CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Contrairement à certains peuples asiatiques comme les Chinois ou les Vietnamiens, voire à quelques autres ethnies indonésiennes comme les Minang de Sumatra ou les Bugis de Sulawesi, les Javanais ne sont pas réputés pour avoir intégré la mobilité spatiale comme composante majeure de leurs stratégies d’adaptation à la croissance démographique et au développement économique. Paysans riziculteurs de génie, ils sont très attachés à la terre volcanique fertile de leurs ancêtres et à l’organisation sociale harmonieuse de leurs villages. En fait, ils se sont surtout singularisés depuis le début du xixe siècle par un enracinement et une opiniâtreté qui ont permis à une population en pleine explosion de survivre sur une île de plus en plus densément occupée et mise en valeur, grâce à l’intensification de l’agriculture et à la diversification de l’économie rurale. Ils n’ont donc pas eu besoin de partir en masse pour échapper à la misère et à la famine, ainsi qu’ont dû s’y résoudre pendant le même temps certains des grands peuples migrants de la planète comme les Chinois ou les Italiens. Leur idéal étant en règle générale de vivre et prospérer là où ils sont nés, ils ne quittent en effet leur région que contraints ou forcés pour s’établir ailleurs dans l’archipel indonésien, mais s’expatrient assez rarement au-delà de ses limites. Quand, pour une raison ou une autre, ils y sont obligés, c’est toujours avec le projet de retourner à Java où ils reviennent habituellement s’installer dès qu’ils le peuvent. En conséquence, alors que les Chinois ont essaimé tous azimuts et fait souche aux quatre coins de la planète, on ne compte guère d’exemples dans le monde de communautés javanaises durablement établies à l’étranger.

2Il y a pourtant deux exceptions notoires à cette règle générale. Toutes deux résultent de migrations organisées vers la fin de l’époque coloniale hollandaise, quand le sort de la paysannerie javanaise a fortement empiré. La plus connue de ces exceptions est celle de la communauté javanaise du Surinam où les Hollandais ont fait venir en masse des travailleurs de Java dès la fin du xixe siècle pour défricher et cultiver une colonie sud-américaine très peu peuplée et manquant de main-d’œuvre après l’abolition de l’esclavage. La seconde est celle des Javanais de Nouvelle-Calédonie, arrivés à partir de 1896 à Nouméa comme travailleurs sous contrat pour aider les colons français à mettre en valeur une île où la population mélanésienne, décimée par les maladies amenées par les Blancs, se refusait à travailler pour ceux qui les spoliaient de leurs terres et anéantissaient leur culture. À travers les vicissitudes d’une histoire douloureuse, ces deux communautés javanaises des confins du monde ont finalement fait souche, s’intégrant progressivement à la vie économique, sociale, culturelle et politique de leur pays d’accueil. Exemples singuliers de migration et d’intégration réussies, ils méritent d’être étudiés de manière approfondie d’un point de vue sociohistorique large. Les Javanais du Surinam ont fait l’objet de deux solides ouvrages publiés à trente ans de distance [de Wall Malefijt, 1963 ; Suparlan, 1995]. En revanche, hormis deux articles anciens et limités dans leur approche [Dewey, 1964 ; Roosnan, 1971] et deux travaux historiques récents [Mulyono-Larue, 1995 ; Adi, 1998], une étude de sociologie historique sur les Javanais de Nouvelle-Calédonie, de leur départ du pays d’origine à leur intégration comme acteurs importants du développement dans la société multiculturelle néo-calédonienne contemporaine, reste à faire [1].

3La migration des Javanais en Nouvelle-Calédonie s’est déroulée pour l’essentiel entre le 15 février 1896, date de l’arrivée du premier contingent de 170 travailleurs sous contrat à Nouméa, et le 9 juillet 1955, date du retour du dernier convoi important de 591 personnes rapatriées en Indonésie. Dans l’intervalle, à travers 87 convois organisés de 1896 à 1949, près de 20000 Javanais sont venus travailler pour une période de durée variable en Nouvelle-Calédonie et presque 15000 sont retournés à Java au terme de leur contrat, par groupes plus ou moins nombreux, notamment entre 1930 et 1935, après la grande crise de 1929 et, entre 1948 et 1955, lors des premières années de l’indépendance nationale indonésienne [2]. Après 1955, il y a bien eu quelques mouvements de personnes dans les deux sens, mais ils sont minimes par rapport aux chiffres évoqués plus haut. Forte de probablement quelque 10000 personnes à son maximum en 1946 et d’environ 2000 à son minimum en 1955, la communauté javanaise de Nouvelle-Calédonie s’élevait officiellement à un peu plus de 5000 personnes au dernier recensement de 1996, soit 2,5 % de la population du territoire. Arrivés comme coolies pour travailler à la mise en valeur du territoire, les Javanais ont progressivement diversifié leurs activités économiques pour devenir métayers puis petits propriétaires agriculteurs ou éleveurs, avant de commencer à investir les métiers industriels de la mécanique et du transport ainsi que, plus récemment, certains secteurs du tertiaire dans l’administration publique, l’éducation et la santé. Bien qu’elle ait naturellement entraîné une amélioration de leur statut social, cette progression économique ne les a pas encore amenés à jouer un grand rôle sur le plan politique et leur intégration s’est évidemment faite au détriment de problèmes d’identité culturelle.

4Cet article souhaite refléter l’approche sociohistorique large du projet de recherche en cours qui part des causes du départ de Java à la fin du xixe siècle et débouche sur la situation économique, sociale, politique et culturelle de la communauté javanaise de Nouvelle-Calédonie au début du xxie siècle. Par conséquent, dans une première partie, il passera tout d’abord succinctement en revue l’histoire des Javanais de Nouvelle-Calédonie de 1896 à nos jours. Ensuite, dans une seconde partie, il tentera de dresser les bases sommaires d’une sociologie de la communauté néo-calédonienne d’origine indonésienne. Certes, compte tenu de l’espace imparti, tout cela ne pourra guère être présenté de manière très approfondie. Toutefois, l’article s’emploiera aussi à faire apparaître au fil des pages la manière dont cette communauté déracinée, à l’origine victime d’un système d’exploitation colonial inique des deux côtés de la chaîne migratoire, a réussi à s’intégrer au prix de grandes souffrances longtemps passées sous silence et comment elle a contribué, par son ardeur au travail et son génie propre, au développement économique, social, politique et culturel de la Nouvelle-Calédonie d’aujourd’hui, avec ses potentialités et ses difficultés.

Histoire condensée des Javanais de Nouvelle-Calédonie

Raisons de l’exil : la grande misère de Java à la fin du xixe siècle

5Colonisée très tôt par les Hollandais qui fondent Batavia en 1619, l’île de Java, fertile et prospère, va d’emblée être mise en valeur comme jardin tropical d’une métropole batave particulièrement brutale et vorace. La culture de produits tropicaux comme le café et le poivre va y être développée pour l’exportation sous forme de « livraisons forcées » au fur et à mesure que les Hollandais imposent leur domination aux sultanats locaux. En 1799, la Compagnie des Indes orientales, qui avait mené à titre privé cette prodigieuse expansion coloniale, fait faillite, rongée par la mauvaise gestion et la corruption de ses cadres, la puissance publique de la couronne des Provinces unies prenant alors le relais. Prise à distance dans les séquelles de la Révolution française et dans l’aventure napoléonienne, qui bouleverse l’ordre établi en Hollande, Java va alors se retrouver placée, de 1808 à 1811, sous l’égide du gouverneur jacobin William Daendels, qui procédera à des réformes importantes, puis, de 1811 à 1816, sous la domination de l’Angleterre, qui y dépêche Thomas Raffles, administrateur colonial de génie et futur fondateur de Singapour. Ce dernier continuera les réformes entreprises, jetant les bases d’une gestion coloniale moderne à Java. Il fera notamment procéder en 1815 au premier recensement de la population qui donnera un chiffre de 4,6 millions d’habitants. La Hollande, sortie exsangue des troubles et des guerres ayant ravagé l’Europe depuis un quart de siècle, reprend alors le contrôle de ses possessions coloniales avec la ferme intention d’accélérer l’exploitation de Java pour financer la reconstruction et le développement de la métropole.

6À partir de 1830, les Hollandais imposeront, sous l’égide du gouverneur Van den Bosch, le fameux Cultuurstelsel ou « système des cultures ». Pendant cinquante ans, la paysannerie javanaise va subir la pire période d’exploitation depuis l’arrivée des colonisateurs, devant accorder une part croissante de ses terres et de son temps aux cultures d’exportation comme la canne à sucre. Ne pouvant plus consacrer assez d’espace et d’attention à la culture du riz, base de l’alimentation, les villages de Java vont s’enfoncer dans la pauvreté. Cela est aggravé par le fait que l’imposition de la Pax Neerlandica et les progrès de la médecine tropicale vont déclencher une transition démographique qui voit la population javanaise s’accroître à un rythme accéléré [Boomgaard, 1989]. En 1890, elle est proche des 27 millions, ayant donc plus que quintuplé en soixante-quinze ans, et la pression sur les ressources d’une île exiguë et très montagneuse de 132000 kilomètres carrés devient de plus en plus forte, la densité moyenne ayant juste franchi les 200 habitants au kilomètre carré et près de 40 % de la superficie y étant déjà cultivée [Maurer, 1991], Devant l’exploitation qu’il engendre et la paupérisation croissante dont il est largement responsable, le funeste Cultuurstelsel sera officiellement aboli dès 1870. Il continuera pourtant à être pratiqué presque jusqu’à la fin du siècle. Face à la détresse de la paysannerie javanaise, des voix s’élèvent en Hollande parmi les forces progressistes pour qu’un terme soit mis aux abus de la colonisation. Une enquête sur « le bien-être diminuant de la population » de Java est même ordonnée par la Couronne en 1900 et débouchera sur une nouvelle politique coloniale dite « éthique ». En attendant, le dernier quart du xixe siècle est marqué par la misère sans précédent d’une multitude de villageois sans terre qui errent dans les campagnes et les villes javanaises à la recherche d’un travail et de n’importe quel moyen de subsistance.

Causes du recrutement : la Nouvelle-Calédonie en quête de main-d’œuvre

7La Nouvelle-Calédonie est annexée par la France en 1853 pour y favoriser l’implantation de colons français afin de contrer la domination anglaise et protestante dans le Pacifique Sud [3]. D’une superficie de 19000 kilomètres carrés, l’archipel calédonien est habité par une population mélanésienne, les Kanaks, alors estimée à un environ 40000 habitants, soit une densité de 2 habitants au kilomètre carré. Dix ans plus tard, la colonisation européenne piétine puisqu’on ne compte que 420 colons et 800 militaires, pour la plupart concentrés autour de Nouméa. Un décret de 1863 désigne alors la Nouvelle-Calédonie comme terre d’exil, à la fois pour offrir une alternative au bagne de Guyane, trop insalubre, et pour fournir une main-d’œuvre corvéable utile à la mise en valeur du territoire. Le premier convoi de 250 forçats arrive en 1864 et sera suivi de 75 autres jusqu’en 1897, quand il sera décidé de cesser l’envoi de condamnés. De fait, il est préférable de parler de colonisation pénale que de bagne car l’objectif visé est bien de favoriser l’installation d’une bonne partie de ces déportés. Au total, entre 1864 et 1897, la Nouvelle-Calédonie accueillera plus de 26000 condamnés de droit commun dont la plupart s’établiront sur place après leur libération, environ un dixième d’entre eux se voyant octroyer une concession les transformant en colons [Cormier, 1993]. Cela ne suffit toutefois pas à fournir les bras nécessaires au développement local. D’une part, la colonisation libre continue à stagner, puisque la population venue s’installer de son propre chef ne compte que quelque 12000 personnes au tournant du siècle. D’autre part, la population kanake, vivant en autosubsistance et selon la coutume dans les tribus, refuse de se laisser embrigader dans un système qui lui est totalement étranger et met en péril son mode de vie, d’autant plus que, victime des maladies amenées par le colonisateur, puis durement réprimée et démoralisée après l’échec de la révolte menée par le grand chef Ataï en 1878, elle va s’effondrer de 48000 à 28000 entre 1887 et 1906 [Moret, 1974]. C’est dans ce contexte que s’impose progressivement l’idée d’avoir recours à une main-d’œuvre immigrée sous contrat.

8Dès 1865, certains colons vont recruter dans un système proche de la traite des travailleurs mélanésiens aux Nouvelles-Hébrides. De 1869 à 1875, d’autres colons originaires de la Réunion feront venir près de 600 travailleurs, indiens, afin de contribuer au développement de la culture de la canne à sucre, mais cela se soldera par échec et la plupart repartiront sur Fiji. Ensuite, c’est bien naturellement vers le réservoir de main-d’œuvre d’une Asie surpeuplée que les regards vont se tourner. En 1884, la Société Le Nickel (SLN), nouvellement créée, va recruter des ressortissants chinois qui ne donneront apparemment pas satisfaction. En 1891, environ 800 Vietnamiens arriveront en Nouvelle-Calédonie [Vanmai, 1980], la plupart déportés du Tonkin pour avoir participé aux révoltes contre le protectorat français. Toujours à court de bras alors que l’industrie du nickel est en plein boom, la SLN récidive et recrute de son propre chef un premier contingent de 600 Japonais en 1892 [Kobayashi, 1992]. Le tournant de la nouvelle politique migratoire calédonienne se situe toutefois en 1894, avec l’arrivée à Nouméa du nouveau gouverneur Feillet. Trouvant une économie en crise dans laquelle l’agriculture stagne par manque d’exploitants et constatant que la Nouvelle-Calédonie est toujours « une colonie sans colons » qui ne peut se développer grâce aux seuls bagnards libérés, il adopte des mesures de relance de la colonisation. Ayant la volonté de « fermer le robinet d’eau sale pour ouvrir le robinet d’eau propre », il fera mettre un terme à l’envoi de détenus et se lancera dans une double stratégie de recrutement de colons en France et de main-d’œuvre sous contrat en Asie [Merle, 1995]. Soumis à la France, le Tonkin est un réservoir où vont être recrutés des milliers de travailleurs à partir de 1895. Toutefois, la plupart s’emploient dans le secteur minier et l’agriculture reste démunie, alors que l’on essaye de promouvoir la culture du café sur le territoire. C’est pourquoi des négociations sont ouvertes avec le gouvernement colonial voisin des Indes néerlandaises qui débouchent sur l’arrivée du premier contingent de travailleurs javanais en 1896.

Conditions de recrutement, du transfert et de l’arrivée sur place

9Vu les conditions de vie régnant à Java à cette époque, il n’était sûrement pas très difficile de trouver des volontaires. Les campagnes et les villes regorgeaient en effet de miséreux en quête de travail. Les recruteurs privés, agissant sous double mandat de l’administration coloniale hollandaise et du consulat de France à Batavia, n’éprouvaient donc guère de problèmes pour les attirer dans leurs filets. Des affiches furent apposées sur les murs de certaines officines villageoises pour informer les gens. Sans savoir où ils partaient ni quelles seraient leurs conditions de travail, la plupart se sont donc engagés volontairement, pour fuir la misère, alléchés par les promesses de vie meilleure que ne manquaient pas de leur faire miroiter les recruteurs, ou dans certains cas pour échapper à la justice. Cela était facilité par le fait qu’ils touchaient une avance substantielle sur leur salaire à venir ainsi que quelques vêtements et qu’ils étaient logés et nourris jusqu’à leur départ [Mulyono- Larue, 1995]. Il est aussi avéré que de nombreuses jeunes femmes qui se sont alors engagées fuyaient un mariage arrangé ne leur convenant pas. Toutefois, les recruteurs étant payés à la tête, moult témoignages font aussi état du fait que certaines personnes ont été proprement abusées, ne comprenant pas qu’elles s’expatriaient si loin pour si longtemps et étant même, semble-t-il, parfois kidnappées pour leur transfert au dépôt [Adi, 1998]. La majorité des engagés étant originaires de la côte septentrionale de Java central et oriental, il fallait en effet déjà les transférer par voie de surface jusqu’à Tandjung Priok, le port de Batavia d’où partaient les vapeurs. Ces derniers furent pour l’essentiel affrétés par le gouvernement des Indes néerlandaises, quand le nombre de demandes enregistrées en Nouvelle-Calédonie avait débouché sur le recrutement d’un nombre suffisant de personnes à Java. Comme le montre le tableau récapitulatif des arrivées et des départs fourni en annexe, la fréquence et l’effectif des convois vont donc considérablement varier en fonction des besoins de l’économie calédonienne au cours du demi-siècle pendant lequel s’effectue le recrutement des travailleurs javanais sous contrat.

10Au terme du voyage d’environ un mois les amenant de Batavia à Nouméa, les nouveaux arrivants passaient une dizaine de jours en quarantaine sur l’îlot Freycinet, puis étaient ensuite transférés au dépôt la baie de l’Orphelinat, où leurs « engagistes » venaient les chercher. D’emblée, il avait été prévu que les Javanais seraient essentiellement employés dans l’agriculture et dans le travail domestique. C’est effectivement dans ces deux secteurs qu’ils vont surtout se concentrer, mais nombreux seront ceux qui seront aussi embauchés ensuite dans les mines de nickel, principalement au transport du minerai, alors que les Vietnamiens seront surtout chargés de l’extraction [Vanmai, 1980]. Les contrats, largement restés identiques pendant toute la période de recrutement, étaient d’une durée de cinq ans et renouvelable d’un commun accord. L’engagé était entièrement lié à son employeur pour la durée du contrat et considérablement limité dans ses possibilités de déplacement et ses libertés individuelles. Chacun d’entre eux était muni d’un livret établi par l’administration dans lequel était consigné tout ce qui le concernait : salaires, gages et avances, congés, fautes et amendes, logement, habillement, nourriture [Mulyono-Larue, 1995], Son rapatriement au terme du contrat était un droit acquis dûment spécifié. Bien que les choses aient varié en fonction de leur secteur d’activité ou de leur employeur et que les conditions de travail et les salaires se soient progressivement améliorés au fil des ans, leur vie a au départ été très dure en règle générale, voire parfois inhumaine. Les témoignages recueillis auprès des vieux encore en vie sont à cet égard sans équivoque : horaires et rythmes de travail éprouvants, surtout dans les mines, sévices corporels occasionnels et humiliations en tout genre furent leur lot quotidien pendant de nombreuses années [Adi, 1998], Ainsi, au tournant du siècle, les salaires des Javanais sont les plus bas du territoire, 9 à 12 francs par mois pour les femmes et 15 à 25 francs pour les hommes, alors qu’un ouvrier libre gagne en moyenne 7 francs par jour à Nouméa [Merle, 1995]. Bref, après la fermeture du bagne, les colons semblent bien avoir trouvé, à travers le recours à une main-d’œuvre contractuelle javanaise très bon marché et corvéable à merci, une manière de perpétuer le travail forcé des anciens détenus.

Évolution de la situation jusqu’au début de la seconde guerre mondiale

11De plus, très vite, les Javanais vont devenir les plus appréciés des travailleurs immigrés sur le territoire, pour leur ardeur à la tâche et leur goût du travail bien fait, leur sens de la discipline et de l’ordre, leur calme et une certaine docilité qui ne les amène jamais à faire grève, contrairement aux Vietnamiens. Ils vont donc rapidement devenir indispensables à l’économie locale, notamment en raison de leurs qualités innées de paysans, faisant d’eux les principaux artisans du développement de la culture du café en plein boom au début du siècle, ou comme personnel domestique, jardiniers et gardiens, femmes de ménages et nourrices d’enfants, auxquelles les familles accordent toute confiance. Après des débuts assez lents, en raison des hésitations ressenties et des difficultés rencontrées à Batavia comme à Nouméa, qui ne verront que cinq convois acheminer moins de 1300 personnes de 1896 à 1909, la demande va donc s’intensifier à partir de 1911, avec deux périodes de concentration massive de plus de 7000 arrivées, d’abord entre 1922 et 1929 et à nouveau entre 1933 et 1939 [Adi, 1998], comme cela apparaît dans le tableau récapitulatif annexé. Au terme de leurs cinq ans de contrat, certains rentrent, mais beaucoup décident de rester et de le reconduire. D’une part, conscients de leur « valeur marchande » dans l’économie locale, ils arrivent à négocier de meilleures conditions de salaire et de travail. D’autre part, un nombre limité mais croissant d’entre eux choisissent de profiter de la possibilité d’obtenir un permis de « résidence libre » au bout de huit ans de travail sous contrat, en renonçant à leur droit au rapatriement. Cela leur permet de travailler pour qui ils veulent et même de s’installer comme métayers dans la culture du café. Les retours se feront donc au compte-gouttes jusqu’en 1929, un peu plus de 1500 départs pour plus de 11000 arrivées [ibidem]. Il faut dire que les colons ne font rien pour faciliter les choses, l’argument utilisé étant de prétexter qu’il faut un nombre conséquent de travailleurs décidés à rentrer pour pouvoir affréter un navire. Dès 1924, les choses rentreront toutefois dans l’ordre sur ce plan et de 1933 à 1939, les retours, plus réguliers et importants, dépasseront les 6000 personnes, environ 1500 de moins que les arrivées [ibidem]. Cette différence s’explique aussi sûrement du fait des conditions régnant alors à Java.

12En effet, malgré la mise en place dès 1900 de la nouvelle politique coloniale dite « éthique », la situation économique et sociale ne s’améliore pas aux Indes néerlandaises. Tout d’abord, la transition démographique continue à déployer ses effets négatifs, la population javanaise approchant le seuil des 30 millions en 1900 et dépassant celui des 40 millions en 1930, date à laquelle la densité moyenne atteint 315 habitants au kilomètre carré et où les deux tiers de la superficie de l’île sont cultivés [Maurer, 1991]. Face à cela, l’administration coloniale a inauguré à partir de 1905 un programme de colonisation agraire dit de « transmigration » qui consiste à transférer une partie du trop-plein démographique de Java vers d’autres îles moins peuplées de l’archipel comme Sumatra, principalement vers sa province la plus méridionale de Lampung. Par ailleurs, la grande crise de 1929 va ruiner l’économie coloniale hollandaise et notamment son fleuron, l’industrie du sucre, privant de leur travail des centaines de milliers de personnes supplémentaires. Enfin, la situation politique se détériore avec l’émergence du mouvement nationaliste dès le début du siècle et la création des formations politiques indonésiennes revendiquant l’indépendance, dont le Parti nationaliste fondé par Sukarno en 1926. S’ensuivra une décennie de répression politique de la part de la Hollande, minuscule pays dépourvu de ressources qui ne peut imaginer de survivre à la perte de son empire colonial d’Insulinde. Les conditions de travail et de sécurité à Java ne sont donc guère favorables au retour des travailleurs émigrés en Nouvelle- Calédonie, d’autant moins que l’économie locale est toujours confrontée à sa pénurie chronique de main-d’œuvre puisque, après avoir surmonté la crise de 1929, les productions de nickel et de café sont en plein boom dans les années trente [Angleviel, 1997]. Cela suscite au contraire une nouvelle vague importante d’immigration javanaise dans les dernières années d’avant-guerre. Nombre de Javanais, nés sur le territoire, se sont alors déjà enracinés, devenant des niaoulis comme l’usage s’imposera dès lors de se référer à eux collectivement [4].

La guerre, les grands rapatriements et le retour au pays d’origine

13Les arrivées et retours des Javanais sont bien évidemment interrompus par la guerre. Dès 1941, les Hollandais capitulent face au Japon qui occupera l’Indonésie jusqu’en 1945. Après avoir sauvagement exploité les ressources humaines et naturelles du pays pour leur effort de guerre et avant de capituler face au retour des Alliés dans la région, les Japonais favoriseront l’accession de l’Indonésie à l’indépendance qui sera proclamée à Jakarta par Sukarno le 17 août 1945. Les Hollandais, ne l’entendant pas de cette oreille, tenteront de reconquérir leur empire colonial en imposant quatre années supplémentaires de combats, de privations et de destructions à la population. Battue sur le plan militaire, l’Indonésie l’emporte toutefois au niveau diplomatique, grâce aux pressions des États-Unis et de leur allié australien qui voient la Chine basculer dans le camp communiste et souhaitent éviter que le plus grand pays l’Asie du Sud-Est ne suive le même chemin : son indépendance est formellement reconnue par l’ancien colonisateur en 1949. Après presque dix ans de conflit, l’Indonésie indépendante est exsangue. De son côté, la Nouvelle- Calédonie, base arrière stratégique et logistique des Américains dans leur reconquête du Pacifique Sud n’a pas été détruite ni même touchée par les combats qui ont fait rage dans les îles Salomons voisines. Au contraire, elle a largement bénéficié de l’apport économique et financier qu’a représenté le passage entre 1942 et 1945 de centaines de milliers de soldats américains sur le territoire où ils ont été jusqu’à surpasser en nombre la population civile locale à certains moments [Angleviel, 1997]. Rien ne sera plus comme avant pour personne en Nouvelle- Calédonie, y compris pour les Javanais, dont beaucoup ont été formés en tant que chauffeurs et mécaniciens par l’armée américaine et qui obtiennent tous la résidence libre en 1946. Ils sont alors probablement plus de 10000 sur le territoire, un dernier convoi de près de 500 personnes arrivant même en 1949, et leur situation n’a jamais été aussi favorable. La plupart vont pourtant choisir de rentrer.

14L’importance des retours massifs de l’après-guerre a plusieurs causes. Tout d’abord, de nombreuses personnes étaient restées bloquées en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans, du fait de l’éclatement du conflit mondial, de l’occupation japonaise de leur pays puis de la guerre de libération nationale contre la Hollande. Ensuite, l’Indonésie étant indépendante, ils étaient fiers de rentrer dans un pays libre en espérant l’avenir économique radieux que leur promettait la propagande nationaliste. Enfin, prenant connaissance du fait que des milliers de compatriotes souhaitaient revenir sur le sol natal, le gouvernement indonésien fit un effort financier pour organiser leur rapatriement. Au total, plus de 7 500 personnes rentreront à Java par six convois entre 1948 et 1955 [Adi, 1998], Cela ne se fit pas sans pleurs ni déchirements, de nombreuses familles se divisant à cette occasion, soit parce que le père et la mère étaient en désaccord sur la stratégie à suivre, soit pour des simples raisons tactiques de prudence. Il faut bien comprendre que beaucoup d’entre eux, niaoulis depuis deux générations, n’avaient jamais vu Java et ne parlaient pas le bahasa indonesia, devenu dans l’intervalle langue nationale. Toutefois, c’est en général avec enthousiasme que la plupart rentrèrent pour contribuer à la reconstruction de leur pays. Ils allaient vite déchanter. La situation de l’Indonésie était alors catastrophique et ils s’aperçurent vite que le gouvernement avait d’autres soucis que de s’occuper de leur réinsertion. Quelques-uns se firent tout bonnement escroquer et dépouiller par leur famille et leurs proches des maigres économies accumulées. On fit savoir à beaucoup d’autres qu’ils n’étaient pas les bienvenus dans une île de Java comptant déjà 52 millions d’habitants en 1950, près de 400 au kilomètre carré [Maurer, 1991], et qu’on les encourageait à joindre les rangs des pionniers de la « transmigration » à Lampung. C’est ainsi que certains transitèrent à peine sur le sol javanais et se retrouvèrent à défricher la forêt sumatranaise ! Cruel sort pour des gens dont les parents ou grands-parents avaient fui la misère noire de Java, souffert en Nouvelle-Calédonie pour améliorer un peu leur existence et devaient à nouveau repartir de zéro loin de la terre de leurs ancêtres.

Ceux qui sont rentrés : difficultés en Indonésie et reflux sur Nouméa [5]

15Aucun des travailleurs javanais de Calédonie rentrés adultes au pays d’origine ne semble avoir pu transformer d’emblée l’épargne accumulée et l’expérience acquise outre-mer en une ascension sociale réussie. Les entreprises dans lesquelles certains essayèrent de se lancer de manière collective capotèrent rapidement car les temps n’étaient guère favorables et leur confiance fut parfois abusée. Ayant souvent tout perdu en peu de temps, la plupart se remirent donc à travailler en tant qu’ouvriers dans leur village, artisans dans les chefs-lieux de district ou employés dans les entreprises et administrations des grandes villes comme Jakarta et Surabaya. Face aux difficultés rencontrées à Java, beaucoup préférèrent tenter la nouvelle aventure de la « transmigration » vers Sumatra. Un certain nombre partit même en groupe pour créer des communautés homogènes d’anciens travailleurs sous contrat, comme dans le cas du village de Totokaton près de Metro, aussi connu pendant très longtemps sous le nom de Blok Kaledonia, où les quelques personnes qui ont été scolarisées en Nouvelle-Calédonie parlent encore français aujourd’hui. Ils vous disent sans hésitation que l’existence qu’ils menèrent à défricher les forêts sumatranaises au début des années cinquante fut bien plus dure que la vie qu’ils avaient laissée sur la terre calédonienne au moment du départ. Réalisant la situation dans laquelle ils se retrouvaient et se sentant doublement victimes de l’histoire, beaucoup des rapatriés semblent d’ailleurs avoir rapidement regretté leur décision, et un petit nombre de ceux qui avaient laissé une partie de la famille sur place ou dont l’ancien employeur était prêt à payer le voyage de retour s’arrangèrent pour revenir au plus vite à Nouméa. Certains, plus persévérants, essaieront vraiment de se réintégrer, mais devant la rapide dégradation de la situation économique et la montée des tensions politiques en Indonésie, ils trouveront aussi en petit nombre le moyen de revenir en Nouvelle-Calédonie au début des années soixante. Toutefois, la plupart n’eurent pas cette chance et restèrent donc en Indonésie où ils s’employèrent une nouvelle fois à améliorer leurs conditions de vie.

16Au départ, la situation fut souvent encore plus difficile à supporter pour les enfants déjà scolarisés en Nouvelle-Calédonie qui n’avaient pas eu d’autre choix que de suivre leurs parents. Pourtant, après avoir appris le bahasa indonesia, ils réussirent souvent bien mieux qu’eux, surtout quand les conditions de développement du pays s’améliorèrent à partir de la fin des années soixante. Forts de leur connaissance de la langue et de la mentalité françaises, un assez grand nombre d’entre eux avaient déjà réussi à s’employer pour l’entreprise Spies-Batignolles qui avait obtenu le contrat de construction du barrage de Jatiluhur inauguré en 1962. Après 1967, sous l’Ordre nouveau de Suharto, quand les investissements étrangers commencèrent à affluer sur l’Indonésie, ils travailleront pour les entreprises françaises, pour l’ambassade ou les consulats de France, dans les centres culturels français, où ils enseigneront la langue de Molière, ou dans le secteur touristique et hôtelier, en plein boom à partir du milieu des années soixante-dix. À noter que les femmes rencontreront en général un plus grand succès professionnel que les hommes, occupant souvent des postes de secrétaires de direction ou d’enseignantes attitrées. Tout cela était évidemment hors de portée de la majorité des gens plus âgés qui parlaient mal une langue française dont ils n’avaient guère eu besoin pour travailler dans l’agriculture ou les mines. Leur situation resta donc très difficile jusqu’à ce que le problème des pensions soit réglé et qu’ils soient en mesure de toucher leur retraite dans les années quatre-vingt. Grâce à cela, certains vieux sont d’ailleurs devenus aujourd’hui des notables dans leur village ou leur quartier, leur parentèle bénéficiant et abusant parfois de leurs largesses. Pour terminer, notons toutefois que tout cela n’empêchera pas une nouvelle vague d’immigration de quelques centaines de personnes vers la Nouvelle- Calédonie au moment du boom du nickel des années soixante et soixante-dix et que la communauté locale s’enrichira également de l’arrivée d’un contingent régulier d’épouses que les nombreux vieux célibataires restés sur place feront venir de Java, notamment de la région de Magelang près de Yogyakarta.

Ceux qui sont restés : intégration progressive et sauvegarde identitaire

17Après la seconde guerre mondiale, la situation des Javanais qui ont choisi de ne pas retourner en Indonésie va progressivement s’améliorer. Les niaoulis deviennent alors une des communautés importantes et parmi les plus appréciées en Nouvelle-Calédonie. En 1946, les contrats de travail sont abolis et tous les travailleurs immigrés d’origine asiatique restés sur place obtiennent la résidence libre. Ils peuvent donc s’employer pour qui ils veulent ou s’établir à leur propre compte. Une bonne partie des Javanais va demeurer en brousse pour travailler dans l’agriculture où ils excellent, devenant métayers pour certains grands propriétaires ou même petits exploitants indépendants et continuant principalement à cultiver le café. Cependant, beaucoup vont aussi gagner les villes, au premier chef Nouméa et sa banlieue, pour grossir les rangs de ceux qui y travaillaient déjà comme employés de maison ou comme ouvriers à l’usine de la SLN de Doniambo. Nombreux sont également ceux qui vont profiter de l’expérience acquise comme chauffeurs et mécaniciens dans l’armée américaine pour investir le secteur des transports et des ateliers de réparation. C’est encore à ce jour un domaine d’activités qui reste largement dans leurs mains. Ainsi une bonne partie du transport du nickel des mines aux ports, le « roulage », est assurée par des petites entreprises familiales javanaises exploitant deux ou trois camions. En revanche, peu attirés par le commerce, les Javanais vont délaisser ce secteur qui sera principalement trusté par les Vietnamiens. Contrairement à ces derniers, fortement imprégnés des valeurs sino-confucéennes qui accordent une importance primordiale à l’éducation, ils ne vont pas non plus pousser tout de suite la scolarité de leurs enfants. En conséquence, ce n’est que plus tard, dans les années quatre-vingt, qu’un certain nombre commencera à rejoindre les rangs des cadres moyens et supérieurs de l’administration, principalement dans l’éducation et la santé, très peu exerçant encore aujourd’hui une profession libérale. Au bout du compte, il apparaît évident que les Javanais de Calédonie ont fortement contribué à l’aménagement et au développement d’un territoire dont les ressources ont été mises en valeur avec avidité par une colonisation qui les a exploités de manière éhontée, comme la plupart des autres immigrés, en même temps qu’elle détruisait les bases de la société autochtone kanake.

18L’amélioration progressive de leur statut socioprofessionnel et de leur niveau de vie va dans un premier temps s’accompagner d’une intégration croissante et discrète des Javanais à la société néo-calédonienne puis, plus récemment, d’une quête ouverte et forte pour revendiquer et sauvegarder leur identité culturelle. Ainsi, dans les années soixante, on assistera d’abord à une vague de naturalisations françaises, certains poussant même leur désir d’intégration jusqu’à franciser volontairement leurs noms. La majorité des Javanais de Nouvelle-Calédonie sont bien sûr aujourd’hui français, mais une minorité substantielle a choisi de conserver la nationalité indonésienne, ce qui justifie d’ailleurs toujours la présence d’un consulat général d’Indonésie établi à Nouméa dès 1951. Jusqu’au début des années quatre-vingt, communauté modeste et travailleuse appréciée de toutes les autres, ils vont effectivement tout faire pour s’intégrer harmonieusement en gommant leurs différences, taisant notamment leurs souffrances passées et occultant leur histoire douloureuse. Le tournant se situera au moment des « événements » violents du milieu des années quatre-vingt qui marqueront la révolte identitaire et la revendication d’indépendance de la communauté kanake. Les Javanais vivant encore en brousse dans les bastions indépendantistes de la côte est comme Thio, Kanala ou Hienghène seront en effet chassés des terres coutumières revendiquées par les Kanaks, dont ils avaient pourtant largement partagé les misères et avec lesquels ils avaient apparemment toujours vécu en bonne intelligence. La plupart perdront tout, étant parfois évacués dans l’urgence sur Nouméa et ses environs. Ils en resteront profondément traumatisés et s’aligneront dès lors en majorité derrière les positions loyalistes du RPCR, contre les objectifs des partis indépendantistes regroupés au sein du FNLKS. C’est alors que le mouvement associatif des Javanais va adopter une attitude plus affirmée pour revendiquer l’identité culturelle de la communauté et sa place économique et politique à part entière dans la société néocalédonienne. S’inspirant de l’exemple donné par les Vietnamiens en 1991 puis les Japonais en 1992, cette nouvelle attitude culminera dans les grandes manifestations organisées en 1996 pour commémorer le centenaire de l’arrivée du premier contingent de Javanais sur le territoire.

Sociologie succincte des Néo-Calédoniens d’origine javanaise [6]

Lieu de résidence, niveaux d’éducation et activités socioprofessionnelles

19Le dernier recensement de population effectué en Nouvelle-Calédonie date d’avril 1996. Bien que cela puisse être fort critiquable par ailleurs, il présente encore l’avantage pour les chercheurs intéressés à l’analyse des problèmes communautaires du territoire d’avoir été largement réalisé sur une base ethnoculturelle. C’est ainsi qu’une bonne partie des données récoltées est présentée dans des tableaux où l’on différencie les répondants selon les dix catégories suivantes : européenne, indonésienne, mélanésienne, ni-vanuataise, tahitienne, vietnamienne, walisienne ou futunienne, autre asiatique, autre et non déclarée. Sur une population totale recensée de 196836 personnes, 86788 (44,1 %) se sont déclarées Mélanésiennes, 67151 (34,1 %) Européennes, les 42897 (21,8 %) restantes regroupant toutes celles qui se réclamaient d’une autre origine ethnique. Parmi ces dernières, les Wallisiens et Futuniens sont de loin les plus nombreux avec 17763 (plus de 9 %), suivis des Tahitiens avec 5171 (2,6 %) qui sont presque à égalité avec le nombre des Indonésiens s’élevant à 5003 (2,5 %) et, nettement plus loin derrière les Vietnamiens avec 2822 (1,4 %) et les Vanuatais avec 2244 (1,1 %). Seules 856 personnes (0,4 %) déclarent une autre origine asiatique, essentiellement japonaise ou chinoise, alors que 6829 (3,5 %) se rangent dans la catégorie fourre-tout regroupant toutes les autres et que 2209 personnes (1,1 %) ont refusé de donner une quelconque appartenance, vraisemblablement en raison d’une mixité ethnique largement répandue dans le melting-pot néo-calédonien [7].

20Bref, les Néo-Calédoniens se reconnaissant officiellement d’origine indonésienne, à quelques exceptions près tous de descendance javanaise [8], constituent donc par le nombre la cinquième communauté du territoire, presque à égalité avec les Tahitiens. Sur ces 5003 personnes, 4291 (85,8 %) sont nées en Nouvelle-Calédonie et 712 (14,2 %) en dehors, dont 662 en Indonésie d’où elles sont pour la majorité arrivées plus récemment pour s’employer à la SLN dans les années soixante-dix ou pour venir épouser un célibataire javanais jusqu’à la date du recensement. Par ailleurs, sur ces mêmes 5003 personnes, 4351 (87 %) habitent dans la Province Sud dominée par le RPCR, dont 2270 (45,3 %) à Nouméa même et 1868 (37,3 %) dans les trois communes périurbaines de la capitale (Mont-Dore, Dumbéa et Païta), seules 6 résidant dans la province des îles Loyauté et 646 (13 %) dans la province Nord, toutes deux dominées par les indépendantistes du FNLKS. En d’autres termes, on peut dire que la population néo-calédonienne d’origine indonésienne est dans son immense majorité devenue urbaine puisque le grand Nouméa accueille 82,6 % de toutes les personnes recensées. Cela est d’autant plus intéressant à souligner que 1454 personnes, soit tout de même plus de 29 % de ce total, sont nées dans la province Nord, dont 423 à Koné, 344 à Hienghène et respectivement plus d’une centaine à Voh, Koumac, Ponérihouen et Touho, où elles ont a priori pour la plupart résidé et travaillé jusqu’aux « événements » des années quatre-vingt. En 1996, il ne restait plus que 276 Calédoniens d’origine indonésienne à Koné, 38 à Koumac, 18 à Ponérihouen et, apparemment, aucun à Hienghène [9]. Pour des raisons essentiellement politiques, il y a donc bien eu un exode rural important et récent des membres de cette communauté vers la principale agglomération urbaine du pays.

21En 1996, les 5003 Néo-Calédoniens d’origine indonésienne se répartissaient en 2475 hommes et 2528 femmes, un déficit masculin relativement faible et commun à pratiquement toute pyramide sexuelle. Toutefois, ce déficit était beaucoup plus marqué pour la classe d’âge des plus de 75 ans puisqu’on y trouvait seulement 94 femmes pour 195 hommes. Cela résulte du fait que la plupart des travailleurs contractuels venus avant la seconde guerre mondiale étaient surtout des hommes, le manque de femmes dans la communauté ayant d’ailleurs fait que beaucoup d’entre eux sont restés célibataires. On comptait d’ailleurs 149 hommes vivant seuls sur le territoire, la vaste majorité ne s’étant jamais mariés, contre 94 femmes dans cette situation, la plupart veuves. À noter aussi que les Indonésiens de moins de 20 ans représentent à peine 25 % du total, contre plus de 30 % pour les Européens, près de 35 % pour les Tahitiens, plus de 43 % pour les Wallisiens et de 47 % pour les Mélanésiens, seuls les Vietnamiens étant en dessous de ce chiffre avec un peu plus de 21 %. A priori, et bien qu’il s’agisse de vérifier la chose en comparant ces chiffres avec ceux du précédent recensement, cela reflète une natalité assez basse et plutôt propre aux classes moyennes urbanisées inscrites dans un mode de vie et de consommation moderne qu’aux familles plus modestes vivant dans un cadre rural traditionnel ou en tribu. D’ailleurs, sur 924 couples d’origine indonésienne recensés, pas loin de 25 % étaient sans enfant, presque 29 % en avaient un seul, plus de 27 % deux et seulement quelque 19 % trois et plus.

22Pour ce qui est des niveaux d’éducation, sur les 4148 Néo-Calédoniens d’origine indonésienne de plus de 14 ans, 28,6 % n’ont aucun diplôme, 11,6 % ont atteint le certificat d’études primaire et 9,8 % le brevet élémentaire du secondaire inférieur, 20,7 % ont obtenu le certificat d’aptitude professionnelle et seulement 9,2 % le baccalauréat, répartis à peu près également entre les filières générale et professionnelle et technique. Sur ces 382 membres de la communauté ayant terminé une éducation secondaire mais n’ayant pas été plus loin, à noter que l’on compte presque deux tiers de femmes, 240 exactement, contre 142 hommes. Si l’on passe à l’éducation supérieure, le bilan est bien sûr encore plus modeste puisque seules 82 personnes ont achevé le premier cycle universitaire et 43 le second, soit respectivement près de 2 % et un peu plus de 1 % du total, dans les deux cas pratiquement à parité entre hommes et femmes. En relevant les mêmes chiffres pour le groupe ethnique avec lequel la comparaison est la plus pertinente, tant sur le plan historique que sous l’angle géoculturel, il est intéressant de constater que les Néo-Calédoniens d’origine vietnamienne obtiennent dans ce domaine des résultats nettement meilleurs puisque presque 6 % des membres de plus de 14 ans de cette communauté ont achevé le premier cycle universitaire et 5,3 % le second, en plus des 15,3 % qui ont obtenu leur baccalauréat [10]. Bref, ces données confirment ce qui a déjà été mentionné précédemment sur la préférence traditionnelle relativement peu marquée jusqu’à tout récemment de la communauté indonésienne pour l’éducation poussée de ses enfants qui s’orientent plutôt vers les filières techniques professionnelles et s’engagent assez tôt dans la vie active, gage d’indépendance financière.

23On en trouve évidemment le reflet dans l’éventail des occupations socioprofessionnelles des membres de la communauté. En effet, sur une population active et occupée de 14 ans et plus qui s’élevait à 2351 personnes lors du recensement, hormis les douze rescapés (0,5 %) qui déclaraient toujours être exploitants agricoles ou assimilés, nettement plus des trois quarts (1825) travaillaient comme simples employés de la fonction publique et des entreprises privées (presque 45 %) ou comme ouvriers dans l’industrie ou le secteur artisanal (juste 33 %). Dans cette dernière catégorie, on comptait d’ailleurs une forte proportion de mécaniciens et de chauffeurs, confirmant la spécialisation des Indonésiens dans le domaine des transports et de l’entretien mécanique. En revanche, seuls 10,7 % étaient employés dans les professions dites intermédiaires (instituteurs, infirmiers, techniciens, contremaîtres, etc.), 9,5 % comme artisans ou commerçants indépendants et un tout petit 1,6 % comme cadres supérieurs (professions libérales, professeurs, ingénieurs, etc.). Une nouvelle fois, la comparaison avec les Vietnamiens est édifiante puisque le pourcentage des membres de la communauté faisant partie de cette dernière catégorie s’élevait à près de 5 %. En 1996, il n’y avait ainsi sur le territoire qu’un seul Indonésien exerçant une profession libérale contre dix Vietnamiens. Compte tenu de leur itinéraire historique, de leurs talents naturels, de leurs préférences professionnelles et de leur investissement relativement faible dans l’éducation supérieure, les Indonésiens sont demeurés en grande majorité jusqu’à tout récemment dans des positions relativement subalternes, même si les choses commencent dorénavant à changer. Ils se sont également concentrés progressivement dans le secteur tertiaire où près de 75 % d’entre eux étaient occupés, contre 15 % dans l’industrie, moins de 9 % dans la construction et à peine 2 % dans l’agriculture.

Profil sociologique et mode d’organisation de la communauté

24Sur la base des données fournies par le recensement de 1996, on voit bien apparaître le profil sociologique moyen des familles néo-calédoniennes d’origine indonésienne. Il s’agit habituellement d’un couple vivant dans le grand Nouméa avec un ou deux enfants et travaillant comme employés de bureau ou ouvriers qualifiés. Plus de 60 % sont propriétaires de leur logement et pratiquement tous jouissent des facilités de la vie moderne, avec un accès direct à l’eau et à l’électricité ainsi que des sanitaires à domicile. La plupart appartiennent donc à une classe moyenne urbaine au niveau de vie matériel relativement aisé. Bien que quelques familles continuent à vivre sur le mode traditionnel regroupant trois ou quatre générations sous le même toit, la vaste majorité consiste en familles nucléaires restreintes aux parents et aux enfants. Par ailleurs, alors que les mariages avec des ressortissants d’autres communautés, surtout des Européens, aient tendance à devenir plus fréquents, l’impression est que les Javanais préfèrent en général toujours continuer à convoler entre eux. La dimension religieuse y est sûrement pour quelque chose puisque la vaste majorité des Indonésiens de Nouvelle-Calédonie sont musulmans, même s’ils ne pratiquent en général pas leur foi de manière très rigoureuse et qu’elle reste souvent teintée, surtout chez les plus vieux, des croyances et pratiques mystiques propres aux abangan du Kejawen, le cœur historique et culturel de Java central, dont ils sont largement originaires [11]. Mais la vie associative y a certainement aussi son rôle. En effet, bien que l’individualisme de la société moderne soit de plus en plus répandu, la communauté est encore organisée en de très nombreuses associations regroupant les gens selon divers critères d’appartenance, résidentiels, confessionnels, générationnels, culturels, politiques ou répondant à des intérêts catégoriels variés. A priori, l’organisation faîtière est l’AINC (Association des Indonésiens de Nouvelle-Calédonie), fondée en 1984 et basée à Nouméa, mais après un bel essor qui a culminé dans les manifestations du Centenaire en 1996, elle semble éprouver du mal à répondre aux intérêts multiples et changeants des membres de la communauté éparpillés sur tout le territoire. C’est ainsi que l’on trouve aussi des associations indonésiennes locales dans les centres de brousse, à Païta, La Foa, Bourail, Koné ou Poindimié et d’autres regroupant les musulmans ou les chrétiens de la communauté, s’occupant du problème des rituels d’enterrements pour les vieux sans famille ou du paiement des retraites aux travailleurs rentrés en Indonésie. Il y a aussi des associations s’occupant des jeunes sportifs, des activités de danse et de musique ou de la sauvegarde de la mémoire des anciens, sans compter les nombreux clubs d’épargne traditionnels connus sous le nom de arisan. On trouve enfin une section des Niaoulis du RPCR. Malgré le fait que chacune de ces associations ait sa vie et ses intérêts propres, elles se rencontrent de temps à autre, pour commémorer l’arrivée du premier contingent de Javanais en Nouvelle-Calédonie, la fête nationale indonésienne ou réunir les anciens pour leur rendre hommage et les jeunes ont l’occasion de s’y rencontrer et de se fréquenter. Cette vie associative n’est toutefois pas exempte de tensions et de conflits où les ambitions personnelles prennent parfois le pas sur l’intérêt collectif. De prime abord, le problème central se situe surtout au niveau d’un clivage entre les associations situées à Nouméa, où l’individualisme progresse à grands pas, et celles qui sont en brousse et restent plus fidèles aux principes d’une certaine solidarité communautaire [12].

La dimension culturelle et linguistique : de la résilience à l’acculturation

25L’un des aspects majeurs de cette recherche porte sur l’étude de l’itinéraire singulier des Javanais de Nouvelle-Calédonie de leur capacité de résilience longtemps basée sur une forte identité culturelle à une lente intégration se teintant d’une acculturation croissante. Minorité exploitée et parfois méprisée du temps de la colonisation, ils ont longtemps serré les rangs et les dents pour survivre face à l’adversité. Coupés de leurs racines, ils se sont organisés pour sauvegarder leurs us et coutumes, ayant parfois recours à des stratagèmes des plus imaginatifs pour y parvenir. Par ailleurs, plutôt que de se révolter comme les Vietnamiens, ils ont choisi « l’arme des faibles [13] », se soumettant en apparence et s’activant en coulisse pour améliorer progressivement leur sort. Quand l’Indonésie a acquis son indépendance, la majorité a toutefois voté avec ses pieds et est rentrée au pays d’origine. Après la guerre, ceux qui ont choisi de rester ont aussi décidé de ne pas ressasser les mauvais souvenirs du passé afin de s’intégrer plus rapidement dans leur nouveau pays et surtout de permettre à leurs enfants d’y devenir des citoyens à part entière. Discrets et entêtés, ils ont ainsi largement fait l’impasse sur leur histoire jusqu’à tout récemment. Cette stratégie a payé ainsi que cela a déjà été évoqué plus haut. Ils ont amélioré petit à petit leurs conditions d’emploi et de vie, puis opté dès qu’ils l’ont pu à partir des années soixante pour la naturalisation française. Il apparaît ainsi que près de 85 % des Néo-Calédoniens d’origine indonésienne avaient déjà la nationalité française de naissance en 1996, alors que 6,4 % l’avaient acquise. Toutefois, les 8,5 % restants, soit 424 personnes, étaient encore de nationalité indonésienne [14]. Cela dit, si le fait d’occulter leur histoire douloureuse leur a vraisemblablement permis de mieux s’intégrer dans la société coloniale néo-calédonienne traditionnelle des années soixante et soixante-dix, ce choix est devenu problématique à partir des années quatre-vingt, quand la révolte identitaire des Kanaks a éclaté et que les Javanais se sont largement vus assimilés aux intérêts des Caldoches. Depuis les accords de Matignon de 1988 et les perspectives ouvertes pour l’avenir, beaucoup ont commencé à réaliser que leur place dans cette société multiculturelle dépendait largement de leur capacité à parler plus fort et à défendre leurs intérêts face aux autres communautés. En d’autres termes, une meilleure intégration dans la Nouvelle- Calédonie de demain passait désormais par une revendication plus affirmée de leur identité. Dans ce nouveau contexte, le silence sur l’histoire devenait un obstacle car le meilleur moyen d’être reconnu des autres est bien de se connaître en premier lieu soi-même.

26Il n’est toutefois jamais aisé d’être écartelé entre l’exigence de s’intégrer et la nécessité d’affirmer son identité. C’est ainsi qu’au niveau de la langue, par exemple, les choses sont quelque peu compliquées. Les vieux qui sont venus sous contrat avant guerre ont continué à parler le javanais populaire (ngoko) de leurs origines et ce dernier a évolué localement au point qu’ils ont parfois du mal à se faire comprendre quand ils visitent Java [Roosnan, 1971]. Par ailleurs, ils ne parlent évidemment pas le javanais raffiné (kromo) et cela leur pose parfois problème dans leurs rapports avec les diplomates du consulat général à Nouméa, ce d’autant qu’ils n’ont pour la plupart pas appris le bahasa indonesia. Enfin, ils n’ont souvent pas appris à parler correctement le français et le langage qu’ils ont acquis sur le tas, dans les champs et les chantiers, n’est pas toujours facile à comprendre pour les autres Néo-Calédoniens. Ainsi, en 1996, parmi la population de 14 ans et plus, près d’une centaine de personnes n’avaient toujours aucune connaissance du français, les deux tiers étant âgés de plus de 60 ans. En revanche, tous les niaoulis ayant bénéficié d’une scolarisation, même succincte, parlent bien français. Le problème est que la majorité d’entre eux ne parlent plus et comprennent même de moins en moins le javanais de leurs parents et grands-parents. La communication entre les générations en est rendue plus difficile : les vieux parlent seulement le javanais et mal le français alors que les jeunes ne parlent que la langue de Molière et ne comprennent plus celle de leurs ancêtres, seule une catégorie intermédiaire de quadras et de quinquagénaires élevés de manière traditionnelle mais scolarisés dans le système d’éducation nationale étant toujours à même d’assurer le pont entre les deux. Ce même clivage se retrouve au niveau culturel. En règle générale et malgré de nombreuses exceptions encourageantes, la plupart des adolescents d’origine javanaise sont en effet peu préoccupés ni même vraiment intéressés par leurs origines et n’aspirent qu’à se fondre dans le melting-pot multiculturel néo-calédonien. Au contraire, leurs grands-parents et nombre de leurs parents, tout en se sentant citoyens français néo-calédoniens à part entière, continuent à être très attachés à la culture javanaise et tentent de faire ce qui est possible pour la sauvegarder. En dépit du fait qu’elle ait jusqu’à présent tant bien que mal réussi à le faire en s’adap- tant aux conditions locales, tant sur le plan religieux et linguistique que culinaire ou artistique, la communauté javanaise de Nouvelle-Calédonie est donc actuellement confrontée à un réel dilemme.

La lente prise de responsabilité dans la vie politique locale

27Autant les Javanais de Nouvelle-Calédonie restés sur place après la guerre ont petit à petit réussi à améliorer leurs conditions de vie socioéconomique, autant ils se sont jusqu’à tout récemment peu impliqués dans la vie politique du territoire. Dans un premier temps, cela s’expliquait par le fait que le système politique, entièrement dominé par les Caldoches, ne laissant guère de place aux autres communautés, les Javanais partageaient encore largement une mentalité d’immigrés et la nécessaire discrétion qui l’accompagne et ils n’avaient pas encore la nationalité française. Toutefois, à partir des années soixante et soixante-dix, quand les autres communautés ont commencé à revendiquer leur place sur l’échiquier politique calédonien, ils ont continué à briller par leur absentéisme. Il est vrai que le fait de pratiquer le « pour vivre heureux, vivons cachés » est un trait caractéristique de la « mentalité javanaise » qui croit aussi fermement aux vertus du « lentement mais sûrement ». Alors que la vie associative se développait fortement au sein de la communauté dans les années soixante-dix et quatre-vingt, sa participation à la res publica restait inexistante. Peut-être que cette abstention durable procédait de la volonté de ne pas prendre parti dans le conflit de plus en plus dur qui opposait les Kanaks aux Caldoches. En effet, les Javanais, s’ils pouvaient certainement entretenir de la rancœur envers les seconds, dont ils avaient longtemps subi l’exploitation et la violence, n’avaient a priori rien à reprocher aux premiers, avec lesquels ils s’étaient toujours relativement bien entendus, notamment dans les grandes vallées de la côte orientale où ils vivaient en symbiose avec les tribus mélanésiennes. Certes, leur lente ascension sociale et leur urbanisation croissante les ont rapprochés des Caldoches, mais c’est surtout le fait qu’ils aient été rejetés par les Kanaks dans le camp du colonialisme et de l’occupant lors des événements de 1984-1985 qui semble avoir été déterminant dans leur prise de position et de conscience politique. À dater de là, ils vont commencer à timidement briguer et occuper des places de conseillers dans les municipalités dominées par le RPCR auquel ils adhèrent en majorité [15]. Tout cela a certainement joué aussi un rôle dans la mobilisation de la communauté pour commémorer avec éclat le centenaire de son arrivée sur le territoire. Il fallait faire en la matière aussi bien sinon mieux que les Vietnamiens, arrivés une poignée d’années plus tôt, qui les avaient également précédés en politique. De fait, cette commémoration de 1996, magnifiquement organisée, eut un très grand retentissement et marqua certainement un tournant dans la vie publique de la communauté. Depuis lors, malgré le fait qu’il ait été difficile de maintenir une telle dynamique, les Javanais montrent une tendance à vouloir mieux affirmer leur place sur l’échiquier politique. C’est ainsi que, pour la première fois, une Javanaise a récemment été élue et réélue comme représentante du RPCR à l’assemblée de la province Sud où elle s’est vu confier des responsabilités exécutives.

Les relations intergénérationnelles et les problèmes de cohésion interne

28Comme cela a déjà été évoqué plus haut, sous des dehors de cohésion et de solidarité, la vie de la communauté javanaise de Nouvelle-Calédonie n’est pas exempte de problèmes ni de conflits internes. Outre les différences de perception et les difficultés de communication entre les générations, on trouve aussi un clivage très net dans les sensibilités et les attitudes entre la majorité urbanisée et la minorité résidant en brousse ainsi que des divergences de points de vue politiques ou religieux. Vu l’engagement assez unanime de la communauté derrière le RPCR, les premiers relèvent surtout des conflits internes entre les chefs des différentes factions et tendances clientélistes du mouvement auxquels se sont ralliés les gens. En revanche, le mouvement missionnaire islamique du dakwah, qui tente notamment de réislamiser de manière orthodoxe les Javanais dont les pratiques religieuses sont plus proches du syncrétisme religieux des abangan, sème pas mal de troubles au sein de la communauté. Par ailleurs, en y regardant de plus près, on peut également mettre en évidence que la quête d’harmonie qui est propre à l’idéal culturel javanais n’a pas toujours été réalisée au sein de la communauté. Dans le passé, des conflits très durs semblent avoir opposé les hommes pour la conquête de compagnes en nombre particulièrement restreint. Malgré leur attitude en général très pacifique, certains Javanais n’ont pas évité non plus la délinquance et la violence, les amenant parfois à un amok meurtrier, sept d’entre eux ayant même fini sur l’échafaud au cours de l’histoire. Aujourd’hui, les problèmes majeurs relèvent plutôt de l’individualisme croissant qui lézarde la solidarité communautaire de façade, des petites jalousies réciproques propres à toute communauté et, parfois, des conflits de personnes liés aux ambitions de certains de ses membres ou à la perception faussée de leurs actions et comportements. Globalement, il est certain que la cohésion interne du groupe a tendance à s’éroder au gré des mariages mixtes plus nombreux et de la perte croissante d’identité des jeunes.

La perception externe des autres communautés néo-calédoniennes

29Ainsi que cela a été mentionné précédemment, les Javanais jouissent d’une réputation sans égale auprès des autres communautés ethnoculturelles du territoire (Kanaks, Caldoches, Z’oreilles métropolitains, Wallisiens, Tahitiens, Vanuatais, Vietnamiens, Japonais, etc.). Toutes, et notamment celles qui s’opposent violemment comme les Caldoches et les Kanaks, tombent d’accord pour dire que les Javanais sont les meilleurs des Néo-Calédoniens. Travailleurs, discrets, calmes et peu vindicatifs, ils sont unanimement appréciés, du chauffeur de taxi caldoche rencontré à l’occasion, qui ne fait pas mystère de son racisme à l’égard des Mélanésiens, au militant kanak indépendantiste, qui évoque dans la conversation le jour où l’on se débarrassera de tous les Blancs. Cette image est néanmoins à double tranchant car elle les a également confinés dans le rôle marginal, effacé et soumis qui a longtemps été le leur. D’un autre côté, bien que regrettant leur propension à la division, les Javanais ont aussi parfaitement conscience de leur valeur et de leurs mérites, la réserve observée pouvant parfois recouvrir une certaine fausse modestie. Ils ont en tous les cas une opinion assez claire des autres communautés. Pour ce qui est des Caldoches, ils les considèrent souvent comme peu raffinés et, malgré les nombreux mariages mixtes contractés avec eux et le fait que « l’eau a coulé sous les ponts », beaucoup se souviennent toujours, sans véritable rancune mais avec une réelle acuité, du racisme des paroles exprimées et des mauvais traitements reçus. En ce qui concerne les Kanaks, ils estiment en général que ce sont des enfants gâtés, obtenant aujourd’hui sans beaucoup se fatiguer les avantages qu’ils ont dû pour leur part conquérir à travers un labeur acharné, et trouvent que le système de discrimination positive mis en place pour faciliter leur développement n’est à cet égard pas vraiment des plus équitables. Enfin, ils entretiennent une certaine admiration envers les Vietnamiens, plus prospères et mieux organisés qu’eux, apprécient les Tahitiens pour savoir allier l’ardeur à la tâche au sens de la « bringue », et sont comme tout le monde un peu condescendants vis-à-vis des Wallisiens, qui constituent le gros d’un prolétariat non qualifié dont la tendance à consommer trop d’alcool entretient la violence. En revanche, comme tous les NéoCalédoniens natifs du territoire, ils regardent avec beaucoup de méfiance les Z’oreilles venus de métropole pour prendre les meilleures places disponibles et donner avec arrogance des leçons aux gens nés dans le pays.

Les liens avec le pays d’origine

30En dehors des trois années qu’a durées l’occupation japonaise de Java de 1942 à 1945, les liens de la communauté javanaise de Nouvelle-Calédonie avec l’Indonésie n’ont jamais été interrompus, malgré la distance et les difficultés. Entre 1947 et 1949, en pleine guerre d’indépendance, les Javanais du Caillou se sont même organisés pour faire parvenir des cotisations financières substantielles au gouvernement nationaliste en lutte contre les Hollandais. À partir de 1951, les relations avec le pays d’origine se sont renforcées grâce à l’ouverture du consulat général d’Indonésie à Nouméa. Depuis lors, ce dernier continue à veiller aux intérêts de ses nationaux, malgré leur nombre décroissant, et à assurer une certaine animation culturelle et religieuse au bénéfice de toute la communauté d’origine indonésienne du territoire. Les associations ont elles aussi largement contribué à maintenir ces liens, notamment l’ATRI, créée en 1970 pour veiller à ce que les anciens travailleurs javanais rentrés au pays touchent leur retraite. Depuis lors, les postes consulaires français à Java veillent à ce qu’ils bénéficient de leurs droits jusqu’à ce qu’ils décèdent. Ces liens sont aussi un peu le fait de l’Association des anciens de Nouvelle-Calédonie (IKBKB), créée à Jakarta en 1988, mais surtout depuis quelques années des Néo-Calédoniens d’origine javanaise qui ont les moyens de se rendre plus ou moins régulièrement en Indonésie où ils ont conservé ou réétabli des relations avec leurs familles à Java et Sumatra. Cela donne évidemment lieu à des transferts financiers et même à des investissements. Plusieurs d’entre eux ont ainsi acquis une résidence secondaire au pays d’origine. On ressent toutefois une certaine gêne chez nombre de niaoulis à être considérés par leur parentèle indonésienne comme des « tontons d’Amérique », forcément contraints à prodiguer leur générosité, ainsi qu’un malaise chez les plus jeunes quand ils découvrent les conditions de vie beaucoup plus modestes de leurs cousins et la grande pauvreté de Java.

31*

32Il est évidemment difficile de conclure un article dont la seconde partie n’est que l’esquisse d’un projet de recherche en cours. Soulignons toutefois que la problématique de ce dernier revêt une dimension sociopsychologique assez fondamentale apparue en filigrane au fil de ces pages. En effet, comme on l’a vu, la communauté javanaise de Nouvelle-Calédonie est sans conteste la plus unanimement appréciée par toutes les autres qui coexistent tant bien que mal dans le melting-pot multiculturel du territoire. Partout, ce ne sont que louanges à son égard pour son ardeur au travail, sa discrétion et sa gentillesse. Cette image flatteuse parfaitement fondée est aussi à double tranchant car elle résulte largement de la capacité infinie qu’ont eue les Javanais à supporter les pires avanies de la part des colons sans jamais se plaindre et encore moins se révolter, comme le firent par exemple les immigrés vietnamiens dès les années trente. Et c’est précisément cette volonté de passer inaperçue et de ne pas faire de vagues qui explique pourquoi cette communauté a jusqu’à tout récemment plutôt préféré occulter son histoire. Il est vrai que cette dernière fut particulièrement tragique et se résume au fait peu banal d’avoir été, en un siècle, successivement victime de part et d’autre de la chaîne migratoire des deux systèmes de colonisation hollandais et français qui l’ont exploitée de manière éhontée pour mettre en œuvre des stratégies de développement basées sur l’extraction sauvage des ressources naturelles et l’utilisation peu scrupuleuse d’une main-d’œuvre bon marché. Ce modèle de développement éminemment insoutenable était d’ailleurs voué à l’échec et s’est soldé par la révolte des nationalistes indonésiens de 1919 à 1949 et la crise profonde de la société néo-calédonienne vers le milieu des années quatre-vingt. Mais cette amnésie volontaire des Javanais procédait apparemment d’un désir louable des anciens de ne pas remuer les mauvaises choses du passé afin de faciliter le processus d’intégration des générations plus jeunes.

33Or, les choses se présentent différemment aujourd’hui. D’une part, la communauté javanaise n’a plus la cohésion qui a pu être la sienne jadis, quand l’adversité impliquait de se serrer les coudes. Les anciens, qui ont la mémoire du passé, disparaissent les uns après les autres et la majorité des jeunes, dont l’identité culturelle s’est largement diluée dans la société multiculturelle néo-calédonienne et qui ne parlent en général plus le javanais, ne semblent pour l’instant plus guère intéressés par leurs racines, sauf exception. D’autre part, la communauté néo-calédonienne d’origine indonésienne est arrivée au point où son intégration économique et sociale réussie l’amène à jouer depuis peu un rôle politique sur la scène locale d’un territoire traumatisé par les violences du milieu des années quatre-vingt et dont l’avenir est incertain. Pour occuper toute la place qui lui revient dans la Nouvelle-Calédonie de demain, elle doit réaffirmer clairement son identité comme une des communautés spécifiques qui en ont fait et devraient continuer à en faire la richesse. Cela passe par le fait qu’elle se réapproprie son histoire, avec ses instants de bonheur mais aussi ses longues phases douloureuses, la restitue à ses jeunes et la fasse connaître aux autres communautés néo-calédoniennes. En d’autres termes, il est temps qu’elle affiche la volonté immodeste et contraire à ses valeurs de vouloir se connaître elle-même pour mieux se faire reconnaître des autres. Connaissance de soi et reconnaissance des autres vont en effet de pair et sont un gage de meilleure entente et de paix dans une société multiculturelle de ce type. Le projet de recherche en cours arrive peut-être au bon moment pour l’y aider. En éclairant le passé, sa réalisation devrait permettre de rendre hommage au sacrifice des anciens et de mieux préparer les jeunes, qui tôt ou tard seront confrontés à la question de leur identité, à faire face à leurs devoirs et responsabilités dans la Nouvelle-Calédonie du xxie siècle.

Annexe

Les Javanais de Nouvelle-Calédonie, bilan synthétique des arrivées et des départs de 1896 à 1955

Tableau 1
Personnes et bateaux Arrivées Périodisation des arrivées Hommes Nombre de personnes Total Nombre de bateaux Femmes Enfants 1896-1929 11272 58 -1896-1909 1265 5 -1911-1919 2283 37 -1922-1929 5485 2103 136 7724 16 1933-1939 5756 1953 35 7744 28 1949 329 121 44 494 1 Total 19510 87
Tableau 2
Personnes et bateaux Départs Périodisation des arrivées Hommes Nombre de personnes Total Nombre de bateaux Femmes Enfants 1902-1919 1507 113 -1902 76 1 -1907-1919 1431 112 1921-1941 6297 33 1948-1955 3474 1308 1876 6658 6 1902-1955 14462 152

Les Javanais de Nouvelle-Calédonie, bilan synthétique des arrivées et des départs de 1896 à 1955

Notes

  • [*]
    Professeur et directeur, Institut universitaire d’études du développement, Genève.
  • [1]
    C’est l’objectif d’un projet de recherche en cours qui, lancé en août 1999, devrait être achevé d’ici 2004. Il vise la rédaction d’un ouvrage de sociologie historique que la communauté javanaise de Nouvelle-Calédonie n’avait pas pu réaliser en 1996 pour marquer le centenaire de l’arrivée du premier contingent de travailleurs javanais sur le territoire. Divers chercheurs javanais de Nouvelle-Calédonie sont associés à ce projet, leurs travaux sont cités dans la bibliographie.
  • [2]
    Voir le détail des arrivées et des départs entre 1896 et 1955 dans le tableau récapitulatif fourni en annexe.
  • [3]
    Spécialiste de l’Indonésie et non pas de la Nouvelle-Calédonie, l’auteur a trouvé utile de pouvoir vérifier un certain nombre de données historiques et socioéconomiques dans l’excellent petit ouvrage coordonné par Frédéric Angleviel qui figure dans la bibliographie.
  • [4]
    Certains pensent que cette appellation fait simplement référence à la capacité de résistance et d’adaptation des Javanais, aussi grande que celle du niaouli, espèce d’eucalyptus appartenant à la famille des myrtacées et arbre endémique et emblématique de la Nouvelle-Calédonie. D’autres disent que cette appellation leur a été donnée du fait que les mères javanaises employées à la culture du café avaient l’habitude d’accrocher le sarong dans lequel elles portaient leurs bébés aux branches des niaoulis pendant leur travail afin qu’ils ne soient pas importunés par les animaux et autres insectes.
  • [5]
    Contrairement aux précédents paragraphes, qui s’appuient sur des travaux historiques existants, les deux derniers paragraphes de cette première partie et toute la seconde sont entièrement basés sur l’exploitation des informations collectées lors des enquêtes sur le terrain en Nouvelle-Calédonie et en Indonésie ainsi que sur l’analyse de certaines données statistiques de nature socioéconomique.
  • [6]
    Cette seconde partie étant basée sur le travail de recherche en cours, on se contentera donc à ce stade de fournir des observations et réflexions préliminaires plus ou moins développées selon les aspects traités. La structuration proposée est cependant celle qui est envisagée pour l’ouvrage qui résultera finalement de cette recherche collective.
  • [7]
    En fait, ce métissage est probablement aussi la cause d’une forte sous-estimation du nombre de Néo-Calédoniens ayant une origine indonésienne car beaucoup parmi eux, notamment les nombreuses Javanaises ayant épousé des Européens, ont été classés ainsi que leurs enfants dans cette catégorie en raison de leur nom de famille français. Certains estiment que les Néo-Calédoniens ayant une origine indonésienne partielle pourraient être deux fois plus nombreux que le chiffre officiel sorti du recensement.
  • [8]
    Il y a en effet, au sein de la communauté des Néo-Calédoniens d’origine indonésienne fixée anciennement sur le territoire, une petite minorité de personnes qui se disent Sundanais, le groupe ethnico-linguistique différent des Javanais qui peuple la majeure partie de Java ouest. Par ailleurs, on compte aussi, parmi les Indonésiens arrivés plus tardivement, quelques Balinais et au moins un Batak (Sumatra nord).
  • [9]
    Nous disons apparemment car, lors de nos enquêtes de septembre 2001, nous avons trouvé encore quatre familles ayant une origine javanaise à Hienghène, dont la plus nombreuse comptait dans ses rangs la doyenne d’âge de la communauté qui approchait alors de ses 100 ans. Cette erreur de recensement relève sûrement en bonne partie du type de problème évoqué à la note précédente.
  • [10]
    Il faut rappeler à cet égard que les Vietnamiens de Nouvelle-Calédonie ont largement investi le secteur du commerce où ils ont acquis en moyenne une beaucoup plus grande prospérité que les Javanais.
  • [11]
    Depuis les travaux précurseurs de Clifford Geertz [1960], on distingue traditionnellement à Java deux courants dans l’islam, celui des Santri, qui pratiquent leur religion musulmane de manière rigoureuse selon les préceptes du Coran, et celui des Abangan, chez qui cette dernière est teintée de croyances et pratiques mystiques préislamiques.
  • [12]
    La recherche en cours s’efforcera bien sûr de clarifier les choses à cet égard, mais le mémoire de DEA que doit achever Fidayanti Mulyono-Larue à l’Inalco de Paris devrait aussi permettre d’apporter un meilleur éclairage sur les divers aspects de cette vie associative.
  • [13]
    Expression empruntée au superbe essai de James Scott [1985], Weapons of the Weak, Everyday Forms of Peasant Resistance, New Haven, Yale University Press, 389 p.
  • [14]
    À noter que ce sont plus de 20 % des Néo-Calédoniens d’origine vietnamienne qui ont conservé leur nationalité d’origine. Contrairement aux Indonésiens, ils ne bénéficient cependant pas de la présence d’un consulat général à Nouméa.
  • [15]
    On trouve toutefois aussi quelques conseillers municipaux FNLKS d’origine javanaise dans certaines communes de la province Nord dominée par les indépendantistes, notamment à Hienghène.
Français

Résumé

Entre 1896 et 1949, près de 20000 Javanais sont venus de leur île surpeuplée s’employer comme travailleurs sous contrat dans une Nouvelle-Calédonie avide de main-d’œuvre. La plupart sont rentrés au pays d’origine, mais beaucoup sont restés et ont fait souche sur un territoire au développement duquel ils ont fortement contribué. En 1996, les NéoCalédoniens d’origine indonésienne étaient au nombre de 5000, soit 2,5 % de la population locale. Toutefois, leur histoire et leur rôle sont encore relativement méconnus. Cet article est le résultat d’un projet de recherche en cours qui doit déboucher, d’ici 2004, sur la publication d’un ouvrage de sociologie historique sur les Javanais du Caillou. La première partie présente une histoire condensée des Javanais de Nouvelle-Calédonie, des causes de leur exil aux conditions de leur intégration. La seconde constitue un essai de sociologie succincte des Néo-Calédoniens d’origine indonésienne sur la base des données disponibles et des enquêtes de terrain déjà effectuées.

Mots-clés

  • communauté
  • développement
  • exploitation coloniale
  • identité intégration
  • liens avec le pays d’origine
  • Melting-pot
  • multiculturel
  • migration
  • problèmes entre générations
  • relations interethniques

Bibliographie

  • Adi C. [1998], Les Travailleurs javanais sous contrat en Nouvelle-Calédonie de 1896 à 1955, Besançon, université de Franche-Comté, mémoire de maîtrise en histoire, 196 p.
  • Angleviel F. (éd.) [1997], L’Histoire de la Nouvelle-Calédonie, Nouméa, Ile de lumière, coll. 101 mots pour comprendre, publications du groupe de recherche en histoire océanienne contemporaine, 225 p.
  • Boomgaard P. [1989], Children of the Colonial State, Population, Growth and Economie Development in Java, 1795-1880, Amsterdam, Free University Press, 247 p.
  • Bosschart G. [1975], « Les Javanais de Nouvelle-Calédonie en 1920 », Bulletin de la Société d’études historiques de Nouvelle-Calédonie, 24 : 41-54.
  • Boyer S., Armand-Devambez V. [1994], La Main-d’œuvre immigrée asiatique sous contrat en Nouvelle-Calédonie, Nouméa, Service territorial des archives de Nouvelle-Calédonie, coll. Documents et Commentaires, 17 p.
  • Brou B. [1980], « Peuplement et population de la Nouvelle-Calédonie : la société moderne », Nouméa, Publications de la Société d’études historiques de Nouvelle-Calédonie, 23, 111 p.
  • Cormier M. [1993], « La colonisation pénale », Nouméa, CTRDP, Points d’histoire, 8, 79 p.
  • de Deckker P. (éd.) [1994], Le Peuplement du Pacifique et de la Nouvelle-Calédonie au xixe siècle. Condamnés, colons, convicts, coolies, chân dang, Paris, L’Harmattan, 431 p.
  • de Wall Malefijtt A. [1963], The Javanese of Surinam, Segment of a Plural Society, Assen, Van Gorcum à Comp. N.V., 206 p.
  • Dewey A. [1964], « The Noumea Javanese : a Urban Community in the South Pacific », South Pacific Bulletin, October : 18-26.
  • Geertz C. [1960], The Religion of Java, Chicago and London, University of Chicago Press, 395 p.
  • Institut territorial de la statistique et des études économiques [1997], Recensement de la population de la Nouvelle-Calédonie 1996, Nouméa, ITSEE, 240 p.
  • Kobayashi T. [1992], « Les Japonais en Nouvelle-Calédonie », Nouméa, Publications de la Société d’études historiques de Nouvelle-Calédonie, 48, 174 p.
  • Koentjaraningrat [1985], Javanese Culture, Singapore, Oxford University Press, 550 p.
  • Maurer J.-L. [1991], « Croissance de la population et production vivrière à Java », in F. Gendreau, C. Meillassoux, B. Schlemmer, M. Verlet, Les Spectres de Malthus, Paris, Orstom : 349-372.
  • Merle I. [1995], Expériences coloniales : la Nouvelle-Calédonie 1853-1920, Paris, Belin, 478 p.
  • Muljono-Laruf. F. [1995], « L’immigration javanaise en Nouvelle-Calédonie de 1986 à 1950 », Nouméa, CTRDP-AINC, Points d’histoire, 10, mémoire de DEA de l’Inalco-Paris, 118 p.
  • Moret J. [1974], « Les Asiatiques en Nouvelle-Calédonie », Bulletin de la Société d’études historiques de Nouvelle-Calédonie, 19 : 1-17.
  • Roosnan R. [1971], « The Javanese Immigrant Community in New Caledonia, a Preliminary Survey », Te Reo, 14 : 63-73.
  • Suparlan P. [1995], The Javanese in Suriname, Ethnicity in an Ethnically Plural Society, Phoenix, Arizona State University, Program for Southeast Asian Studies, 289 p.
  • Vanmai J. [1980], « « Chân Dang » : les Tonkinois de Calédonie au temps colonial », Nouméa, Publications de la Société d’études historiques de Nouvelle-Calédonie, 24, 387 p.
Jean-Luc Maurer [*]
  • [*]
    Professeur et directeur, Institut universitaire d’études du développement, Genève.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2012
https://doi.org/10.3917/autr.022.0067
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...