CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 De l’avis de Raphaël Confiant (2005), la notion de créolité apparaît dans les Antilles françaises à la fin des années 1980. Après deux siècles et demi de « blanchitude » (suprématie des valeurs européennes), le xxe siècle a été marqué par une succession de positionnements identitaires, précisément la négritude et l’indianité [1], « idéologies d’affirmation identitaire qui renvoient aux rapports de race et de classe qui ont structuré la société créole au cours de ces trois siècles » (Confiant, 2005 : 180). Dépassant les impasses de la trilogie blanchitude-négritude-indianité, la créolité, poursuit le penseur martiniquais, est un « phénomène anthropo-historique » qu’il convient de distinguer de l’idéologie de la créolité qu’il a élaborée avec Patrick Chamoiseau et Jean Bernabé dans leur Éloge de la créolité (1989). Confiant relève ainsi des « velléités de créolités », c’est-à-dire diverses manières de penser et vivre la créolité dans les Antilles. Et, se penchant sur le cas d’Haïti, il évoque le cas des « révolutionnaires nègres de Saint-Domingue qui, hardiment, rompent avec l’Afrique, en rebaptisant Saint-Domingue, non pas Nouveau-Sénégal ou Nouveau-Congo (sur le modèle blanc de Nouvelle-Angleterre ou de Nouvelle-Espagne), mais en renouant avec le passé amérindien de leur île : Haïti » (Confiant, 2005 : 184).

2 L’idéologie de la créolité élaborée par le trio Chamoiseau, Bernabé et Confiant n’est certainement connue que d’une poignée d’intellectuels et d’artistes haïtiens [2]. Ce manque de succès s’explique, entre autres, par le large consensus rencontré par un discours sur l’haïtianité au sein des milieux intellectuels et extra-académiques d’Haïti. Élaboré à partir de la fin des années 1920, il s’est progressivement imposé dans l’espace public à la faveur des débats sur les fondements de l’identité culturelle nationale. Ce discours sur l’haïtianité se revendique créole par la reconnaissance de l’apport diversifié des héritages culturels européens, africains et amérindiens dans la constitution de la culture haïtienne.

3 Cet article examine l’influence du discours de l’haïtianité sur le vodou et les principales Églises chrétiennes. Dans un premier temps, il retrace le contexte d’élaboration de ce discours et son évolution socio-historique. Ensuite, il montre comment il a contribué à la transformation du champ religieux en Haïti.

De l’haïtianité : itinéraire d’un discours sur l’identité nationale

4 Durant les premières années de l’expérience nationale, le discours sur l’identité haïtienne met en exergue le refus de l’esclavage et de la colonisation. En même temps, il revendique l’appartenance à la « race noire » considérée comme digne de respect et capable de faire œuvre de civilisation. Toutefois, la prise en compte d’un tel discours ne doit pas cacher les tensions qui existent dans la société haïtienne et que certains chercheurs traduisent à travers des théorisations dualisantes (Casimir, 1981 ; Barthélemy, 1989, 2004 ; voir aussi Célius, 2013). Pour résumer sommairement leurs propositions théoriques, il existerait une cassure entre les élites urbaines et la paysannerie qui représente l’immense majorité de la population nationale. Dès le xixe siècle, les premières revendiquent l’héritage culturel français. Ceci leur offre le double avantage de mieux spécifier leur situation de supériorité par rapport au reste de la population et de négocier une meilleure reconnaissance dans le « monde civilisé » dominé par les théories racialisantes. Ces élites sont à la fois francophiles et attachées à la franc-maçonnerie autant qu’au catholicisme. À l’inverse, c’est surtout l’héritage culturel africain qui soude la paysannerie. En dépit de son appartenance à la foi catholique, celle-ci s’adonne au vodou et est foncièrement créolophone. Pour les élites urbaines, ces traits culturels sont des symptômes d’un retard civilisationnel inacceptable dans la « France noire » des Amériques. Et, de ce fait, elles multiplient toutes sortes d’initiatives pour mieux se présenter comme une province intellectuelle, spirituelle et culturelle de la France.

5 Au cours des années 1920, le besoin de redéfinition de l’identité culturelle se fait sentir parmi les élites urbaines. Ces dernières ont compris qu’elles ne peuvent guère compter sur la solidarité diplomatique et militaire de la France – affaiblie par la Grande Guerre (1914-1918) – pour mettre fin à l’occupation américaine d’Haïti (1915-1934) [3]. Après l’échec de la résistance armée contre les forces militaires américaines (1915-1920), des écrivains engagés et des politiciens nationalistes poursuivent une lutte plus pacifique contre l’occupant. Elle est menée par la plume et mobilise notamment la question de l’identité pour réaffirmer l’unité de la nation face à l’envahisseur. Comment, dès lors, rester insensible à la culture populaire ? Ne faudrait-il pas laisser le confort des grandes villes pour aller chercher une haïtianité subversive et occultée dans les milieux modestes des campagnes ? Car, pour ces militants, le projet de désoccupation ou d’haïtianisation est envisagé comme une double logique de désaliénation institutionnelle (prise en charge des institutions régaliennes de l’État au départ des occupants) et de rencontre avec soi-même par la culture (rupture avec l’anglosaxonisme [4] et la francophilie, quête de l’haïtianité par la valorisation du folklore).

6 C’est dans ce contexte que Jean Price-Mars triomphe avec un essai ethnographique consacré au folklore haïtien paru en 1928 : Ainsi parla l’oncle. Médecin, diplomate et homme politique haïtien, Price-Mars (1876-1969) est connu comme l’un des inspirateurs du nationalisme culturel haïtien et du mouvement de la négritude. Dans son livre, il définit le vodou comme une religion à part entière (Clorméus, 2012b). Son double projet intellectuel et civique rassemble autour de lui de nombreux jeunes écrivains et activistes politiques et donne naissance à un mouvement littéraire et artistique communément appelé indigénisme ou haïtianisme (Price-Mars, 1959 : 32).  Price-Mars y voit un rejet du « bovarysme culturel » des élites et une reconnaissance des spécificités culturelles populaires. Le nationalisme culturel de la fin des années 1920 réévalue le discours identitaire des élites urbaines dans la perspective de reconnaître et de valoriser l’héritage culturel africain des milieux populaires et paysans. Désormais, « une véritable révolution spirituelle » (Price-Mars, 1959 : 44) est en marche. Elle renverse les thèses pseudo-scientifiques qui, tout au cours du xixe siècle, associaient les « survivances culturelles africaines » à la barbarie (Hurbon, 1988).

7 Les années 1930-40 sont ainsi marquées par la parution de plusieurs romans paysans qui décrivent l’ancrage du vodou en milieu rural (Cinéas, 1933a, 1933b, 1945 ; Savain, 1939 ; Roumain, 1931, 1944). Rédigés en français, ces ouvrages sont souvent parsemés de termes créoles locaux. De même assiste-t-on à un bouillonnement de réflexions sur la langue créole (Faine, 1936, 1939 ; Sylvain, 1936 ; Pressoir, 1947). Peu à peu, parmi les élites, des voix se prononcent en faveur de la promotion de la langue vernaculaire.

8 Dans une conférence prononcée en 1951, Jean Price-Mars définit une nouvelle fois sa position sur l’identité culturelle haïtienne. Il réfute l’idée de considérer ses compatriotes comme des « Français colorés » ou comme des Africains « dont se réclament des racistes à rebours » (Price-Mars, 1952 : 7), et propose de les considérer comme « un peuple qui, placé au centre de la méditerranée américaine dans la conjonction de courants divers de civilisations, ajoute à ses virtualités intrinsèques ce qu’il s’est assimilé de ses progéniteurs européens et africains – qualités et défauts – afin de forger son propre destin » (Price-Mars, 1952 : 7). Avec quelques nuances, la vision de l’identité nationale élaborée par Price-Mars traverse de nombreuses générations d’intellectuels, d’artistes et d’acteurs politiques. C’est ainsi, par exemple, que le sociologue haïtien Jean Casimir (2008 : 6) souligne que « Haïti n’est ni la brebis galeuse de l’Occident ni la fille déchue de l’Afrique. Elle produit une culture et une civilisation distincte. » Si l’héritage amérindien est revendiqué par certains penseurs haïtiens, ceux-ci reconnaissent généralement qu’il est assez marginal comparativement aux legs européen et africain.

Religions et discours de l’haïtianité

9 Le succès du discours de l’haïtianité incite les différents groupes religieux à s’exprimer sur « ce qui fait haïtien ». En même temps, il leur revient aussi de prendre part à l’élaboration d’une hiérarchisation des légitimités culturelles en fonction de leur propre vision religieuse. Il s’agit non seulement de définir les traits culturels typiques du terroir, mais aussi de juger de la dignité des emprunts culturels, c’est-à-dire d’évaluer dans quelle mesure ceux-ci ne risquent pas d’altérer cette haïtianité. Depuis des décennies, une telle préoccupation traverse la franc-maçonnerie en Haïti où de nombreuses loges débattent de la nécessité de créer et d’imposer un « rite haïtien » inspiré des réalités culturelles et spirituelles locales. Telle serait la voie à suivre pour rendre possible une « véritable franc-maçonnerie haïtienne ». On a aussi vu émerger, depuis les années 2000, un « islam créole [5] » autour du centre spirituel Allahou-Akbar [6] qui revendique, à travers ses positionnements identitaires, une prise en compte des traditions religieuses ancestrales cristallisées dans le vodou.

10 Sur « ce qui fait haïtien », il convient de relever ici l’expérience de l’Église anglicane d’Haïti. Au début des années 1950, le succès du « mouvement folklorique » haïtien n’est plus à démontrer. Dans ce contexte, à la surprise de nombreux fidèles, l’évêque américain Charles Alfred Voegeli propose aux figures de proue de la peinture naïve haïtienne (Philomé Obin, Castera Bazile, Wilson Bigaud, Préfète Dufaut, etc.) de dresser des fresques murales au sein même de la cathédrale de la Sainte-Trinité à Port-au-Prince. Dans ce geste, il y a la volonté d’offrir à ces artistes la possibilité de représenter librement différents moments de la vie du Christ. Le visiteur peut ainsi s’étonner de voir un Jésus noir qui reçoit son baptême dans un lieu qui rappelle étrangement Saut-d’Eau, haut lieu de pèlerinage vodou. L’historienne de l’art Danielle Bégot (2015) note aussi que la Crucifixion d’Obin et l’Ascension de Bazile sont plantées dans un décor local. En tout cas, ces fresques murales sont à même de décrire ce que les fidèles des milieux populaires peuvent se représenter des épisodes clés des Évangiles.

11 Il faut aussi mentionner que beaucoup d’Églises chrétiennes s’efforcent aujourd’hui de s’adapter aux paramètres culturels de la société dans la mesure où cela ne va pas à l’encontre de leurs doctrines. Ainsi, après des décennies de résistance, le konpa (ou compas), genre et rythme musical local élaboré à partir des années 1950 par des artistes haïtiens et qui est la principale musique de danse urbaine en Haïti, a fait son entrée dans les églises évangéliques [7]. Ce sont les générations de pasteurs nés au cours des années 1970-1980 qui ont facilité l’appropriation de ce genre musical jugé « païen » et plus souvent utilisé pour les chansons d’amour et les méringues carnavalesques [8]. Pour eux, haïtianiser le religieux, c’est l’adapter aux goûts locaux, engager un dialogue avec la culture populaire afin de mieux faire passer le message évangélique. C’est à peu près ce même esprit qui animait les jeunes prêtres des années 1970-1980 qui encouragèrent l’introduction du tambour dans la liturgie catholique. Or le tambour est un instrument musical important dans le vodou haïtien car il permet notamment d’identifier les rites sacrés qui lui sont associés. À l’époque, l’Église catholique d’Haïti avait tellement besoin d’offrir une nouvelle ambiance musicale à des fidèles tombés sous le charme du pentecôtisme, plus chaleureux et ancré dans la culture populaire, qu’elle s’est autorisé cet emprunt au vodou.

12 De même, à maintes reprises, j’ai assisté dans des églises évangéliques à des cultes où les pasteurs dénoncent le caractère aliénant de certains cantiques écrits par des chrétiens étrangers pourtant à la mode dans leurs assemblées. Du haut de sa chaire, un leader pentecôtiste se questionne ainsi : « Qu’est-ce que la neige pour un Haïtien qui vit dans un climat tropical ? Comment lui expliquer que son péché, une fois pardonné par Dieu, rendra son cœur plus blanc que la neige ? » Particulièrement au tournant des années 1960-1970, des artistes évangéliques composent des cantiques qui s’inspirent de leur propre réalité culturelle et privilégient le créole haïtien pour mieux atteindre leur public [9]. Pour ceux que j’ai eu l’opportunité d’interroger, il ne faut surtout pas se contenter de traduire des cantiques évangéliques de l’anglais ou du français au créole haïtien car ceux-ci ne reflètent pas toujours ce qu’un Haïtien, sur sa terre natale, peut vivre comme expérience religieuse. Il faut une adaptation qui fasse sens pour lui. De tels propos rappellent les réflexions du théologien et pasteur baptiste Jules Casséus (1993, 2007) lorsqu’il évoque la possibilité d’engager un tournant théologique vers une « Église authentiquement haïtienne ». En réaction à une telle idée, des pasteurs de différentes dénominations évangéliques ne manquent pas de rappeler le caractère universel de l’Église – entendue dans son sens mystique – qui transcende toutes les cultures.

Le vodou : de l’anathème à la réhabilitation

13 Comment le vodou a-t-il bénéficié de ce discours sur l’haïtianité ? Depuis les premières lois du xixe siècle jusqu’à la Constitution de 1987, le vodou est considéré comme une pratique superstitieuse[10]. Ainsi, à la suite de la loi du 27 octobre 1864, le Code pénal (1873 : 86) prévoit-il que « tous faiseurs de ouangas, caprelatas, vaudoux, donpèdre, macandals et autres sortilèges, seront punis d’un mois à six mois d’emprisonnement et d’une amende de seize gourdes à vingt-cinq gourdes  ; sans préjudice des peines plus fortes qu’ils encourraient à raison des délits ou crimes par eux commis pour préparer ou accomplir leurs maléfices [11] » (article 405). On peut voir dans cette catégorisation stigmatisante le double héritage du droit français du xviiie siècle et de la théologie catholique (Clorméus, 2014d). Plusieurs gouvernements haïtiens s’activent, à coups de circulaires aux commissaires du gouvernement et aux autorités militaires, pour exprimer leurs inquiétudes à l’égard de l’ancrage du vodou dans la société. Cette religion est considérée comme une trace de la barbarie et un obstacle à l’élan civilisationnel. En effet, pour les savants du xixe siècle, le vodou est d’abord un signe de primitivité religieuse (Clorméus, 2015). Il s’agirait d’une ophiolâtrie importée d’Afrique à la faveur de l’esclavage et de la traite négrière (Moreau de Saint-Méry, 1797), ou encore d’un culte mystérieux dont les participants s’adonneraient à des orgies sexuelles et même au cannibalisme.

14 À la fin des années 1920, le nationalisme culturel bat son plein en Haïti. Il sape les assises de la francophilie et donne un élan particulier aux études sur le folklore. Dans ce contexte, Jean Price-Mars (1928) ouvre la voie à une posture plus empathique à l’égard du vodou et de ses pratiques (Clorméus, 2012b). Son travail inspire de nombreux écrivains et artistes haïtiens et contribue à l’émergence d’un nouveau discours sur l’identité culturelle nationale. Sans nier l’apport européen à la culture des élites urbaines, l’heure est désormais à l’exaltation des survivances africaines dans le folklore. Le vodou et le créole haïtien sont présentés comme des expressions de la cristallisation du métissage afro-européen.

15 En 1941, un Bureau d’ethnologie est créé avec pour vocation de préserver – et plus tard, de documenter – le patrimoine ethnographique et archéologique du pays. Quelques jours plus tard, un Institut d’ethnologie ouvre ses portes à Port-au-Prince. Son premier directeur, en l’occurrence Jean Price-Mars, y occupe la chaire d’africologie. Les premiers ethnologues issus de l’Institut d’ethnologie [12] sont témoins des dangers encourus par le vodou durant la troisième campagne antisuperstitieuse (1939-1942). Il s’agit officiellement d’une croisade anti-vodou menée par le clergé catholique, qui permet en outre à ce dernier, sur le terrain, de régler ses comptes avec les Églises protestantes. Les ethnologues partagent l’idée qu’une telle croisade constitue un crime contre le patrimoine religieux car ils considèrent que le vodou est un élément central dans la culture haïtienne. Grâce aux efforts du « mouvement folklorique » haïtien, le vodou reçoit ses lettres de noblesse dans les activités officielles (Ramsey, 1995, 2002). Sa spectacularisation est même au cœur des stratégies de dynamisation du secteur touristique à partir des années 1950. Les visiteurs étrangers sont friands des voodoo shows organisés par les hôtels de Port-au-Prince.

16 Cette valorisation sociale du vodou n’a pourtant pas fait évoluer son statut juridique. En 1986, la chute du président Jean-Claude Duvalier donne lieu au lynchage de dizaines de prêtres du vodou, accusés d’avoir été des collaborateurs du régime déchu. Ces événements favorisent l’émergence d’associations de promotion du vodou. L’année suivante, la Constitution de 1987 consacre l’abolition du décret-loi du 5 septembre 1935 sur les croyances superstitieuses et dispose, dans son article 215, que « les centres réputés de nos croyances africaines et tous les vestiges du passé sont placés sous la protection de l’État » (Le Moniteur, 1987 : 597).

17 Le 4 avril 2003, le président Jean-Bertrand Aristide, ancien prêtre salésien, prend un arrêté précisant « qu’en attendant une loi relative au statut juridique du vodou, l’État haïtien le reconnaît comme religion à part entière, devant remplir sa mission sur le territoire national en conformité à la constitution et aux lois de la République » (article 1er, voir Le Moniteur, 2003). Mais la législation ne met pas fin à l’opposition de certaines Églises pentecôtistes, qui continuent de voir dans le vodou non seulement un obstacle au développement économique, mais aussi un culte satanique alimentant une paranoïa collective. Leurs leaders ne ratent aucune occasion d’associer le vodou à la sorcellerie et aux meurtres rituels.

Un catholicisme romain en recomposition ?

18 Le catholicisme romain existe en Haïti depuis la période coloniale. Sa présence remonte à l’arrivée de Christophe Colomb dans l’île en 1492. L’ordonnance royale de Louis XIV datée de mars 1685 encourage le baptême des Noirs dans le respect de la religion catholique. De plus, l’exercice public de toute autre religion est alors interdit dans la colonie. Mais les agitations insurrectionnelles des années 1790 ont un impact considérable sur le clergé (Étienne, 2012). Après l’indépendance (1804), on retrouve ainsi un clergé en situation schismatique aux yeux du Vatican. Au début des années 1840, Victor Schœlcher (1843 : 293) confie qu’« il est impossible d’imaginer rien de plus pervers que le clergé haïtien. Les curés vivent ouvertement avec une ou quelquefois deux femmes ; ils reconnaissent, devant la loi, les enfants sortis de leurs commerces sacrilèges, ils rendent publics leurs déportements. »

19 Les années 1850 sont marquées par la signature d’un concordat entre le Saint-Siège et plusieurs pays européens (Espagne, Autriche) et latino-américains (Costa Rica, etc.). En 1860, après de longues années de négociations, un concordat est conclu entre l’État haïtien et le Saint-Siège. Ce traité permet de régulariser le fonctionnement de l’Église catholique en Haïti (Clorméus, 2014a). Ce sont surtout des missionnaires français – provenant massivement de Bretagne – qui vont animer et orienter l’Église d’Haïti jusqu’au milieu du xxe siècle. Ils se chargent d’accomplir la double mission de moraliser et civiliser la population haïtienne. Grosso modo, il s’agit de s’investir dans l’éducation et d’épauler les autorités séculières dans leur lutte contre le vodou (Clorméus, 2012a, 2019).

20 Sur le terrain, particulièrement à partir des années 1880, des leaders protestants et francs-maçons alimentent un discours anticlérical et soutiennent l’idée de créer un clergé indigène et respectueux des lois haïtiennes (Clorméus, 2013, 2014c). Cette revendication traverse les différents moments de crise dans les relations entre l’État et l’Église catholique jusqu’aux années 1960. Elle s’est intensifiée dans le contexte de l’affirmation du nationalisme culturel à la fin des années 1920. Comment, après des décennies d’évangélisation, ne pas pouvoir susciter suffisamment de vocations sacerdotales parmi les Haïtiens et favoriser leur ascension au sein de la hiérarchie ecclésiale ? Les activistes y voient à la fois une volonté de l’épiscopat de faire de l’Église d’Haïti une « province spirituelle » de l’Église de France et une vassalisation de la « race noire » par des missionnaires blancs. Un tel discours dérange l’épiscopat catholique qui ne pose néanmoins aucun geste significatif dans le sens d’une indigénisation du clergé. Près d’un quart de siècle plus tard, un citoyen haïtien croit nécessaire de soutenir que « Haïti doit cesser de travailler pour la Bretagne ; les nègres doivent cesser de peiner pour ces hommes que […] l’on désignait du doigt dans les capitales d’Europe en disant : “Voici un colon de Saint-Domingue” » (Gayot, 1956 : 142-143).

21 Au cours de la deuxième moitié du xxe siècle, deux nouveaux paramètres vont modifier les rapports entre l’État haïtien et l’Église catholique. D’une part, la convocation du concile œcuménique Vatican II (1962-1965) permet à l’Église catholique de repenser sa liturgie, de soutenir le dialogue interreligieux et la liberté religieuse, mais aussi de se resituer dans le temps présent caractérisé par la sécularisation et la montée de nouvelles idéologies politiques (Ratzinger, 1966  ; Congar, 1984). Il faut d’autre part mentionner l’accession à la présidence d’Haïti du docteur François Duvalier (1957-1971). À la fin des années 1930, ce médecin est l’un des chefs de file de l’école historico-culturelle des Griots qui se réclame de la pensée de Price-Mars. Au cours des années 1940, il soutient le « mouvement ethnologique » face aux idées d’un père Joseph Foisset, spiritain français et champion intellectuel de l’Église catholique, qui combat avec acharnement le vodou (Denis, Duvalier, Aubourg, Viaud, 1949). Duvalier prend rapidement le contrôle de l’Armée, de l’Université d’Haïti et de l’Église catholique afin de neutraliser toute opposition (Duvalier, 1969 ; Péan, 2003). Des prêtres soupçonnés de collaborer avec des opposants politiques sont expulsés du pays : la tension monte entre l’État haïtien et le Saint-Siège. Finalement, un accord est trouvé entre les deux parties et aboutit à la consécration d’un clergé indigène en 1966 [13].

22 Il est possible de relever des incidences de ce discours de l’haïtianité sur l’Église catholique bien avant les années 1960. On relève, par exemple, les efforts déployés par l’épiscopat pour mieux communiquer avec les populations rurales et suburbaines. Après le Catéchisme (1933) en créole diffusé par l’archidiocèse de Port-au-Prince, une « adaptation créole de la messe dialoguée » de l’abbé Paul Bayart est mise en circulation en 1951. L’année suivante, c’est au tour de Monseigneur Paul Robert (1952), évêque des Gonaïves, de publier son Missel créole. Deux ans plus tard, un Recueil de cantiques créoles (1954) est mis en vente. En avril 1967, à l’initiative du missionnaire flamand Joris Ceuppens, le journal Bòn nouvèl est lancé en vue de promouvoir la langue créole [14]. À partir de la fin des années 1960, on assiste à la disparition progressive du latin et à l’introduction du tambour dans la liturgie, comme on l’a vu plus haut.

23 Dès 1957, le spiritain haïtien Gérard Bissainthe invite à réfléchir sur les enjeux d’un « indigénisme religieux » en Haïti et en Afrique. Il estime qu’il y a « un certain manque de concordance entre l’appareil extérieur de notre religion et la mentalité noire » (Bissainthe, 1957 : 113). Il a suffisamment lu les figures du nationalisme culturel et les premiers ethnologues haïtiens pour se convaincre que le vodou est une religion qui colle à la vie du paysan haïtien. Dans les années 1980-1990, à l’écoute de la théologie chrétienne des religions non chrétiennes, les jeunes prêtres s’intéressent à la question de l’inculturation. Ils examinent les signes du salut dans le vodou. Il s’agit à la fois d’en considérer la dimension spirituelle comme forme d’expression culturelle de la quête de Dieu et d’en relever et respecter les valeurs sociales et morales qui définissent l’identité culturelle des Haïtiens. Une telle démarche exige notamment une rupture avec les préjugés qui, relevant en partie du racisme missionnaire (Hurbon, 1969), assimilent simplement le vodou à de la superstition et de la sorcellerie. Il est désormais temps de penser une évangélisation qui ne soit pas colonisante, mais plutôt libératrice, c’est-à-dire qui « soutien[ne] la résistance des opprimés, condamne la violence faite aux autochtones sur les terres d’Haïti, démystifie la légende dorée de la croix plantée par les conquérants, inquiète les consciences en voyant le système colonial comme une situation de péché et en demandant réparation pour les injustices commises » (Verdier, 1991 : 47). Pour Gasner Joint, il faut prendre conscience que vodou et catholicisme sont deux systèmes religieux qui « ont coexisté de façon tantôt conflictuelle, tantôt pacifique chez le même peuple, dans la même personne. Plus que jamais, l’heure est au dialogue » (Joint, 1999 : 1-2). Au début du xxie siècle, au sein de l’Église catholique, cet appel à un changement de paradigme théologique suscite une floraison de thèses et réflexions autour du dialogue interreligieux et de l’inculturation (Nérestant, 1999 ; François, 2005 ; Michel, 2010 ; Joseph, 2015). La tendance générale est d’inviter l’Église à assumer les erreurs du passé et, dans un contexte de diversification du champ religieux, à envisager une rencontre plus respectueuse et constructive avec les religions concurrentes et la culture populaire.

Un protestantisme réceptif ?

24 Le protestantisme évangélique s’est introduit en Haïti à partir de 1816 [15]. Il est porté particulièrement par des missionnaires anglais et étatsuniens qui, au contraire du clergé concordataire, se préoccupent de susciter des vocations pastorales parmi la population locale. Au xixe siècle, l’identité protestante en Haïti repose particulièrement sur son intransigeance vis-à-vis de tout ce qui s’apparente au vodou et au catholicisme romain. Peut-être, comme l’observe l’ethnologue Alfred Métraux (1953 : 200), parce que ceux-ci « se fondent en un système plus ou moins cohérent dans lequel Dieu, le Christ, les Saints, les lwa, les Jumeaux et les morts font plus ou moins bon ménage ». Quand, à la fin des années 1960, émergent des discours œcuméniques et des appels au dialogue interreligieux en Haïti, le secteur évangélique [16] se montre réticent à revoir ses positions théologiques traditionnelles et qualifie d’opportunistes ceux qui y adhèrent.

25 Le protestantisme évangélique a connu une croissance spectaculaire durant ces soixante-dix dernières années. En 1955, l’Institut haïtien de statistique lance une enquête pour déterminer l’effectif des fidèles protestants dans le pays. Sur les 53 missions reconnues par le Département des cultes, 41 d’entre elles affirment drainer un total de 383 117 adhérents en 1954. Seules 18 de ces missions ont leur siège à l’étranger. La légitimité de ces missions étrangères se fonde essentiellement sur leur contribution financière. De fait, elles ne disposent pas d’un véritable contrôle des imaginaires religieux et politiques traversant les générations de fidèles – particulièrement en milieu rural – qui composent les assemblées partenaires, mais, dans le souci d’entretenir de bons rapports avec ces sponsors étrangers, quelques Églises évangéliques affichent officiellement un certain conservatisme dans leurs discours sur le politique, la culture, etc. Concrètement, le protestantisme représenterait 12,3 % de la population haïtienne en 1954 (Institut haïtien de statistique, 1956).

26 À partir des années 1960, les Églises évangéliques connaissent une croissance considérable. Ce phénomène coïncide avec l’exode rural et l’émergence de nouveaux quartiers populaires dans la périphérie des grandes villes et, en particulier, de la capitale haïtienne. Bien que minoritaires, les groupes évangéliques y voient une opportunité d’affaiblir numériquement le poids de l’Église catholique sur la scène religieuse. En l’absence d’une véritable politique de régulation des cultes, diverses Églises évangéliques intensifient leur présence dans ces quartiers précaires et y développent, grâce à l’appui financier de sociétés missionnaires étrangères et de soutiens internes, des projets caritatifs tels la construction de dispensaires, d’écoles, etc. Dans chaque quartier, les différentes dénominations évangéliques s’efforcent d’édifier un ou plusieurs temples. N’importe qui peut s’autoproclamer pasteur ou prophète [17] et, sans rechercher la moindre reconnaissance du ministère des cultes, fonder sa propre assemblée [18]. Ce sont surtout le baptisme et le pentecôtisme qui vont bénéficier de cette nouvelle dynamique. Ils ont aussi la particularité d’entretenir l’imaginaire selon lequel le pays est sous l’emprise du diable, ce qui expliquerait, en grande partie, les crises économiques et politiques ainsi que la récurrence des catastrophes naturelles. L’héritage de cet imaginaire persiste jusqu’aujourd’hui (McAlister, 2012). D’après les données issues du dernier recensement national de la population et de l’habitat de 2003, les adventistes, les baptistes, les méthodistes et les pentecôtistes constituent à eux seuls 27,7 % de la population nationale (Clorméus, 2014b).

27 Comment le discours sur l’haïtianité a-t-il affecté le secteur évangélique en Haïti ? Au cours des années 1950, on observe l’émergence de missions évangéliques indigènes [19] et d’une pléiade de nouvelles Églises indépendantes. Pour la plupart, elles sont issues de schismes au sein des Églises locales rattachées aux missions étatsuniennes. Dans la majorité des cas, ces dissensions n’ont aucun fondement théologique. Il s’agit plutôt d’un besoin d’affirmation de nouveaux leaders souhaitant s’affranchir de tout contrôle hiérarchique et de la tutelle étrangère. Leurs Églises sont centrées sur la prédication d’un Évangile de la délivrance soutenant que le recours sincère à Dieu est la réponse ultime aux déboires individuels et aux problèmes nationaux. Dans le contexte de la dictature des Duvalier (1957-1986), elles sont dépolitisantes dans le sens où elles désintéressent leurs fidèles des questions politiques et leur recommandent de se concentrer plutôt sur l’exercice de leur citoyenneté céleste. Leur succès repose aussi sur l’usage de la langue créole et un effort de créativité déployé, à travers les rituels, pour ne pas dépayser leurs fidèles [20]. Car, dans les faits, la conversion religieuse est présentée aux néophytes comme une rupture radicale avec les valeurs culturelles [21] – ainsi qu’avec des croyances et pratiques ancestrales jugées païennes – et les groupes humains qui les perpétuent dans la société. Des controverses s’élèvent alors sur des interdits culturels. Qu’est-ce qui, à la lumière de la Bible, est tolérable dans la culture populaire ? À noter que les néophytes sont, pour la plupart, d’anciens catholiques ou des adeptes du vodou à la recherche d’un abri contre la sorcellerie. Des témoignages que j’ai recueillis révèlent à la fois la quête de sens de ces nouveaux convertis et les difficultés éprouvées par de nombreuses Églises traditionnelles pour imposer leur vision de la culture. Une telle situation donne lieu à des bricolages religieux dont le plus étudié est l’Armée céleste.

28 Issue d’un schisme au sein d’une des principales Églises pentecôtistes de la capitale, l’Armée céleste s’est d’abord répandue dans les quartiers suburbains avant de s’étendre aux confins des campagnes haïtiennes au cours des années 1960 (Corten, 1998, 2004 ; Vonarx, 2007 ; Clorméus, 2020). Ce groupe religieux – qui simule des scènes de guerre contre le démon à travers ses rituels – est perçu comme un mouvement situé à mi-chemin entre le vodou et le pentecôtisme. Pourtant, il se réclame du protestantisme évangélique. De ce fait, ses « soldats » sont engagés avec zèle dans la lutte spirituelle contre le vodou qu’ils assimilent à de la sorcellerie. Ils proposent la guérison de maladies surnaturelles en s’inspirant des procédés rituels du vodou en sorte que, dans le secteur évangélique, ils sont considérés comme des « protestants marginaux [22] » ou simplement comme des « vodouisants à casquette protestante ». Les leaders de l’Armée céleste que j’ai interrogés refusent toute déconnexion de leur appartenance culturelle, qu’ils définissent, entre autres, à partir de ce qu’en disent les médias : l’Haïtien a une langue (le créole), des traditions thérapeutiques (la phytothérapie, la médecine traditionnelle), des styles musicaux propres, etc. Ils estiment que les attaquer, c’est ignorer ce qu’est la culture populaire d’Haïti.

Conclusion

29 La diversification du religieux s’est donc accentuée à partir de la seconde moitié du xixe siècle en Haïti, période de changement marquée notamment par un effort d’haïtianisation des Églises chrétiennes. Dans le secteur protestant, l’influence des missions étatsuniennes s’est réduite. Sur place, les Églises traditionnelles sont concurrencées par des missions indigènes, des Églises indépendantes et des micro-Églises non reconnues par l’État et sur lesquelles on ne dispose pas d’informations suffisantes. À partir des années 1960, on assiste à la conversion massive au baptisme et au pentecôtisme d’éléments issus des couches populaires. De nouveaux leaders charismatiques émergent et fondent des missions et des assemblées qui obéissent à leurs directives personnelles et non à un ordre émanant d’une structure confessionnelle étrangère. La voie est ainsi ouverte aux pratiques syncrétiques et à l’élaboration de nouveaux discours sur la culture.

30 Dans un contexte d’affirmation identitaire, le besoin d’enracinement culturel s’accentue en dépit des crises politiques, sociales et économiques qui expliquent, en grande partie, l’intensité du désir d’émigrer. Durant ces douze dernières années, des dizaines de milliers d’Haïtiens ont fui l’insécurité sociétale en quête d’un mieux-être à l’étranger. Pourtant, les Églises haïtiennes de la diaspora entretiennent des marqueurs identitaires qui leur permettent de revendiquer leur ancrage culturel [23]. Les migrants adhèrent à ces Églises qui leur fournissent un sentiment d’appartenance à la société haïtienne et un réseau de relations susceptibles de faciliter leur intégration dans le pays d’accueil. On y parle, généralement en créole, des problèmes du pays d’origine. Ces assemblées font régulièrement venir d’Haïti des pasteurs et des artistes pour éviter toute « déconnexion » culturelle. Et, depuis peu de temps, il existe de nombreux forums virtuels qui permettent aux leaders évangéliques d’Haïti et de sa diaspora de discuter de leurs problèmes communs. De plus, leurs fidèles peuvent suivre en ligne des cultes et des émissions sur l’actualité des événements religieux. Par ces canaux, les discours sur l’haïtianité s’imposent et génèrent des liens entre les communautés haïtiennes d’ici et d’ailleurs.

Notes

  • [1]
    Sans oublier l’antillanité d’Édouard Glissant (1981).
  • [2]
    Jean Bernabé (2012) confie que l’ouvrage est dédié à trois écrivains caribéens : Césaire, Glissant et Frankétienne – écrivain haïtien créolisant et francisant – au motif que les œuvres de ces trois auteurs nourrissent une étroite relation avec les contenus qu’il propose. Il note cependant que Frankétienne, dans Dézafi (1975), inscrit « son esthétique dans le mouvement haïtien dit spiraliste, [… mais] n’a pas […] perçu les passerelles qui pouvaient unir son approche et celle exprimée par notre essai » (Bernabé, 2012).
  • [3]
    Prétextant une situation chaotique en Haïti, les forces militaires américaines débarquèrent en Haïti pour assurer la paix et la sécurité. Entre 1915 et 1920, il y eut des affrontements sanglants entre les marines et les résistants issus de la paysannerie auxquels s’étaient joints des membres de l’ancienne armée démobilisée sous la pression de l’occupant. Cette guerre a occasionné des milliers de victimes haïtiennes et de graves violations des droits humains.
  • [4]
    Au cours des années 1890-1910, un groupe d’intellectuels haïtiens revendique une réforme sociale qui, en rupture avec la francophilie, tend à la promotion des valeurs culturelles des peuples anglo-saxons. Influencés par les travaux du sociologue français Edmond Demolins qui proclame le déclin de la civilisation latine à travers le monde, ils s’inscrivent dans le courant dit de la Science sociale.
  • [5]
    L’usage même de l’épithète « créole » est révélateur d’un besoin d’adapter des emprunts culturels à la réalité locale. On parle ainsi de « rap créole » (et non de « rap en créole ») dans le sens où ce genre musical importé des États-Unis d’Amérique a été retravaillé sur place pour se distinguer, à maints niveaux, de la culture hip hop américaine.
  • [6]
    Fondée en 2003, cette communauté se définit comme une fraternité spirituelle qui entend fonder les bases d’un « islam haïtien » (c’est-à-dire ginen, ou connecté aux valeurs ancestrales) - et non simplement un « islam en Haïti ». Elle récupère ainsi la mémoire de la résistance à l’esclavage et considère les lwa (esprits vodou) comme des énergies spirituelles. Elle n’exige pas de ses adhérents qu’ils changent de religion, mais plutôt qu’ils « professent la religion primordiale ». Elle est dirigée par un sheik assisté de plusieurs imams et promeut le respect des valeurs culturelles locales.
  • [7]
    Le « rap évangélique » s’y introduit également et connaît un grand succès auprès des jeunes. Ces artistes misent sur le créole et la composition de morceaux portant sur la réalité religieuse locale pour faire leur succès.
  • [8]
    Compositions musicales produites pour l’animation du carnaval en Haïti.
  • [9]
    Ce qui n’empêche pas, particulièrement en milieu urbain, d’assister à la création de multiples chorales gospel qui traduisent souvent des chansons américaines en les adaptant aux goûts locaux.
  • [10]
    La pénalisation du vodou est examinée dans Ramsey, 2011.
  • [11]
    Les termes « caprelatas », « ouangas », « dompèdre » et « macandals » désignent, pour le législateur haïtien du xixe siècle, diverses formes d’expression de la superstition. Ce dernier concept peut recouvrir une variété de pratiques religieuses populaires perçues par les autorités ecclésiastiques et civiles comme la déviation d’un culte adressé à Dieu, de l’idolâtrie ou de la sorcellerie.
  • [12]
    Cet institut sera élevé au rang de faculté de l’Université d’État d’Haïti en 1959.
  • [13]
    Sur les rapports entre l’État haïtien et l’Église catholique durant la période des Duvalier (1957-1986), voir Smarth, 2000 ; Hurbon, 2004 ; Arthus, 2014.
  • [14]
    En 1964, le Comité protestant d’alphabétisation et de littérature lance le journal en créole Boukan.
  • [15]
    Sur les débuts du protestantisme en Haïti, il existe peu d’ouvrages. Parmi les références les plus importantes, il faut citer : Pressoir (1942, 1945) et Griffiths (1991).
  • [16]
    En Haïti, le « secteur évangélique » désigne l’ensemble des Églises, missions et autres institutions chrétiennes revendiquant une identité protestante, en particulier le baptisme, le méthodisme, le pentecôtisme, etc.
  • [17]
    Reprenant les données d’une enquête qu’il a menée au milieu des années 1960, le sociologue Charles-Poisset Romain (1986 : 82) constate que « certains prédicateurs à préparation doctrinale insuffisante se sont séparés de leurs Églises-mères pour établir d’embryonnaires congrégations ». Ces nouveaux acteurs ont multiplié des « missions d’évangélisation » à travers tout le pays et fondé de nombreuses églises.
  • [18]
    Cette réalité ne doit pas occulter le fait que beaucoup de jeunes évangéliques se tournent vers les séminaires de théologie pour leur préparation pastorale. Après leur diplôme, ils suivent les procédures d’assermentation auprès du ministère des Cultes.
  • [19]
    Cette dynamique semble débuter après l’occupation américaine d’Haïti (1915-1934). L’une des initiatives haïtiennes les plus emblématiques est la Mission évangélique baptiste du Sud d’Haïti fondée aux Cayes en 1936. Affiliée à l’Alliance baptiste mondiale, elle rassemble aujourd’hui environ 490 églises et 60 000 fidèles en Haïti. À noter que l’article 8 du décret du 18 octobre 1978 réglementant l’exercice des cultes réformés en Haïti stipule que « chaque Église ou mission religieuse doit être administrée par un conseil d’administration à majorité indigène qui veille à la discipline intérieure et gère les intérêts de la communauté ainsi formée » (Le Moniteur, 1978 : 558).
  • [20]
    Je pense notamment aux « cohortes » réunissant des évangéliques de toutes dénominations animés d’un esprit de prosélytisme. Elles sont généralement constituées d’individus habitant un même quartier et inscrits dans une logique de guerre spirituelle. Selon Romain, ces initiatives ont contribué à faire le succès de l’évangélisme auprès du « menu peuple créolisant. En effet, […] des cohortes organisent des cultes à caractère populaire et exécutent des chants entraînants dont les airs rappellent ceux du folklore haïtien » (Romain, 1986 : 82).
  • [21]
    Interdiction, par exemple, de participer au carnaval, d’écouter certaines musiques, de parier, de jurer, de pratiquer le concubinage, d’aller au bal, etc. Ces éléments de la culture sont considérés comme « mondains » ou « païens ».
  • [22]
    Ce regard est aussi fondé sur des logiques de classe. Les membres de l’Armée céleste sont généralement issus des quartiers populaires ou du milieu rural ; ils sont, pour la plupart, pauvres et peu instruits.
  • [23]
    Parmi les récents travaux sur les Églises chrétiennes de la diaspora haïtienne, voir : Drotbohm (2007), Audebert (2012 : 117- 129), Bélaise (2012) et Louis (2015).
Français

L’idéologie de la créolité en vogue dans les Antilles françaises connaît un faible succès en Haïti, où elle ne parvient pas à concurrencer le discours de l’haïtianité élaboré par les tenants du nationalisme culturel de la fin des années 1920 et qui s’est imposé au cours des générations suivantes. L’influence d’un tel discours sur les arts et la littérature est bien étudié. Cet article aborde son influence sur les principales Églises chrétiennes et le vodou. Il montre comment il contribue à la transformation du champ religieux en Haïti, entre haïtianisation des principales Églises chrétiennes et reconnaissance progressive du vodou comme une composante majeure de l’identité culturelle.

  • religion
  • Haïti
  • créolité
  • haïtianité
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Lewis A. Clorméus
Université d'État d'Haïti, chercheur associé au CéSor/EHESS-CNRS – lclormeus@yahoo.fr
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 11/04/2022
https://doi.org/10.4000/assr.66058
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