CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les lois de décentralisation, mises en place dès le début des années quatre-vingt, en Côte d’Ivoire, dans un contexte de crise économique, ont modifié les arbitrages entre les acteurs des secteurs public et privé, impliqués dans la production et la gestion de services urbains marchands. Dorénavant, la place marchande d’Abidjan se construit, pour l’essentiel, à l’initiative d’opérateurs privés. Tout récemment, la construction et la gestion des grands marchés de la capitale économique, équipements jusqu’ici de première importance à la fois dans l’approvisionnement des citadins, dans les recettes municipales directes et dans la construction de l’armature urbaine, ont été confiées à des sociétés d’aménagement privées, selon des procédures de délégation diverses – système coopératif, système coutumier, système Build Operate and Transfer (BOT) (cf. infra, p. 88)... C’est ainsi que sur les 45 nouveaux marchés construits à Abidjan entre 1988 et 2000, plus de la moitié se trouve gérée par un entrepreneur privé [Poyau, 2000]. Ces équipements prennent des formes plurielles : si les allocodromes regroupent moins d’une centaine de vendeuses de bananes plantain frites à l’heure des repas, d’autres, dont la construction se chiffre par milliards de francs CFA et qui sont supposés accueillir plus de 10 000 marchands et 50 000 consommateurs par jour, prennent l’allure de centres commerciaux intégrant une large palette de services.

2Au-delà d’un réajustement des acteurs en présence, la privatisation des marchés de la ville donne-t-elle à voir de nouveaux principes d’organisation ou bien met-elle en danger les principes d’accessibilité et d’équité tant pour les consommateurs que pour les commerçants ? Forts de ces nouveaux alliés que constituent les promoteurs privés, les maires perdent-ils de vue leur fonction de régulateur et de gestionnaire au profit d’intérêts particuliers ? Ou bien contribuent-ils, en la circonstance, à la mise en place d’autres arbitrages continuant de faire de l’Etat l’un des garants parmi d’autres du bien public ? Dans une perspective diachronique, il s’agira d’abord d’apprécier les différents modèles qui ont influencé la programmation des marchés en Côte d’Ivoire de manière à mieux comprendre les enjeux du dispositif actuel. Ensuite, les modalités de contractualisation ainsi que les rapports entre les différents partenaires seront analysés dans le cadre du système de délégation BOT. Dans un troisième temps, les premiers effets sociospatiaux de la privatisation seront déclinés, renseignant sur les nouveaux principes d’organisation de la capitale économique ivoirienne.

Le marché ivoirien au fil du temps

Le marché standard des années fastes : un modèle conçu par des aménageurs français pour un État centralisateur

3Si la trame des marchés est ancienne en Côte d’Ivoire, la colonisation a largement contribué au déclin des marchés d’étapes ou de courtage initiés par les commerçants dioula ou gouro [Meillassoux, 1964] et à la transformation des places marchandes frontalières installées en lisière du Ghana et de Guinée. Construites à l’initiative des marchands, ces formes commerciales, qui reposaient sur des échanges interafricains, ont été remplacées par des structures permanentes, imposées par le colonisateur dans chaque nouveau poste conquis et cette nouvelle organisation a survécu à la décolonisation.

4Architectes ou ingénieurs formés dans des écoles françaises, les aménageurs convoqués, au lendemain de l’indépendance, par la puissance publique ivoirienne mettent en pratique leurs convictions : la forme doit induire l’organisation et les pratiques ; elle doit imposer sa loi, ses règles et générer l’ordre auprès de la communauté des marchands ainsi qu’une productivité accrue. Monumentalité, centralité et sobriété, tels semblent être les critères retenus pour la définition fonctionnelle du marché. Dorénavant attributs de la modernité, ces nouveaux bâtiments inscrits dans la verticalité doivent remplacer les installations précaires, spontanées, étalées dans les rues jonchées de déchets qui sont considérées comme des facteurs de désordre et de dégradation de l’environnement.

5« Structurants », ces équipements n’ont pas été conçus pour être modulables, évolutifs au gré des besoins des occupants mais bien pour renforcer, valoriser de manière pérenne l’image urbaine. La séparation des activités et des fonctions procède d’une même volonté d’ordonnancement et d’assainissement du négoce. L’heure est à la rationalisation et à l’hygiénisme. Il s’agit de regrouper les commerçants en un même lieu et selon leurs spécialités pour mieux les visibiliser et les taxer.

6C’est l’époque où l’État ivoirien met en œuvre des études de planification et prend en charge la construction des marchés sur ses fonds propres notamment à l’occasion des fêtes tournantes de l’indépendance. Dès la fin des années soixante-dix, il s’efforce de réformer et de rationaliser les systèmes de distribution en créant des sociétés d’État, cherchant à encadrer et à soutenir le secteur privé [Bredeloup, 1989]. Par ailleurs, il reprend à son compte les préceptes urbanistiques de rééquilibrage de l’armature commerciale s’inspirant eux-mêmes des modèles mathématiques de Christaller et de Lösch. Il s’agit de promouvoir la régularité dans la distribution spatiale des marchés et de prôner l’aménagement hiérarchisé de places centrales et secondaires pour éviter de trop grandes concentrations dans les mêmes lieux. C’est dans ce contexte qu’ont été programmées les halles de la ville d’Abidjan, projet de marché de gros considéré comme le dernier maillon d’un réseau de marchés intégrant des centres de collectes et des marchés de gros des villes de l’intérieur [1].

7Au milieu des années soixante-dix, la ville d’Abidjan comptabilise 27 marchés de détail employant 31410 commerçants spécialisés par produits [ministère du Plan, 1976] pour une population totale de 917728 habitants [RGPH, 1975], soit un vendeur pour 30 habitants. Mais ces marchés sont inégalement répartis sur le territoire métropolitain. Si les dix quartiers d’Abidjan disposent chacun d’un marché central, Adjamé concentre un marché sur quatre et près d’un commerçant sur trois. Le grand marché d’Adjamé est aussi le seul à accueillir plus de 4000 marchands. De fait, dans les quartiers centraux les plus anciennement créés et les plus densément peuplés (Adjamé et Treichville), les marchés sont plus nombreux et plus importants que dans les quartiers périphériques en construction (Abobo, Cocody) ; leur rayonnement est aussi plus fort.

Le marché, objet de l’aide publique au développement à l’heure de la décentralisation

8À la fin des années quatre-vingt, le nombre de marchés a quasiment triplé à Abidjan alors que le nombre de commerçants a doublé. La décennie quatre-vingt a coïncidé avec la mise en chantier des grands marchés de Port-Bouët, de Belleville à Treichville, de Yopougon et de Marcory. Ce furent les derniers investissements importants de l’État ivoirien dans la construction de services marchands dans la capitale économique. Par ailleurs, dans la perspective de désengorger les marchés centraux trop souvent saturés, les jeunes municipalités ont fait appel à des fonds extérieurs pour s’équiper en marchés de plus petite capacité ou marchés secondaires. Certains de ces marchés ont été programmés dans le cadre d’opérations immobilières intégrées conduites par des sociétés d’État. Les collectivités territoriales ont procédé également à l’officialisation des marchés spontanés ou spécialisés créés à l’initiative des commerçants sur des terrains publics. Localisées le plus souvent dans les zones d’extension, au carrefour des voies de circulation et à proximité de gares, toutes ces places secondaires ont pour fonction principale d’approvisionner en produits de première nécessité les populations des quartiers périphériques à faible mobilité.

9Pourtant, ces tentatives de rééquilibrage par l’implantation régulière d’infrastructures commerciales dans l’ensemble de la ville sont devenues de plus en plus rares au plus fort de la crise économique d’autant que la faiblesse des budgets municipaux ne favorise en rien la promotion d’équipements marchands publics. En dépit de sa volonté affichée de vouloir confier le pouvoir budgétaire aux collectivités territoriales, l’État ivoirien conserve en effet une tutelle de fait sur la fiscalité locale. Les taxes, directement collectées par la municipalité, contribuent seulement entre 10 et 30% aux recettes budgétaires totales [2].

10Dans ce contexte, les actions de valorisation conduites par les municipalités se limitent de plus en plus à l’entretien des équipements existants, plus rarement à une extension du bâti. Nombreuses sont les emprises, réservées à des marchés, qui n’ont pas été mises en valeur à défaut de subsides. Quant à la gestion des marchés publics, qui comprend, outre l’attribution des espaces marchands, la taxation des commerçants, la sécurité des usagers et des marchandises, la salubrité des lieux, l’entretien des voies de communication et la réglementation de la circulation, elle s’avère de plus en plus difficile à assumer, faute de moyens humains et financiers suffisants.

11Dans les conclusions de l’étude de 1989 mandatée par la Direction centrale des grands travaux (DCGTX) et portant sur les 78 marchés répertoriés à Abidjan [DCGTX, 1989], les auteurs insistaient sur la nécessité « d’accroître le volume des taxes à percevoir ». Les marchés y sont présentés « comme de véritables usines à produire des taxes municipales ». La régularité des collectes et le transfert réel au budget municipal sont des enjeux importants pour l’élaboration des programmes d’investissement. La régie directe semblait être remise en question comme pratique de gestion. Il était en effet recommandé de faire appel à un opérateur privé à la fois pour gérer localement la collecte de taxes, pour organiser l’utilisation optimale du marché, pour y maintenir ou y améliorer l’accessibilité et pour jouer le rôle d’interlocuteur direct des commerçants au profit de la municipalité. Dans ce nouveau dispositif proposé par les aménageurs de la DCGTX, les commerçants apparaissent comme des acteurs économiques respectés et reconnus sans doute au regard de la potentialité financière qu’ils représentent. Il est même proposé de prendre en compte « le vœu, souvent exprimé, de participation effective des commerçants à la gestion de leur espace collectif de travail », directement ou par l’intermédiaire de groupes corporatifs. Ils sont enfin considérés comme interlocuteurs potentiels détenteurs d’une compétence, d’un savoir-faire. Les techniciens chargés du dossier insistent sur la nécessité et l’urgence d’améliorer rapidement les conditions d’exercice de la profession.

12Au-delà des dysfonctionnements, liés à la structure même des marchés, les auteurs de cette étude mettent en évidence une articulation insuffisante entre ces équipements et les autres formes de distribution présentes dans la ville. Pour la première fois, la place marchande abidjanaise est considérée dans son ensemble par l’aménageur avec toutes ses formes et ses niveaux d’expression.

13Mais ces recommandations ont peu de chances d’aboutir si elles ne sont pas accompagnées de moyens financiers importants pour leur mise en œuvre. Or les marchés abidjanais sont saturés ; certains même sont atteints de vétusté. La densité de leur occupation rend leur entretien et leur gestion plus difficiles que par le passé. Si le développement des « services urbains marchands » est devenu un des objectifs officiels du ministère de la Coopération française, qui entend bien récupérer les coûts de gestion et d’entretien et assurer l’amortissement de l’investissement, Abidjan ne fait pas partie des capitales susceptibles d’en bénéficier [Peyronnie, 1994 ; Paulais, Wilhem, 2000]. En effet, selon cette « logique de la récupération des coûts » également prônée par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, la capitale économique ivoirienne est déjà correctement équipée et dotée de moyens financiers importants [3].

14En réalité, il faut attendre les incendies en série des marchés [4] pour voir émerger une nouvelle mobilisation de l’ensemble des acteurs à la fois privés et publics. Quand les marchés brûlent, les autorités compétentes réalisent que les installations sont vétustés et précaires mais qu’elles sont aussi une ressource primordiale pour le budget municipal. Dans le cas où la prospection de financeurs potentiels n’a pas abouti, comme à Adjamé dans les années quatre-vingt-dix, les commerçants prennent en charge ponctuellement les travaux de réfection sans suivi technique et sans rétablissement complet des installations électriques. C’est alors que d’autres incendies se déclarent et, selon la période à laquelle ils ont lieu et l’ampleur des dégâts provoqués, ils peuvent conduire à l’intervention d’opérateurs privés ou de bailleurs de fonds internationaux.

Le marché privatisé d’une capitale économique après vingt ans de gestion municipale

15Les bailleurs de fonds internationaux encouragent la Côte d’Ivoire dans son processus de décentralisation et souhaitent que le pays parvienne à un développement durable avec la participation active des populations à la vie municipale. Pour pallier le désinvestissement de l’État, les municipalités ont le choix entre plusieurs procédures : accroître la fiscalité, la taxation, contracter des prêts ou encore faire appel au secteur privé pour les opérations qui présentent une certaine rentabilité. Pour une commune, contracter un emprunt relève d’une procédure complexe et rigoureuse et dépend du bon vouloir du Conseil des ministres. Exclue des programmes financés par les principaux bailleurs de fonds, la ville d’Abidjan doit donc trouver seule ses sources de financement et se tourne vers des opérateurs privés. Dorénavant, les textes législatifs et réglementaires le lui permettent : les communes ivoiriennes sont, en effet, habilitées par l’État à recourir à la concession ou l’affermage de certains de leurs services publics [5].

Un modèle importé des États-Unis : le BOT

16Le principe de base du BOT – Build Operate Transfer – consiste, à l’initiative de l’État ou de la commune, à confier à un opérateur la conception, le financement, la construction et l’exploitation d’une grande infrastructure pendant une période dont la durée est déterminée en fonction du temps nécessaire pour amortir le capital investi. Au terme de la période d’exploitation, « l’ensemble des ouvrages, maintenus en bon état, revient gratuitement à la commune » [BNETD, 1997]. C’est en définitive une nouvelle forme de délégation permettant de combiner bail à construction et contrat de gestion. Alors qu’elle était déjà largement utilisée aux États-Unis et en Asie du Sud-Est pour financer la construction de centrales électriques, cette formule BOT a été testée, la première fois, en Côte d’Ivoire, en 1994, dans le cadre du programme Ciprel (secteur électrique) avant d’être retenue, sous la pression des bailleurs de fonds, à l’occasion des « 12 chantiers de l’éléphant d’Afrique [6] » impulsés en 1995 par le président H.K. Bédié. Le système a été étendu à tous les secteurs d’activité, toutes les régions et tous les marchés d’Abidjan, selon des variantes, sans avoir pu être évalué sur le long terme.

17Quelles que soient ses variantes, la formule BOT permet de disposer très vite d’équipements structurants, le privé étant supposé plus compétitif et plus rapide que l’État dans le montage et la réalisation. En outre, le secteur privé allège les pouvoirs publics, dont les contraintes budgétaires sont fortes, et leur procure des ressources supplémentaires. Il permet à la commune de maintenir son projet sans pour autant négliger d’autres programmations ; sa contribution au démarrage de ces opérations consiste uniquement en l’allocation de l’emplacement du futur marché et en la double incitation faite aux commerçants de quitter les sites de « recase- ment [7] » pour s’installer dans la nouvelle structure une fois qu’elle est terminée et de contacter les instances de précommercialisation du marché pour s’acquitter du montant des pas-de-porte.

18En théorie, trois sources principales peuvent être utilisées pour financer la réalisation d’un marché à Abidjan : les fonds propres des promoteurs privés, la contribution des usagers (des commerçants essentiellement par le biais de paiements anticipés des pas-de-porte et des loyers), un emprunt sur le marché au taux de 14%. Dans les faits et contrairement au discours des promoteurs, l’apport des commerçants représente une part majeure du coût total prévisionnel des marchés : avec un minimum de 47% pour Adjamé et un maximum de 90% pour Treichville. Les fonds propres des promoteurs équivalent seulement à 16% du montant des investissements [Cires, 1998]. Or, la prise de risque en matière d’investissement devrait être une obligation pour le délégataire. En reprenant à leur compte le même dispositif financier complété par un emprunt à des taux préférentiels (auprès du Fonds de développement des collectivités locales, FDCL), les communes pourraient en définitive prendre elles mêmes en charge la réalisation des marchés.

Six marchés et trois promoteurs

19Dans la ville d’Abidjan, six grands marchés viennent d’être financés selon ce système de gestion déléguée dans les communes d’Adjamé, de Koumassi, de Marcory, de Treichville et de Yopougon. Présenté par le nouveau maire d’Adjamé comme un « centre commercial ultramoderne » et construit par la SICG [8], le Shopping Abrogoua fut le premier équipement marchand de la génération BOT. Engagés depuis 1997 ou 1998, la plupart des chantiers programmaient des travaux de douze à dix-huit mois. Contrairement aux propos rapportés par les promoteurs (SICG, Sicogi [9], Sogemar [10]), le retard important dans la construction ne peut être imputable aux seules turbulences politiques qui ont secoué vigoureusement le pays courant 2000 et 2001 [11]. Il s’explique aussi par une évaluation très approximative de la charge de travail, une mauvaise coordination entre les instances municipales et le constructeur et surtout par les réticences des partenaires financiers et des commerçants, en définitive, principaux bailleurs de fonds de ces équipements. Le Shopping Abrogoua, marché de 2800 places, est actuellement le seul en fonctionnement. Quatre mois après l’inauguration des marchés d’Adjamé et de Koumassi, les travaux de finition n’étaient toujours pas achevés. La construction du marché de Yopougon, quant à elle, est suspendue depuis l’automne 2000 ; la perte de confiance envers le promoteur – la Sogemar – a provoqué le départ d’un de ses principaux partenaires financiers et l’attentisme des commerçants qui ne sont plus disposés à contribuer à la précommercialisation de l’édifice en dépit de la garantie offerte par la Caisse autonome d’amortissement. La situation n’est guère plus brillante à Treichville. L’ouvrage devait être livré en septembre 2000 mais les travaux ont sérieusement ralenti depuis le coup d’État de décembre 1999. La Sicogi, l’adjudicataire du grand marché de Treichville, a changé à quatre reprises de directeur général et la SGMT [12] a dû compenser l’absence de mobilisation financière des commerçants. Depuis un semestre, la construction a même été interrompue. Quant à l’extension de Marcory, elle n’est pas non plus terminée : aucun site de « recasement » n’avait été prévu par la mairie pendant les travaux, si bien que le dégagement des zones à construire n’a pu se faire que progressivement. Enfin, les problèmes d’évacuation des eaux n’ayant pas été traités globalement, la société a dû casser des canalisations qu’elle venait juste d’installer…

20Édifiées sur l’emprise de l’ancien marché central (Adjamé, Treichville) ou sur un terrain public déjà occupé mais réservé à cet effet (Koumassi, Yopougon), ces nouvelles infrastructures sont encore plus monumentales que par le passé, élevées parfois sur deux étages, proposant des capacités d’accueil jamais égalées. Le « forum des marchés » d’Adjamé notamment vient d’être construit par la SICG pour recevoir 12000 commerçants autant que Dantokpa à Cotonou, considéré, au milieu des années quatre-vingt, comme le plus grand marché d’Afrique de l’Ouest ; il propose 43000 mètres carrés d’espaces commerciaux. Outre des étals, des boxes et des magasins, ces nouvelles places marchandes intègrent des maquis, des bureaux, des banques, des garderies pour enfants, des dispensaires, des postes de police, des services permanents de pompiers, des places de stationnement, plus rarement des supermarchés, prenant ainsi l’allure de mails anglo-saxons et contribuant à la redéfinition des frontières entre marchés et centres commerciaux [Bredeloup, 2002].

21Les coûts d’investissement se chiffrent par milliards de francs CFA : de 1,2 milliard pour l’extension de Marcory à 12 milliards pour le grand marché d’Adjamé. Or, d’après les calculs du BNETD [13], ces coûts sont sous-évalués. Ce qui peut vouloir dire que les promoteurs limitent les études préalables ou recourent à des matériaux de qualité médiocre pour proposer des prix plus compétitifs. En outre, les opérateurs négligent les raccordements aux réseaux de la ville. La voie qui enserre le Shopping Abrogoua n’a toujours pas été goudronnée, la mairie et le promoteur s’en rejetant la responsabilité. En l’absence de la construction de la station d’épuration prévue depuis quelques années à Adjamé, qui devait non seulement drainer les eaux de ruissellement vers la lagune mais aussi vidanger les eaux usées du marché, on est en droit de se demander quelle sera, à l’avenir, l’efficience du réseau d’assainissement mis en place sur le « forum des marchés ». De la même manière, on peut s’interroger sur la pertinence du système de canalisations nouvellement installé sur le marché de Marcory, alors que ces travaux auraient dû être connectés avec le chantier engagé autour de la construction de l’autoroute et du troisième pont, à proximité du marché. Autrement dit, le marché est ici considéré comme un produit isolé, rentable, et non comme un parti pris d’aménagement, un enjeu d’urbanisme.

22Les soumissionnaires devaient être sélectionnés par la procédure d’appel d’offres. Défiant les règles du code des marchés, les communes d’Adjamé, de Koumassi et de Marcory ont opté pour un contrat de gré à gré au moment où cette formule était largement critiquée par le gouvernement ivoirien en raison d’abus répétés [14]. C’est d’ailleurs la même entreprise, la SICG, qui a été retenue pour la réalisation de ces trois marchés après avoir financé le Shopping Abrogoua.

Le BOT ou la poule aux œufs d’or

23Les conditions d’exploitation sont définies par une convention entre la commune et l’opérateur. Alors que la durée de vie d’un marché est évaluée entre quinze et vingt-cinq ans selon le niveau d’entretien engagé, la période contractuelle de concession entre les communes et les promoteurs varie entre dix ans (Koumassi) et vingt-cinq ans (Adjamé), la durée moyenne étant de seize ans. Il semblerait que cette durée n’ait pas été calculée mais estimée par les soumissionnaires sur la base d’une étude de faisabilité réalisée par le BNETD pour le marché de Yopougon. Dans ce cas précis, le délai de quinze ans était annoncé comme la durée indicative pour que le délégataire récupère les sommes investies. Or, si on en croit les calculs d’économistes du Cires, le retour sur investissement semble pouvoir être réalisé, au plus tôt, au bout de trois ans et, au plus tard, au terme de la dixième année. Ce qui voudrait dire que les revenus perçus, au titre de la concession, après la dixième année, correspondent à une rente nette pour le promoteur. En revanche, quand les municipalités récupéreront les équipements, elles devront, d’emblée, envisager leur réhabilitation, voire leur reconstruction. Dans ces conditions, on peut se demander s’il ne serait pas plus rentable pour la municipalité de s’impliquer directement dans la construction et la gestion de ces édifices et d’envisager d’autres partenariats avec les commerçants ou avec les institutions bancaires.

L’opacité des contrats et des responsabilités

24Au cours des entretiens conduits ces trois dernières années auprès des maîtres d’ouvrage, des adjudicataires, des élus locaux et des techniciens municipaux, l’existence de ces contrats liant la commune au promoteur a été, très souvent, évoquée. Cependant, les documents récapitulant les montages technique et financier sont rarement disponibles [15] ; aucun agent de l’État ayant en charge la surveillance des marchés ou le règlement des litiges n’a jamais pu les consulter ni même osé les réclamer. Reste que peu d’informations sont communiquées sur leur contenu, sur les modalités de contrôle et sur les possibilités de renégociation. Parce que les acteurs du marché sont mal informés de la nature des travaux et du contenu des cahiers des charges, les promoteurs peuvent s’autoriser à réviser les règles et les montages au gré de la conjoncture politique et de la pression des uns et des autres. Réciproquement, les partenariats engagés par les maires ou leurs adjoints avec le secteur privé peuvent déboucher sur des décisions prises dans le secret, de surcroît, sur de nouvelles formes d’occultation du système démocratique. Les maires d’Adjamé et de Koumassi en ont d’ailleurs payé le prix fort ; l’inauguration des grands marchés dans leur commune au cours de leur campagne électorale n’a pas permis leur réélection.

25En cas de différends ou de litiges entre les partenaires, c’est à la Direction générale des collectivités territoriales du ministère de l’Intérieur, autorité de tutelle des communes, d’intervenir et de jouer le rôle d’arbitre. Dotée de compétences d’assistance et de conseil, elle est en mesure de formuler des recommandations destinées à « sauvegarder l’intérêt des communes et des commerçants ». La concession peut être retirée en cas d’abus, d’entretien insuffisant en cours d’exploitation. Un cadre juridique approprié affirmant la volonté politique et administrative de privatiser semble exister si on en croit les documents du BNETD. En revanche, au vu de nos investigations, les agents municipaux sont mal ou peu informés en matière de préparation, de négociation et de suivi des contrats.

Les Libanais, des pionniers parmi les promoteurs privés

26Dans un souci permanent de diversification de leurs activités, les investisseurs libanais, acteurs incontournables dans un secteur privé dominé par des entreprises étrangères, se sont tournés vers la construction des marchés, un domaine caractérisé par une faible prise de risque et une rentabilité immédiate. S’ils affichent un double statut de constructeur et de gestionnaire, dans les faits, ces entrepreneurs sont davantage intéressés par l’édification et la diffusion du modèle que par la gestion de la structure. C’est ainsi que le projet d’exportation au Mali du marché « clés en main » a subi quelques modifications. Les commerçants, qui s’installent dans les halles de Bamako, acquièrent des titres de propriété alors qu’à Abidjan, ils restent locataires. Forte de son partenariat avec la Banque de l’habitat du Mali, la SICG offre à la commune de Bamako un million de francs CFA de fonds sociaux pour aider les commerçants les plus démunis à s’installer. En retour, elle est assurée de remporter la construction de deux autres marchés prévus dans la capitale malienne. En outre, la SICG a affiché clairement son intention de ne pas gérer les Halles en suggérant à la mairie de créer un fonds de maintenance destiné à remettre en état le marché à partir d’un pourcentage des recettes annuelles placées en banque. Dans la capitale sénégalaise, les négociations sont en revanche beaucoup moins avancées malgré la forte implication de grands commerçants mourides jouant le rôle d’intermédiaire entre la SICG et la municipalité de Dakar ; à Pointe Noire, les tractations n’ont pas abouti, en dépit de l’appui de la mairie centrale d’Abidjan accordé dans le cadre des jumelages.

27En définitive, l’innovation réside moins dans la construction du marché que dans son mode de financement. En outre, les promoteurs libanais concernés (principalement la SICG et l’EIB [16]) ont su montrer qu’avec peu de moyens, il était possible « de faire de grandes choses ». « La réussite, ce n’est pas le bâtiment mais c’est d’avoir réussi à faire accepter aux commerçants de participer à la réalisation des projets en achetant les espaces… Ils avaient toujours été assistés par l’État. Ce nouveau concept ramenait les pendules à l’heure. Il a fallu faire admettre aux grands enfants que le biberon, c’est quand on est petit [17]. » Reste la question de la rentabilité économique de l’opération qui pousse les investisseurs vers la construction de marchés de plus en plus gros mais, de fait, de moins en moins gérables. Le retour sur l’investissement doit être rapide et le taux de rendement de l’ordre de 15%.

28Si ces quelques Libanais, surnommés les « Bouygues ivoiriens », ont ouvert la marche dans ce processus de privatisation des marchés, ils ne sont pas les seuls : des groupes internationaux de services urbains précisément comme Setao, Bouygues et des grandes sociétés immobilières ivoiriennes ont répondu aux appels d’offres lancés dans les communes de Treichville et de Yopougon. Depuis, d’autres entrepreneurs, à l’instar de la société française Promotec [18], se recyclent dans la construction de marchés secondaires, toujours selon la formule BOT. Des nationaux regroupés en collectifs divers, corporatistes, ethniques ou villageois, tentent aussi leur chance sur ce nouveau créneau, mobilisant leurs ressources pour faire édifier des marchés dans leurs quartiers. La palette d’acteurs se diversifie et laisse ainsi un choix plus important aux maires en quête de nouveaux interlocuteurs dans un secteur privé national encore peu étoffé.

Des maires entrepreneurs

29À Abidjan, la décentralisation ne s’est pas accompagnée d’une réflexion sur l’intercommunalité ; les dix communes [19] restent pour l’instant isolées et doivent chercher de nouvelles modalités d’intervention, essayant de prendre de court leurs voisines, se situant d’emblée dans une perspective concurrentielle. Le mimétisme peut permettre la diffusion sur d’autres territoires de certaines expériences, à condition de disposer d’un recul suffisant pour évaluer le niveau de réussite. Par ailleurs, l’instance supérieure – la ville d’Abidjan – ne semble jouer aucun rôle dans cette affaire : elle ne modère pas la concurrence qui peut s’instaurer entre maires ni ne les conseille dans la perspective de rééquilibrer la trame commerciale.

30Désireux d’entretenir une image de bâtisseurs, les maires s’engagent dans le labyrinthe des financements, en trouvant les moyens de séduire d’éventuels investisseurs quand ils ne sont pas sollicités directement. Pierre Amondji, maire d’Adjamé, premier et unique élu de l’opposition au cours du mandat 1996-2001, a véritablement « relooké » sa commune. Appuyé par les commerçants et industriels libanais, il a innové, profitant d’un contexte étatique favorable à l’amélioration du cadre de vie pour être le premier en 1997 à entrer en campagne contre l’insalubrité et amorcer des opérations de déguerpissement. Une fois la commune assainie, la reconstruction du marché s’est imposée avec une réflexion particulière sur la rentabilité de l’équipement. Dans un entretien journalistique, Amondji déclarait en 1997 : « Ce marché nous rapportera, au moins, un milliard par an. Contrairement aux 200 millions que nous avons annuellement comme recettes actuellement. Nous devons aller de l’avant pour développer la Côte d’Ivoire » [La Voie du 4 mars 1997].

31Au notable tirant sa légitimité de l’élection se substituerait progressivement le notable tirant sa légalité de sa capacité à attirer des opérateurs économiques sur son territoire. Si les modalités de gestion ont fortement évolué, les objectifs des élus locaux abidjanais sont restés presque caricaturaux : produire du visible, être en mesure de présenter dans son bilan municipal des actions tangibles que les électeurs pourront évaluer de visu… Les modalités des contrats ne semblent pas intéresser les élus locaux qui en négligent les termes, au risque de dysfonctionnements graves. Les maires sont, avant tout, préoccupés par le temps court de leur mandat et ce sont les techniciens qui assurent, dans des conditions souvent difficiles, la gestion quotidienne dans la durée.

Des commerçants : victimes, médiateurs ou meneurs ?

32Fatigués du laxisme des municipalités qui tardent à entretenir leurs équipements marchands ou encore agacés par les contrôles répétés orchestrés à l’encontre de ceux qui sont installés en dehors des périmètres reconnus, bon nombre de commerçants, regroupés en collectifs parfois antagonistes, semblent disposés à prendre en charge la rénovation de leur outil de travail [20]. Sur les marchés secondaires, les vendeuses, le plus souvent, s’organisent pour financer la restructuration des équipements défaillants quand ce ne sont pas les propriétaires terriens – les Ébrié – qui s’en chargent. En contrepartie, les commerçants entendent s’approprier la gestion de l’édifice réhabilité, au grand dam des collecteurs municipaux. Réservation de l’emplacement, construction de l’infrastructure, entretien des lieux, évacuation des ordures, surveillance des stands, autant d’interventions pensées et organisées dorénavant à l’initiative des commerçants en ordre dispersé et qui sont sources de conflits incessants portés devant la justice [Bredeloup, 2002].

33Les municipalités refusent l’intervention des commerçants alors qu’ils sont pourtant au cœur du dispositif financier et usent de l’arrêté municipal comme ultime défense. Elles leur dénient toute compétence technique et sous-estiment leurs capacités relationnelles alors que, paradoxalement, elles reconnaissent d’emblée aux sociétés immobilières un savoir-gérer que ces dernières n’ont pourtant jamais pu démontrer par le passé. À l’inverse, certains promoteurs privés, qui ont eu à expérimenter directement la résistance des commerçants, s’efforcent d’impliquer dans leurs affaires les commerçants les plus virulents, de les associer pour contrôler leurs agissements. C’est ainsi qu’en échange d’un certain nombre de services rendus, la direction de la SICG s’est appuyée sur quelques leaders ivoiriens et étrangers qui, un temps, avaient contesté la démolition du Black Market[21] et de l’ancien marché d’Adjamé pour qu’ils convainquent, à leur tour, leurs confrères récalcitrants d’accepter les nouvelles règles du jeu, c’est-à-dire de payer leurs places dans les nouvelles installations en construction. Non seulement ces représentants des commerçants servent de médiateurs dans les négociations entre la municipalité, le promoteur et les commerçants, mais encore quelques-uns d’entre eux sont chargés de diffuser le modèle BOT dans d’autres villes, en lien avec les projets du promoteur. Ainsi, grâce aux commerçants maliens et nigériens installés sur les marchés d’Adjamé, premiers usagers à réserver aussi des places dans la capitale malienne, le projet des Halles de Bamako a-t-il pu voir le jour et mettre en confiance d’autres marchands déjà installés à Bamako.

34Pour les commerçants, désireux de s’implanter sur un marché d’Abidjan rénové, immobiliser leur capital en versant le quart ou le tiers du montant attendu au promoteur de l’équipement relève d’une stratégie de la réservation. Car, étant tout à fait conscients que le promoteur fait travailler leur argent, ils n’ont pas l’intention de payer la totalité de la place avant la fin de la construction ou la mise en service de l’équipement marchand. Du coup, le dispositif mis en place par l’adjudicataire ne peut plus fonctionner, surtout en période de crise politique où certains commerçants ont décidé d’annuler leur réservation. C’est ainsi que la Sicogi et la Sogemar ont été amenées à financer une partie importante des travaux sur leurs propres fonds, ce qu’elles n’avaient pas envisagé au départ. Et de critiquer alors les commerçants pour leur manque de participation financière active au projet et de les rendre responsables du retard dans la construction de l’équipement marchand. En définitive, la participation des commerçants n’est envisagée par les promoteurs que par défaut. Quand le principal « bailleur de fonds » du marché oppose une résistance au projet du promoteur, on ne le reconnaît toujours pas comme acteur déterminant mais on essaie de l’instrumentaliser.

35Les commerçants, surtout étrangers, sont disposés néanmoins à payer le prix de leur sécurité. En cette période de fortes turbulences politiques, ils supportent en effet de plus en plus difficilement les déguerpissements et les contrôles répétés alors qu’ils sont très souvent en règle avec l’administration – disposant de cartes de commerçants et de cartes de séjour. Dans un climat d’insécurité grandissante, ceux qui ont choisi de rester en Côte d’Ivoire aspirent à obtenir une place stable, un point d’ancrage dans la ville.

Le renforcement des disparités spatiales

Des centralités recomposées

36À l’image des grandes métropoles dans le monde, la ville d’Abidjan est le théâtre de recompositions spatiales en lien avec une mobilité accrue et l’essor des infrastructures routières et commerciales. Son développement s’appuie sur une nouvelle polycentralité dans laquelle les marchés jouent encore un rôle structurant [Bertoncello, 2002]. Hier, les marchés des premiers « quartiers indigènes » de Treichville et d’Adjamé représentaient de véritables pôles d’attraction à l’échelle régionale, court-circuitant le développement des équipements marchands des autres quartiers ; le plateau administratif, quartier des affaires, constituait l’autre centre, au cœur de la ville « blanche ». Depuis l’essor de la formule BOT, chaque commune bénéficie d’un véritable marché central caractérisé par une très grande capacité d’accueil. En dépit de certains réajustements [22], il n’y a pas eu un rééquilibrage de l’armature commerciale, à l’échelle métropolitaine. En effet, à proximité de quelques-uns seulement de ces marchés, se sont développés des galeries commerciales et des hypermarchés sur le modèle occidental participant à l’émergence d’« archipels commerciaux » [Veltz, 1996 ; Fellmann, Morel, 1998]. C’est ainsi qu’au-delà de Treichville et d’Adjamé, Marcory, commune résidentielle, traversée par un axe fort de circulation, constitue une nouvelle place marchande principalement accessible aux consommateurs les plus riches.

Des opérations hors planification ou le règne de la concurrence

37L’urbanisme commercial n’est pas de mise à Abidjan ; aucun document ne réglemente l’implantation des marchés et des centres commerciaux. Chaque commune se développe, en réalité, au gré des opportunités et des projets, le plus souvent clés en main, des investisseurs privés. Les maires, qui ont pour priorité immédiate d’accroître leurs finances, favorisent l’initiative des gros entrepreneurs qui souhaitent s’implanter dans leur commune et ne leur imposent pas des règles strictes au nom d’un quelconque rééquilibrage sociospatial. Dans ce contexte, des chantiers comparables destinés aux mêmes usagers et proposant les mêmes services sont programmés à quelques mètres les uns des autres alors que des pans entiers de la ville sont délaissés par les promoteurs. Et la ville d’Abidjan, autorité municipale supérieure, ayant en charge la gestion de « l’intérêt urbain », ne joue pas son rôle de modérateur et de répartiteur des programmes pour atténuer les disparités à l’œuvre dans les dix communes.

38Face à la défaillance des collectivités locales, des petits commerçants installés sur les marchés urbains emboîtent le pas aux grands entrepreneurs et souhaitent s’impliquer dans la réalisation de petits marchés. Si ce phénomène n’est pas nouveau, il s’est accéléré ces dernières années à l’heure du « tout-libéral ». L’édification de marchés secondaires par les commerçants ou les citadins en des lieux stratégiques – parce que répondant à une demande sociale non satisfaite par les marchés BOT – complète et favorise le rééquilibrage de l’armature commerciale.

39Dans ce processus de privatisation des équipements commerciaux, les maires, peu soucieux des contenus de la contractualisation, apparaissent comme des acteurs défaillants. De leur côté, les opérateurs privés se sentent peu concernés par les dysfonctionnements des marchés et ont tendance à rejeter les problèmes de gestion (ordures, sécurité, parking…) vers la collectivité locale. Le marché devrait être intégré dans un projet de quartier et s’articuler avec les autres structures commerciales en présence, à l’échelle de la ville pour devenir un véritable maillon de la place marchande abidjanaise. Encore faut-il disposer d’un chef d’orchestre opérationnel, conscient du nécessaire emboîtement des échelles pour une programmation d’ensemble, sans doute plus sensible à un développement durable, moins concurrentiel, autrement dit des maires moins entrepreneurs et plus gestionnaires.

L’exacerbation des inégalités sociales

40Sous la pression des conseils municipaux, les nouveaux gestionnaires des marchés sont conviés à accueillir de préférence des Ivoiriens dans leurs enceintes. Des quotas sont même fixés : 65% de commerçants ivoiriens est une proportion souhaitée à Treichville, 70% à Yopougon. Bien que des facilités de paiement leur soient offertes, les Ivoiriens ne s’investissent pas sur les marchés. En dépit de l’émergence de nouveaux modèles de réussite sociale par temps de crise économique, ils considèrent encore cette activité comme peu valorisante et peu rémunératrice à moins qu’ils n’envisagent l’achat de places et leur sous-location notamment à des étrangers comme un complément intéressant de leurs revenus [23].

41Dans la réalité, ces quotas sont impossibles à tenir. Si au fil des années, les Ivoiriennes sont devenues majoritaires dans le commerce alimentaire et la vente de pagnes, les marchands étrangers demeurent plus nombreux que les Ivoiriens dans les secteurs de l’électroménager, de la fripe, des produits cosmétiques et artisanaux à destination des touristes, activités sensiblement plus rémunératrices. Alors, les promoteurs, qui ne parviennent pas à précommercialiser leur marché dans les proportions prévues, ne sont plus en mesure de défendre les clauses d’ivoirité. Pour l’instant, à Treichville, 20% seulement des vendeurs ayant réservé leurs places sont Ivoiriens ; à Yopougon, ils sont 40%. Autrement dit, quand on dispose d’un capital financier, l’extranéité n’est plus discriminante. Cela étant, ces mesures peuvent inciter les commerçants les plus mobiles à tenir compte de l’élargissement de la palette des possibles. À tarifs comparables, certains entrepreneurs étrangers ont préféré s’installer dans le centre commercial voisin (Treich Center) du marché de Treichville, estimant que cette structure présentait un avantage supplémentaire : celui de pouvoir négocier un délai de paiement avec un homme, de surcroît étranger comme eux, et non avec des opérateurs multiples, privés ou publics, se cachant les uns derrière les autres. Toutefois, dans un climat de préférence nationale, les commerçants étrangers les moins nantis ne peuvent que compter sur la solidarité de leurs compatriotes pour réserver un emplacement sur ces nouveaux marchés.

42Avant le développement de la formule BOT, les modalités d’installation dans un marché public étaient plutôt souples. Une demande manuscrite adressée au maire, la présentation d’un certificat de résidence ainsi qu’une caution versée à la recette municipale de 500 francs CFA, telles étaient les pièces qui permettaient, dans les années quatre-vingt, de s’installer sur les marchés abidjanais. Mais rapidement, dans les lieux les plus stratégiques, s’est instaurée une spéculation entre les commerçants. C’est ainsi qu’au Black Market, des kiosques bricolés installés sur des terrains provisoires se négociaient entre 2 et 3 millions de francs CFA entre vendeurs qui n’avaient aucun titre de propriété ni même l’usufruit du terrain au milieu des années quatre-vingt-dix. C’est d’ailleurs ce qui incita le futur promoteur à prôner la rationalisation et la moralisation de l’espace. La justification de son entreprise était toute trouvée : « démanteler une certaine mafia qui ne dit pas son nom » pour permettre à la municipalité d’accroître ses ressources et à tous les commerçants d’y accéder.

43La délégation des marchés urbains à des acteurs privés a prolongé ces tendances à exclure des commerçants n’ayant pas la surface financière suffisante pour s’installer dans les nouveaux équipements marchands payants. Exceptionnelles semblent les dispositions prises par les nouveaux gestionnaires pour sauvegarder les intérêts des plus faibles, pour leur proposer des formules de location adéquates. Ils n’y ont d’ailleurs pas toujours été conviés par les municipalités elles-mêmes, davantage préoccupées par les retombées électorales de ces investissements. À Treichville, l’étal en béton d’un mètre carré se négocie entre 300000 et 400000 francs CFA selon qu’on était ou non déjà commerçant sur l’ancien marché incendié. Le nouveau commerçant doit d’emblée verser 25% du montant à la réservation. À Marcory, le mètre carré coûte 135 000 francs CFA avec la possibilité pour les plus démunis d’ouvrir un dossier « d’action sociale », ce qui ne les dispense pas pour autant d’un versement initial de 45000 francs CFA. Au-delà de ces frais pour l’achat et la réservation de leurs étals et boxes, les commerçants continueront de payer des taxes mensuelles, directement à la mairie ou par l’intermédiaire des gestionnaires privés. Ils n’en ont pas encore été informés. Les kiosques, boutiques et magasins, dont aucune définition claire n’est apportée par les promoteurs, se négocient beaucoup plus cher et ne deviennent pas pour autant propriété du commerçant. À Koumassi, les cautions pour la location d’un magasin varient entre 2 et 5 millions de francs CFA selon la taille et l’emplacement. Pour réserver sa place, le locataire devra verser, en plus, trois mois de loyers d’avance au promoteur. Il ne pourra récupérer sa caution qu’à condition de trouver un remplaçant ; le promoteur ne prend absolument aucun risque financier.

44Les écarts importants qui existent entre ces différentes offres ne prennent jamais en compte les coûts de revient des magasins. Par ailleurs, ils s’appuient rarement sur des études de marchés qui auraient permis d’appréhender les montants que les commerçants sont disposés à payer. Du coup, on entrevoit mal les méthodes de calcul utilisées pour déterminer les montants de pas-de-porte et des loyers. Mais ce qui est sûr, c’est que les petites vendeuses de produits vivriers qui disposaient, à même le sol, leurs rares marchandises, se plaçant tout à proximité de l’entrée principale du marché pour attirer la clientèle pressée, n’auront plus la possibilité de travailler dans ces nouveaux espaces. Elles seront conduites à cesser leur activité ou encore à s’installer sur les marchés secondaires ou enfin à exercer le colportage.

45L’extension des services marchands aux plus faibles ne fait pas partie du programme des opérateurs privés. Anémiée quant à elle, l’administration publique ne s’est pas donné les moyens de relever un défi – réaffecter les subventions en fonction des besoins réels – qu’elle n’avait pas elle-même su tenir. On assiste en quelque sorte à la disparition du marché du pauvre dans ces enceintes marchandes. Dans la mesure où les commerçants sont conduits, dans leur ensemble, à réaffecter les nouveaux frais engagés dans leur prix de vente, la clientèle la plus démunie va devoir se reporter sur les petits marchés avant que ceux-là mêmes ne soient, à leur tour, privatisés ou encore se rabattre sur le commerce de rue. En revanche, le choix proposé aux consommateurs les plus riches, très minoritaires, s’en trouve élargi. Ces marchés reconfigurés s’inscrivent dorénavant dans une logique de concurrence, loin de l’équité et d’une volonté de rééquilibrage préalablement affirmées.

46Des clauses sont prévues sur le marché pour éviter une spéculation trop visible de la part des commerçants, ce qui n’empêche pas les agents municipaux d’acheter nombre de places pour leurs familles. À Treichville comme à Marcory, les vendeurs de volaille se sont rendus en délégation auprès du promoteur privé et de la mairie pour essayer d’obtenir un emplacement. À Marcory, on les avait simplement oubliés et ils ont dû faire pression collectivement et apporter un soutien financier pour que la mairie leur trouve un nouvel emplacement et pour que le promoteur engage les travaux d’aménagement correspondants. À Treichville, la mutuelle des femmes commerçantes de pagnes et de marchandises diverses a pu réserver 350 étals et 150 boxes grâce à un préfinancement des droits d’acquisition des places par une société suisse œcuménique de développement.

À quand la constitution d’instances de régulation made in Africa ?

47Par le passé, le marché a contribué à structurer les villes et à permettre à une majorité de citadins de s’approvisionner à moindres frais. Aujourd’hui, alors que l’État décentralisé n’a pas su prendre des mesures compensatoires pour protéger les intérêts des plus faibles ni mettre en œuvre une instance régulatrice permettant de contrôler les interventions des opérateurs privés, le marché communal tend à devenir un lieu difficile d’accès précisément pour les populations qu’il était censé accueillir prioritairement. En effet, le renchérissement de services urbains autrefois quasiment gratuits pourrait rapidement provoquer le déclassement des plus démunis, des plus « étrangers » ou des plus isolés si le délégataire de service n’est pas en mesure de proposer des formules de location ou de vente plus adaptées. La clientèle de ces nouveaux marchés risque également de se transformer et les acheteurs les plus modestes de se reporter sur les marchés de quartier.

48Sous-tendues par des logiques de profit plutôt que par une volonté d’aménagement et de rééquilibrage urbains, les mutations de l’offre commerciale favorisent l’émergence de nouvelles centralités dans la ville africaine et exacerbent les ségrégations déjà à l’œuvre. Les uns, commerçants ou consommateurs, riches et mobiles, ont accès à une gamme de plus en plus large d’équipements marchands dispersés dans la ville, les autres sont contraints à une plus grande précarité et un non-choix [Chalas, Dubois-Taine, 1997].

49Ce modèle de marché privé se diffuse rapidement à travers Abidjan, Bamako et Dakar sans que les collectivités locales n’aient eu le loisir de tester sérieusement la formule. Aucune instance de régulation et d’audit, dotée d’autonomie pour arbitrer les jeux économiques et sociaux, ne semble avoir été mise en place. Alors que l’Etat ne semble plus être le garant du service public, tel qu’il avait été défini dans la tradition française avant d’être largement exporté [Coing, 1997], on peut s’inquiéter des modes d’articulation possibles entre gestion privée et publique sur un même territoire en l’absence d’un « tiers-contrôle » [Henry, 1997] permettant une gestion équitable. Les acteurs politiques impliqués dans la concession des services publics marchands à des sociétés privées continuent souvent d’agir comme des concurrents placés devant une même ressource. À quand la constitution d’instances de régulation made in Africa ?

Notes

  • [*]
    UMR Telemme/université Aix-Marseille-1, chercheur associé IRD.
  • [**]
    Chargée de recherches IRD, UR 013.
    Conduite depuis 1998 à Abidjan, cette recherche sur les dispositifs commerciaux et gestionnaires émergents s’inscrit dans le programme comparatif MAD (Marseille, Abidjan, Durban) sur la gouvernance, initié par l’IRD. La privatisation des marchés abidjanais étant une procédure toute nouvelle – très peu de marchés privés sont actuellement en activité –, il a fallu mettre en place un système d’observation pour suivre les mutations à l’œuvre. Outre les entretiens réalisés auprès des maîtres d’œuvre, des adjudicataires, des élus locaux et des agents techniques des mairies, des enquêtes plus systématiques de type biographie rétrospective articulées à des observations participantes ont été réalisées auprès de commerçants ivoiriens et étrangers installés dans les nouvelles structures mais aussi sur les sites de recasement et sur les marchés secondaires en cours de réfection. Des entretiens réalisés auprès de collectifs de commerçants et des observations dans les tribunaux complètent le dispositif actuel d’enquêtes.
  • [1]
    À ce jour, seul le marché de gros de Bouaké a été construit.
  • [2]
    Les autres recettes proviennent entre 70 et 90%, selon les mairies, de l’impôt foncier, des grandes patentes et licences perçus directement par les services de l’État et reversés partiellement aux communes [Duret, 1997].
  • [3]
    Abidjan est exclue du FPCL (Fonds de prêts aux collectivités locales), instrument financé et mis en place par la Banque mondiale à travers le Pacom (programme d’appui aux communes) pour les communes de moins de 25000 habitants et du PDCC (programme de développement des communes côtières) de l’Union européenne.
  • [4]
    La liste des incendies sur les marchés ivoiriens est longue : Daloa (1989, 1996) ; Man (1997) ; Bouaké (1996, 1998) ; Abidjan (1997, 2000, 2001). Le phénomène a aussi touché le marché rose de Bamako, le marché Kermel à Dakar et le marché central de Niamey.
  • [5]
    L’article 125 de la loi n° 80 1180 du 17 octobre 1980 relative à l’organisation municipale, modifiée par la loi n° 85 578 du 29 mai 1985, stipule que « les communes peuvent concéder ou affermer des établissements et services publics à caractère social, industriel et commercial ».
  • [6]
    Terme médiatique pour désigner une sélection de 12 projets d’infrastructures sélectionnés parmi d’autres et dont la réalisation et la gestion seront concédées au secteur privé.
  • [7]
    Des espaces marchands où ont été relogés provisoirement les commerçants après avoir été « déguerpis » des marchés qui avaient été détruits par le feu.
  • [8]
    La SICG, Société ivoirienne de concept et de gestion, a été créée par un Ivoirien d’origine libanaise et entrepreneur de boulangerie (gestionnaire de la Sageco cotée à la bourse des valeurs d’Abidjan).
  • [9]
    La Sicogi (Société ivoirienne de construction et de gestion immobilière) est une société d’économie mixte née de la fusion de deux sociétés issues de la Caisse des dépôts et consignations française ; elle est en cours de privatisation.
  • [10]
    La Société de gestion du marché de Yopougon (Sogemar) est issue de la Cerim, société immobilière ivoirienne. La Sogemar est chargée de gérer le nouveau grand marché de Yopougon une fois construit.
  • [11]
    Lors du coup d’État de décembre 1999, notamment le marché de Koumassi en construction a été fortement endommagé. Les coûts de réparation ont été évalués à 40 millions de francs CFA par le promoteur (entretien du 15 février 2001 avec M.S., directeur général de la SICG).
  • [12]
    Le nouveau marché de Treichville est géré par la SGMT (Société du grand marché de Treichville) dont l’actionnaire principal est la Sicogi. La mairie fait partie des sleep partners.
  • [13]
    Créée à l’initiative de l’État ivoirien en 1994, cette société d’État est chargée de réaliser des études, de maîtriser les coûts de ses investissements, de contrôler l’exécution et d’assurer le suivi de ses chantiers. Autre maître d’ouvrage intervenant dans la réalisation du marché de Treichville : la Cicop-CI.
  • [14]
    Dans la perspective d’une meilleure gestion des finances publiques et avec pour objectif de privilégier les consultations, l’État ivoirien a mis fin au gré à gré dans l’attribution des marchés publics au printemps 1998, pratique qui était effectivement devenue la règle.
  • [15]
    Remarque préliminaire au rapport du Cires, op. cit. ; dans le cadre de nos propres investigations, nous avons pu avoir accès à une seule convention de concession entre la commune de Treichville et la SGMT par l’intermédiaire du maître d’ouvrage, la Cicop-CI, entretien du 7 juin 2001.
  • [16]
    Entreprise ivoirienne de bâtiment dirigée par un Ivoirien d’origine libanaise qui, outre l’édification du « centre commercial » à Adjamé et du marché « nouveau quartier » à Yopougon, est à l’origine de la construction de bâtiments commerciaux sur le pourtour des écoles primaires et secondaires publiques, notamment dans la commune d’Adjamé.
  • [17]
    Entretien du 15 février 2001 avec M.S., directeur général de la SICG à propos du Shopping Abrogoua, op. cit.
  • [18]
    Entreprise de bâtiment qui termine la construction du marché de Clouetcha (2000 places) sur la commune d’Abobo. BOT de dix ans. Entretiens des 10 mai et 20 juin 2001 avec le directeur commercial.
  • [19]
    Depuis 1980, la ville d’Abidjan a été divisée en 10 communes dotées de l’autorité juridique et financière : Abobo, Adjamé, Attiécoubé, Cocody, Koumassi, Marcory, Plateau, Port-Bouët et Yopougon.
  • [20]
    Pour exemple, à Yopougon, le conseil des 22 présidents des marchés de la commune s’est mis en place, à la veille des dernières élections municipales ; se désolidarisant des initiatives prises par la Fenacci (Fédération nationale des commerçants de Côte d’Ivoire), il entend bien devenir un interlocuteur de poids face à la mairie, à l’heure où les tensions se multiplient entre agents de l’État, commerçants et opérateurs privés et débouchent sur un règlement laborieux au tribunal de grande instance d’Abidjan.
  • [21]
    Marché réputé comme le lieu de tous les trafics qui s’est développé sur l’emprise de la gare routière d’Adjamé, le long du boulevard Nangui Abrougoua. Démoli en 1996, il a été remplacé par le Shopping Abrogoua.
  • [22]
    La construction du grand marché de Yopougon devrait permettre de capter les flux des consommateurs de la plus grande commune d’Abidjan autrefois dirigés vers Adjamé.
  • [23]
    Déjà en 1976, on signalait que sur 1500 places disponibles sur le marché de Koumassi, 1000 avaient été attribuées à des Ivoiriens qui les avaient presque toutes cédées aux étrangers pour 3000 à 6000 francs CFA/mois. Même quand les autorités communales tentent d’y introduire les Ivoiriens, ils en sortent de manière déguisée (cité p. 153 dans Premier Séminaire national pour la promotion du secteur informel en Côte-d’IvoIre, Programme mondial de l’emploi, Service de la technologie et de l’emploi, BIT, Abidjan, 12-17 octobre 1987).
Français

Résumé

Engagées dans le cadre d’une privatisation des services publics, les mutations de l’offre commerciale favorisent des recompositions spatiales dans la ville africaine et exacerbent les ségrégations déjà à l’œuvre. Alors que la puissance publique, en tant que représentant de l’intérêt général, s’était efforcée, par le passé, d’assurer pour tous une égalité d’accès à l’économie et à la société urbaines, la délégation des marchés urbains à des acteurs privés semble conduire à l’exclusion des commerçants mais aussi à celle des consommateurs les plus démunis, les plus « étrangers » ou les plus isolés. Exceptionnelles semblent en effet les dispositions prises par les nouveaux gestionnaires pour sauvegarder l’intérêt des plus faibles, pour leur proposer des formules de vente ou de location mieux adaptées à leurs ressources. Les délégataires des marchés n’ont pas fait leur l’objectif de la collectivité d’autant qu’ils n’y ont pas toujours été conviés par les municipalités essentiellement préoccupées par les retombées électorales de ces investissements.

Mots-clés

  • services publics marchands
  • initiatives citadines
  • gestion urbaine
  • partenariat public/privé
  • régulation sociale
  • dispositifs gestionnaires
  • marchés
  • privatisation
  • Abidjan
  • système Build Operate and Transfert

Bibliographie

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Brigitte Bertoncello [*]
  • [*]
    UMR Telemme/université Aix-Marseille-1, chercheur associé IRD.
Sylvie Bredeloup [**]
  • [**]
    Chargée de recherches IRD, UR 013.
    Conduite depuis 1998 à Abidjan, cette recherche sur les dispositifs commerciaux et gestionnaires émergents s’inscrit dans le programme comparatif MAD (Marseille, Abidjan, Durban) sur la gouvernance, initié par l’IRD. La privatisation des marchés abidjanais étant une procédure toute nouvelle – très peu de marchés privés sont actuellement en activité –, il a fallu mettre en place un système d’observation pour suivre les mutations à l’œuvre. Outre les entretiens réalisés auprès des maîtres d’œuvre, des adjudicataires, des élus locaux et des agents techniques des mairies, des enquêtes plus systématiques de type biographie rétrospective articulées à des observations participantes ont été réalisées auprès de commerçants ivoiriens et étrangers installés dans les nouvelles structures mais aussi sur les sites de recasement et sur les marchés secondaires en cours de réfection. Des entretiens réalisés auprès de collectifs de commerçants et des observations dans les tribunaux complètent le dispositif actuel d’enquêtes.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2012
https://doi.org/10.3917/autr.021.0083
Pour citer cet article
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