2003, p. 142]. Dans cette construction territoriale qui renvoie à une image mythifiée du Valparaiso cosmopolite, la référence à l’Europe est essentielle, mais elle est une Europe appropriée localement.

Du Sud comme repoussoir

28 Comme dans le cas de Valparaiso, où des lieux du Nord sont constitués pour représenter des idéaux, une image du Sud peut être façonnée pour décrire les problèmes de la ville. Gênes à la fin des années 1970 souffre d’une remise en cause de son économie basée sur le port et les industries étatiques. La population diminue et les fermetures de chantiers et usines se succèdent, notamment au début des années 1980. De nombreux articles de la presse locale d’alors (Il Secolo XIX) comparent la situation de Gênes à celle d’autres ports industriels européens (Liverpool ou Hambourg par exemple), donnant un sentiment d’inexorabilité aux transformations en cours à travers une communauté de destin pour ces villes autrefois fleurons des économies européennes. Le centre historique de Gênes, peu concerné par les aménagements urbains, est progressivement investi par des migrants du sud de l’Italie, puis d’Afrique et d’Amérique du sud. La presse se fait alors l’écho d’habitants comparant le centre historique à une Afrique ou à une ville du Tiers-Monde : « Gênes offre aux touristes de passage une image africaine » [Il secolo XIX, août 1986], certains quartiers sont comparés à « la casbah » [Il secolo XIX, nombreuses occurrences entre 1984 et 1987]. La référence au Sud sert également dans ce cas, dans une visée polémique, de repoussoir social, disqualifiant du même geste habitants et espaces. La présence d’immigrés provenant de pays du Sud identifie de façon synecdotique le centre historique comme espace du Sud, confortant sa représentation comme espace dangereux et radicalement différent du reste de la ville, sorte d’enclave du Sud dans une ville du Nord, justifiant des interventions importantes, puisque cet espace revient au premier plan dans les années 1980, à la faveur des espoirs placés dans le tourisme et le développement culturel.

29 Aujourd’hui le discours est tout autre et dans le cadre de l’année Capitale européenne de la Culture 2004, la municipalité a pris appui sur cette présence importante de migrants pour mettre en avant le dialogue interculturel et la position d’interface de la ville entre Nord et Sud.

30 De façon parallèle, à Valparaiso est construite une image du touriste et de ses attentes. Le regard de l’autre est par exemple celui du touriste occidental mis en scène pour fustiger certaines catégories d’habitants, notamment les ambulants, ou certaines situations, comme les chiens errants ou la saleté, qui trancheraient dans un lieu du tourisme international. Le touriste imaginé à Valparaiso est bien différent de l’ « idiot du voyage » [Urbain, 2002] puisqu’il est celui qui sait et pose un regard expert sur la ville, identifiant tout de suite ses dysfonctionnements. Les associations patrimoniales critiquent ces discours et ces transformations de la ville faits pour devancer les désirs supposés des visiteurs du Nord. Ainsi Chantal de Rementeria, membre de Ciudadanos, déclare ironiquement « Quand un gringo veut aller dans un café de San Francisco, il va à San Francisco, qui est plus au nord. » [15/8/2004, Mercurio de Valparaiso].

31 À Gênes comme à Valparaiso la construction imaginaire d’un autre (le touriste ou le migrant du Nord ou du Sud) sert de regard ou de parole décentrés sur la ville.

Comparer

Du Sud vers le Nord, pour des solutions diverses à des problèmes communs

32 Les relations entre espaces du Nord et espaces du Sud relèvent donc de constructions imaginaires, servant des formes de domination sur les espaces par l’utilisation de références d’aménagement, ou en construisant un regard extérieur, du Nord ou du Sud.

33 Le sens des transferts d’idées peut s’inverser : certains espaces considérés du Sud deviennent le laboratoire de nouvelles formes d’aménagement. Valparaiso, réceptacle d’expériences étrangères, exporte également ses modèles. Ciudadanos por Valparaiso a mis en avant une patrimonialisation de ses commerces traditionnels avec la campagne « lugar valioso » (lieu de valeur), présentée comme la protection d’un patrimoine intangible. Cette campagne a pour origine le projet d’une entreprise allemande d’implanter un supermarché dans le Barrio Puerto, cœur de la zone classée Patrimoine de l’Humanité. Ciudadanos fait alors campagne pour la préservation des commerces traditionnels, en éditant des affiches et des dépliants des commerces de valeur présents dans toute la ville. Or ce programme a influencé d’autres expériences à l’étranger, notamment dans un secteur de la ville de Vienne, via l’action du Vienna Institute for Development and Cooperation (VIDC), habitué à la mise en place de programmes de coopération internationale, et qui a développé une exposition sur les commerces traditionnels de Vienne en 2003. Carla Bodabilla, artiste née à Valparaiso, membre de Ciudadanos por Valparaiso, se rend à Vienne en 2002 pour la poursuite de ses études et est l’instigatrice de la diffusion de cette mise en valeur d’un patrimoine intangible : elle joue le rôle de passeur.

34 Les transferts d’expériences ne sont donc pas unidirectionnels, le « Nord » pouvant apprendre du « Sud ». Bien que VIDC se présente comme spécialisé dans les problématiques Nord-Sud, le transfert du programme Lugar Valioso est justifié par l’extension mondiale de la problématique de la mise en valeur des commerces traditionnels. De fait, cette idée d’un patrimoine intangible constitué par les commerces traditionnels est une préoccupation transversale commune aux pays européens et latino-américains. Gênes, sans rapport avec Ciudadanos, a également mis en place une protection des commerces traditionnels dans le centre historique (liée aux relations sociales attachées au commerce et la qualité architecturale du local, souvent le rez-de-chaussée d’un édifice du Moyen Âge reconstruit à l’époque moderne, avec des poutres provenant des bateaux démantelés). La remise en cause d’une frontière étanche entre Nord et Sud repose aussi sur l’individualisation de ces problématiques communes.

35 Cette transversalité peut-elle justifier des comparaisons dépassant ce clivage Nord-Sud ?

Comparer, par-delà le Nord et le Sud

36 Les objections possibles à une comparaison prenant appui sur des espaces relevant du Nord et du Sud sont nombreuses. Comment comparer l’aménagement urbain à Valparaiso à celui mené à Gênes, lorsque le prêt par la BID de 50 millions de dollars suscite beaucoup d’espoirs tandis que Gênes investit en 5 ans 2 milliards d’euros, obtenant des financements multiples de l’UE, de l’État, de la Ligurie ? En outre, Valparaiso partage des problèmes urbains des villes dites du Sud [Rochefort, 2000] : habitat informel sur les hauteurs, équipements urbains déficients, 47,2 % de pauvres (disposant de moins de 45 000 pesos par mois, soit 64 euros  [8]) en 1990 et 25 % en 2000…

37 Mais la comparaison prend appui sur une problématique transversale commune, permettant la construction d’un thème dont chaque ville constitue une modalité possible de réalisation [Détienne, 2000]. D’autres études se basent sur de tels écarts : De Heusch ébauche une comparaison entre la féodalité à l’époque carolingienne et le clientélisme traditionnel au Rwanda. Dans ce cadre la féodalité apparaît comme « spécification d’un genre plus général englobant l’ensemble des sociétés construites sur une série de relations de réciprocité personnelles » [De Heusch, 1986, p. 57].

38 Ici la comparaison porte sur les processus de régulation urbaine et de légitimation des transformations des espaces centraux : la fabrication de références, de modèles et de contre-modèles apparaît comme un trait commun à Gênes et Valparaiso. Dans le cadre de la mondialisation circulent ainsi des modèles d’aménagement, qui traversent les frontières du Nord et du Sud. Cela ne signifie pas une homogénéisation du monde et de ses espaces, mais des façons de le transformer ou d’évoquer ces transformations [Souami, 2003]. Les résonances par-delà les différences justifient alors les comparaisons [Defourny, Develtere et Fonteneau, 1999]. Dans une telle optique la division Nord-Sud semble devenue inopérante. Il y a bien des espaces dominés, mais les vecteurs de la domination y apparaissent intériorisés localement, et sont ainsi présents tant au Nord qu’au Sud. Valparaiso se tourne vers Barcelone et Baltimore, tout comme Gênes dans les années 1980. En 1987, la Chambre de commerce de Gênes charge des consultants des États-Unis (Mentor International) de faire une étude sur le développement de la ville, et Baltimore est posé comme modèle à suivre. Une délégation d’acteurs locaux s’y rend, la presse relaie les succès des transformations de Baltimore et un aquarium est construit à Gênes en 1992, sur le modèle de celui de Baltimore, par le même architecte, Chermayeff. L’utilisation de Baltimore permet de faire accepter aux syndicats réticents l’abandon du soutien aux industries en crise, pour se tourner vers l’économie de la culture. Parallèlement, un groupe d’architectes génois appelle à l’adoption du modèle de Barcelone, utilisé comme discours de contestation de la politique menée. Bruno Gabrielli, devenu adjoint du maire à l’urbanisme en 1997, va conduire une transformation du centre historique inspirée des modalités barcelonaises.

39 Un trait commun à Valparaiso et Gênes est ainsi l’utilisation de modèles et références de villes dans la légitimation des opérations urbaines. Ces modèles et références incarnent des réussites urbaines, justifiant leurs applications ou les projets s’en réclamant, et fonctionnent comme icône lointaine des transformations souhaitées. Ceci explique que les modèles de Barcelone et de Baltimore ne soient généralement pas appliqués de façon fidèle, mais servent soit au transfert d’un élément, soit de caution générale, à travers l’image véhiculée par ces villes identifiées comme exemplaires.

40 Aujourd’hui, fort du succès de la Capitale européenne de la Culture 2004 et de la transformation du waterfront pour revitaliser le centre historique avec la localisation d’équipements structurants (université, musée de la mer, centre de fun-shopping en projet), Gênes se pose à son tour en modèle d’une ville qui se transforme à la faveur d’événements urbains [Masboungi, 2004] permettant de capter des financements et de tisser un consensus local associant le secteur privé. La ville anime un réseau Urbal consacré aux relations ville-port, auquel est associé Valparaiso. Or le devenir-modèle de certaines villes s’interprète comme une modalité de marketing urbain et de construction d’une image reprise par les organismes internationaux et diffusée comme bonne pratique, mais qui manifeste avec d’autres modèles de fortes convergences discursives [Sanchez et Moura, 2005]. Cette convergence conforte l’analyse d’une utilisation réflexive des modèles, pour appuyer des projets urbains locaux, au Nord comme au Sud. Les villes sont mobilisées parce qu’elles font office de « paradigme », c’est-à-dire de villes manifestant de façon exacerbée certains traits présents à divers degrés dans beaucoup d’autres villes [Nijman, 2000].

41 Enfin, la pratique même de la comparaison est questionnée par cette circulation de modèles. Une comparaison terme à terme qui isole les deux objets comparés est trompeuse, si ce qui a lieu à Gênes a des répercussions à Valparaiso (via le programme Urbal qui entraîne des échanges d’expériences), ou si des « médiateurs culturels » [Leclerc, 2000, p. 160] comme les architectes transitant de Barcelone vers Gênes ou Valparaiso ou des organisations internationales (l’Union Européenne pour Gênes, la BID ou l’Unesco pour Valparaiso) poussent à la mise en place des mêmes modalités de relations entre acteurs. Ces circulations aboutissent à des mélanges et posent d’une autre façon le problème de la pertinence de la césure Nord-Sud comme base de recherches.

Mélanges

42 L’étude de la nostalgie à Valparaiso illustrait également la difficulté à tracer des frontières. La gentrification prend appui sur un patrimoine lié à la présence de migrants qui ont partiellement importé au XIXe siècle des traits culturels anglosaxons. Valorisant ce patrimoine, les ménages chiliens qui y achètent une maison en modifient le sens. Ils inscrivent ces espaces en continuité avec le reste de la ville en peignant les maisons avec des couleurs tranchées. On peut parler là de « patrimoine métissé » [Turgeon, 2003], ou mélangé  [9], de deux façons différentes. La constitution du patrimoine de la ville résulte de processus d’échanges, de transferts et d’incorporation de traits culturels issus d’espaces lointains : l’Unesco a inscrit Valparaiso sur la liste du patrimoine mondial car la ville constitue un « témoignage exceptionnel de la première phase de mondialisation à la fin du XIXe siècle » [Icomos, 2003]. Puis, avec la patrimonialisation, il est réinterprété dans les enjeux résidentiels locaux, à travers notamment des dynamiques de distinction. La mise en garde de Turgeon doit rester présente : « Loin de considérer ce métissage comme un entre-lieu heureux, […], nous mettons le lecteur en garde, en dernière analyse, contre une esthétique de l’hétérogène qui, aujourd’hui, tend à patrimonialiser le métissage et à l’ériger en une idéologie au service de la mondialisation » [Turgeon, 2003, p.27]. En effet, sans tracer de causalité directe avec une « idéologie de la mondialisation », le patrimoine métissé à Valparaiso est support de relations de domination entre groupes qui à travers le patrimoine définissent à la fois un modèle de ville et ses habitants légitimes [Jacquot, 2005]. Dans ces mélanges dédoublés, il devient difficile de discerner les traits venant du Nord de ceux venant du Sud.

Conclusion

43 Ce double constat d’une interpénétration du Nord et du Sud et d’une définition relationnelle, y compris par les acteurs, incite à refuser une objectivation des limites du Nord et du Sud. La catégorie « Nord » est ce que l’on voit ou donne à voir depuis le Sud, ou alors ce qu’on souhaite projeter de soi. Depuis Valparaiso par exemple, le Nord se nomme États-Unis, Baltimore, Barcelone, Gênes, Europe, Paris, BID, Unesco, … La division Nord-Sud joue donc à un niveau réflexif : elle structure des imaginaires impliqués dans la définition et la qualification de soi et de l’autre, au niveau local. Elle permet d’oublier d’autres types de domination, médiatisés par des acteurs locaux : à Valparaiso les références au Nord servaient à l’État à imposer des normes de gestion, à reprendre le contrôle sur l’aménagement urbain, permettaient à des acteurs locaux d’acquérir une légitimité dans la sphère locale et de faire accepter leurs options de développement, et légitimaient la gentrification, en tissant un lien imaginaire, par un pathos nostalgique, entre les nouveaux arrivants et les anciens migrants.

44 Sans fondement essentialiste, cette division n’est donc pas seulement un outil du chercheur : elle est aussi un enjeu de définition et une catégorie de légitimation pour les habitants et acteurs, dans le cadre de la mondialisation qui voit références et modèles mobilisés aux échelles locales. Paradoxalement, la distinction opérée entre Nord et Sud peut avoir pour effet la perpétuation de relations de domination.

45 Cette relativisation des catégories Nord-Sud assure une comparaison attentive aux résonances et mélanges entre des lieux éloignés, mettant en évidence des processus semblables entre des villes différentes, pour lesquelles l’adoption de modèles est un moyen de légitimer, par un détour international, des projets locaux. La comparaison des modes de légitimation des transformations urbaines ou sociales laisse apparaître des discours qui réactivent cette division Nord-Sud, sur le plan de l’imaginaire et de la construction de soi au miroir de l’autre. Par ces constructions de regards géo-orientés, des modèles de ville, qui impliquent un modèle de société [Monnet, 2000], s’affrontent, et le recours à une partition du monde entre Nord et Sud participe de ces modes de légitimation.

Notes

  • [*]
    Géographe, Université d’Angers – sebastien.jacquot@univ-angers.fr.
  • [1]
    Source INE, Instituto Nacional de Estadisticas, www.ine.cl.
  • [2]
    Chiffres du service statistique de la commune de Gênes.
  • [3]
    Bachelet n’a pas encore dévoilé ses intentions concernant ce projet début mai 2006.
  • [4]
    Barcelone fait l’objet d’une promotion importante de la part de ses acteurs : J. Gomez Navarro, ancien ministre du tourisme chargé de l’organisation des Jeux Olympiques de Barcelone, incite au financement d’un projet de musée de la mer tandis que des architectes de Barcelone réalisent des expertises pour l’aménagement du front de mer, s’appuyant sur le succès de Barcelone et rendant plus crédible l’application à Valparaiso d’un modèle extérieur.
  • [5]
    Citoyens pour Valparaiso (le mot ciudadanos renvoyant aussi à citadin).
  • [6]
    « Hier je rêvai de Valparaiso ».
  • [7]
    Comme le montre le dépouillement des archives de vente de la principale agence immobilière des Cerros Alegre et Concepción.
  • [8]
    Source INE (www.ine.cl).
  • [9]
    À la suite d’Amselle, j’adopte la notion de « mélanges » plutôt que celle de « métissage » qui laisse penser qu’on aurait affaire avant le métissage à deux ensembles purs [Amselle, 2001].
Français

Les termes Nord et Sud, s’ils ne peuvent fonder une délimitation spatiale objective, peuvent être maintenus comme cadre d’analyse pour comprendre les transformations de certains espaces. Une optique relationnelle (le Sud prend son sens du Nord et réciproquement) permet d’éviter toute substantialisation. L’analyse s’appuie sur les exemples de Gênes et Valparaiso, à l’articulation entre patrimonialisation et projets de réhabilitation urbaine. À Valparaiso, la mobilisation de références et de modèles de ville n’est pas le reflet d’une simple domination du Nord sur la ville, mais traduit l’utilisation de ces références du Nord par des acteurs locaux qui en tirent un surcroît de légitimité. Ces références au Nord se construisent localement. Ceci met en évidence le rôle des imaginaires du Nord ou du Sud : la reconstruction sur un mode nostalgique du patrimoine des migrants anglais à Valparaiso accompagne la gentrification des quartiers patrimoniaux tandis qu’à Gênes se développe dans les années 1980 une image du centre historique comme ville du Sud répulsive. Cette commune utilisation des références Nord et Sud appelle à des comparaisons attentives aux phénomènes de mélanges et à l’imbrication des types d’espaces. La distinction Nord-Sud reste donc essentiellement symbolique, fonctionnant sur le plan des imaginaires.

Mots-clés

  • Nord-Sud
  • comparaison
  • patrimonialisation
  • nostalgie
  • modèles
  • Valparaiso
  • Gênes

BIBLIOGRAPHIE

  • AMSELLE J.-L. [2001], Branchements, anthropologie de l’universalité des cultures, Paris, Flammarion, 265 p.
  • ASCHER F. [1995], Métapolis, Paris, Odile Jacob, 346 p.
  • APPADURAI A. [2005], Après le colonialisme, les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Payot, 326 p.
  • BIDOU-ZACHARIASEN (dir.) [2003], Retours en ville, Paris, Descartes et Cie, 267 p.
  • CASTEL O. [2002], Le Sud dans la mondialisation, Quelles alternatives, Paris, La Découverte, coll. Alternatives économiques, 213 p.
  • CHALINE C. (dir.) [1994], Ces ports qui créèrent des villes, Paris, L’Harmattan, 299 p.
  • DE HEUSCH L. [1986], « Le structuralisme comme méthode comparative en anthropologie », in La comparaison en sciences humaines et sociales, Revue européenne de sciences sociales, t. XXIV, n° 72, p. 47-58.
  • DÉTIENNE M. [2000], Comparer l’incomparable, Paris, Le Seuil, 135 p.
  • DEFOURNY J., DEVELTERE P., et FONTENEAU B. (éd.) [1999], Économie sociale au Nord et au Sud, Bruxelles, De Boeck Université, 278 p.
  • FANSTEIN S. [1996], « The changing world economy and urban restructuring », in S. Fanstein et S. Campbell (dir.), Readings in Urban theory, Blackwell.
  • GERVAIS-LAMBONY P. [2003], Territoires citadins, 4 villes africaines, Paris, Belin, 268 p.
  • GRAVARI-BARBAS M. et VESCHAMBRE V. [2005], « Approches et représentations du patrimoine : dynamiques, évolutions et projets », in ESO, n° 23, Patrimoine et développement durable, les villes face au défi de la gouvernance territoriale, p. 9-10.
  • HALL C. [1987], « Home Sweet Home », in P. Aries (dir.), Histoire de la vie privée, t. 4 : De la Révolution à la Grande guerre, Paris, Le Seuil, p. 47-76.
  • ICOMOS [2003], Évaluations des organisations consultatives, Valparaiso, Paris, Icomos, 12 p.
  • JACQUOT S. [2005], « Valparaiso, valeurs patrimoniales et jeu des acteurs » in M. Gravari-Barbas (dir.), Habiter le patrimoine : enjeux, approches, vécu, Rennes, PUR, p. 155-169.
  • En ligne LECLERC G. [2000], La mondialisation culturelle, les civilisations à l’épreuve, Paris, PUF, 496 p.
  • MASBOUNGI (dir.) [2004], Gênes : Penser la ville par les grands événements, Paris, Éditions de La Villette, 214 p.
  • MERCURIO [2003], Supplément Vivienda Decoracion.
  • MONNET J. [2000], « L’utopie urbaine de la colonisation, les modèles de ville à Mexico », in L’urbanisme dans les Amériques, modèles de ville et modèles de société, Paris, Karthala, p. 53-60.
  • MUÑOZ M. P. [1999], Ayer soñé con Valparaiso, crónicas porteñas, Providencia, RIL editores, Chili, 327 p.
  • En ligne NIJMAN J. [2000], « The paradigmatic city », Annals of the Association of American Geographers, vol. 90, n° 1, p. 135-145.
  • NEGRETE J. S. et WARNER K. C. [2002], « Las maquinerias de urbanización en un país en vías de desarollo : el caso del gran Valparaíso en Chile », Revista geográfica de Valparaíso, n° 32- 33, p. 381-408.
  • OSMONT A. [1995], La Banque mondiale et les villes, du développement à l’ajustement, Paris, Karthala, 312 p.
  • PINON P. [1996], « Raisons et formes de villes : approche comparée des fondations coloniales françaises au début du XVIIIe siècle », in C. Coquery-Vidrovitch et O. Goerg (coord.), La ville européenne outre mers : un modèle conquérant ?, Paris, L’Harmattan, p. 57-72.
  • RAUTENBERG M. [2003], La rupture patrimoniale, Éditions à la croisée, 173 p.
  • ROCHEFORT M. [2000], Le défi urbain dans les pays du Sud, Paris, L’Harmattan, coll. Géographie en liberté, 184 p.
  • RODRIGUES MALTA R. [1999], « Villes d’Espagne en régénération urbaine. Les exemples de Barcelone, Bilbao et Madrid », Annales de géographie, n° 608, p. 397-419.
  • RONCAYOLO M. [2002], « Mobilités et centralités haussmanniennes : l’expérience, le modèle, le critique », in Lectures de villes, formes et temps, Paris, Parenthèses, p. 209-240.
  • SANCHEZ F. et MOURA R. [2005], « Ciudades-modelo : estrategias convergentes para su difusión internacional », Eure, vol. XXXI, n° 93, p. 21-34.
  • SANTOS M. [1997], La nature de l’espace, Paris, L’Harmattan, 271 p.
  • SARTOR M. [1997], « Types et modèles urbains dans l’Amérique Espagnole entre le XVIe et le XVIIe siècle », in X. Malverti et P. Pinon (dir.), La ville régulière, modèles et tracés, Paris, Picard, p. 87-98.
  • SOUAMI T. [2003], « Mondialisation et cultures urbanistiques », in A. Osmont et C. Goldblum (dir.), Villes et citadins dans la mondialisation, Paris, Karthala, GEMDEV.
  • TURGEON L. [2003], Patrimoines métissés, contextes coloniaux et postcoloniaux, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, Les Presses de l’Université Laval, 234 p.
  • URBAIN J.-D. [2002], L’idiot du voyage, Paris, Payot, 353 p.
  • En ligne VERDEIL E. [2005], « Expertises nomades au Sud. Éclairages sur la circulation des modèles urbains », Géocarrefour, Expertises nomades, vol. 80, n° 3, p. 165-169.
  • VERMEERSCH L. [1998], La ville américaine et ses paysages portuaires, entre fonction et symbole, Paris, L’Harmattan, 206 p.
  • En ligne VELUT S. et ROBIN S. [2005], « Entre Barcelone et Porto Alegre : la gestion municipale à Montevideo et Rosario », Géocarrefour, Expertises nomades, vol. 80, n° 3, p. 207-214.
Sébastien Jacquot [*]
  • [*]
    Géographe, Université d’Angers – sebastien.jacquot@univ-angers.fr.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/autr.041.0181
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...