CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le Niger est ce territoire d’Afrique occidentale partagé entre le Sahara et le Sahel. Très tôt parcouru par des explorateurs européens [1], l’espace nigérien a été conquis et occupé par les Français entre 1897 et 1900, malgré les tentatives de résistance et de soulèvement des populations locales [2].

2Par la fusion du « territoire militaire de Zinder », créé le 23 juillet 1900, et du « cercle du Djerma », créé le 11 octobre 1900, est constitué, le 20 décembre 1900, le troisième territoire militaire du Haut-Sénégal-Niger qui devient territoire militaire du Niger, le 7 septembre 1911. Détaché de ce bloc, le 4 décembre 1920, ce qui sera désormais désigné territoire du Niger est érigé en colonie du Niger, le 3 octobre 1922, au sein de la Fédération d’Afrique occidentale française (AOF) [3].

3Comme pour la plupart des colonies françaises d’Afrique, la fin de la seconde guerre mondiale sera le point de départ d’une évolution qui fera du Niger un territoire d’outre-mer puis un État membre de la Communauté : cet État proclamé sous la forme d’une République, le 18 décembre 1958, accède à l’indépendance le 3 août 1960. Après six décennies de domination, quatorze années (1946 à 1960) ont ainsi suffi à transformer l’ancienne colonie en république indépendante. Quelles sont les forces politiques qui ont concouru à cette transformation et quelles étaient leurs motivations ? Quelle a pu être la part d’actions et de responsabilités prise par les populations et les élites nigériennes dans ce processus ? Quels ont pu être le rôle et l’influence de la puissance coloniale et de ses forces politiques dans ces mutations et pour quels enjeux ?

4Pour trouver des réponses à ces questions, il est nécessaire de connaître les étapes de cette évolution pour en comprendre le processus en rapport avec la participation des Nigériens au débat politique de l’époque à travers la naissance, l’évolution et les activités des partis politiques.

Naissance et prolifération des partis politiques

5Par rapport aux autres colonies qui constituaient l’AOF, le Niger était très en retard.

6Sur le plan scolaire, avec un taux de scolarisation de 2 % en 1945, il restera à la traîne jusqu’en 1960 avec seulement 4 %. En 1948, le Niger ne comptait que 3400 élèves [La Documentation française, 1960 : 40-41], nombre incluant aussi bien les natifs du territoire que les enfants des métropolitains et Aofiens [4] y résidant, plus nombreux du fait que leurs parents sont plus sensibilisés à l’école que les paysans et éleveurs nigériens. En 1946, 60 seulement des 2000 élèves formés jusqu’alors à l’École normale William Ponty, au Sénégal, sont originaires du Niger [Fuglestad, 1975 : 120], A cette date, un seul Nigérien, Issoufou Saidou Djermakoye, aura fréquenté un lycée [5] : même en 1958, ce cycle d’étude ne comptera que 546 élèves contre 5066 au Sénégal [La Documentation française, 1960 : 41] ! Ce sous-développement scolaire n’a pas permis aux Nigériens de profiter de la loi Léon Blum de 1936 qui autorisait les colonisés d’Afrique noire à pratiquer des activités syndicales, cette autorisation exigeant d’être titulaire au moins du certificat d’études élémentaires pour y prétendre.

7En plus du lourd handicap de la faible scolarisation, le Niger, territoire militaire jusqu’en 1922, a été négligé sur le plan de l’équipement et de l’emploi. Avec peu ou pas du tout d’industrie [6], il ne compte jusqu’en 1960 que 13824 salariés sur une population de 2600000 habitants. Sur ce chiffre, les manœuvres (9463) et les ouvriers (2972) totalisent 12435 salariés, toutes origines confondues [7], en grande majorité des temporaires recrutés à l’occasion de la période de la traite arachidière (octobre-décembre) ou pour les chantiers de construction. Au 17 août 1959, le nombre exact des salariés permanents était de 5970 dont seulement 3021 Nigériens [8] !

8Ainsi, à défaut de cadres techniques et administratifs locaux, tous les postes de responsabilité étaient occupés par des ressortissants d’autres territoires qui ne cachaient pas leur mépris pour les autochtones qu’ils qualifiaient d’ailleurs « d’incapables ». Hormis les instituteurs, le grade le plus élevé pour un Nigérien, dans la fonction publique coloniale, était celui de commis expéditionnaire. Même au sein des associations et clubs récréatifs, au nombre de vingt avant 1944, aucun natif du territoire n’exerçait une quelconque responsabilité.

9Enfin, le Niger a connu près d’un quart de siècle de commandement militaire (de 1898 à 1922), suivi d’un commandement civil qui n’était guère moins brutal. Jusqu’en 1953, et ce malgré les mesures législatives qui, ailleurs, amélioraient les conditions de vie des colonisés, il est resté sur la lancée du gouvernement de Vichy sous l’autorité du gouverneur Jean Toby [9]. Un tel contexte d’administration musclée ne peut être propice au développement d’une activité de sensibilisation politique émancipatrice en direction des populations.

10C’est pourtant dans ce climat de frustration et de retard que survient l’« ère de la politique moderne ». C’est, en effet, au lendemain de la seconde guerre mondiale que les activités politiques sont officiellement autorisées dans les colonies françaises d’Afrique noire. Pour la première fois, les populations d’outre-mer, ou plutôt leurs élites, vont participer à la politique moderne introduite par le colonisateur : la première Assemblée nationale constituante française du 21 octobre 1945 comptera ainsi, en son sein, 63 élus d’outre-mer sur ses 522 députés [Borella, 1958 : 499]. À l’époque, le Niger constituait une seule circonscription électorale avec le Soudan français et l’élection devait se faire par deux collèges, le premier réservé aux électeurs de « statut français » et le second, à ceux dits de « statut particulier » ou « local ». L’élu du Niger à ce second collège fut le Soudanais Fily Dabo Sissoko aussi bien à la première qu’à la deuxième Constituante. Cette représentation par quelqu’un de l’extérieur du territoire conduit à s’interroger sur l’existence ou non de forces politiques propres au Niger.

11Le contexte de frustration évoqué plus haut a eu pour conséquence d’allumer ou d’attiser la flamme particulariste chez plusieurs natifs du Niger, qui acceptent mal leur situation de laissés-pour-compte. C’est ainsi que, quelques mois après la conférence de Brazzaville (janvier 1944), un groupe de « commis [10] » se réunit clandestinement dans une île du fleuve Niger (île du Pont Kennedy, à Niamey) pour réfléchir sur leur sort, et sur la situation de leur territoire [11]. Il en ressort une volonté de travailler pour changer les choses, avec pour objectif l’élimination du bureau de l’Amicale de Niamey de tous les « étrangers » et pour en faire le tremplin de leur action nationaliste. Ce groupe, qui se baptise « Groupe de la 2e conférence de Brazzaville », réussit, malgré les intimidations et les menaces, à placer à la présidence de ce bureau Boubou Hama, alors instituteur à Dori, en Haute-Volta. C’est la première organisation à caractère politique de natifs nigériens à voir le jour, sur fond de xénophobie, et qui marque le début d’une ère nouvelle au Niger.

12Avec la fin de la guerre, ce « groupe » commencera à faire circuler des tracts pour dénoncer les exactions de l’administration non seulement pour contrebalancer la suprématie des Aofiens locaux, mais surtout pour se faire découvrir auprès de la masse urbaine comme étant des contestataires du système établi. Mais c’est surtout l’opportunité offerte par les élections à la deuxième Assemblée constituante française qui va motiver ce groupe à orienter ses activités vers la constitution d’une formation politique. La première Constituante ayant été rejetée par le référendum du 5 mai 1946 [Chapsal et alii, 1961-1962 : 84], la perspective de nouvelles élections, pour le 2 juin 1946, est un motif d’encouragement. Dans son élan, il reçoit un appui de taille : Issoufou Saidou Djermakoye, l’unique « universitaire » nigérien arrive de Paris, dans le but de se présenter à ces élections, avec un canevas de parti politique, le Bloc populaire nigérien (BPN) [12]. Très vite, il comprend qu’il lui faut composer avec ce groupe dit de la « 2e conférence de Brazzaville ». Son BPN s’efface alors pour permettre la constitution du Parti progressiste nigérien (PPN), le 12 mai 1946. Contre toute attente, c’est encore Fily Dabo Sissoko que le nouveau parti va retenir contre son président Issoufou Saidou Djermakoye, qui s’en sent frustré et déçu : né il y a à peine un mois, le parti connaît ainsi sa première secousse.

13Les activités politiques vont être favorisées par la constitution de la IVe République qui donne naissance à l’Union française [13]. En instituant des assemblées locales et l’Union, elle confirme la représentation de l’outre-mer aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Conseil de la République (ex-Sénat). Ces représentations supposent des élections, donc de la propagande et de la compétition politiques, ce qui justifie une activité au grand jour pour les partis.

14L’entrée en vigueur de cette constitution donne lieu à de nouvelles élections législatives, le 10 novembre 1946 : entre temps, une loi du 5 octobre 1946 a séparé le Niger du Soudan, permettant à chacun de ces territoires d’avoir son représentant propre à l’Assemblée nationale française [14]. Le PPN retient alors la candidature de Diori Hamani qui est élu contre quatre autres candidats, dont son président Issoufou Saidou Djermakoye et Djibrilla Maïga. Les prétendants membres du PPN digèrent mal leur amertume contre l’élu et le parti qui ne les a pas désignés.

15La naissance du Rassemblement démocratique africain (RDA), le 18 octobre 1946, sous la direction de Félix Houphouët-Boigny, de Côte d’Ivoire, va être une nouvelle source de discorde. Les anciens élèves de l’école normale William-Ponty, majoritaires au sein du PPN, sont attirés à la fois par les idées lancées à Bamako et par la possibilité, que leur offre le nouveau cadre, de rejoindre leurs anciens condisciples aofiens à l’échelle régionale dans la lutte pour l’émancipation africaine. On oublie alors momentanément les griefs contre les Aofiens locaux et la manifestation « particulariste » du départ semble glisser vers un militantisme extraterritorial, du moins chez les anciens Pontins [15]. Mais Issoufou Saidou Djermakoye, de tendance SFIO, n’entend pas laisser « son » parti tomber dans la contagion communiste, le RDA étant, au niveau métropolitain, apparenté au groupe parlementaire communiste. L’indiscipline de parti qu’il a déjà démontrée et la tendance des autres à affilier le PPN au RDA communisant suffisent à le faire partir, avec deux autres compagnons malheureux de novembre, dès que l’affiliation se réalise, le 19 septembre 1947.

16Le désormais PPN-RDA n’échappera pas à la lutte que les pouvoirs publics français, dans le contexte de la guerre froide, vont livrer au PCF et à son allié africain. Pour affaiblir, sinon abattre le PPN-RDA, qui a désormais pour secrétaire général Djibo Bakary, l’administration n’hésite devant aucune méthode. L’annonce d’élections complémentaires en juin 1948, conformément à la loi n° 48594 du 1er avril 1948 qui attribue un second siège de député au Niger, va lui donner l’occasion d’agir contre le parti qui retient la candidature de son secrétaire général pour aller siéger à Paris, aux côtés de Diori Hamani. Aussi bien le candidat retenu que le député en siège, et tous les autres élus (au Conseil de la République et à l’Assemblée de l’Union) natifs du territoire, sont originaires de l’« ouest nigérien ». Cette situation permet au gouverneur Jean Toby d’encourager un groupe de six ressortissants de l’« est » du territoire, membres du PPN-RDA à se rebeller contre la décision de leur Comité central pour exiger ce second siège pour leur région [16] : pour la première fois au Niger se pose un problème ethno-régionaliste parmi les commis qui, à la naissance du PPN, y avaient adhéré sans considérations ethniques ou régionalistes. Pour mieux réussir son coup, le gouverneur fait venir à Niamey les chefs de canton les plus influents de l’est du territoire [17] pour leur faire cautionner la création d’un nouveau parti politique qui liquidera ce PPN-RDA communiste » et hostile à la chefferie. Mais des paramètres imprévus infléchiront les intentions du gouverneur, puisque les mécontents du PPN-RDA, devenus « indépendants », les métropolitains et autres Aofiens non intégrés désirent participer en « sympathisants » à l’activité politique dans la nouvelle structure envisagée. C’est ainsi qu’à la suite d’un congrès tenu à Maradi en mai 1948, est constituée, sous l’égide du gouverneur [18] et avec la bénédiction des chefs, l’Union nigérienne des indépendants et sympathisants, UNIS, à moins d’un mois du scrutin électoral [19] : son candidat, Georges Mahaman Condat, est élu le 27 juin 1948 second député du Niger contre Djibo Bakary.

17Entre 1948 et 1952, le nouveau parti devient la principale force politique du Niger. Pour l’aider à s’exprimer et à s’implanter, interdiction est faite, au début de 1950, au PPN-RDA d’organiser tout rassemblement sur toute l’étendue du territoire [20].

18Mais vers la fin de cette même année, Félix Houphouët-Boigny, président du RDA, va décider d’un changement d’alliance parlementaire : le désapparentement du RDA vis-à-vis du PCF est annoncé le 17 octobre 1950 à Paris. Sur le plan parlementaire et métropolitain, il s’allie désormais à l’UDSR alors au pouvoir. En Afrique, cette réorientation se traduit par un changement de cap qui se concrétise par l’amorce d’une collaboration entre les sections RDA et l’Administration. Au Niger, elle a suscité des réactions diverses au sein du PPN-RDA. Diori Hamani, qui se trouvait en France au moment du changement de cap, proclame son ralliement à Houphouët-Boigny, soutenu dans cette option par Boubou Hama, président de la section nigérienne. De leur côté, Djibo Bakary et Djibrilla Maïga refusent la nouvelle orientation, considérant que la situation coloniale n’a nullement changé. Le premier veut conserver la ligne politique suivie jusqu’alors par le parti et abandonne le PPN-RDA « nouvelle formule » pour se lancer dans une activité syndicale. Le second tente de fonder un nouveau parti, le Rassemblement nigérien, pour finalement rejoindre l’UNIS en 1952 [21]. Ces défections achèvent de déstabiliser le PPN-RDA dont l’audience a déjà été sérieusement amoindrie par la naissance et l’ascension de l’UNIS. Aux élections à l’Assemblée nationale du 17 juin 1951, l’UNIS enlève les deux sièges en compétition [22] et remporte, en mars 1952, 34 des 35 sièges du second collège prévus pour le renouvellement du Conseil général local [23] : le PPN-RDA, en 1951, n’est plus qu’un parti sans élus !

19Ayant abandonné l’opposition, le PPN-RDA devient un allié de l’administration, ce qui est la fonction essentielle de l’UNIS. Pour mieux convaincre de son changement de principes et se faire pardonner ses attaques véhémentes contre les chefs traditionnels et leur institution, il se fait désormais leur défenseur engagé, empiétant sur le domaine exclusif de l’UNIS ce qui ne peut que déboussoler ce parti. Il faut alors, pour l’Administration, trouver une nouvelle formule pour accueillir et concilier les anciens ennemis (du PPN-RDA) avec les amis de toujours (de l’UNIS). Quelle pourra être alors la nouvelle carte politique du Niger ?

20Se voulant exclusivement local, l’UNIS avait refusé toute affiliation extraterritoriale mais avait autorisé ses deux députés à adhérer, à Paris, au groupe parlementaire de leur convenance à l’exception toutefois du PCF [Talba, 1984 : 57-76]. Georges M. Condat s’était alors inscrit à l’UDSR tandis que Zodi Ikhia adhérait au groupe des Indépendants d’outre-mer (IOM). Puisque le RDA est, désormais, lui aussi affilié à ce même parti métropolitain, le député Condat juge opportun d’amorcer, au Niger, un rapprochement avec le PPN, avec les encouragements, sinon à l’instigation de l’administration qui préfère avoir à traiter avec un seul parti plutôt que deux. Mais fort de ses récentes victoires électorales, l’état-major de l’UNIS refuse un tel rapprochement, oubliant que sa fortune est née de la grâce de cette même administration qui souhaite aujourd’hui l’alliance avec l’adversaire d’hier. Persistant dans sa démarche, le député Condat finit par rompre avec l’UNIS pour créer son propre parti, l’Union progressiste nigérienne, UPN, le 15 mars 1953, et engager aussitôt le dialogue avec le PPN-RDA. Mais le début d’alliance PPN/UPN se solde par un échec aux élections à l’Assemblée de l’Union française, le 10 octobre 1953, avec la non réélection de Boubou Hama, candidat du PPN soutenu par I’UPN. Un comité de coordination est cependant créé pour approfondir la discussion, le 8 novembre 1953 : vers la fin de l’année 1954, il cesse de fonctionner faute d’entente.

21La naissance de l’UPN n’est en fait qu’un aspect du schisme qui menaçait l’UNIS. A la veille des mêmes élections du 10 octobre, la situation au sein de ce parti était devenue explosive : pendant que le Dr Borrey Francis et Issoufou Saidou Djermakoye s’affrontent pour la tête de liste, leur compagnon Adamou Mayaki se fait désigner en véritable outsider. Finalement, chacun maintient, sur une liste personnelle, sa candidature avec des noms de ses fidèles pour le seconder et le parti se retrouve avec trois listes rivales : Adamou Mayaki et Issoufou Saidou Djermakoye se font élire, mais le parti perd le troisième siège au profit du RPF [24], qui fait élire le métropolitain Jean Audu. Cet entêtement à vouloir conduire une liste, autour de son nom et au mépris de toute discipline de parti, tout comme l’élection de la liste d’un parti peu connu attestent que, jusqu’alors, les partis politiques n’ont pas de réelle emprise sur les électeurs et confirment que les élections au Niger se déroulent « sous le signe des influences personnelles [25] ».

22La crise ouverte naîtra le 24 août 1954 quand, à la suite d’une question orale à l’Assemblée nationale, l’administration du Niger oblige le Comité central de l’UNIS à désavouer le député Zodi et ses amis [26]. Celui-ci hésite alors entre la création d’un nouveau parti et une tentative de réconciliation qui finit par aboutir. Mais ses amis ne cesseront de déranger les leaders qui lui restent opposés au point que, en novembre 1955, Adamou Mayaki et Issoufou Saïdou Djermakoye se sentent contraints de quitter l’UNIS avec leurs troupes respectives pour créer un nouveau parti, le Bloc nigérien d’action, BNA, par une fusion avec l’UPN de leur ancien ami Georges Condat [27]. Ce qui reste de l’UNIS constitue, autour de Zodi Ikhia, le 6 mars 1957, le Front démocratique nigérien, FDN, qui s’affilie à la Convention africaine que vient de créer, avec le groupe IOM, le Sénégalais Léopold Sédar Senghor [Borella, 1958 : 90].

23Revenons au PPN-RDA pour rappeler que son ancien secrétaire général, Djibo Bakary, a quitté ce parti en 1951. Il va créer et organiser des syndicats, un « syndicalisme politique manifeste [28] » qui va aboutir à la création d’une formation politique, l’Union démocratique nigérienne, UDN, le 24 mars 1954. L’UDN se proclame section nigérienne du RDA orthodoxe, créant du coup une dualité avec le PPN. Mais la réunion à Conakry du 8 au 11 juillet 1955, du comité de coordination du RDA « nouvelle formule », à laquelle il assiste, décidera que seul le PPN, acquis à la nouvelle ligne, reste sa section au Niger à l’exclusion de toute autre : le parti de Djibo Bakary, qui veut rester fidèle à la première lancée du mouvement, en est ainsi refoulé et les négociations qui ont suivi n’ont pas réussi à le rallier à la tendance Houphouët-Boigny. Pour s’affirmer sur l’échiquier nigérien et africain, le nouveau parti, que certaines sources qualifient de « paracommuniste, anti-impérialiste et anticapitaliste [29] », se radicalise alors face à l’administration et ses alliés.

24Parti local, l’UDN, qui ne possède aucun élu, est basé essentiellement sur les travailleurs et leurs syndicats. Recrutant ses troupes au sein « des couches laborieuses de la population, disposant dans les villes d’une clientèle dévouée et s’efforçant également de gagner la confiance des populations rurales [30] », il « parviendra à se tailler une popularité légendaire auprès, non seulement des ouvriers qui lui sont totalement acquis, mais aussi auprès de la masse paysanne, voire d’une certaine élite intellectuelle » [Talba, 1984 : 82].

25À l’occasion des élections à l’Assemblée nationale du 2 janvier 1956 ce parti, né il y a à peine deux ans, recueille 25 % des suffrages exprimés autour de sa liste. Son leader affirme d’ailleurs avoir été en fait élu en ce 2 janvier, comme le lui aurait avoué le gouverneur Ramadier, au cours d’un entretien à Dakar, en présence de Sékou Touré. Le gouverneur aurait reçu des instructions pour empêcher cette élection : il aurait reconnu avoir alors falsifié les résultats pour ne laisser à l’UDN qu’un nombre de voix qui ne pouvait pas permettre à Djibo Bakary d’aller siéger au palais Bourbon [31]. Cette prétention du candidat malheureux est également soutenue Philippe Gaillard, ce qui la rend plausible : « Diori Hamani retrouve son siège de député, devançant de peu Bakary grâce à un coup de pouce du gouverneur, qui en conviendra plus tard [32]. »

26Il est cependant difficile de vérifier l’affirmation du leader de l’UDN et de connaître la nature et l’impact du « coup de pouce du gouverneur ». Nous n’avons, en effet, retrouvé que les résultats globaux de ce scrutin qui témoignent, eux, d’une véritable performance du nouveau parti que les populations acclamèrent alors au cri de Sawaba[33]. Mais sans la confirmer, un document émanant des services du Gouvernement général de l’AOF fait aussi état d’une action, sans en préciser la nature, contre ce parti : « Au Niger, l’UDN traverse une crise qui se manifeste par de nombreuses démissions ; la ferme attitude de l’administration a stoppé les importants progrès réalisés par ce parti extrémiste lors de la campagne électorale [34]. »

27Si l’administration peut sévir pour mettre un frein aux « importants progrès réalisés par ce parti extrémiste », rien n’exclut qu’elle ait joué pour empêcher l’élection de son leader ! La différence d’à peine 8000 voix entre le vieux PPN et le tout jeune UDN rend plausible l’hypothèse d’une manipulation des résultats, surtout que l’élection de Diori Hamani, candidat du PPN, a motivé la venue à Niamey du ministre Félix Houphouët-Boigny : le gouverneur lui aurait alors réuni tous les chefs de canton de l’ouest nigérien auxquels il a demandé de soutenir la candidature de Diori Hamani. Cette dernière information est d’autant plus plausible que le PPN n’a obtenu des pourcentages importants de vote que dans cette partie du Niger [35].

Le Niger dans la loi-cadre

28L’autonomie interne des territoires d’Afrique noire est un des objectifs visés par la loi de réforme institutionnelle, du 23 juin 1956, dite loi-cadre ou loi Gaston Defferre. Cette loi, en introduisant dans les TOM le suffrage universel, y institue des assemblées territoriales, aux compétences relativement plus élargies que les Conseils généraux, et des conseils de gouvernement présidés par les gouverneurs, secondés de la tête de la liste majoritaire élue. La mise en application de cette réforme, en vue d’une relative « africanisation » des cadres, devait se traduire par des élections municipales et territoriales. De ces dernières doivent découler une Assemblée territoriale, de soixante membres, et un Conseil de gouvernement, instances au travers desquelles la métropole entend associer les Africains à la gestion de leurs propres affaires.

29Ainsi, aux élections municipales du 18 novembre 1956, dans la commune de moyen exercice de Niamey et dans la commune mixte de Zinder, le PPN-RDA remporte treize sièges à Niamey contre dix à l’UDN et quatre au BNA. Mais une alliance spectaculaire entre ces deux dernières formations, immédiatement après les opérations de vote, permet à la nouvelle coalition d’enlever aussi bien la mairie de Niamey que la Commission municipale de Zinder. La fusion entre les nouveaux alliés sera effective dès le lendemain (19 novembre), pour donner naissance à la section nigérienne du Mouvement socialiste africain, MSA [Talba, 1984 : 79-80].

30Aux élections territoriales du 31 mars 1957, la nouvelle coalition l’emporte encore par 41 sièges (de conseillers territoriaux) contre 19 au PPN-RDA, le FDN [36] n’ayant réussi à faire élire aucun candidat. Majoritaire à l’Assemblée, elle peut ainsi former le premier Conseil de gouvernement, faisant du Niger le seul territoire ouest africain avec une majorité parlementaire et un gouvernement MSA. Cette victoire est certainement plus la conséquence d’une alliance qui a mis ensemble les électeurs du monde rural, avec l’aide des chefs de canton (acquis au BNA) et ceux des syndicats et de la jeunesse urbaine (acquis à l’UDN et devenus plus nombreux du fait de l’introduction du suffrage universel), que le fruit d’une action de l’administration. Mais elle ne doit pas masquer que la coalition victorieuse ainsi constituée regroupe des hommes politiques que tout semble opposer. Les antagonismes latents vont d’ailleurs vite se révéler et la menacer d’éclatement dès son congrès consécutif à ces élections territoriales en mai 1957.

31C’est uniquement sur le choix d’un candidat à la vice-présidence du Conseil que ce congrès a réussi un accord, les propositions des sections rapportées par les délégués ayant désigné à l’unanimité (sauf celle de Dosso) Djibo Bakary comme unique candidat. En entérinant cette proposition, le congrès a chargé l’intéressé de constituer une équipe ministérielle tandis que la présidence de l’Assemblée territoriale est confiée à Georges M. Condat, leader de l’ex-BNA.

32Fort de cette désignation, Djibo Bakary, secrétaire général du MSA-Sawaba, va réussir, au terme de ce congrès, à conserver l’unité de sa majorité, au prix de concessions aux différentes tendances et d’offres de postes aux principaux contestataires. Tant bien que mal, le bureau de l’Assemblée (de treize membres) et de ses différentes commissions, et un cabinet ministériel de neuf membres sont alors constitués, sans associer l’opposition. Si l’unité du parti (qui sera dénommé MSASawaba par ce congrès) a pu être ainsi préservée, les arrangements entre tendances n’ont nullement permis de résoudre définitivement ses problèmes car certains membres ont continué, en coulisses, à saborder la majorité.

33C’est dans ces conditions que le conseil de gouvernement s’est mis au travail, avec comme espoir d’avoir une base fidèle et des élus solidaires, à défaut de lui être inconditionnels. Entièrement MSA, le cabinet ministériel n’a été élu, le 18 mai 1957, que par 38 voix pour, deux nuls et 18 contre sur les 60 conseillers territoriaux. La 39e voix qui manquait à la majorité est celle, volontaire, de Adamou Mayaki qui a boycotté la séance et qui, malgré le siège qui lui a été promis au Grand Conseil de l’AOF, continue de convoiter au moins le ministère des Finances, à défaut de la vice-présidence. Les deux bulletins nuls sont le fait de deux conseillers de l’aile radicale du MSA, Ousmane Dan Galadima et Dumoulin Robert, qui ont du mal à accepter Pierre Vidal dans ce cabinet ; les 18 voix contre sont celles des conseillers RDA auxquelles manque celle de Gabriel d’Arboussier, absent de Niamey au moment du vote.

34Un des aspects marquants de l’équipe gouvernementale est la faible proportion de ceux que l’on appelait déjà les Nigériens par opposition aux Aofiens et autres métropolitains. On ne compte, en effet, que trois natifs du territoire (Djibo compris), dont deux seulement sont dits authentiquement Nigériens, c’est-à-dire des deux ascendances nigériennes. Le PPN-RDA n’a d’ailleurs pas hésité à dénoncer Djibo Bakary qui aurait ainsi « livré le Conseil de gouvernement aux étrangers » [Le Niger, 147, 9 juin 1958], l’Assemblée étant elle aussi présidée par un métis franco-nigérien et sa Commission permanente par un Aofien.

35Cette question de « gouvernement d’étrangers », bien qu’elle ne soit pas opportune dans le contexte de 1957, correspond au particularisme territorial qui a caractérisé les débuts des luttes politiques modernes au Niger. Le fait que Djibo Bakary n’en ait pas tenu compte a contribué à provoquer un malaise même au sein de son MSA-Sawaba. Mais avait-il véritablement le choix ? De combien de cadres MSA « authentiquement nigériens » disposait-il en 1957 ? Par exemple, en ce qui concerne les ministres d’origine métropolitaine, même si Djibo Bakary n’a pas reçu d’instructions particulières pour en prendre dans son cabinet, n’était-il pas plus stratégique d’en avoir, ne serait-ce que pour être bien vu et toléré par le gouverneur et par les milieux politiques de Paris ?

36Le vrai problème serait plutôt la fragilité de l’équipe ministérielle, confectionnée à la suite des débats passionnés et discordants du congrès, et les tâtonnements inévitables, inhérents à toute période d’apprentissage. Son échec éventuel, en plus d’être exploité par l’opposition, donnera raison à ceux qui, par paternalisme, ont toujours insinué que les Nigériens n’étaient capables de rien. Il risque surtout de désorienter les populations qui ne manqueront pas alors de croire que « finalement seul le Blanc est capable » et de dissiper ainsi le mince espoir que le MSA-Sawaba leur apportera le sawki tant souhaité.

La composition du Conseil de gouvernement

37À défaut d’éléments chiffrés pour apprécier l’action du Conseil de gouvernement en direction des populations, il est possible d’analyser les conséquences des actes et actions politiques qui ont pu lui nuire ou le servir dans la perspective des échéances suivantes. C’est en effet sur la base de ceux-ci qu’il sera prioritairement jugé, apprécié ou combattu aussi bien par ses propres troupes que par l’opposition et l’Administration coloniale.

38Sur le plan des relations avec ses alliés, le MSA n’a pas été très coopératif, notamment avec les chefs de canton que l’alliance avec le BNA lui a ralliés en grand nombre. Une fois les élections passées et le pouvoir acquis, les autorités gouvernementales ont commencé à sévir contre eux : entre avril et août 1958, environ neuf chefs de canton, et non des moindres, ont été brutalement révoqués ou « suspendus » de leurs fonctions pour « mauvaises manières habituelles de servir [37] ».

tableau im1
Portefeuille Titulaire Mandat Formation Vice-président Djibo Bakary (UDN) Maire de Niamey CT Tahoua Ancien instituteur (Nigérien) Finances Diop Issa (UDN) CT Magaria (Aofien) Ingénieur électricien Affaires économiques et Plan Amadou A. Kaou (BNA) CT Tessaoua (Nigérien) Instituteur Fonction publique et Personnel Maïga Abdoulaye (UDN) Non élu (Aofien) Vétérinaire africain TP, Mines Koké Issaka (UDN) CT Gouré (Aofien) Vétérinaire africain Agriculture et Forêts Adamou H. Mayaki dit Ghazi (UDN) Non élu (Nigérien) Ingénieur des techniques agricoles Élevage et Industries animales Coulibaly Tiémoko (BNA) Ancien Grand Conseiller (Aofien) Contrôleur Postes et Télégraphes Éducation publique et Jeunesse Fréminé Robert (non inscrit) Non élu (apport métropolitain) Enseignant Santé publique Vidal Pierre (BNA) Non élu (apport métro.) Entrepreneur Travail et Affaires sociales Traoré Saloum (UDN) Non élu (Aofien) Comptable CT = conseiller territorial. La présidence de ce cabinet revient au gouverneur, chef du territoire qui, dans les faits, est secondé par le secrétaire général du gouverneur.
CT = conseiller territorial. La présidence de ce cabinet revient au gouverneur, chef du territoire qui, dans les faits, est secondé par le secrétaire général du gouverneur.

39Le MSA-Sawaba, en refusant d’associer le RDA dans la mise en place des institutions découlant de la loi-cadre, s’est attiré la foudre de ce parti. Pourtant des démarches avaient été initiées, pour que Djibo Bakary prenne «… contact officiellement avec la minorité RDA afin d’envisager éventuellement la formation d’un gouvernement d’union », aussi bien par des amis politiques d’autres territoires d’AOF que par le haut commissaire et le gouverneur du Niger. Cela aurait sans doute permis d’associer cette opposition (aurait-elle d’ailleurs existé ?) à la gestion de cette période périlleuse d’initiation ; elle se serait sentie suffisamment responsabilisée pour contribuer à éviter les embûches, les blocages et autres mises en échec. Cela aurait également forcé les instables du MSA à se tenir tranquilles en découvrant, d’une part, que tout le monde y est « embarqué » et, d’autre part, que toute tentative de créer une nouvelle force politique ne pourrait bénéficier de l’aval de l’administration, qui ne cherchait, à l’époque, que l’unité politique.

40Dans la composition de son cabinet, il n’était sans doute pas impossible pour Djibo Bakary, sans tourner le dos à ses amis aofiens et métropolitains, de privilégier l’élément « nationaliste » (à défaut de « national ») plutôt que l’étroite affinité idéologique. Ses amis auraient pu ainsi s’occuper efficacement de l’organisation du parti, de la centrale syndicale et du mouvement de jeunesse, ce qui aurait permis de mieux quadriller le pays et de maintenir les militants en éveil, pour faire face à une opposition peu heureuse d’être sur la touche.

41L’autonomie interne avec un gouvernement noir devait logiquement permettre aux populations de sentir, dans leur vie quotidienne, le changement, le « bien-être » tant espéré et chanté à l’occasion des nombreuses campagnes électorales. Or, si visiblement elles ont un président fils du pays, elles n’ont pas été suffisamment sensibilisées pour comprendre que la marge de manœuvre de celui-ci est trop étroite pour engager un processus de changement radical et immédiat, et que ses moyens d’action, face à la « faiblesse des moyens budgétaires et l’insuffisance du concours apporté par le FIDES [38] », sont très limités. Les populations, impatientes, sont ainsi déçues de voir que le progressisme des leaders au pouvoir n’a rien changé à leur sort : le sawki promis et espéré n’est donc qu’une chimère !

42Mais, au lieu de chercher à régler les problèmes si nombreux qui se posent à lui et à son équipe au Niger même, Djibo Bakary s’est intéressé beaucoup plus à des questions d’ordre extraterritorial. À l’échelle de l’Afrique noire française, le MSA, dont Djibo Bakary est secrétaire général adjoint depuis le congrès panafricain de ce mouvement en janvier 1957 à Conakry, et la Convention africaine avaient déjà fusionné au cours d’un congrès à Cotonou pour constituer le Parti du regroupement africain, PRA : Djibo Bakary en est élu secrétaire général [39]. Au Niger, leurs sections respectives, le MSA et le FDN, fusionnent à leur tour pour constituer une section locale de la nouvelle formation dont le même Djibo Bakary assume la charge de secrétaire général [40]. Pour les populations, MSA ou PRA s’identifient tous à la même personnalité et au même idéal qui, apparemment, n’ont guère changé : comme le MSA en son temps et l’UDN avant lui, le nouveau PRA sera aussi appelé Sawaba, tant est grande la soif de soulagement, de mieux-être. Panafricaniste, Djibo s’engage ainsi à consacrer plus de temps et d’énergie à discuter de la constitution d’un exécutif fédéral, de la nécessité d’un « regroupement de tous ceux qui ont à cœur l’affirmation de notre personnalité africaine [41] », qu’à chercher à consolider l’unité nigérienne.

43Mais cet esprit « extraterritorialiste » du leader sawaba est antérieur à sa consécration à la tête du PRA. Il avait, en effet, déjà amené son parti à prendre des contacts officiels avec les élus ou les comités régionaux de certains partis des territoires limitrophes du Dahomey et du Soudan. Pour le Nord Dahomey, ces contacts ont débouché sur une rencontre, du 31 octobre au 4 novembre 1957 à Parakou, avec les élus du Rassemblement démocratique dahoméen (RDD), très mécontents de leurs compatriotes du sud. Parallèlement, une autre délégation MSA s’était rendue à Gao, dans l’est du Soudan français, le 3 novembre 1957, avec une fortune moins brillante, du fait des bagarres « d’origine politique » qui l’y ont opposée aux militants locaux du RDA. Ces deux régions limitrophes du Niger ont la particularité d’être peuplées par le même groupe zarma-songhay que tout l’Ouest nigérien, groupe auquel appartient Djibo Bakary lui-même, ce qui contribue à rendre sa démarche suspecte. Même si le leader sawaba se défend d’avoir voulu, par ces rencontres, provoquer une scission territoriale chez ses voisins [42], sa démarche a été interprétée comme telle, particulièrement dans le cas du Nord Dahomey. Quelles qu’aient été ses motivations, le leader sawaba a, par ces démarches, prêté le flanc à ses détracteurs, car pour mieux faire l’unité avec d’autres, il faut commencer par la réaliser chez soi : vouloir se battre sur plusieurs fronts, alors que l’on vient à peine de s’installer au pouvoir avec une majorité très instable et une opposition intraitable, est ainsi un grand risque politique.

44Les relations avec le Nigeria britannique et le Ghana indépendant n’étaient également pas pour embellir l’image du leader nigérien auprès des responsables français. Alors que les relations internationales (hors du bloc français) ne relevaient pas de leur compétence, les responsables gouvernementaux nigériens ont multiplié les contacts plus ou moins officiels avec le Nigeria du Nord où le parti indépendantiste NEPU (Northern Element’s Progressive Union) inquiète Paris, qui suspecte un projet de « sécession du Nord Nigeria et de la formation d’une République islamique du Nigeria qui grouperait autour du Nigeria du Nord, le Niger et le Tchad [43] ». Parallèlement à ces contacts avec le Nigeria, des envoyés de Djibo Bakary (Koussanga Alzouma en août 1958, Arouna Zada et Dan Bouzoua Abari en septembre 1958) se sont rendus au Ghana, où ils ont été reçus, à chaque fois, par des officiels mandatés par le président N’Krumah [44].

45L’autre particularité de l’exercice du gouvernement MSA-Sawaba aura sans doute été son manque d’empressement dans la « nigériennisation » des cadres, notamment pour le commandement territorial, contrairement à d’autres territoires comme la Guinée de Sékou Touré. Le Niger était divisé en seize circonscriptions administratives, dénommées cercles, comportant parfois des subdivisions (au nombre de treize au 28 septembre 1958 [45]), ayant chacune à sa tête un commandant de cercle ou un chef de subdivision. Tous métropolitains, ces commandants et chefs de subdivision sont les représentants directs du gouverneur, dans leurs entités administratives, par qui ce dernier transmet ses mots d’ordre aux chefs de canton qui les répercutent sur les populations : ce sont donc eux qui sont en contact permanent avec celles-ci par les chefs interposés. Malgré l’« africanisation des postes » visée par la loi-cadre, le gouvernement sawaba n’a pas procédé, assez tôt, à leur remplacement progressif par des hommes du pays, relativement acquis à ses objectifs politiques. Ce sont effectivement des Nigériens acquis à la cause nationale, qui peuvent éduquer politiquement leurs parents et transmettre fidèlement les mots d’ordre de leurs gouvernants, car aucun cadre français ne peut oser éclairer les populations sur la nécessité de s’unir pour mettre fin au système colonial. La tardive initiative de nomination de huit Nigériens dans le commandement territorial, intervenue en mai 1958 (soit après une année d’exercice) a été trop timide pour être efficace, car aucun n’a accédé au rang de commandant de cercle [46]. On assiste à ceci d’utopique qu’un gouvernement « africain » croit pouvoir utiliser des cadres de commandement français pour s’affranchir du système qui justifie leur présence : le Sawaba n’a donc pas suffisamment préparé le pays à sa politique, car les cadres français sont généralement restés hostiles à toute forme d’évolution qui pourrait compromettre ou réduire leur autorité ou même leurs carrières.

46Il faut cependant reconnaître que, par rapport à plusieurs des questions évoquées plus haut, les ministres nigériens et leur chef n’avaient pas toujours les coudées franches. Par exemple, tout projet de nomination, un emploi officiel ou toute décision politique ou administrative majeure doit être préalablement approuvé par le chef du territoire qui demeure le président du Conseil de gouvernement. Quelle que puisse être la volonté du gouvernement sawaba, une nigériennisation des cadres du commandement ne peut, dans ces conditions, être que difficile sans la collaboration du gouverneur, ce qui, manifestement, n’a pu être obtenu qu’à partir de la venue au Niger du gouverneur Rollet, période qui a vu précisément les nominations intervenues en mai 1958. Même si l’autorisation était venue plus tôt, de combien de cadres nigériens « valables » pouvait-il disposer en 1957-1958 ?

47Dans l’appréciation de l’action du gouvernement sawaba, il faut aussi tenir compte du fait que cet exercice du pouvoir est d’abord un apprentissage, supervisé et « contrôlé » par l’autorité coloniale, qui n’aura duré que quinze mois (de mai 1957 à septembre 1958) : il lui fallait tout créer ou mettre en place (organisation des services, constructions de locaux, etc.), dans un environnement d’hostilité et de suspicion de cette même autorité et face à une opposition intraitable. Si à tout cela s’ajoutent les frictions avec les élites traditionnelles et l’impatience, du moins l’incompréhension des populations, le terrain politique du parti majoritaire ne peut être que miné et son action vouée à l’échec.

48À la veille du référendum de septembre 1958, il n’existe donc plus au Niger que deux formations politiques rivales :

  • la section locale du PRA, dite Sawaba, qui a pour leaders principaux Djibo Bakary, Georges Mahaman Condat, Issoufou Saidou Djermakoye et Mamani Abdoulaye, dont la tendance indépendantiste et panafricaniste ne fait aucun doute ;
  • le PPN, section locale du RDA, avec pour leaders principaux Diori Hamani, Boubou Hama et Diamballa Yansambou Maïga très proches des vues d’Abidjan quant à l’évolution des rapports avec la France.

De la Communauté à l’indépendance

49À l’occasion de son retour au pouvoir, en mai 1958, le général de Gaulle entreprend de donner naissance à une nouvelle République, la cinquième. Le projet de constitution de celle-ci a la particularité d’interpeller, pour la première fois, les colonisés d’Afrique sur leurs rapports avec la France, sur leur avenir : en plus de son préambule, dix-sept (titres XI à XV) de ses 92 articles traitent d’une Communauté à instituer entre la France et ses territoires et départements d’outre-mer. Il fallait, pour ces territoires, approuver cette constitution par un OUI pour rester dans « l’ensemble français » ou la repousser par un NON pour faire sécession puisqu’à Paris, l’on se refuse à accepter l’idée d’une indépendance éventuelle des TOM que le vote du NON devait entraîner.

50Au Niger, la campagne pour ce référendum (prévu pour le 28 septembre 1958) va animer le débat politique et provoquer des prises de position radicales assimilables à « pour » ou « contre » la France.

51L’ambiance politique à la veille du scrutin référendaire était marquée par les suites du congrès du MSA-Sawaba, tenu en avril 1958. Tranchant avec les tergiversations de mai 1957, ce congrès a donné les signes d’une certaine maturité politique, consacrée par une année d’exercice du pouvoir, et a mis à jour la manifestation de convictions indépendantistes jusqu’alors peu perceptibles. Mais il a surtout marqué une étape décisive dans la lutte entre le Sawaba au pouvoir et l’opposition PPN-RDA. La violence, jusque-là verbale, entre les deux camps, va alourdir le climat politique et déboucher sur des affrontements à travers tout le territoire, notamment à Niamey (27, 28 et 29 avril 1958), Zinder (8 et 9 avril), Margou (21 et 22 avril), Madaoua (21 avril) et Tessaoua (16 mai), provoquant un durcissement des positions du parti gouvernemental [47] : c’est à la suite de ces événements que sont intervenues les révocations (et les suspensions) de chefs de canton, les mutations de fonctionnaires non acquis au gouvernement, et des nominations (dans le commandement territorial notamment) de militants et sympathisants du Sawaba.

52Le congrès constitutif du Parti du regroupement africain (PRA) à Cotonou, en portant Djibo Bakary à la tête du nouveau parti extraterritorial, va renforcer la position du Sawaba au Niger et rehausser l’auréole de son chef : le nouveau prestige du leader nigérien et de son parti est davantage appuyé par le fait que l’impressionnante délégation du Niger a été, à Cotonou, la plus avancée dans l’engagement indépendantiste par rapport à la question de la Communauté à créer. C’est en effet la position de Djibo Bakary, sur l’« indépendance immédiate » qui a dominé contre celle de l’« union pour l’indépendance » prônée par Léopold Sédar Senghor. Mieux, pour la délégation nigérienne, désormais, « les rapports avec la France passent obligatoirement par l’indépendance [48] » d’où le slogan d’« indépendance d’abord » lancé par Djibo Bakary [49]. C’est cette position exposée, défendue et adoptée par le forum des indépendantistes à Cotonou qui sera la position officielle du parti gouvernemental nigérien : il décide de faire voter NON au référendum du 28 septembre 1958.

53Cette position du Sawaba fait l’affaire du PPN-RDA qui trouve, là, l’occasion d’affirmer une position contraire et de pouvoir ainsi participer au débat politique dont il est exclu depuis mai 1957 : il se prononce ainsi dès le 7 août contre l’indépendance immédiate pour prendre le contre-pied des conclusions de Cotonou et se donner un thème de mobilisation et de rapprochement d’avec les pouvoirs français.

54Le Front démocratique nigérien (FDN), formation intégrée au Sawaba pour constituer la section nigérienne du PRA, renaît pour prendre une position indépendante de celle de son allié : il décide de faire voter OUI à la communauté ! Puis, comme par enchantement, des structures naissent ou renaissent pour constituer des comités de soutien au oui, aux côtés du PPN-RDA. Parmi ces structures, on peut citer l’Association des musulmans du Niger de El Hadj Alkaïdi Touré, l’Association des anciens combattants du Niger, le Comité d’entente franco-nigérien pour le OUI au référendum constitué par des dissidents sawaba (conduits par Issoufou Saidou Djermakoye, Adamou Mayaki et Gaston Fourrier), la Section nigérienne de l’Association pour le soutien à l’action du général de Gaulle de Audibert et Sempastous. Aussi, les ministres d’origine métropolitaine du gouvernement de Djibo Bakary (Fréminé Robert, de l’Éducation, et Pierre Vidal, de la Santé) quittent-ils le Sawaba pour rejoindre le camp du OUI en même temps qu’un grand nombre de chefs coutumiers.

55C’est dans ces conditions que le Sawaba, pourtant « majoritaire à 66 % au Niger » et « parti tout-puissant » va perdre sa bataille du NON à la Communauté que propose le général de Gaulle contre le OUI soutenu par « des forces diverses et peu cohérentes […] dont les cadres étaient réduits et de plus en plus étouffés et découragés par le travail de sape savamment accompli par le parti rival et tout-puissant [50] » : les résultats proclamés ont donné 372 383 OUI contre 102 395 NON sur 493953 votants pour 1320174 inscrits. Si ces résultats officiellement proclamés sont assez déterminants pour trancher l’option en faveur de la Communauté, ils sont loin de prouver que « le gouvernement Djibo Bakary fut pratiquement désavoué par la masse qui, à près de 80 % des suffrages, se rallia avec soulagement au OUI [51] », plusieurs sources ayant fait état de pressions et d’intimidations sur les électeurs et de manipulations des résultats [52].

56Les principales conséquences de cet échec du non, donc du parti au pouvoir, ont été la « démission » du gouvernement et la dissolution de l’Assemblée territoriale, respectivement le 19 octobre et le 14 novembre 1958. De nouvelles élections territoriales sont convoquées en conséquence pour le 14 décembre 1958. Les mêmes mesures administratives et dispositions militaires prises pour faire échouer le gouvernement sawaba dans son option du non ont été alors maintenues, sinon renforcées, comme pour mieux faire aboutir ce qu’il convient d’appeler l’« opération Colombani », du nom du gouverneur envoyé par Paris pour défaire le gouvernement sawaba et liquider ce parti et son leader qui ont osé braver le général de Gaulle et la France. L’ensemble des forces du oui, rassemblées autour du PPN-RDA, constitue alors l’Union pour la Communauté franco-africaine (UCFA) pour arracher au Sawaba 49 des 60 sièges en compétition. Les 11 élus sawaba seront éliminés, quelques jours plus tard, par invalidation pour les 5 élus de Tessaoua (où la liste UCFA est proclamée unilatéralement élue) et par un semblant d’élections partielles pour remettre en jeu les 6 sièges de Zinder auxquels seule la liste UCFA a été autorisée à entrer en compétition : on est loin des affirmations de E. Séré de Rivières qui soutient que « partout les listes UCFA furent élues sauf à Zinder, mais des irrégularités flagrantes firent annuler en contentieux les opérations de Zinder ; des élections partielles eurent lieu le 27 juin 1959 et la liste PPN-RDA, menée par Diori Hamani, enleva le vote [53] ».

57Ainsi, avant même d’invalider les listes sawaba élues, la nouvelle Assemblée territoriale siège le 18 décembre 1958 pour prendre les décisions qui ont motivé l’« opération Colombani » :

  • les ministres, membres du Conseil de gouvernement sont élus, exclusivement dans les rangs de l’UCFA,
  • Diori Hamani est désigné président du Conseil contre Issoufou Saidou Djermakoye,
  • le territoire du Niger devient un État membre de la Communauté,
  • l’Assemblée territoriale est érigée en Assemblée constituante et ses membres prennent le titre de députés,
  • le nouvel État est proclamé République du Niger.
Dès le 19 décembre, « le Conseil de gouvernement reçoit la plénitude des pouvoirs territoriaux [qui ont été arrachés à Djibo Bakary] et les textes pris depuis le 16 septembre [contre le gouvernement sawaba] doivent être considérés comme caducs [54] ». Ce rétablissement de la légalité au profit de la nouvelle équipe gouvernementale lui permet de s’engager ainsi dans la prise en main du pays, surtout qu’elle reçoit de l’Assemblée, dès le 21 janvier 1959, les « pleins pouvoirs » pour une période de six mois : un projet de constitution est alors promulgué le 12 mars1959 pendant qu’au plan politique, le PPN-RDA achève de phagocyter ses alliés de l’UCFA pour devenir le seul parti du gouvernement. Cette toute-puissance lui permet, le 12 octobre 1959, de dissoudre le Sawaba et d’interdire sa reconstitution sous toute autre forme.

58Par une procédure d’exclusion, la nouvelle administration de la « République démocratique » et « égalitaire » du Niger bénéficie d’une organisation constitutionnelle qui lui permet d’occuper légalement un terrain acquis dans la violence et les irrégularités électorales pour conduire le pays à l’indépendance sous la direction du PPN-RDA, parti unique, le 3 août 1960. Éliminée de l’Assemblée et interdite dans la rue, quel cadre reste-t-il à l’opposition pour s’exprimer dans le Niger indépendant ? Après plusieurs tentatives infructueuses de réorganisation [Djibo, 2001 : 219-236], il choisira, dès les premières années de l’indépendance, la voie des attentats politiques et du maquis !

59Le PPN-RDA, déjà confronté à la redoutable épreuve de la mutation d’un militantisme de revendication en un militantisme de construction, aura ainsi à faire face à des tentatives de soulèvements armés, situation qui servira de prétexte pour crisper la position du régime. Le régime militaire qui lui succédera, quinze années plus tard, renforcera cette crispation politique : le Niger aura ainsi vécu, de décembre 1958 à novembre 1987, un blocage politique que même le processus de démocratisation amorcé depuis 1990 n’a pas encore totalement réussi à décrisper.

60*

61Le survol succinct de cette période de l’histoire politique du Niger moderne aura permis de constater, contrairement à la caricature qui veut que le réflexe ethnique et les considérations régionalistes constituent le moteur des mutations politiques en Afrique [55], qu’au Niger, ces éléments ont peu pesé jusqu’à l’avènement de l’indépendance. L’appartenance ethnique des leaders de parti ne peut pas suffire pour étiqueter « ethniquement » l’ensemble des formations politiques qui, dans le cas du Niger colonial, ont recruté dans toutes les régions du pays. Ainsi, le fait que Djibo Bakary, leader du Sawaba, Adamou Hassane Mayaki (son ministre de l’Intérieur) soient d’origine zarma et que six autres ministres (sur les neuf du Conseil de gouvernement MSA) ne soient même pas des natifs du territoire n’a nullement empêché que la fortune de ce parti vienne essentiellement des régions est et centre du pays, plutôt haoussaphones. De même, il serait réducteur de vouloir donner une couleur exclusivement zarma-songhay au PPNRDA, parce que simplement Diori Hamani, Boubou Hama et Diamballa Yansambou Maïga sont de ce groupe : que faire alors de Abdou Gao, Amadou Gao, Issa Ibrahim, Amadou Issaka, Ibrah Kabo, Harou Kouka et Noma Kaka, Maïtouraré Gadjo, Maï Maïgana, et bien d’autres, tous non zarma-songhay, qui ont pourtant partagé le pouvoir avec les premiers, de décembre 1958 au coup d’État d’avril 1974 ?

62Si « les clivages entre l’Est et l’Ouest [56] » et l’appartenance ethnique ont effectivement pesé dans l’arène politique nigérienne, en dehors de l’épisode de l’UNIS en 1948, ce sera surtout après 1960 qu’ils deviendront un fonds de commerce fort fructueux pour ceux des nouveaux cadres, bardés de diplômes, qui n’arrivent pas à percer dans la compétition post-indépendance en face d’« anciens » peu ou pas diplômés mais militants de la première heure du parti gouvernemental occupant les postes de premier plan.

63Ce survol a surtout permis de montrer, sous son vrai jour, le rôle de l’ancienne puissance coloniale, à travers son administration, ses partis politiques et ses intermédiaires locaux, dans l’évolution politique qui a conduit le Niger à l’indépendance et les enjeux qui y sont attachés. La France y a été si présente qu’il ne serait pas exagéré de dire que cette évolution n’a été qu’un pâle reflet des préoccupations politiques métropolitaines tant les enjeux étaient extérieurs au territoire.

64C’est ainsi que la lutte politique, revendicative au départ, a été domestiquée et réorientée vers une collaboration (à partir de 1950-1951) avant que la prise de conscience d’une partie de l’élite locale ne décide Paris à un réexamen de l’ordre colonial. En usant de grands moyens, la puissance coloniale a ainsi réussi à contrôler l’évolution que le contexte historique a imposée, pour mettre en selle des hommes sûrs et créer un cadre de parti unique compatible avec le type d’État proclamé dans le cadre de la Communauté et auquel l’indépendance peut être octroyée.

65Mais cette étude aura également révélé que pendant les quatorze années de pratique politique moderne, aucun parti nigérien n’a réussi à se fonder une assise électorale suffisante pour prendre seul le pouvoir : l’UNIS, le MSA-Sawaba comme le PPN-RDA ont, tour à tour, réussi chacun sa fortune électorale, en fonction des enjeux du moment, grâce (i) à l’alliance avec d’autres formations, (ii) à l’appui déterminant des chefs de canton et, surtout, (iii) à la complicité sinon à la volonté de l’administration.

66Cette étude aura enfin montré que la décolonisation pacifique, contrôlée par la métropole, n’autorise pas à faire croire ou à admettre que les Nigériens ont accédé à l’indépendance « les mains dans les poches ». Même s’ils n’ont pas pris les armes pour se libérer, nul ne peut objectivement nier la réalité des luttes politiques menées, ni leur contribution au débat politique (dans le cadre du RDA, du MSA, de l’UGTAN, du PRA, du PFA et du Conseil de l’Entente) qui a accéléré le processus de décolonisation en Afrique.

Notes

  • [*]
    Ph. D., Département d’histoire, faculté des lettres et sciences humaines, université Abdou-Moumouni de Niamey, Niger.
  • [1]
    On peut citer, entre autres : James Richardson, Adolphe Overweg, Edouard Vogel et Heinrich Barth (1851-1855), Monteil (1890-1892), le lieutenant Baud (1895), Georges Toutée (1894-1895), le lieutenant de vaisseau Émile Hourst (1896), le capitaine Marius-Gabriel Cazemajou (Mission du Haut Soudan, 1897-1898), la Mission Afrique centrale conduite par les capitaines Paul Voulet et Julien Chanoine (1899), la Mission saharienne conduite par l’explorateur Fernand Foureau et le commandant François Lamy (1898-1899), le capitaine J. Tilho (1906-1909), etc. Voir A. Salifou [1989], Histoire du Niger, Paris, ACCT-Nathan : 151165 ; G. Fourage, J. Vanoye, Le Passé du Niger : de l’Antiquité à la pénétration coloniale, Niamey, INDRAP : 6181 ; E. Séré de Rivières, Histoire du Niger : 201 sq.
  • [2]
    Parmi les cas de résistance ou de soulèvement contre l’intrusion coloniale, on peut citer les cas de Karma (1898 et 1906), Sargadji (région de Dosso en 1901), Lougou (Dogondoutchi en 1898), Konni (1898) Zinder (1898 et 1906), Kobtitanda (Dosso en 1906), l’Aïr et le Damergou (1914-1918), etc.
  • [3]
    La Fédération d’Afrique occidentale française (AOF) a été créée par un décret du 16 juin 1895 et organisée par le décret du 18 août 1904.
  • [4]
    Métropolitains désignent les Français de France ou des départements d’outre-mer vivant dans les colonies alors que le terme Aofien désigne les originaires des autres territoires d’AOF.
  • [5]
    Diori Hamani, 12 mai 1972, bande n° 1/VS/Ny.
  • [6]
    Les seules installations industrielles sont les centrales thermiques de Niamey, Maradi et Zinder jusqu’en 1956, qui produisaient globalement 921 kW contre 41463 au Sénégal.
  • [7]
    Le Temps du Niger (Niamey), 52, 13 juillet 1960 : 13.
  • [8]
    Le Niger (Niamey), 169, 17 août 1959 : 3-4.
  • [9]
    Rapport de l’inspecteur des colonies, Bourgeois Gavardin, le 10 septembre 1941, C.634, d.8, ANN ; en 1953, le gouverneur vichyste Jean Toby y était à son 6e séjour.
  • [10]
    Commis dérive du grade de commis expéditionnaire, pour désigner celui qui a été à l’école du Blanc et qui est comme lui : la littérature coloniale parle ? évolué, terme à connotation péjorative.
  • [11]
    Diori Hamani, bande n° 1/VS/Ny du 12 mai 1972.
  • [12]
    « Les partis politiques en AOF », Étude du bureau du haut commissaire de la République en AOF, août 1955, C. 2263, d.6, CAOM.
  • [13]
    En créant l’Union française, cette constitution transforme les colonies en territoires d’outre-mer (TOM) et dote chacun d’un embryon d’assemblée dit Conseil général de deux collèges, le premier réservé aux citoyens de statut français et le second aux citoyens de statut local, alors que tous ont, dans la même période, bénéficié de la citoyenneté française.
  • [14]
    Loi n° 46-2151 du 5 octobre 1946, JO-AOF du 8 octobre 1946 : 1253 et 1256.
  • [15]
    Le terme Pontin désigne les anciens élèves de William Ponty.
  • [16]
    Ce groupe est constitué de : Georges M. Condat, Djougou Sangaré, Mamoudou Yaroh, Amani Saley, Nouhou Ibrahim et Brah Dandiné. Entretien du 13 octobre 1989 à Niamey avec Georges M. Condat.
  • [17]
    Il s’agit principalement du sultan de Zinder à qui celui d’Agadez a donné mandat pour agir en son nom, du chef de province de Maradi, des chefs de canton d’Illéla, de Madaoua, Azorori.
  • [18]
    E. Séré de Rivières, Histoire du Niger, op. cit.-.271.
  • [19]
    Le nouveau parti est reconnu officiellement le 4 juin 1948.
  • [20]
    Arrêté n° 0183/APA du 9 février 1950, du gouverneur du Niger par intérim, C.2187, d.l, CAOM.
  • [21]
    Rapport politique du territoire du Niger, 1951, 18 août 1952 : 14.
  • [22]
    Les deux députés élus sous l’étiquette de l’UNIS sont : Georges Mahaman Condat, réélu, et Zodi Ikhia.
  • [23]
    Télégramme n° 2447 du 30 avril 1952, du haut commissaire au ministre de la FOM, C.2199, d.15, CAOM.
  • [24]
    Le Rassemblement pour la France (RPF) est un parti local créé par des Français résidant au Niger, très peu connu dans l’arène politique.
  • [25]
    Edmond Séré de Rivières, op. cit. : 270.
  • [26]
    Après une conférence organisée à Niamey sur la situation alimentaire au Niger, le député Zodi, apparemment non satisfait des dispositions prises, a préféré aller, par une question orale, dénoncer à l’Assemblée nationale à Paris, l’attitude des responsables à tous les échelons, face à la situation dramatique que vivait le territoire. [Talba, 1984 : 65-69], confirmé par Zodi Ikhia au cours de notre entretien du 14 février 1990 à Niamey.
  • [27]
    Le Bloc nigérien d’action est reconnu officiellement le 16 mai 1956.
  • [28]
    Rapport politique du territoire du Niger, 18 août 1952 : 69, par Roland Casimir.
  • [29]
    Fiche de renseignements : Partis et syndicats 1956-1958, C. 2220, d.2, CAOM.
  • [30]
    Notice destinée aux officiers désignés pour servir sur le territoire du Niger, état-major, 2e bureau, 3e trimestre 1956, C.2220, d.5, CAOM.
  • [31]
    Djibo Bakary, entretien du 11 janvier 1990 à Niamey.
  • [32]
    Philippe Gaillard, « Niger : au terme de quinze ans d’alternance agitée », Jeune Afrique, 1542, 18-24 juillet 1990 : 75.
  • [33]
    Le terme Sawaba est associé à celui de sawki qui signifie soulagement, bien-être, liberté, indépendance par rapport à une situation de malaise, de contrainte, de domination.
  • [34]
    Synthèse politique, 1er trimestre 1956, Services du Gouvernement général de l’AOF, C.2233, d.2, CAOM.
  • [35]
    Pour les résultats de ces élections, voir la Notice destinée aux officiers…, op. cit.
  • [36]
    Au sujet de la naissance du FDN, voir supra.
  • [37]
    F. Fuglestad [1973 : 325] porte ce nombre à une vingtaine, ce qui est exagéré.
  • [38]
    Situation déplorée par le gouverneur Louis Rollet dans son « Allocution prononcée à la séance d’ouverture de la première session ordinaire de l’Assemblée territoriale, à Niamey le 25 avril 1958 », SOM, CAOM.
  • [39]
    Le Parti du regroupement africain a été constitué à Cotonou du 25 au 27 juillet 1958.
  • [40]
    Rapport politique des territoires : Niger : synthèse politique pour le 2e trimestre, 30 juin 1958, C.2233, d.2, CAOM.
  • [41]
    Djibo Bakary, à la séance d’ouverture de la première session ordinaire de l’Assemblée territoriale à Niamey, le 25 avril 1958, SOM, CAOM.
  • [42]
    Djibo Bakary, entretien du 12 janvier 1990 à Niamey.
  • [43]
    Rapport politique des territoires : Niger : synthèse politique pour le 3’trimestre 1958 (avril-juin), du 30 juin 1958, C.2233, d.2, CAOM.
  • [44]
    Bulletin de renseignement, SDECF, 12008/A du 21 octobre 1958, C.2181, d.l ; « Communication de l’ambassadeur de France Accra » du 29 août 1958, C.2266, d.6, CAOM.
  • [45]
    Tableau de commandement du territoire du Niger, s.d., C.76, d.5 ANN.
  • [46]
    Nominations intervenues entre le 7 et le 19 mai 1958, JO du TN, 338, 1er juillet 1958.
  • [47]
    On a dénombré globalement deux morts et 101 blessés rien qu’à Niamey. Télégramme s/n° (enregistré sous le n° 3029) du 30-04-1958 du gouverneur du Niger au ministre de la FOM, C.2189, d.12, CAOM.
  • [48]
    Koussanga Alzouma, cité dans Synthèse politique de juillet-août 1958, 085/CP/BE, 5 septembre 1958.
  • [49]
    Afrique nouvelle (Paris), 573, 1er août 1958
  • [50]
    Rapport sur les opérations électorales concernant le scrutin du 28 septembre (référendum), par le chef du territoire Niger, s.d., C.2221 d.1, CAOM : 4
  • [51]
    E. Séré de Rivières, op. cit. :272.
  • [52]
    Voir M. Djibo [2001], Les Transformations politiques au Niger à la veille de l’indépendance, Paris, L’Harmattan :83-121.
  • [53]
    Op. cit. : 272.
  • [54]
    Circulaire n° 118 du haut commissaire au Niger, du 20 décembre 1958, citée par AFP Spécial outre-mer, 3759, 24 décembre 1958, C.2181, d.l, CAOM.
  • [55]
    Des auteurs comme C. Raynaut, « Niger : trente ans d’indépendance : repères et tendances », Politique africaine, 38, juin 1990 : 3-29, et J.-Cl. Maignan [2000], La Difficile Démocratisation du Niger ; Paris, CHEAM : 26-36, en font pratiquement une fixation en focalisant toutes leurs analyses sur les oppositions zarma-haoussa.
  • [56]
    Claude Raynaut, op. cit. : 6.
Français

Résumé

Comme toutes les anciennes colonies françaises d’Afrique noire, le Niger est entré dans l’ère de la politique moderne au lendemain de la seconde guerre mondiale. Son évolution est intimement liée au débat politique de l’ensemble colonial français. Il a cependant la particularité d’avoir été le seul territoire d’outre-mer à avoir inauguré l’autonomie interne conférée par la loi de réforme institutionnelle dite loi-cadre (ou loi Gaston Defferre) avec une majorité parlementaire et gouvernementale MSA ; de même, il est le seul à avoir échoué dans son choix pour l’« indépendance immédiate » ; il est enfin le premier territoire français où les enjeux politiques de la Ve République française naissante ont conduit à un coup d’État politique, à travers l’« opération Colombani », du nom du gouverneur chargé de faire changer le cours des choses à Niamey. Ce coup d’État politique a entraîné la mise en place d’une équipe plus acquise aux objectifs politiques de Paris et à qui l’indépendance, refusée en 1958, sera octroyée le 3 août 1960.

Mots-clés

  • AOF
  • Niger
  • France
  • évolution politique
  • enjeux politiques Sawaba
  • PPN-RDA
  • indépendance

Bibliographie

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  • Talba Ali [1984], Les Partis politiques nigériens de 1946 à 1975. mémoire de DEA, université de Bordeaux-I, Institut d’études politiques, Paris. Afrique nouvelle, 223 p.
  • Divers dossiers contenus dans des cartons au Centre des Archives de la France d’outre-mer (CAOM) à Aix-en-Provence, aux Archives nationales du Niger (ANN) et à La Voix du Sahel à Niamey (VS/Ny) où sont conservées quelques archives sonores qu’il faut reconstituer : le carton est indiqué par la lettre C suivie du numéro correspondant et de celui du dossier consulté qui est indiqué par la lettre d suivie de son numéro de classement. Les initiales CAOM et ANN indiquent le fonds d’archives.
  • Des entretiens avec certains acteurs et témoins des événements étudiés dont la liste peut être consultée dans Mamoudou Djibo, Les Transformations politiques au Niger, de 1958 à 1960, thèse de doctorat (histoire), université de Montréal, 1992, 599 p.
Mamoudou Djibo [*]
  • [*]
    Ph. D., Département d’histoire, faculté des lettres et sciences humaines, université Abdou-Moumouni de Niamey, Niger.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/11/2011
https://doi.org/10.3917/autr.027.0041
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