CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Pour Karl Popper, deux grandes logiques déterminent les chemins de « la découverte scientifique ». Il s’agit de « la logique de la découverte » d’une part et de « la logique de la preuve » [Popper, 1973], d’autre part. La première relève davantage des concours de circonstances qui essaiment les pas du chercheur vers le choix de l’objet de ses investigations. La deuxième logique consiste à rendre compte de manière organisée des fruits de la recherche proprement dite. Dans les sciences sociales, il est moins question de « preuve » que de démonstrations et d’argumentations qui visent à mettre à l’épreuve des hypothèses formulées au commencement du travail. De manière générale, les travaux publiés se concentrent essentiellement sur cette seconde dimension du travail qui pourrait suffire à l’avancée des connaissances dans un domaine établi. L’objet du présent article consiste à donner à voir les deux aspects du travail, de telle sorte que les hasards et les choix de la « logique de la découverte » puissent éclairer « la logique de la preuve ». Cette confrontation du hasard – très relatif – et de la nécessité – très aléatoire – se situe dans le contexte d’une recherche menée sur la question du sida en Afrique, à partir et autour d’exemples camerounais.

2Certes arrimée à la science politique, cette recherche a connu de longues escapades du côté de la sociologie et de l’anthropologie. Les raisons de ces voyages académiques méritent d’être interrogées, autant que l’expérience empirique qui leur donne leur sens et leur justification, au-delà des discours entendus sur «?l’interdisciplinarité?».

3Les interrogations épistémologiques de cette recherche peuvent se résumer ainsi?: comment étudier en science politique une politique publique en l’absence de travaux politologiques sur la question?? Qu’est-ce qui explique le choix du sujet et les emprunts empiriques qui ont nourri la recherche?? Autrement dit, comment mettre à profit des questions politistes qui ont été posées par des anthropologues?? Comment bénéficier de la transgression nécessaire effectuée par les anthropologues?? En effet, appelés en renfort de la biomédecine pour appréhender des «?cultures?» face au sida, ils en sont revenus avec des escarcelles remplies de problématiques de rupture d’avec le «?culturalisme?» [Vidal, 1995] ou avec des perspectives critiques d’anthropologie politique [Fassin et Dozon, 2001]. De quelles logiques historiques et contextuelles relèvent ces faits??

4Penser des réponses provisoires à ces questions (hypothèses) correspond à la mise en lumière des avancées décisives induites par l’anthropologie du sida dans le champ des sciences sociales portant sur l’Afrique. La science politique est appelée à s’en servir pour instruire de nouvelles dynamiques dans l’analyse des politiques publiques qui ont concerné majoritairement les pays du Nord. Entre une perspective classique d’étude déductive des politiques publiques (des commanditaires jusqu’aux récipiendaires, en passant par les groupes intermédiaires) d’une part et une approche inductive menée par les anthropologues (des acteurs impliqués jusqu’à la critique de la conception verticale des politiques de lutte contre le sida) d’autre part, se dessine l’interstice dans lequel cette recherche a puisé son originalité épistémologique, ses vertus analytiques et, aussi, ses limites heuristiques. Il n’est pas aisé de tracer des sillons à travers des champs occupés par des démarches riches mais séparées. D’où le défi de ce travail et la nécessité d’être soumis au regard de la critique pour ouvrir avec des armes encore mieux affûtées les frontières entre socio-anthropologie du sida et le courant de la science politique spécialisé dans l’étude de l’action publique [1].

5La notion de Sujet – propre jusqu’ici à une sociologie «?occidentalo-centrée?» – ne serait-elle pas susceptible de rendre compte de la volonté (souvent contrariée) des individus en Afrique d’être les principaux acteurs des décisions qui engagent leur survie?? N’est-ce pas une définition suffisamment ambivalente pour décrire les nœuds de contradictions des trajectoires individuelles qui se déploient sous des influences internationales, des stratégies de «?big men?» de la biomédecine et des vicissitudes de l’intimité?? N’est-ce pas un moyen pour appréhender et distinguer ce qui révèle le poids des desseins collectifs sur la vie des individus – notamment les personnes vivant avec le VIH/sida – de ce qui relève de la promotion individuelle et de la tentative de défense des identités dont la plus simple est explicitement confrontée à la maladie, à savoir la vie?? Cette démarche du Sujet qui emprunte les chemins de l’altérité, sans laquelle il n’y a pas de «?Sujet?» [Wieviorka, 2000], ne constitue-t-elle pas un moyen de réinterroger les principes méthodologiques d’une anthropologie classique, davantage encline à privilégier l’inscription de la personne dans des groupes socialement prescrits??

Entre désirs personnels et rencontres décisives?: les aléas du choix de l’objet

6Bien qu’étant rattaché en tant que doctorant au CEAN de l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux, c’est par le biais de notre laboratoire d’accueil «?Sociétés, Santé, développement?» que s’est effectuée notre première mission sur le terrain à la fin de l’année 1995. Cette double appartenance académique expliquera aussi les orientations et la problématique de la thèse, entre science politique et socio-anthropologie. Notre projet de thèse devait porter sur la problématique de l’intégration sociale des jeunes en milieu urbain, dans une période de crise drastique au Cameroun. Sujet vaste et certainement trop large dans sa formulation, la première inspiration vers la question du sida est venue de Michèle Cros, anthropologue et enseignante à l’époque à l’Université de Bordeaux 2. Elle nous a suggéré d’appréhender d’abord l’objet sida comme une «?clé?» susceptible de mieux appréhender ce qui nous intéressait au premier chef, les jeunes en milieu urbain et ensuite de contacter l’anthropologue Claude Raynaut. Quelques années auparavant, cette incitation à travailler sur le sida semblait déjà se heurter à un mur plus ou moins inconscient sur lequel M. Cros eut l’inclination pédagogique de mettre des mots. En effet, M. Cros [1996] relevait que le sida représentait pour des étudiants un enjeu symbolique et un risque psychologique peu aisés à assumer à travers des mémoires de second ou de troisième cycle universitaire. Puis, le relais effectué et organisé par M. Cros vers Claude Raynaut fut décisif. Sous sa co-direction et l’accueil de son laboratoire, notre recherche fut mise sur les rails. Un article a porté les germes du déclic qui nous a permis de nous nourrir des interrogations anthropologiques pour aller, in fine, interroger la science politique. Il n’est pas innocent que ce texte consacré aux malades rwandais soit issu du premier ouvrage de synthèse sur les sciences sociales françaises et le sida en Afrique [Dozon et Vidal, 1995] d’autant que le hasard de sa lecture, en 1995, donnait au texte (écrit avant le génocide tutsi) une envergure symbolique significative, entre le trouble privé et une double tragédie historique.

7Une phrase, une explication résume bien ce passage, cette nouvelle conviction que notre sujet (les jeunes) ne perdrait pas en acuité en épousant la problématique du sujet, bien au contraire. «?L’épidémie de sida joue en Afrique vis-à-vis des dynamiques du changement social, le rôle de révélateur et d’agent?» [Raynaut et Muhongayire, 1995]. C’est sur cette base que fut réorienté notre projet de recherche qui fut présenté rapidement à Claude Raynaut en vue d’une intégration dans son laboratoire comme structure d’accueil. De la première mission (décembre 1995-février 1996), à la soutenance (décembre 2002), il fut question de voyages disciplinaires (socio-anthropologie, science politique), de progression problématique (de l’intime au politique) et de déplacements vers le Cameroun en mutation qui passait des terrains faciles d’une enfance défunte à l’objet des professions épidémiologiques, et d’errances sociales et politiques au temps du sida.

Le contexte camerounais des années 1990?: crise de l’État et progression de l’épidémie de sida

8Le Cameroun s’est illustré par quelques particularités et paradoxes. Dans les années 1980, alors que les pays d’Afrique centrale, notamment ceux des Grands Lacs, connaissaient une expansion très forte de la pandémie du sida, le Cameroun, comme le Nigeria, passait pour un «?miraculé?». En effet, en 1988, les estimations de la séroprévalence au VIH/sida mentionnaient un taux de 0,5 % au sein de la population générale. Par ailleurs, le premier comité de suivi du sida s’y était constitué dès 1985, quelques mois avant que le premier cas ne soit officiellement diagnostiqué. Deux ans plus tard, les directives du Global Program on Aids (GPA) de l’OMS étaient suivies de la mise en place du Programme national de lutte contre le sida (PNLS). De symposiums en réunions, le Cameroun manifestait aussi officiellement ses préoccupations vis-à-vis de la pandémie en organisant la VIIe Conférence internationale sur le sida en Afrique (CISA) à Yaoundé en 1992.

9En ces années 1990, les rapports des institutions internationales et les études économiques sur le Cameroun notaient que ce pays détenait le record du pays qui s’était le plus appauvri en Afrique entre 1985 et 1993, avec des croissances négatives de -6 % par an en moyenne pendant cette période. Les taux de séroprévalence quant à eux suivaient un rythme tout aussi soutenu?: de 0,5 % en 1988, ils atteignaient 5,5 % dès 1994 [2]. Entre une crise économique sans précédent et une expansion rapide de l’épidémie de sida, les questions qui se posaient alors avant notre première mission relevaient autant de la science politique que de la socio-anthropologie?: comment un État en crise et soumis aux Programmes d’ajustement structurels (PAS) s’organisait-il pour structurer des réponses contre le sida?? Comment les jeunes citadins vivant dans des villes frappées par une paupérisation sévère percevaient cette maladie??

Des jeunesses privées de sens face à un virus insensé [3]

Premiers terrains?: la soumission à un paysage en mutation

10Le contexte de notre premier terrain s’est accompli sur le mode de ce que G. Balandier nommait «?la soumission au paysage sociologique?» dans son Afrique ambiguë. En effet, il s’est agi d’atterrir dans un pays dont nous avons déjà noté la brutalité de la crise économique en ces années 1990 [Hugon, 1996]. Cette dépression économique s’est accompagnée de profondes modifications des principales instances de socialisation (la famille, l’école et le monde de l’emploi), d’une «?transition politique?» chaotique [Courade et Sindjoun, 1996?; Mehler, 1997] et surtout d’un délitement inédit de l’État démiurge et des repères axiologiques. La monétarisation des rapports sociaux et les sexualités de crise (rapports prostitutionnels, polyandrie et polygamie officieuses) semblaient les éléments les plus manifestes de ce que Georges Courade a baptisé plus tard Le désarroi camerounais [2000].

11Partant du constat que plusieurs enquêtes avaient déjà été réalisées dans les «?lieux institutionnels?», en particulier dans les établissements scolaires et les universités, j’ai souhaité travailler au départ sur des espaces moins «?formels?». J’ai donc entrepris une enquête de «?jour et de nuit?», à commencer par le quartier Messa dans lequel j’ai vécu tout au long de mon séjour. Lieu de résidence d’une «?classe moyenne?» avec une jeunesse fortement scolarisée jusqu’à cette époque des années 1990, Messa est aussi le lieu où se lit le déclassement des catégories intermédiaires de la fonction publique qui occupent en majorité cette cité. C’est donc dans un contexte de très forte intégration urbaine et de crise économique que mon investigation a commencée. Cette intégration comprend le sport mais aussi «?l’école?», puisque ces catégories sociales proches de la fonction publique sont de celles où la réussite scolaire a été érigée en «?dogme?» de l’insertion professionnelle et de la mobilité sociale.

12En plus des entretiens collectifs, j’ai pratiqué plusieurs entretiens approfondis avec des jeunes de 15 à 30 ans. J’ai reconduit mon investigation dans les boîtes de nuit en essayant d’interroger in situ les acteurs de la nuit sur le rapport au préservatif, les conditions dans lesquelles ils y avaient recours ou l’inverse. Je proposais ensuite à mes interlocuteurs avec qui la discussion avait été possible de les revoir le jour pour des entretiens plus formels. Ceux-ci concernaient des récits de vie et nécessitaient de se rencontrer plusieurs fois. Dans ces circonstances, j’ai pu effectuer des dizaines d’entretiens avec certains interlocuteurs, garçons et filles et, suivant les liens qui se nouaient, certains d’entre eux venaient s’entretenir avec moi, davantage sur le ton des confidences que de celui de l’entretien stricto sensu?; tout en sachant que ces échanges nourrissaient mon travail. Ce fut par ailleurs un des premiers enseignements de cette mission exploratoire?: l’intérêt que les jeunes manifestaient pour la question du sida, et leur volonté d’en parler librement. Un séjour à Douala a permis de confirmer cette tendance, dans un univers où les discours officiels et officieux tendaient surtout à parler de déni. La première hypothèse de la déconnexion entre les discours officiels et les attentes des jeunes est née dans ce contexte, grâce à ce «?tabou du sida?» qui n’en était pas un. Il semblait y avoir davantage la représentation d’un «?tabou?» que chacun prêtait aux autres dans une configuration où chacun disait avoir conscience du problème tout en stigmatisant le déni des «?autres?». Le second volet de la mission a consisté à rencontrer les responsables de la lutte contre le sida et à récolter les documents et rapports concernant leur activité. Par la suite toutes les missions se sont déroulées dans ce va-et-vient entre les institutionnels (locaux et internationaux), d’une part, et les jeunes, d’autre part.

13Cette première mission a été décisive pour formuler l’hypothèse de la «?déconnexion?» entre les dynamiques de l’intégration juvénile et les politiques qui leur étaient destinées, notamment celles qui étaient édictées à l’OMS et relayées par le Comité national de lutte le sida (CNLS). À l’issue de ces deux premiers mois de terrain, nous avons pu proposer une lecture portant sur «?l’État camerounais et les cadets sociaux face à la pandémie du sida?» [Eboko, 1996]. Dans le cadre du Programme sida de l’ex ORSTOM, Marc-Eric Gruénais a intégré notre étude, en 1997, dans une recherche multicentrique intitulée «?Organiser la lutte contre le sida en Afrique?: une problématique État?/?société civile?» [Gruénais, 1999]. Notre travail a alors connu un enrichissement important puisque les dix mois de rattachement – dont sept sur le terrain – ont permis d’appréhender le passage de la problématique du Sujet vers «?l’action collective?», en envisageant les modalités de la vie des associations de lutte contre le sida, comme nous le verrons plus loin.

14Les autres missions de terrain ont été menées autour d’un ultime projet [4] qui nous permis d’accentuer la réflexion sur les mobilisations collectives et les destins individuels des jeunes dont l’hypothèse de recherche voulait qu’ils dessinent la figure ambivalente d’un «?désir?»?: celui de l’individu de devenir un acteur autonome, c’est-à-dire un «?sujet?» [Dubet et Wieviorka, 1995?; Dubet, 1994?; Touraine, 1994]. Ce dessein reposait sur la double question de l’intégration sociale et de la sexualité, sur la double ambivalence de l’identité intime et de la promotion sociale, avec les variantes liées au genre, aux aspirations, aux statuts sociaux et, enfin, à la proximité et/ou à l’éloignement d’avec les lieux de ressources générées par la lutte contre le sida.

Le sujet est un désir?: intimité, altérité et sécurité

15Un des préceptes les plus entendus pendant la décennie des années 1990 concernant le sida en Afrique portait sur «?la vulnérabilité?» de certains groupes, qui faisait suite à celui sur la construction sociale des «?groupes à risque?» [Delaunay, 1999?; Vidal, 1999]. Les «?jeunes?» et surtout «?les femmes?» devaient être placés au-devant de ces préoccupations scientifiques qui ont d’ailleurs autant à voir avec la «?science?» qu’avec l’idéologie. En confrontant nos enquêtes et les écrits portant sur les jeunes camerounais en milieu urbain, certains faits saillants nous ont permis de tisser quelques nuances à l’encontre de certains de ces discours. Parmi eux, la «?précocité?» des filles aux premiers rapports sexuels préoccupait en particulier les spécialistes, de l’épidémiologie à l’anthropologie. Dans le cas du Cameroun, comme dans d’autres pays, il était assez intéressant de noter que même les études les plus riches avançaient des chiffres qui relativisaient leurs propres analyses sur les critères et les modalités de la «?vulnérabilité?». Un des objectifs de notre approche a consisté à restituer la dimension affective, trop souvent occultée par des approches matérialistes de la sexualité?: affects qui sont des aspects importants même dans les rapports marqués par des échanges matériels.

«Précocités?», permanences et évolutions de la sexualité juvénile

16Le changement social, d’une génération à l’autre ou d’une décade à l’autre, présente des effets intéressants et complexes pour appréhender la sexualité. En effet, le fait qu’il y ait un rajeunissement apparent des «?filles libres?» pourrait porter à croire que l’âge au premier rapport sexuel a baissé chez l’ensemble des jeunes filles. Cette «?précocité?» de l’entrée dans la vie sexuelle peut être questionnée. Précoces par rapport à qui?? Précoces par rapport à quels critères?? Les filles de 15 à 24 ans dont il est question ici ne sont pas entrées dans la sexualité active plus précocement que leurs aînées. L’enquête la plus exhaustive qui ait été menée au Cameroun [EDSC 1998, 1999] montre que, d’une génération à l’autre, l’âge des jeunes filles à leur premier rapport sexuel au Cameroun est stable depuis une trentaine d’années et qu’il s’est légèrement accru pour les jeunes filles âgées de 15 à 24 ans dans la première moitié des années 1990. Par ailleurs, la comparaison avec les zones rurales atteste que les jeunes citadines en question connaissent leur premier rapport sexuel plus tard que les jeunes filles en milieu rural (avec des variantes selon les provinces et les dynamiques culturelles).

17L’argument de la «?précocité?», utilisé pour expliquer les taux de séroprévalence chez les jeunes filles de 15 à 24 ans (7 cas sur 10), n’est valable qu’en comparaison avec les garçons du même âge. Mais s’agit-il vraiment de «?précocité?»?? En fait, il est question d’une sexualité dont les âges sont parfaitement «?banals?», dans un contexte qui l’est beaucoup moins (crise des repères sociaux, crise épidémiologique), puisque l’exposition au risque est plus forte dans ce contexte précis et la vulnérabilité des plus jeunes plus accentuée. Ce phénomène peut s’expliquer par le fait que ces jeunes filles ont des relations sexuelles avec des hommes plus âgés. Nos entretiens avec les jeunes filles de Yaoundé, Douala, Limbé et Bamenda, semblent aller, en partie, dans ce sens. Toutefois, elles montrent une grande diversité des critères de la vulnérabilité et des risques d’exposition à l’infection à VIH. Il semble donc que «?la précocité?» des filles relève davantage de référents idéologiques (politique et scientifique) que de la mise à l’épreuve des chiffres et des faits.

18Dans certaines circonstances, la variable économique est suppléée par des critères de reconnaissance sociale. Ceux-ci expliquent certaines dissonances cognitives ainsi que les vicissitudes subies par des filles économiquement et matériellement autonomes au moment de négocier l’adoption du préservatif, sous la pression conjuguée du risque et de la «?sécurité affective?». Il s’agit donc de traiter les risques et la vulnérabilité suivant une conjonction de facteurs qui rendent caducs certains liens de causalité simple?: «?pauvreté et sida?», «?jeunesse et sida?», «?femmes et sida?», etc. Par exemple, la charge symbolique et idéologique du thème de la sexualité et des femmes masque des faits attestés par les enquêtes. En effet, non seulement les jeunes filles en question sont moins «?précoces?» que les femmes des générations précédentes mais leurs homologues masculins sont beaucoup plus précoces que toutes les générations précédentes d’hommes. Ce rapport inversé est passé presque sous silence dans les analyses sur le sida, en l’occurrence au Cameroun. La «?précocité?» des garçons s’est accrue de manière significative, celle des filles a légèrement diminué d’une génération à l’autre. En revanche, dans la classe d’âge 15-24 ans, à l’intérieur de laquelle s’initie la sexualité, la fréquence des rapports sexuels des filles est plus élevée que celle des garçons?: 33,7 % des filles ont eu une activité sexuelle dans les quatre semaines précédant l’enquête EDSC 1998, contre 24 % chez les garçons [1999, p. 92-95]. De plus, entre 15 et 19 ans, 34,9 % des jeunes filles n’ont jamais eu de relations sexuelles, contre 51,6 % pour leurs homologues du sexe masculin. Pour des individus un peu plus âgés («?les jeunes adultes?»), la problématique de la sexualité intègre d’autres aspects qui recomposent les volontés d’accomplissement individuel. Les modalités des risques se modifient mais la force et la place de la sexualité dans la construction du sujet individuel prennent une acuité plus complexe.

Masculinité et sexualités chez les jeunes adultes?: l’assemblée dissolue du pouvoir

19L’illustration qui suit concerne un couple de trentenaires. Hector s’est marié avec une femme qu’il a choisie. La parentalité a accentué le pouvoir et la reconnaissance sociale des deux époux dans leurs entourages (familles, collègues, voisinages, etc.). Dans le même temps, Hector a «?perdu?» l’interlocutrice et la complicité de sa compagne. Il semble que ce soit cette relation de dyade qu’il ait retrouvée chez Mathilde, célibataire, disponible. Par la même occasion, l’être écouté et «?à l’écoute?» est relégué au second plan, au profit du statut et du pouvoir conféré au rôle de père et de chef de famille. Le pouvoir attribué au fait d’avoir une ou plusieurs maîtresses n’a pas cours ici. Il s’agirait même vraisemblablement de l’inverse. En effet, tout porte à croire que ce qu’Hector est allé rechercher dans un espace où son identité et ses préférences étaient davantage sollicitées que son identité sociale parentale et maritale est la dissolution de ce pouvoir, lié en même temps à des pesanteurs d’ordre social, parental et marital. Cette identité fixe une image valorisante, à laquelle Hector comme d’autres, adhère de son propre gré, tout en rencontrant des contraintes dont il tente aussi de s’échapper en reconstruisant le statut «?perdu?» de ces «?deux solitudes qui se rencontrent?» et qui fondent, universellement, cette relation amoureuse si peu soulignée dès lors qu’il s’agit de l’Afrique, de la sexualité et des rapports entre hommes et femmes.

20Ici on peut s’interroger sur la place et les rôles nouveaux de l’homme dans le couple au sein de ces sociétés en mutations. L’anthropologie de l’espace familial peut donner une idée de l’évolution du statut masculin face à la relative stabilité de la gestion de cet espace. À Douala, par exemple, traditionnellement, l’intérieur de la maison était généralement consacré aux femmes et aux enfants, la cour et l’espace d’expression du pouvoir (éboko) réservée aux hommes, et, l’arrière cour aux «?captifs?» [Balandier, 1976, p. 361-381]. La reproduction partielle de ce modèle de famille élargie expliquerait aussi en partie l’aporie des statuts, en l’occurrence celui de la masculinité, pour des personnes dont les activités professionnelles et les références s’éloignent fortement des modèles traditionnels. Histoires «?africaines?», parce que se passant en Afrique, ces trajectoires individuelles n’en comportent pas moins une dimension globale. Il est question ici de rappeler, après quelques-uns comme Michel Bozon, que «?l’approche par une sociologie de la sexualité […] ne se donne pas pour objectif de dénombrer des pratiques individuelles, mais […] de situer l’échange entre les corps dans l’ensemble des échanges (économiques, culturels, affectifs…) entre les individus, et de faire apparaître les fonctions (de structuration, de symbolisation…) que joue toute cette activité dans les relations, conjugales ou non.?» [1998, p. 176]

21Certaines attitudes masculines masquent quelques fois des incertitudes et se mettent en scène sous des formes qui voudraient signifier l’assurance, la certitude ou «?le pouvoir?». Pourtant, c’est parfois volontairement que certains souhaiteraient dissoudre le «?pouvoir social?» dont ils héritent au détriment des territoires intimes de l’accomplissement individuel.

La relation amoureuse et la sexualité?: contribuer à la réflexion sur les épreuves et la promotion du Sujet

De l’intime au social

22Ici, la relation amoureuse est au centre d’une problématique qui cumule des désirs intimes (érotisation de la vie sexuelle, valorisation de l’espace corporel, hédonisme individualiste), des projets personnels (reconnaissance et respect de la féminité et de la masculinité), des aspirations (mariage, mobilité sociale) et des contraintes sociales (pression familiale, subordination relative de la femme à l’homme, etc.). La sexualité recouvre une représentation et une activité par lesquelles les individus affirment leurs identités sociales et leurs aspirations individuelles. Elle est alors le moyen par lequel ces personnes confirment, subissent ou refusent la place que leur assignent leurs groupes sociaux et leurs appartenances culturelles.

23Dans cette configuration, la sexualité s’intègre dans une logique de la relation amoureuse qui peut être source de pressions externes et de tensions internes. En effet, on peut penser que «?l’amour est […] à la fois au fondement du social tout en étant, en même temps, sa dissolution?» [Martucelli, 1995b, p. 23]. Ces précisions permettent de nuancer les analyses économicistes de la sexualité en Afrique, surtout lorsqu’il s’agit des jeunes femmes avant le mariage et davantage lorsqu’il est question de «?prostitution?». Il faut donc aller plus loin que ces définitions et nuancer celles qui réunissent, de manière inclusive à première vue, des dimensions qui ne le sont pas toujours, à l’instar de la citation qui suit?: «?Une relation sexuelle est une relation sociale, économique et physique unissant deux personnes ayant des rapports sexuels?» [Ferry, 1999, p. 240].

24Primo, il est fréquent que des relations sexuelles, mêmes éphémères, n’aient aucun contenu économique. Secundo, certaines comportent un «?rapport social?» extrêmement sommaire. Il arrive que des protagonistes nocturnes de l’activité prostitutionnelle se voient à peine. Dans ce type de contexte, serait-il exagéré de considérer que ce type d’échanges sexuels tend à être la négation même d’un «?rapport social?»?? Il faut donc éviter, tant que faire se peut, les généralités et ce que Bourdieu appelait «?illusion du savoir immédiat?».

25La question du sida, telle que nous l’avons abordée a consisté par ailleurs à en saisir les dimensions collectives, sur deux modalités?: l’action collective contre le sida et l’analyse de la politique publique, en considérant le cas du Cameroun comme une illustration d’un sous-type politique parmi d’autres.

L’expérience du sujet

26Les études africaines ont ignoré pendant longtemps la dimension individuelle et celle du Sujet en particulier. Le privilège était plus allé à «?la notion de personne?» [Dieterlen, 1973], c’est-à-dire aux dimensions prescriptives de l’identité, au détriment de la volonté même contrariée des individus de s’approprier leur propre existence. Depuis peu cette dimension est étudiée en France avec beaucoup d’acuité, à partir de cas ouest africains [Marie, 1997?; Marie et Leimdorfer, 2003]. Pour autant la particularité de ces réflexions est de ne pas se référer aux travaux relevant du champ contemporain de la sociologie française [Wieviorka, 2000] mais plutôt de s’inscrire dans la tradition philosophique et sociologique occidentale. Aux collègues travaillant en sociologie «?ici et maintenant?», les auteurs ont privilégié les «?pères fondateurs?». Ils mettent en scène, sans doute à leur corps défendant, tout ce qui sépare les deux sœurs françaises (sociologie et anthropologie), si voisines dans leurs préoccupations méthodologiques de recherches en sciences sociales et si éloignées depuis le début de leur partition géographique et universitaire [5]. De fait, nous avons eu recours en priorité aux travaux de la sociologie contemporaine française pour aborder la notion de Sujet [6].

27Cette réflexion sur le sujet a donc été à la fois empirique (à partir des trajectoires individuelles et collectives récoltées sur le terrain) et conceptuelle. Lorsque la sociologie du sujet met en exergue les «?tensions?», les «?ambivalences?» et les tractations soulignées plus haut, elle rejoint l’anthropologie du sida et de l’individu telle que l’a appréhendée Claude Raynaut?: «?les pratiques sociales ne sont analysées par l’anthropologue ni comme le produit nécessaire de déterminations collectives ni comme la manifestation d’une rationalité individuelle close sur elle-même mais comme le résultat d’un constant compromis entre les propriétés englobantes des systèmes et les stratégies particulières des individus et des groupes?» [1996, p. 47].

Les mobilisations collectives contre le sida?: une problématique État?/?société civile

28Les dynamiques sociales et «?communautaires?» autour de la question du sida, notamment la formation d’associations et les initiatives ponctuelles à l’intérieur de ce «?marché émergent?» [Delaunay, 1998, p. 115-141], s’inscrivent dans un mouvement d’ensemble. Ce dernier révèle une continuité dans la tentative de structuration et de contrôle de la société civile par l’État camerounais depuis les indépendances. Simultanément, ce mouvement se situe dans le changement social et la discontinuité, en ce sens qu’il épouse les mutations récentes?: politiques (la «?démocratisation?»), économiques (la récession) et sociales. L’implication des organisations internationales et de la logique néo-libérale qui encourage l’appui de «?la société civile?» a accentué la centralité de celle-ci dans la capitale.

29Un premier phénomène pourrait éclairer une des logiques de la vie associative en matière de lutte contre le sida?: rappelons que la majorité des associations (dont les ONG, qui répondent aux même critères juridiques et administratifs) est dirigée par le corps biomédical et près des 3/4 de ces associations sont situées dans la capitale, Yaoundé. Le second phénomène préfigure des contraintes liées au passage de la mobilisation collective vers un mouvement social contre le sida qui se définit «?contre les institutions?». Les influences sociales qui composent l’ossature générale (institutionnelle et non-institutionnelle) de la lutte contre le sida révèlent de facto un caractère multidimensionnel qui informe la problématique État?/?société civile [Raynaut, 1995?; Gruénais, 1999]. Les motifs pour les jeunes d’entrer dans ce type d’associations concernent autant l’adhésion à une cause que la volonté de construire un espace de valorisation et de promotion sociale. De fait, ceux qui vivent dans les deux grandes villes (Yaoundé et Douala) bénéficient de la proximité des instances de financement qui permettent cette action collective. À l’inverse, les provinces privées de grands bailleurs de fonds subissent juste «?l’absence?» d’un État qui ne vit plus qu’en fonction des directives internationales dont le centre reste Yaoundé.

30Quelques nuances émergent à Douala depuis le début des années 2000 avec l’entrée dans le marché du sida d’associations conduites par des femmes appartenant à des entreprises privées ou parapubliques. L’ossature sociologique de ces nouvelles associations de personnes vivant avec le VIH est sensiblement différente des premières associations des patients séropositifs constituées dans les années 1990 [Umubyeyi, 2002]. Quelques-unes des femmes qui s’engagent actuellement sont des cadres et le registre de leurs mobilisations constitue un virage?: de la solidarité à la contestation?/?participation. Elles exigent de participer aux discussions qui orientent et organisent les réseaux thérapeutiques et sociaux autour des trithérapies. La baisse des prix des molécules antirétrovirales (ARV) leur donne l’occasion d’essayer de peser sur les décisions des personnels biomédicaux et quelques fois de dénoncer les pratiques «?inhospitalières?» de certaines entreprises (dépistage des employés sans leur consentement, faiblesse de la prise en charge de certains agents dans ces entreprises, etc.). De l’indigence qui marquait les premières associations au Cameroun, on assiste petit à petit à l’émergence d’une autre force, celle qui est régie par le poids des statuts sociaux dans un pays où la «?notabilité?» et les diplômes obligent l’écoute et donnent aux femmes l’occasion d’occuper les espaces de pouvoir. La question de l’observance aux traitements contre le sida place ces femmes au centre d’un combat qui constitue un des grands enjeux de la décennie en Afrique. Assiste-t-on à l’ébauche de la construction d’un mouvement social contre le sida?? Pour l’heure il s’agit encore de ses prémisses donc la question reste posée [7].

Un modèle dissonant de politique publique?: de l’intime au politique

31Pour des raisons historiques, en ce qui concerne la recherche en sciences sociales en Afrique, ce furent en majorité des anthropologues qui durent répondre aux questions liées aux effets des «?politiques de développement?». Celles-ci étaient et sont développées par des économistes mais, dès lors qu’elles mettaient en scène des contradictions inhérentes au «?facteur humain?», aux «?cultures?», aux réalités ou idéologies afférentes à l’implication des groupes sociaux dans ces programmes, elles retournaient aux anthropologues. Nées dans d’autres secteurs (les relations internationales, les politiques de coopération), concernant souvent d’autres disciplines académiques (la science économique, la science politique, la démographie, la médecine) et d’autres pratiques d’entreprise (l’expertise, l’audit, le management) et politiques comme «?la santé publique?», ces problématiques occupaient, ipso facto, les frontières de la pluridisciplinarité.

L’analyse des politiques publiques du sida en Afrique?: la place de l’anthropologie

32Dans cette constellation inédite de voisinages, l’anthropologie fut confrontée à des défis qui mirent en jeu son unité et en scène sa diversité, y compris au contact des seuls enjeux de la santé publique [Gruénais et Dozon, 1992]. Les politologues africanistes ont été parmi les grands absents de ces débats scientifiques jusqu’à une période très récente, qu’il s’agisse de science politique africaniste française, africaine ou anglo-saxonne [8]. Quelques textes et réflexions commencent tout juste à voir le jour sur le sujet, notamment aux États-Unis de la part de politologues [9] spécialistes des relations internationales [Boone et Batsell, 2001]. En France, les anthropologues ont abordé ces questions, avec les concepts propres à leur discipline [Gruénais et alii, 1999?; Raynaut, 2001] ou en faisant le lien avec la science politique (directement ou indirectement) et le champ d’études des «?politiques publiques?».

33Il échoit aux politologues la tâche de synthétiser certains aspects des recherches anthropologiques sur le sida et de poser avec leurs concepts une série de questions?: comment évaluer les politiques publiques du sida [Raynaut, 2001]?? Pourquoi le sida résiste-t-il à devenir un objet politique en Afrique [Gruénais et alii, 1999?; Raynaut, 2001?; Kerouedan et Eboko, 1999]?? Quelle est la place de l’État dans la conduite d’une politique publique qui a été conçue de «?l’extérieur?» [Fassin et Dozon, 1989]?? Comment les acteurs locaux se réapproprient-ils ces offres de santé publique?? Certaines de ces questions méritent d’être confrontées aux héritages de la science politique. Que peut apporter à la réflexion le corpus théorique de cette discipline??

L’apport potentiel de la science politique?: mobilisations et cultures politiques

34L’hypothèse de recherche qui a orienté ici la réflexion est la suivante?: la culture politique forme le terreau mouvant et composite (identités collectives, idéologies, trajectoires historiques des différentes composantes des forces politiques, etc.) dans lequel sont puisés les répertoires pertinents de la mobilisation politique. Comme dans l’ensemble de ce travail, cette hypothèse est déclinée sur un mode «?dynamique?». Ce qui signifie que les notions qui sont censées rendre compte des dynamiques sociales et politiques en cours (politique publique, culture politique, mobilisations collectives, avènement du sujet, etc.), face au sida, ne sont jamais envisagées comme des données figées. Au contraire, elles sont appréhendées comme le résultat de conjonctions inédites de facteurs en mouvement. Ceux-ci relèvent de situations qu’il faut appréhender en considérant les différentes étapes de l’évolution socio-historique des pays en question (diachronie) et la complexité des contextes contemporains (épidémiologiques, économiques, politiques, sociaux, sanitaires, etc.) dans lesquels interviennent les questions liées à la pandémie du sida (synchronie). Les connaissances, les évolutions et les crises de l’État en l’Afrique [Bayart, 1989?; Médard, 1992?; Sindjoun 2002] s’agrègent ici d’une reconnaissance des situations typiquement liées au sida [Becker, Dozon et alii, 1999]. Cette confrontation des approches rejoint la méthode suggérée par les spécialistes de l’étude des politiques publiques en science politique, à savoir qu’il est indispensable d’inscrire toute action publique dans le contexte de l’État qui la met en œuvre [Jobert et Muller, 1987].

35Il s’agit donc de concilier l’anthropologie du sida à la science politique de l’État en Afrique, d’une part, et de proposer une connexion de cet ensemble aux paradigmes usuels des politiques publiques, d’autre part [10]. Dans le cas du Cameroun, et pour les raisons invoquées précédemment, peu de recherches en science politique concernent le sida. Les choses changent lentement mais jusqu’au début des années 2000 la lutte contre le sida en Afrique et au Cameroun en particulier, s’était effectuée sans que les hommes politiques d’une part et les plus lus (ou les moins ignorés) des intellectuels et/ou chercheurs (A. Mbembe, C. Monga, J.M. Ela, etc.) d’autre part, se mêlent à la bataille.

De la difficulté de gouverner les corps?: construction politique et incorporation du risque-sida

36Depuis les années 1980, la lutte contre le sida au Cameroun représente deux registres. Le premier est constitué de la connexion de l’État avec les organismes internationaux. Le second dessine le champ local de la biopolitique qui régule, nourrit et alimente la construction politique d’un risque préconstruit dans le registre international. Dans ce cadre, c’est aussi la puissance de l’État africain qui est mise en question dans un contexte dramatique [Eboko, 2000].

37Les représentations et les pratiques de la santé publique dans l’espace du sida relèvent depuis les années 1980 de constructions sociales (internationales et locales) qui se distinguent de la réalité multidimensionnelle de la conquête par le VIH du territoire camerounais et des corps. L’interface entre les deux niveaux d’analyse montre des espaces politiquement vacants que commencent à occuper, petit à petit, les consciences et les expériences à travers lesquelles est réapproprié le risque-sida. Nous avons posé la pandémie du sida comme un prisme à travers lequel les changements politiques, économiques et sociaux se mettent en lumière, autant qu’une maladie qui éprouve des corps et des individus dont une des vocations est d’être des «?Sujets?», c’est-à-dire ce «?désir des individus d’être acteurs de leur propre vie?». Le thème central de la sexualité concentre cette volonté d’individualisation, de manière différentielle suivant les catégories sociales en présence et suivant la temporalité de la confrontation directe ou indirecte à la maladie. Confrontation de l’intimité et de l’altérité qui raconte l’histoire d’une déconnexion entre discours sanitaires (donc politiques) et représentations sociales du risque-sida [Vidal, 1996 et 2000]. Entre les deux, on a pu constater les effets du «?désarroi camerounais?» [Courade, 2000] à l’issue de deux décennies de crise économique, de relative anomie politique et de construction plurielle de nouveaux repères sociaux, en lieu et place des principales instances de socialisation (famille, école, monde de l’emploi, etc.) en pleine modification. Les procédures d’inclusions et les modalités d’exclusions face aux nouveaux desseins de l’accès aux médicaments antirétroviraux (ARV) énoncent les nouveaux enjeux de la lutte contre le sida au Cameroun, comme dans l’ensemble du continent africain. Cette situation récente résume assez fidèlement l’histoire d’un drame qui éprouve des «?corps choisis?» par la force d’une sélection biopolitique dont les développements récents (accès aux ARV) promettent de nouveaux espoirs.

Notes

  • [*]
    Chargé de recherche, politologue, IRD, UR «?Socio-anthropologie de la santé?», 32, rue Henri Varagnat, 93143 Bondy cedex, eboko@bondy.ird.fr.
  • [1]
    À notre connaissance, nous avons présenté la première thèse de science politique en France consacrée à la question du sida en Afrique.
  • [2]
    Ce taux est estimé à 12 % environ en 2002.
  • [3]
    L’expression «?virus insensé?» est utilisée ici pour exprimer la contradiction vécue par les jeunes entre le mode principal de transmission du virus (la sexualité), l’évolution lente de la maladie et l’image «?brutale?» du slogan le mieux «?reçu?» à l’époque?: «?le sida tue?!?» [Eboko, 2000].
  • [4]
    Projet «?Dynamiques sociales et action communautaire des jeunesses urbaines face au sida au Cameroun?». Cette recherche a été financée par l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) en 1998 et 1999. La même agence nous a par ailleurs octroyé une bourse grâce à laquelle nous avons été allocataire de recherche CNRS (CEAN/IEP de Bordeaux) entre 1998 et 2001.
  • [5]
    L’ethnologie universitaire française est née en 1925 sous la conduite de Marcel Mauss. Elle tire pourtant sa source des chantiers de l’école française de sociologie créée par Émile Durkheim, maître et oncle maternel du premier cité. Voir par exemple Karady [1988]?; Eboko [1997].
  • [6]
    Il faut préciser ici que notre formation initiale de sociologie suivie au département de Bordeaux 2, très influencée par les travaux de Touraine, n’est sans doute pas étrangère à ce choix heuristique.
  • [7]
    À titre de comparaison, le sida a longtemps constitué la seule pathologie à notre connaissance à regrouper des associations de malades au Cameroun. Depuis quelque temps la drépanocytose (plus connue au Cameroun sous le nom «?d’hématies falciformes?») regroupe une association de malades camerounais, grâce à l’impulsion de personnes vivant en France.
  • [8]
    Plusieurs raisons expliquent l’absence relative de la science politique africaniste dans la recherche sur le sida. La pandémie du sida, en tant qu’objet de mobilisations collectives en Afrique, est contemporaine des revendications puis du passage au multipartisme. Cette libéralisation de la vie politique accompagnée par les interrogations sur l’État en Afrique a occupé l’essentiel des recherches en science politique concernant le continent africain et le Cameroun, en l’occurrence depuis la fin des années 1980. Ensuite, il existe une raison plus «?académique?»?: les politologues n’ont pas investi un champ qui leur semblait appartenir à d’autres disciplines (médecine, santé publique puis anthropologie). C’est par le biais des relations internationales que les politologues américains ont commencé à s’intéresser au sida en Afrique et c’est par celui de la crise et de la faiblesse de l’État que les politologues de toutes origines géographiques semblent appréhender cette question aujourd’hui. Rappelons que ces questions furent posées il y a une dizaine d’années par des anthropologues français [Fassin, 1994], sans être vraiment reprises par les politologues. Pour autant, l’impulsion internationale – encore une fois – permet de voir de nouvelles recherches, notamment en science politique, émerger depuis peu grâce, entre autres, au CODESRIA (Dakar), au Social Social Science Research Council (SSRC) de New York, au Centre d’Étude d’Afrique Noire (Bordeaux), ou encore à l’Association africaine de science politique (AASP).
  • [9]
    Dans ce texte, comme dans la science politique de nos jours, les appellations de «?politistes?» et de «?politologues?» sont des synonymes. Les puristes parlent de «?politiste?» lorsqu’il s’agit d’une science politique «?classique?», d’origine juridique, et de «?politologique?» lorsque l’acception désigne la science politique «?contemporaine?», plus proche de la sociologie.
  • [10]
    Une approche comparative en termes de «?cultures politiques?» [Cefaï, 2001] nous a permis d’esquisser une typologie en quatre modèles de «?mobilisations politiques?» contre le sida en Afrique. Publication à paraître en 2004 dans un ouvrage collectif sous la direction d’Amy Patterson (USA).
Français

Résumé

Au terme d’une recherche doctorale sur la question du sida en Afrique (Cameroun), le passage incessant des frontières disciplinaires permet un éclairage rétrospectif. Arrimée à la science politique, cette recherche a connu de longues escapades du côté de la sociologie et de l’anthropologie. Les raisons de ces voyages académiques méritent d’être interrogées, autant que l’expérience empirique qui leur donne sens et les justifie. Les interrogations épistémologiques de cette recherche peuvent se résumer ainsi : comment étudier en science politique une politique publique en l’absence de travaux politologiques sur la question ? Autrement dit, comment mettre à profit des questions politistes qui ont été posées par des anthropologues ? L’objet de cet article est de tenter de montrer comment s’est construite cette recherche qui a évolué de la question des « jeunesses urbaines » face au sida au Cameroun, vers l’analyse critique de la politique publique de lutte contre cette pandémie sur l’ensemble de l’Afrique subsaharienne : de l’intime au politique. Ce texte part des questions liées à la sexualité, mise en cause dans l’expansion de la maladie, pour épouser des interrogations politiques sur ce que l’auteur a appelé « un modèle dissonant de politique publique ». L’article vise à présenter les liens entre des choix théoriques et des rencontres, entre un voyage interdisciplinaire et des concours de circonstances qui ont construit, de concert, un objet de recherche en perpétuel changement.

Mots-clés

  • Sida
  • Afrique
  • Cameroun
  • politique publique
  • jeunes
  • science politique
  • socio-anthropologie
  • interdisciplinarité

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Fred Eboko [*]
  • [*]
    Chargé de recherche, politologue, IRD, UR «?Socio-anthropologie de la santé?», 32, rue Henri Varagnat, 93143 Bondy cedex, eboko@bondy.ird.fr.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2011
https://doi.org/10.3917/autr.029.0117
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