CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction : intégrer l’ethnobotanique à l’étude des « hindouismes créoles »

1 Les dieux, les offrandes et les rituels hindous sont intimement liés au végétal : arbres, arbustes, feuilles, fleurs, racines, graines, herbes. De nombreuses plantes endémiques du sous-continent asiatique sont associées aux mythes hindous et sont considérées comme des dieux. Sans les plantes, pas de culte hindou. Qu’en est-il alors lorsque les hindous se déplacent hors de l’Inde et que d’un territoire à un autre le paysage végétal change ?

2 Le rôle des plantes et du paysage [1] végétal insulaire dans l’évolution des hindouismes [2] des Antilles françaises (Guadeloupe) et des Mascareignes (La Réunion et l’île Maurice) est ici abordé à partir du cas de l’hindouisme de la Guadeloupe. Étudier l’hindouisme dans les îles créoles, par son lien au paysage végétal, c’est interroger la manière dont l’utilisation des plantes joue un rôle dans l’installation et la pérennisation des cultes hindous en dehors de l’Inde. C’est aussi explorer le lien entre le paysage végétal insulaire et la transmission des savoirs et des pratiques religieuses hindoues depuis l’époque de l’engagisme [3]. L’enjeu méthodologique de cette approche repose donc sur un croisement des sources ethnographiques et des sources écrites, tant historiques (secondaires) que botaniques.

3 La venue des travailleurs engagés indiens aux Antilles françaises durant la seconde moitié du xixe siècle marque l’arrivée de l’hindouisme dans ces territoires insulaires. Près de 43 000 Indiens sont arrivés en Guadeloupe entre 1854 et 1889 (Schnakenbourg, 2005 : 12), apportant avec eux diversité linguistique et culturelle, diversité religieuse et diversité des savoirs liés à l’usage des plantes. Cette migration de travailleurs en provenance de l’Inde a duré trente-cinq ans. C’est peu de temps sur l’ensemble de la période de l’engagisme indien (1834-1917) et peu de temps comparé à d’autres îles de la Caraïbe. À Trinidad, colonie britannique située dans le Sud de la Caraïbe, où l’immigration a duré de 1845 à 1916, ce sont 143 939 personnes d’origine indienne qui sont arrivées pendant cette période (Lal, 2008).

4 Les îles Mascareignes, situées dans l’Océan indien, ont elles aussi accueilli beaucoup plus d’engagés indiens que les Antilles françaises. À l’île Maurice, par exemple, ce sont 453 063 personnes qui sont arrivées dans l’île sous contrat, de 1834 à 1900 (Lal, idem : 46). À la différence des Caraïbes, la venue de travailleurs indiens et notamment hindous aux Mascareignes, avait déjà commencé avant la période de l’engagisme (Gerbeau, 1992). Et les populations indiennes présentes dans ces îles témoignent de la diversité des échanges sur un temps long entre ces territoires insulaires et le sous-continent indien. L’hindouisme est arrivé aux Caraïbes avec les engagés indiens, aux Mascareignes c’est avec eux qu’il s’implante durablement. En Guadeloupe les hindous sont minoritaires au sein de la société antillaise. Tandis qu’à La Réunion, ils forment une part plus importante de la population de l’île (Ghasarian, 1991) ; la visibilité et la diversité des lieux de cultes et des pratiques rituelles y sont beaucoup plus fortes qu’en Guadeloupe. À l’île Maurice, les hindous sont majoritaires et largement représentés dans les sphères politiques de l’île, indépendante [4] depuis 1968 (Eisenlohr, 2006 ; Chazan-Gillig et al., 2009). La période de l’engagisme a donc été déterminante pour l’installation des cultes hindous dans les îles Caraïbes et Mascareignes, ainsi que pour la transmission des usages du végétal dans la pérennisation de ces cultes.

5 Plusieurs auteurs ont montré l’importance du végétal dans la pratique de l’hindouisme aux Antilles françaises. Les premières descriptions de ces cultes datent des années 1970-1980 (Singaravelou, 1975 ; Farrugia, 1975 ; Moutoussamy, 1987 ; Sulty et al., 1989). Ces études sont consacrées aux « Indiens des Antilles françaises » en général, et de la Guadeloupe en particulier. Les cultes hindous y sont décrits avec l’objectif d’illustrer la place d’une identité indienne au sein de la créolité antillaise, l’hindouisme apparaissant alors comme le point d’ancrage de la culture indienne dans le territoire insulaire. Les auteurs proposent une mise en valeur d’un aspect de la société antillaise jusqu’alors peu évoqué dans les réflexions sur la créolité des années 1980. Ils révèlent notamment l’importance du végétal dans la définition de l’indianité (Moutoussamy, idem) et de l’hindouisme (Sulty et al., idem) aux Antilles. À la fin des années 1990, Jean Benoist (1998 : 107-108) souligne lui aussi l’importance du végétal, en établissant une comparaison entre les hindouismes des deux archipels (Mascareignes, Antilles), à partir du cas réunionnais. Pourtant, si la question du végétal entre dans l’argumentation de ces auteurs, elle ne forme pas un sujet à part entière dans l’étude de ces hindouismes [5]. Comment dès lors aborder la question du lien entre le végétal et les cultes hindous dans les îles créoles, dans une perspective mêlant l’anthropologie religieuse à l’ethnobotanique ? La bibliographie [6] disponible sur les hindous du Sud de la Caraïbe ou des Mascareignes est bien plus abondante que celle sur les Antilles françaises et les différences propres aux contextes insulaires ne permettent pas toujours des analyses similaires. La présente réflexion repose sur ce déséquilibre : en positionnant l’hindouisme de la Guadeloupe vis-à-vis d’autres hindouismes mieux documentés, l’ethnobotanique propose une approche à l’intime même des pensées et pratiques religieuses populaires des Mondes créoles [7].

6 Les Antilles et les Mascareignes sont deux archipels distants [8]. Ils partagent des éléments historiques et anthropologiques qui se font écho : la colonisation européenne, l’esclavage et l’émergence des sociétés de plantation, l’engagisme indien, ainsi que la présence de l’hindouisme en contexte créolophone. À cela, il convient d’ajouter les multiples interactions (agronomiques, alimentaires, religieuses, thérapeutiques) avec le monde végétal, qui sont partie intégrante des processus de créolisation et des identités insulaires (Vilayleck, 2002 ; Benoist, 1993). La question spécifique de la créolisation, comme dynamique toujours renouvelée (Pourchez éd., 2013), peut être rapprochée de celle, plus générale, de la circulation d’un point géographique à un autre, des hommes, des espèces végétales et des savoirs (Grove, 1995 ; Juhé-Beaulaton, 1999 ; Boumédiène, 2016). Elle rejoint ainsi les enjeux de partage et d’échange des plantes et des savoirs écologiques (Pieroni, 2009 ; Voeks, 2012 ; Tareau, 2019). L’histoire des paysages végétaux insulaires est liée au peuplement des îles et au développement des sociétés de plantation (Hatzenberger, 2001 ; Carney, 2009). Chacune des populations qui a contribué à l’émergence des sociétés créoles a dû interagir avec le paysage végétal, une dynamique dans laquelle s’inscrivent aussi les engagés indiens et leurs descendants. C’est donc aussi dans cette idée d’une circulation des hommes et des plantes que s’ancre la possibilité d’une comparaison ethnographique entre les différentes pratiques hindoues des deux archipels.

7 Les données ethnographiques présentées sont issues d’enquêtes de terrain menées entre 2015 et 2018 en Guadeloupe, à La Réunion et à l’île Maurice. La méthode d’investigation comprenait la réalisation d’entretiens semi-directifs et de récits de vie (notamment avec des pousaris[9]), complétés par une visite des jardins domestiques et de l’entour des lieux de culte, avec un relevé de la présence des espèces. L’observation participante lors des rituels a été enrichie par un recensement photographique de l’utilisation des plantes. J’ai ensuite confronté ces données ethnographiques aux sources écrites afin de comprendre les stratégies de transmission et d’adaptation des savoirs religieux hindous mises en œuvre par les engagés et leurs descendants, en fonction de la disponibilité ou de l’absence d’espèces végétales dans le paysage insulaire. J’ai adopté la même méthodologie pour analyser la circulation actuelle des plantes entre l’Inde, les Antilles et les Mascareignes.

8 Les échanges qui se tissent actuellement entre les hindous de la Guadeloupe, de l’Inde, des pays du sud de la Caraïbe et des îles Mascareignes, entraînent de nouvelles modalités de connaissance des plantes et de leurs usages religieux hindous. Ces échanges favorisent l’introduction de nombreuses espèces végétales, dont la diffusion enrichit progressivement le paysage végétal des jardins et des lieux de culte hindous de la Guadeloupe. Comme aux Mascareignes, l’hindouisme en Guadeloupe est en train d’opérer une lente transition, qui modifie le rapport aux plantes dans un contexte de conflit de légitimité des savoirs religieux. Le végétal est à la fois un support et un élément du discours sur l’apprentissage, la transmission et la pratique des cultes hindous.

9 Explorons les trajectoires du végétal et du sacré au sein de ces hindouismes insulaires, en questionnant le rôle des plantes et du paysage végétal dans la création des espaces rituels, dans l’aménagement des jardins de temples et dans le choix de l’offrande sacrificielle.

Le paysage végétal insulaire comme lieu de report des savoirs hindous hors de l’Inde

10 L’ethnographie nous offre une perspective sur la chronologie des usages et de la diffusion des plantes. Les données mémorielles sur l’utilisation des plantes dans les rituels hindous sont éparses. Elles se manifestent au cours des entretiens par des noms de plantes qui émaillent des souvenirs d’enfance ou d’apprentissage (pousaris), ou par de longs silences. Le recours aux sources écrites est alors essentiel pour tenter de décrire l’insertion de l’hindouisme dans le paysage végétal insulaire. Les données issues des enquêtes de terrain sont ici présentées en vis-à-vis des sources disponibles sur l’histoire des Indiens en Guadeloupe.

L’hindouisme et le végétal : une symbiose de longue durée

11 L’hindouisme, héritier de pratiques anciennes et diversifiées, est lié à l’écologie du sous-continent asiatique et à son endémisme botanique (Key Chapple, 2000 ; Gupta, 1971 ; Pandey, 1989). Les courants de pensées et pratiques rituelles hindous, dans leur grande diversité, n’opèrent pas de distinction nature/culture (Sinha, 1995), offrant de ce fait au végétal et au paysage qu’il compose une place primordiale dans la relation homme/divin. L’arbre, pour les hindous, est aux fondements du lien entre l’homme, les dieux et le paysage : il est à la fois symbole des dieux, lieu de leur présence et lieu de culte (Pandey, 2016). L’hindouisme, dans ses diverses traditions, ne dissocie pas la pratique proprement rituelle (offrande sacrificielle animale ou végétale) des pratiques médicinales ou alimentaires. La symbolique des plantes se situe donc à la croisée de ces trois catégories (Zimmermann, 1989).

12 Dans le passage qu’il consacre à « l’univers végétal » dans l’hindouisme réunionnais, Jean Benoist (1998 : 107-114) affirme que « l’héritage indien dans les îles a retenu une part notable de ces liens entre le sacré et le végétal » et que l’usage des plantes dans les cultes hindous créoles illustre deux aspects de l’hindouisme hors de l’Inde : la pérennité de traditions indiennes anciennes en diaspora et une « unité profonde » de l’hindouisme au-delà de ses « fragmentations » [10].

13 En Guadeloupe, la transmission des usages des plantes dans les rituels hindous répond à deux contingences temporelles. Premièrement, le temps de l’exil et de l’éloignement qui sous-entend la découverte d’un paysage végétal différent de celui de l’Inde. Deuxièmement, le temps de l’insertion des engagés et de leurs descendants dans la société insulaire créole.

Hindouisme et créolisation : quelques éléments du contexte socio-culturel guadeloupéen

14 L’hindouisme pratiqué aujourd’hui en Guadeloupe résulte de la rencontre entre différentes traditions hindoues, villageoises et populaires, dans le contexte particulier de l’engagisme. L’hindouisme que pratiquaient les engagés n’était pas homogène. Il était caractérisé par une diversité de pratiques et de traditions qui n’étaient pas pensées par les engagés eux-mêmes comme une religion à part entière (Rocklin, 2019). En effet, l’idée de l’existence d’une religion hindoue, avec ses déclinaisons régionales, socio-culturelles et de castes [11], est liée à l’histoire coloniale, à la création de l’Inde comme État indépendant en 1947 (Biardeau, 1972 ; Assayag, 2001) et ne rend pas compte de la réalité ethnographique que forment les cultes hindous pratiqués de nos jours dans les îles créoles.

15 Parmi les engagés indiens arrivés en Guadeloupe [12] entre 1854 et 1889, originaires principalement du Pays tamoul et de la plaine Indo-Gangétique (Bihar et Aoudh), les hindous étaient majoritaires. La plupart de ces personnes étaient d’origine rurale et villageoise, de castes moyennes et inférieures (Singaravelou, 1975 : 28). Des musulmans sont aussi arrivés parmi les engagés, surtout à partir de 1861 [13]. Mais à l’échelle de la migration vers la Guadeloupe, ils étaient minoritaires. Les chrétiens étaient peu nombreux et les autres cultes, notamment les cultes sikhs et jains, étaient eux aussi faiblement représentés. Les Adivasis étaient eux aussi très peu nombreux. Quelques médecins, commerçants, soldats (cipayes) et brahmanes officiants religieux, sont aussi arrivés en Guadeloupe. Leur faible nombre peut être expliqué par la demande des planteurs d’avoir de la main-d’œuvre disponible pour un travail agricole, sans autre qualification de métier, contrairement par exemple à l’île Maurice où la présence indienne urbaine était déjà établie à la même époque et où une main-d’œuvre plus diversifiée (esclaves ou libres) était sollicitée bien avant la période de l’engagisme (Gerbeau, 1992). L’organisation sociale des rituels hindous en Guadeloupe témoigne encore de cette diversité. Chaque pousari et participant à une cérémonie a sa spécialité souvent transmise en famille. Parmi ces spécialités notons par exemple : le culte de Kali (en bhojpuri) ou de Mariamman (en tamoul), les hommes délégués au sacrifice animal, les joueurs de tambour tapou, ou encore les hommes et les femmes responsables du dépeçage des animaux sacrifiés.

16 Lorsqu’il décrit la « créolisation des Indiens de la Guadeloupe », Singaravelou (1975 : 139) parle d’une « fixation » de l’identité indienne autour du culte hindou et d’une « homogénéisation » de ce culte autour de la culture tamoule majoritaire parmi les engagés. La pratique hindoue semble en effet s’être « homogénéisée » autour du culte de la Déesse (Mariamman, Kali, Minakshi), tout en conservant des éléments hérités de différentes traditions, notamment musulmanes. On retrouve ainsi la déesse tamoule Mariamman (Mayémen ou Maliémen en créole) comme divinité centrale [14]. Madurai Viran (Madévilin), divinité villageoise tamoule, est prié à la fois comme le gardien de la déesse Mayémen, sous la forme de Minadéyon, et comme une divinité à part entière, gardée par la déesse Minakshi (Minatchi)  [15]. Les cultes de Kali (Kalimay) et Hanuman (Mahabil) sont, en Guadeloupe, plutôt liés à un héritage nord indien et bhojpuri (Sulty et al. 1989), bien que ces divinités soient aussi vénérées par les personnes d’origine tamoule. Le saint musulman tamoul Nagour Mira (en créole guadeloupéen : Nagoumila, Nagouloumila ou Nagoulan) est prié par les hindous, aux Antilles comme aux Mascareignes (L’Étang, 2001 ; Barat, 1989). Certains le considèrent comme un dieu à part entière. En Guadeloupe, le culte rendu à ce saint constitue parfois une spécificité rituelle qui est liée à la transmission de savoirs de castes (métiers) ou de savoirs musulmans dans certaines familles (Kermarrec, 2019 b ; Ahnee, 2019).

17 La pratique hindoue en Guadeloupe est fortement teintée par les « contacts » (Leiris, 1955) entre Indiens de différentes origines et les autres cultures en présence dans l’île, africaines, européennes et dans une bien moindre mesure amérindiennes. L’adoption de la langue créole et plus tardivement du français, ainsi que la conversion au christianisme, ont aussi conditionné la transmission des savoirs religieux hindous. La coexistence entre les pratiques hindoue et catholique semble prévaloir aujourd’hui dans la plupart des familles d’origine indienne en Guadeloupe. La conversion des populations d’engagés (africains, chinois et indiens), a représenté un enjeu pour les autorités cléricales catholiques (Delisle, 2000 : 205). Un zèle qui n’a pas été partagé par tous les planteurs. La célébration des cultes hindous n’était pas interdite sur les habitations (nom donné aux Antilles à la plantation) et le contrat d’engagement prévoyait quelques jours de repos pour la célébration annuelle du Pongol [16] (Alamkan, 2019). Cette permissivité, assez minime, visait à ce que les engagés indiens se stabilisent durablement sur les habitations, les planteurs s’assurant ainsi un accès plus sûr et moins onéreux à la main d’œuvre. Confrontés notamment à la barrière de la langue, les ecclésiastiques adoptèrent une stratégie missionnaire reposant sur la longue durée et l’insertion des Indiens dans la société créole (Delisle, idem : 207). Les planteurs insistaient pour que les Indiens se réengagent et les retours en Inde, pourtant prévus par les contrats d’engagement, furent peu nombreux. Les Indiens se sont donc vus contraints de rester définitivement en Guadeloupe (Schnakenbourg, 2005 : 1046)  [17].

Le manguier et le vèpèlè (nīm) : deux arbres comme référence dans le paysage insulaire

18 Sur les habitations, les engagés indiens tissent des liens particuliers avec le paysage végétal, dans un contexte de domination et d’oppression constante (Schnakenbourg, 2005 : 786 ; Singaravelou, 1975). La pratique du culte est pour eux un rempart à l’exil, à la misère et aux discriminations dont ils sont souvent victimes. Prier les dieux hindous dans le paysage de l’île est un moyen de survivre et d’exister.

19 L’exil pose la nécessité de la référence. Décrire l’arrivée de l’hindouisme aux Antilles demande de questionner les modalités de transposition des savoirs sur le paysage végétal des habitations [18]. Il s’agit d’un questionnement d’ordre épistémologique, qui pourrait concerner l’ensemble des îles créoles. La transmission des usages des plantes suppose-t-elle de pouvoir faire référence dans le paysage insulaire à une donnée connue, en l’occurrence une plante ? S’agit-il de reporter ce qu’on connaît (ce qui fait sens pour soi) sur ce qu’on ne connaît pas (un paysage différent) ? Ou alors faire ce qu’on connaît avec ce qu’on a en sa possession (reconnaissance des plantes dans le paysage) ? Ce qui sous-entend des difficultés et des impossibilités à transmettre les savoirs ? Des emprunts et échanges de savoirs et/ou espèces ? Ces emprunts sont possibles dans le cas des savoirs médicinaux, une plante asiatique absente du paysage antillais peut être remplacée par une plante américaine qui possède des propriétés similaires. Mais dans le contexte des rituels hindous, une plante n’est pas si facilement remplaçable par une autre, surtout si elle est associée à un dieu (Kermarrec, 2019 c).

20 La plantation [19] forme un paysage varié, qui ne se résume pas aux champs de canne à sucre, eux-mêmes lieux de diversité floristique (Stehlé, 1957). Si l’île est un territoire relativement isolé, elle n’est pas un lieu fermé aux circulations d’espèces végétales entre les différents espaces des empires européens (Hatzenberger, 2001 ; Fournet, 2002). Les engagés indiens arrivent dans un paysage insulaire qu’ils ne connaissent pas mais la flore, malgré ses nombreuses spécificités, ne leur est pas totalement inconnue. Le paysage végétal présente quelques similitudes avec celui de l’Inde tropicale, particulièrement le paysage des plantations et des jardins cultivés. Parmi les plantes utiles pour les rituels, les engagés indiens trouvent entre autres, du chiendent (Cynodon dactylon L. Pers.), des bananiers (Musa x paradisiaca L.), des manguiers, des tamariniers, des cocotiers et quelques aréquiers (Areca catechu L.). Ils trouvent aussi des fleurs comme le Gomphrena globosa L. à fleurs violettes et l’ixoras rouge (Ixora coccinea L.) tous deux associés à la déesse Kali ; divers jasmins dont le maliépou (Jasminum sambac L. Aiton), fleur de la déesse Mariamman ; du madar (Calotropis procera Aiton W.T. Aiton) spontané dans les plaines littorales sèches, dont ils offrent les fleurs au Shiva lingam et des fleurs de Datura L. (dont le Datura metel L.), aussi associées à Shiva [20]. Autour de leurs cases, les engagés indiens cultivent du curcuma (Curcuma longa L.) et du bétel (Piper betle L.) pour les rituels, l’alimentation et la médecine.

21 La présence ou l’absence d’espèces végétales utiles au culte hindou a eu un impact sur la transmission des savoirs religieux en Guadeloupe. Il est possible d’imaginer que les plantes utilisées jusqu’à aujourd’hui ont peut-être permis de cristalliser des savoirs religieux et des sémantiques qui pouvaient porter au départ sur de plus nombreuses espèces. À la fin du xixe siècle la différence avec le paysage végétal indien est perceptible dans l’absence des plantes liées aux mythes comme le tulsi (Ocimum tenuiflorum L.) et d’arbres liés à la présence des dieux comme le pipal (Ficus religiosa L.), le banyan (Ficus benghalensis L.), le bilva (Aegle marmelos (L.) Corrêa), le parijat[21] (Nyctanthes arbor-tristis L.) ou le santal (Santalum album L.).

22 Installer durablement les divinités dans le paysage végétal permet de pérenniser des repères hindous sur le territoire insulaire. L’arbre et les paysages arborés sont des lieux de culte hindou par excellence [22]. Aux Antilles et aux Mascareignes leur occupation a pu précéder la construction des temples. Certains arbres sont préférés, comme le manguier (Mangifera indica L.) et le nīm[23] (Azadirachta indica A. Juss.) Ces deux arbres indiens sont associés à la présence de Shiva et de sa śakti (force / déesse). Le manguier, diffusé dans les colonies tropicales vers le xviiie siècle, est commun dans le paysage des îles où il est cultivé et subspontané (Fournet, 2002 : t1, 1050). Il est probable que les engagés aient aussi pu planter des manguiers qu’ils ont transportés par graines depuis l’Inde. Si à l’île Maurice les Hindous ont pu investir les arbres plantés sur les axes de circulation des plantations (Chazan-Gillig et al., 2009), en Guadeloupe ils ont choisi des arbres dissimulés dans le paysage, à l’abri des regards.

23 En Guadeloupe, les Hindous invoquaient Mariamman et Kali sous les manguiers, avant la construction des premières chapelles [24], devenue possible par l’acquisition de terrains privés. L’arbre était choisi en fonction de son aspect et de sa situation dans le paysage, dans un lieu protégé, si possible proche d’un cours d’eau. Une fois investi de la présence de la déesse, cet arbre devenait de fait lieu de culte et espace sacré. Pour le culte de Kali, une bannière rouge pouvait être installée sur un bambou et attachée au tronc de l’arbre. A partir de l’observation des anciens lieux de culte et des données mémorielles recueillies en entretien, il est possible d’affirmer que ces espaces disposaient des éléments fondamentaux pour un rituel hindou. Les divinités étaient représentées par l’arbre lui-même ou par une pierre noire de forêt ou de rivière. Elles recevaient en offrandes un sacrifice animal (coq, bouc) et un sacrifice végétal : des fruits dont des bananes et des noix de coco, diverses fleurs, des feuilles de vèpèlè (Azadirachta indica) et de bétel, du manjatanni, eau pure additionnée de curcuma pilé à la roche, et comme encens la résine du gommier blanc (Dacryodes excelsa Vahl) endémique des Antilles. Les gommiers, arbres de la famille botanique Burceraceae Kunth, sont utilisés depuis l’époque amérindienne pour la confection de l’encens [25], un savoir transmis aux esclaves africains puis aux Indiens. Le bois du manguier est utilisé pour le feu sacrificiel [26], les feuilles pour l’ornement et la protection des maisons et des lieux de cultes. Singaravelou (1975 : 154) décrit l’évolution progressive de ces lieux de cultes. Les mūrti[27], qui n’étaient pas toutes disposées sous des arbres, ont d’abord été protégées sommairement des intempéries par des feuilles de tôle. Par la suite, un petit espace en dur pouvait être aménagé. En Guadeloupe, les temples sont généralement de petite taille et sont des lieux privés. Ces espaces sacrés où les divinités sont présentes se situent dans la continuité du jardin entourant la maison, ou un peu plus éloignés sur un terrain annexe (photo 1).

Photo 1. Paysage végétal autour d’un temple de Kali situé dans la continuité d’un jardin.

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Photo 1. Paysage végétal autour d’un temple de Kali situé dans la continuité d’un jardin.

Au centre : le manguier avec les drapeaux de prière et l’espace sacrificiel.
Boivin, Le Moule, Guadeloupe. 2016 (Photographie : Lou Kermarrec)

24 Comme dans le sud de l’Inde, le nīm ou vèpèlè (Azadirachta indica) est associé au culte de Mariamman. On lui prête des propriétés médicinales, purifiantes et protectrices, liées au pouvoir de la déesse (śakti). L’arbre aurait été introduit en Guadeloupe au début du xxe siècle, à la demande des Indiens, selon l'hypothèse formulée par Max Sulty et Jocelyn Nagapin (1989), qui est vérifiable à travers les sources botaniques (Flores et herbiers [28]) et les observations de terrain. La diffusion du nīm, sans-doute à partir de la région Est de la Grande-Terre, suit le développement progressif des temples. L’un des foyers de diffusion les plus anciens de l’espèce se situe aux alentours du cimetière indien de Raisins-Clairs dans la commune de Saint-François. L’arbre, planté devant les maisons des familles d’origine indienne, constitue aujourd’hui un signe distinctif d’identité dans le paysage végétal domestique. Il est devenu un symbole visible de l’indianité en Guadeloupe, au sens où la définit Ernest Moutoussamy (1987).

25 D’autres arbres, endémiques du paysage antillais, sont propices à l’installation des dieux hindous, comme le gommier rouge (Bursera simaruba (L.) Sarg.) et le poirier rose ou pwi (Tabebuia heterophylla (DC.) Britton). Ces deux arbres sont communs dans la région de la Grande-Terre où les hindous sont nombreux. Pourtant, aucun dieu hindou ne leur est associé, ils servent avant tout de support de lieu de culte (photo 2).

Photo 2. Hanuman installé sous un gommier rouge (Bursera simaruba).

Figure 1

Photo 2. Hanuman installé sous un gommier rouge (Bursera simaruba).

Temple de Gachet, Port-Louis, Guadeloupe, 2015.
(Photographie : Lou Kermarrec)

26 Les chapelles hindoues jouent un rôle déterminant dans la culture et la diffusion des plantes utiles pour les rituels. Certaines n’ont longtemps été disponibles que dans les jardins des pousaris. C’est le cas particulièrement du nīm ou vèpèlè (Azadirachta indica) et du bétel ou vètèlè (Piper betle) dont la diffusion suit, aujourd’hui encore, la répartition des lieux de culte hindou. Cette nécessité d’accès aux plantes pour la célébration des rituels a souvent été évoquée dans les entretiens. Un pousari de Port-Louis, en évoquant les dates de plantations des arbres autour de son temple familial, s’exprime ainsi :

27

Ils [les Indiens engagés, ndlr] sont partis de l’Inde sans savoir ce qu’ils allaient trouver là-bas [en Guadeloupe, ndlr]. Quand ils sont arrivés il fallait tout recommencer… [silence] Yo fè jan yo té pé èvè sa yo té ni [Ils ont fait au mieux avec ce qu’ils avaient, ndlr]. [silence] Les plantes étaient rares. Quand tu voulais faire une cérémonie, il fallait faire des kilomètres ! On allait demander à untel de nous donner telle plante … Les gran zendyen [pousaris les plus âgés, ndlr] avaient ça, oui. Et à Changy aussi. Maintenant les choses ont beaucoup changé. Maintenant même, tu prends l’avion, tu arrives en Inde ! [rires].

28

Un pousari, âgé d’environ 70 ans en 2015.

29 Les chapelles ont aussi été des lieux de replis où les Indiens se rassemblaient à l’écart, dans l’intimité. Des « créoles » venaient, souvent en toute discrétion, assister ou participer aux cérémonies. Les ecclésiastiques s’inquiétaient d’ailleurs des « risques réels d’idolâtrie, de superstition et de sorcellerie » engendrés par ces rassemblements (Singaravelou, 1975 : 140). Les pousaris ont progressivement acquis une notoriété qui dépasse le groupe des hindous. L’hindouisme est aujourd’hui pratiqué en Guadeloupe par de nombreuses personnes qui ne sont pas d’origine indienne. Mais il reste lié avant tout à une transmission familiale ancrée dans la mémoire de l’engagisme et la définition de soi en tant qu’Indien dans la société guadeloupéenne.

30 Cette place indéniable qu’ont aujourd’hui les Indiens dans la créolité antillaise les amène à questionner différemment leur lien au paysage végétal insulaire.

Circulation des plantes et des savoirs hindous : interroger le lien au sacré hors de l’Inde

31 Interrogeons maintenant la transmission des savoirs au prisme de la circulation actuelle des pratiques hindoues de l’Inde aux îles créoles et entre les Antilles et les Mascareignes, en établissant un lien entre trois notions : le végétal, le sacré et la créolisation. Les analyses présentées sont établies à partir d’observations ethnographiques et d’entretiens réalisés avec les officiants.

Le savoir du pousari, la plante sacrée et le paysage

32 Il est admis dans les travaux sur l’hindouisme en Asie que le sacré, tel que défini dans les monothéismes judéo-chrétiens, n’est pas pertinent pour les hindous. La différenciation entre le sacré et le profane ne ferait pas sens pour les hindous car elle imposerait une temporalité qui n’existerait pas dans le cadre de leurs cultes (Biardeau, 1972). Cependant, peu d’auteurs font l’impasse sur l’usage du mot sacré, et ce d’autant plus au sujet de l’hindouisme pratiqué aux Antilles [29].

33 Le mot sacré est utilisé en français et en créole par certains pousaris pour parler des plantes et des rituels. Les termes employés en créole pour parler des rituels, s’ils sont parfois issus d’un lexique francophone et chrétien [30], sont utilisés dans des contextes hindous. Et le lien entre les deux est pertinent lorsqu’il est question des plantes dites sacrées. Dans le cadre de l’hindouisme en Guadeloupe, la notion de sacré est au cœur du processus de créolisation, car elle est liée aux logiques de transmission des savoirs, aux notions d’espace (paysage et espace rituel) et de présence des dieux. La circulation des plantes et des savoirs de l’Inde aux îles créoles entraîne une nouvelle manière de concevoir le rituel et le lien au sacré. La notion de sacré prend une dimension épistémologique dans la pratique de l’hindouisme hors de l’Inde, car la fluctuation des applications du terme témoigne des adaptations et des échanges imposés par la créolisation. Une plante est dite sacrée lorsqu’elle est intrinsèquement liée à une divinité, comme le vèpèlè (Azadirachta indica) et le maliépou (Jasminum sambac) pour Mariamman par exemple, ou lorsqu’elle est utilisée de manière structurante dans un rituel. Les plantes sacrées sont avant tout désignées comme de bonnes plantes (bon plant), celles dont les pousaris connaissent les divers usages (rituels, thérapeutiques, magiques, etc.). Pour les hindous de la Guadeloupe, le sacré est tout ce qui fait lien avec les divinités, tout ce qui permet de marquer une frontière de pureté entre la vie commune et la présence des dieux à qui sont offerts les sacrifices. La gestion de la présence des divinités hindoues, dans l’espace du jardin, autour de la maison ou de la chapelle, est établie par cet ajustement permanent des notions de pureté, de respect et de pouvoir (force). Les plantes qui sont prélevées pour les rituels ont un statut particulier dans les jardins. Protégées des regards, il faut jeûner et leur demander la permission avant de les prélever pour un rituel et il arrive parfois que seul le pousari ait le droit d’y toucher. L’usage des plantes joue aussi un rôle dans la définition de l’espace rituel. Le lieu du sacrifice, notamment animal, est un espace sacré puisqu’il accueille les énergies des divinités. Il est délimité par quatre morceaux de camphre allumés et des feuilles de vèpèlè (symbole de la déesse).

34 Le sacré peut être compris dans le cadre d’une transmission et d’un apprentissage. Il revêt la dimension de savoirs transmis sur plusieurs générations, d’un apprentissage guru/disciple, et décrit aussi le lien à vie du pousari ou vatyal (maître) à une ou plusieurs divinités. Une plante sacrée est aussi celle dont les usages sont liés à l’apprentissage religieux hindou. Cette définition est à mettre en lien avec la difficulté de faire vivre un savoir en exil sur un temps long. Le sacré s’inscrit alors dans un lien mémoriel avec la préservation d’un culte, loin de la terre des Ancêtres (l’Inde), dans le cadre insulaire créole (la Guadeloupe).

35 Ainsi, comme l’affirme Jean Benoist (1998 : 107), il existe bien une continuité entre l’hindouisme de l’Inde et celui de sa diaspora créole, dans le lien établi entre le végétal et le sacré. À propos de l’usage des plantes dans le culte hindou, Jean Benoist (ibid) constatait qu’à La Réunion « la mémoire à ce sujet s’estompe, et que le sens de l’usage, et même le nom, de certaines plantes ne (sont) connus que de quelques spécialistes. » En effet, la déperdition des usages religieux des plantes est notable aussi en Guadeloupe et le nombre des espèces végétales dites sacrées et utilisées dans les rituels est relativement restreint par rapport aux foyers indiens de l’hindouisme villageois. Pourtant, les symboliques hindoues qui fondent le lien du sacré et du végétal ont été conservées.

L’émergence de réflexions sur le culte hindou et le paysage insulaire

36 Les questionnements sur l’identité indienne et l’authenticité du culte hindou apparaissent en Guadeloupe dans les années 1960-1980. C’est assez tardif par rapport à des îles comme Trinidad, Maurice ou La Réunion. L’apparition de ces questions en Guadeloupe s’inscrit aussi dans le contexte des luttes indépendantistes des années 1970-1980 et des réflexions politiques sur l’identité guadeloupéenne. C’est aussi la période où apparaissent les premiers ouvrages sur l’hindouisme en Guadeloupe, aujourd’hui encore fondamentaux pour les réflexions ethnographiques, car ils offrent une description détaillée du culte pratiqué à cette époque (Singaravelou, 1975 ; Farrugia, 1975 ; Moutoussamy, 1987 ; Sulty et al., 1989). Cette période de réflexion fait naître une volonté d’ouverture à l’Inde. Jean Benoist (2008) décrit ce processus réflexif où l’Inde, pays des Ancêtres, devient malgré l’éloignement géographique, un lieu plus facilement accessible. Progressivement, les voyages individuels ou en groupes religieux ou associatifs se développent vers l’Inde, le Sud de la Caraïbe et les Mascareignes. Ces circulations de personnes, en particulier des pousaris, impactent fortement le milieu hindou en Guadeloupe. Elles permettent l’introduction de nouvelles représentations de divinités et divers objets rituels manufacturés en Inde, tels des colliers de prière en graines de rudraksha (Elaeocarpus angustifolius Blume), des lampes à huile, de l’encens, des vêtements, mais surtout de nouveaux savoirs sur les plantes. Il ne faut pas non plus minimiser, à partir des années 2000, l’impact sur la transmission des savoirs religieux de l’arrivée d’Internet et de la diffusion de textes, d’images pieuses et de vidéos de rituels, notamment par les réseaux sociaux. L’apparition – bien qu’encore timide – de commerces dédiés à la vente de produits indiens et hindous accentue peu à peu ce phénomène. Si une forme de globalisation vient aujourd’hui frapper à la porte des temples hindous de la Guadeloupe et s’immiscer dans les processus de créolisation, le lien au végétal occupe une place particulière dans ces échanges : il est avant tout intime et personnel.

37 Le constat du manque des plantes utiles au culte hindou dans le paysage insulaire est renouvelé par les contacts établis avec l’Inde et avec les îles créoles. De nombreuses plantes sont alors introduites en Guadeloupe par des voyageurs individuels, dont plusieurs pousaris qui vont se former en Inde et tissent des liens d’amitié avec d’autres officiants hindous aux Mascareignes. L’influence des mouvements hindous réformateurs tel l’Arya Samaj et le Sanatan Dharma[31] est primordiale dans ces circulations d’espèces végétales entre l’Inde, les Caraïbes et les Mascareignes. Ces introductions font intervenir une nouvelle dimension dans la réflexion sur le sacré. La flore indienne et les textes védiques servent de référence. Le paysage des lieux de culte et des jardins est volontairement enrichi. Notons entre autres l’introduction en Guadeloupe au début des années 2000 du pipal (Ficus religiosa), du bilva (Aegle marmelos), du parijat (Nyctanthes arbor-tristis), de l’ashoka (Saraca asoca (Roxb.) W.J.de Wilde), du camphrier (Cinnamomum camphora (L.) J.Presl) et du tulsi (Ocimum tenuiflorum). Ces plantes ont été prélevées en Inde, aux Mascareignes ou dans le Sud de la Caraïbe (Trinidad, Guyane française, Guyana, Suriname). Il y a parfois plusieurs foyers de prélèvement pour une même espèce.

Des Lamiacées : Tulsī et les fonbazen

38 Prenons le cas du tulsi[32] (Ocimum tenuiflorum). Il est mentionné dans le Ramayana, où Hanuman, le dieu-singe, vient en aide au dieu Rama, avatar de Vishnu [33]. La plante est liée au culte de Vishnu : Tulsī, incarnant la dévotion à Vishnu, est l’une des formes de la déesse Lakshmi, fidèle compagne de Vishnu et déesse de la prospérité et de la richesse. En Inde, le tulsi est intégré aux rituels domestiques. Il est planté dans la cour des maisons et des temples où il reçoit un culte quotidien : circumambulations, prières, offrandes au début du jour d’eau, d’encens, de fleurs. Il est utilisé (feuilles, branches ou plante entière) dans les rituels de mariage, ainsi que dans les rituels à Vishnu et à ses avatars. En Inde, plusieurs plantes du genre Ocimum L. (des basilics) sont nommées tulsi. D’après les données ethnographiques et la documentation botanique, l’O. tenuiflorum semble introuvable en Guadeloupe avant le début des années 2000 environ [34], bien que son nom tamoul (tolsi ou tolasi) soit connu dans les prières, les chants et les épopées transmis oralement, comme le nadron[35] de Rama et Sita, extrait du Ramayana. L’étude de la trajectoire du tulsi vers la Guadeloupe montre bien que cette plante (plusieurs variétés) a été introduite dans un objectif religieux, notamment depuis l’Inde ou les Mascareignes, où elle a été prélevée par graines ou par plants. Vingt ans après son introduction, le culte du tulsi est très rare en Guadeloupe. Il s’agit de savoirs appris dans d’autres foyers de l’hindouisme, notamment ceux d’où la plante a pu être prélevée. L’intégration du tulsi dans les rituels sacrificiels est encore faible. Certains pousaris mettent par exemple des feuilles de tulsi dans l’eau qui sert à purifier les objets rituels et les offrandes végétales ou animales. Il sert aussi d’offrande dans les rituels de type brahmanique (puja), une pratique récente en Guadeloupe. En 2015, le tulsi était encore inconnu de nombreuses personnes, hommes ou femmes au-delà de 50 ans. Mais ces éléments changent grâce à la diffusion rapide de la plante, notamment par l’action des oiseaux et du vent. Les premiers cercles de sa diffusion sont liés à la communauté hindoue, mais depuis quelques années, l’engouement pour les plantes médicinales a contribué à sa diffusion en jardinerie et sur les marchés. Le tulsi est décrit comme une « bonne plante », médicinale et propitiatoire (bains et tisanes), qui permet d’attirer à soi chance et protection.

39 Les engagés indiens n’ont donc pas trouvé l’Ocimum tenuiflorum à leur arrivée en Guadeloupe, mais ils ont trouvé deux autres tulsis, l’Ocimum campechianum Mill. (fonbazen ou ti fonbazen) et l’Ocimum gratissimum L. (gran fonbazen ou benjwen), répandus en Amérique tropicale. En Guadeloupe, ces deux plantes apparaissent dans le culte d’Hanuman et sont nommées tulsi ou ramtulsi (Fournet, 2002 : t. 2, 1339 ; Kermarrec, 2019 a : 233). Les branches d’O. gratissimum sont ajoutées au bois de manguier pour allumer le feu sacrificiel. À la fin du rituel un mât en bambou, auquel est attaché un drapeau rouge, est dressé. Dans le trou creusé au sol pour réceptionner la base du mât, on verse en offrande des fleurs, du mannjatanni (eau et curcuma), du lait entier et des feuilles d’O. campechianum.

40 L’absence d’O. tenuiflorum en Guadeloupe a conduit à une cassure dans la transmission et une perte des symboliques liées à cette plante. Pourtant, il serait hâtif d’affirmer que le fonbazen aurait été utilisé en remplacement du tulsi. Le culte de Tulsī est par essence vishnouite. Les hindous arrivés à la Guadeloupe étaient majoritairement shivaïtes. Les variétés à feuilles vertes d’O. tenuiflorum et l’O. campechianum sont associés à Rama [36]. En Guadeloupe, l’O. campechianum (ramtulsi) sert d’offrande à Hanuman, ami et serviteur de Rama, mais ne reçoit pas de culte comme Tulsī. Peut-on en déduire une continuité de l’usage des tulsis associés à Rama et un arrêt de l’usage du tulsi (O. tenuiflorum) en raison de son absence dans le paysage de la Guadeloupe au xixe siècle ? De plus, les trois espèces présentent des caractéristiques botaniques et médicinales différentes. Les engagés indiens ont peut-être apporté avec eux des graines de tulsi, mais les spécimens n’ont alors pas été assez nombreux pour être transmis et sauvegardés [37].

41 En Inde, le culte du tulsi (O. tenuiflorum) concerne avant tout les hautes castes. Aux Antilles et aux Mascareignes, ce culte est revendiqué comme une pratique « authentique » et encouragé par les mouvements hindous réformateurs comme le Sanatan Dharma et l’Arya Samaj. Jean Benoist (1998 : 88) note à la fin des années 1990 que le tulsi est cultivé devant les maisons hindoues mauriciennes, une pratique qu’il dit ne pas avoir constaté à La Réunion. Aujourd’hui, le tulsi est cultivé devant plusieurs maisons hindoues de La Réunion, il est aussi toléré dans les jardins de temples lorsqu’il y pousse spontanément. Mais il y est rarement positionné comme une divinité à part entière, à l’inverse de ce que l’on peut observer à l’île Maurice. Depuis moins d’une dizaine d’années, un tulsi sacré est planté au temple Ti Bazar de Saint-André, à l’entrée du bâtiment principal, dans un pot typique du culte de cette plante (Tulsī, photo 3). Après la rénovation du temple Maha Vishnu de La Saline, un tulsi a été planté à droite du kodimaram[38], à la place du grand vani (Senegalia catechu (L.f.) P.J.H. Hurter & Mabb.) qui ombrageait autrefois la cour du temple. Malade, l'arbre avait dû être coupé en 2016 par sécurité. À l’arrière du pot de ce tulsi sont installés les pieds de Vishnu, que les dévots peuvent saluer avant d’entrer dans le temple [39].

42 L’Ocimum campechianum et l’Ocimum gratissimum sont cultivés aux Mascareignes, où ils sont nommés tulsi ou tolsi. L’O. gratissimum est parfois cultivé dans les temples mauriciens [40], comme au temple Amma Tookay (Durga) de Camp Diable, important lieu de pèlerinage pour la communauté tamoule mauricienne, où plusieurs variété de ce tulsi poussent dans le jardin [41].

Photo 3. Tulsi (Ocimum tenuiflorum) en pot au temple Ti Bazar, avant rénovation.

Figure 2

Photo 3. Tulsi (Ocimum tenuiflorum) en pot au temple Ti Bazar, avant rénovation.

Saint-André, La Réunion. 2016
(Photographie : Lou Kermarrec)

Le jardin du temple comme lieu de négociation des logiques d’apprentissage

43 Aux Antilles et aux Mascareignes, les débats actuels sur l’authenticité des pratiques hindoues « créoles » face à la circulation, à l’échelle de la diaspora indienne, de pratiques brahmaniques globalisées, ravivent les questionnements sur le paysage végétal insulaire et le choix des plantes d’offrandes. J’aborde cet enjeu par une comparaison avec les îles Mascareignes, à partir de données ethnographiques sur l’hindouisme de tradition tamoule, autour de deux thématiques : les débats sur l'offrande sacrificielle, la construction des lieux de culte et l'aménagement des jardins de temple.

Le rapport au végétal est un élément des discours sur l’évolution du culte

44 Aux Mascareignes comme aux Antilles, le végétal est au cœur des questionnements sur la nature de l’offrande sacrificielle (animale ou végétale). Interroger le sacrifice c’est redéfinir totalement la relation aux dieux hindous hérités des engagés. Deux visions s’opposent : l’une en faveur du culte sacrificiel hérité de l’hindouisme villageois pratiqué par les engagés et aujourd’hui créolisé ; l’autre axée sur une vision brahmanique de l’hindouisme, n’admettant plus les sacrifices animaux et prônant un appui sur les textes védiques. Cette opposition, bien présente aux Mascareignes, et dans une moindre mesure aux Antilles, se décline selon différentes modalités dans chaque île. C’est l’importance donnée à la plante dans le sacrifice qui retient notre attention.

45 En Guadeloupe, l’offrande sacrificielle animale constitue le moment fort du rituel. Que ce sacrifice soit pratiqué pour un acte de dévotion, une demande de grâce, ou un remerciement, il permet une certaine mise en ordre du monde par l’acte rituel, au sein de l’insularité créole. Aux Antilles comme aux Mascareignes, le rôle du sang dans la créolisation est important, car il inscrit le rituel sacrificiel dans une dynamique de rapport à l’Autre (humains et non humains). Le sang protège, il est une offrande forte.

46 À La Réunion et à l’île Maurice, le sang animal ou symbolisé (poudre rouge [42]) est une offrande et une protection contre la sorcellerie et le mauvais œil. Sacrifier à l’entrée des temples permet de protéger l’espace du temple avant un rituel et d’en éloigner les mauvaises énergies. Lorsque le sang animal est considéré comme impur pour un sacrifice, la nécessité du symbole du sang demeure. C’est dans cette brèche que s’insère l’usage des plantes. À l’île Maurice, par exemple, dans les temples reconstruits selon des normes brahmaniques, on pratique le sacrifice d’une courge [43] (Benincasa hispida Thunb. Cogn.) recouverte de poudre rouge, comme offrande et pour protéger l’espace rituel. On trouve aussi plus communément des citrons coupés en deux et recouverts de poudre rouge, comme protection contre les mauvaises présences, à l’entrée des temples, des maisons ou dans les carrefours pour protéger le passage d’une procession. Le sacrifice de la courge remplace le sacrifice animal dans l’espace du temple, mais la nécessité de la force du sang du sacrifice animal est incluse à l’usage de la plante et de la poudre rouge. Cette pratique n’éradique pas totalement le sacrifice animal qui peut avoir lieu hors des temples, pour des rituels notamment domestiques (photo 4).

Photo 4. Sacrifice de la courge au pied du mât de sabres (lesel sab) habillé de feuilles de nīm, à l’occasion d’une marche sur le feu.

Figure 3

Photo 4. Sacrifice de la courge au pied du mât de sabres (lesel sab) habillé de feuilles de nīm, à l’occasion d’une marche sur le feu.

Temple Ellai Kataye Ammen, Beaux-Songes, île Maurice, 2016.
(Photographie : Lou Kermarrec)

47 Suzanne Chazan-Gillig et Pavitranand Ramhota (2009) décrivent comment l’introduction du sacrifice de la courge à l’île Maurice a progressivement remplacé le sacrifice animal dans les temples ruraux (kalimaïs) de l’île, changement souvent suivi d’une reconstruction de ces temples et de l’abattage des arbres qui y étaient autrefois sacralisés, dont des manguiers et des banyans (Ficus benghalensis). Dans le même élan, il semble que plusieurs nīm et pipal (Ficus religiosa) aient été introduits de l’Inde pour être plantés sur les lieux de culte mauriciens [44].

Discontinuités des savoirs et des apprentissages dans l’espace du temple

48 Passons par La Réunion, au temple Maha Badra Kali[45] de Saint-Pierre. Le jardin du temple est planté d’arbres, palmiers, diverses fleurs et plantes médicinales. Le swami[46] qui réside dans l’espace du temple cultive lui aussi des fleurs et plantes médicinales devant sa porte, dont des géraniums, du tulsi (Ocimum tenuiflorum) et des petits œillets d’Inde (Tagetes patula L. [47]). En Inde, un swami est un brahmane dont l’autorité religieuse repose sur la connaissance des textes sacrés. En diaspora, les swamis sont souvent officiants dans les temples qui les hébergent. Ils y acquièrent de fait une autorité de savoir sur les rituels et les plantes qui leurs sont associées. Le swami, qui officie au temple Badra Kali depuis 2013, entretient des liens de confiance avec les fidèles.

49 L’ethnographie [48] de l’utilisation de l’espace végétal autour du temple illustre que ce jardin est un espace de négociation entre différentes logiques d’apprentissage et de transmission, et donc différentes autorités religieuses présentes au sein de la localité insulaire. Les caractéristiques du paysage végétal du temple font écho aux logiques actuelles de (ré)appropriations des savoirs religieux. La reconstruction du temple Badra Kali selon des normes brahmaniques invite les fidèles à repenser leur rapport au paysage végétal au sein de cet espace rituel, qui devient alors comme un lieu tampon entre les différentes visions du culte.

50 Le swami, originaire du Tamil Nadu, et les fidèles réunionnais (Malbars) ont chacun une vision différente de l’espace végétal du temple et de son utilisation. Les swamis sont pour eux, fidèles des grands temples, les premiers détenteurs des savoirs sur le végétal dans ces temples urbains. Les divers entretiens avec les fidèles, femmes et hommes, ont révélé une certaine gêne à parler des plantes du temple. Ils s’excusaient souvent de ne pouvoir en donner que les noms en créole et les utilisations transmises en famille. Une attitude réservée qu’ils n’avaient plus chez eux pour parler des mêmes plantes, dans le jardin familial. Les plantes situées à l’intérieur du temple étaient dites plus « fortes » que celles à l’extérieur. Les arbres du temple étaient utilisés pour « accrocher des remerciements » ou des « grâces » : tissus rouges, blancs ou noirs noués aux branches, parfois avec des offrandes de fruits ou de fleurs. Une pratique que le swami acceptait, mais n’a pas souhaité commenter, disant qu’il s’agissait d’une pratique réunionnaise malbar.

51 Lorsque le swami me fait faire le tour du jardin, il insiste sur les potentialités médicinales de chacune des plantes et sur leur lien avec les dieux. Le responsable du temple évoque quant à lui le projet de valorisation du jardin du temple et se concentre sur les arbres introduits de l’Inde : un vani (Senegalia catechu) ; un pipal (Ficus religiosa) planté proche des Neufs Planètes en association avec un lila (Melia azedarach) et un autre contre la chapelle de Ganesh, dieu auquel les Tamouls associent l’arbre ; un bilva ou vilvam (Aegle marmelos) dont le swami utilise les feuilles en forme de trident pour l’offrande au Shiva lingam. Une série de jeunes aréquiers (Areca catechu) en pots, alignés contre le mur, attendent d’être plantés dans le jardin, à la fin des travaux de rénovation.

52 Le pipal et le vilvam sont diffusés à La Réunion principalement par l’intermédiaire des temples où ils sont cultivés. Le pipal est mentionné par Jean Benoist à la fin des années 1990 par le nom « arcemaram » (Benoist, 1998 : 85), il serait aujourd’hui planté dans plusieurs temples réunionnais. Jean Benoist note de même que le vilvam est « rare à La Réunion où il a été planté à proximité de quelques temples » (Benoist, idem : 87). L’apport actuel de ces arbres dans les lieux de culte permet une diffusion progressive de ces espèces à La Réunion. Cette circulation des arbres liés aux mythes hindous est confortée par la volonté d’apprendre la « signification » véritable de leurs utilisations rituelles et médicinales. Le rôle du swami comme détenteur du savoir religieux est alors consolidé. Le temple, lieu de présence de la déesse Kali, est aussi le lieu où sont présents les arbres liés à sa śakti (force).

53 Le responsable du temple Badra Kali, au cours d’une visite du jardin, me rapporte ce qui suit :

54

  • Alors, ici c’est un peu particulier parce qu’on est en travaux, […] donc il y a pas mal de plantes qu’on essaie de conserver. […] Il y a un arbre qui s’appelle le vilvam. C’est un arbre spécial pour le dieu Shiva. Il est planté là. […] Je ne suis pas sûr que ce soit une plante qui soit arrivée directement avec les engagés. Je pense que petit à petit, quand on a commencé à s’approprier cette religion, il y a eu des apports. […] Il y a l’apprentissage, ce passage obligé. Donc l’apport de ces plantes liées au culte s’est fait petit à petit… le vilvam… le tulsi associé au dieu Vishnu.
  • Cet arbre [le pipal] a une grande signification dans l’hindouisme. Les femmes qui veulent avoir un enfant peuvent venir prier, quand on est sous l’influence de saturne on peut venir prier.
  • Il y a une plante particulièrement qui est emblématique [à La Réunion] c’est le marliépou. Alors, les temples qui disposent d’un brahmane n’utilisent pas de marliépou, d’œillet d’Inde, contrairement à ce qui se passe en Inde.
Extraits d’entretiens avec F. Mailly, responsable du temple Badra Karli, 12/2016.

55 Contrairement aux temples où officient les pousaris, le temple Badra Kali ne disposait effectivement pas d’une plantation de mariépou, les gros œillets d’Inde (Tagetes erecta L.) qui servent à la confection des marlé (colliers) d’offrande aux dieux. Une absence qui pourrait être expliquée par l’omniprésence du lien symbolique entre ces fleurs et le sacrifice animal pour la déesse (śakti) à La Réunion. Une symbolique qui n’existerait pas en tant que telle en Inde. Les œillets d’Inde sont originaires de l’Amérique et très courants dans le sous-continent indien où ils sont utilisés comme offrande et ornement dans les lieux de cultes (temples hindous, sanctuaires musulmans, etc.). À La Réunion et à l’île Maurice, ces fleurs sont cultivées et commercialisées spécialement pour les rituels hindous. Leur couleur jaune et orange safran est associée à la déesse. Le mariépou entre dans les stratégies de visibilité de la communauté hindoue malbar à La Réunion. Il est planté à l’entrée des jardins pour protéger l’espace domestique du mauvais œil. Les colliers de mariépou (marlé) sont une offrande visible dans les temples ruraux réunionnais, ainsi que lors des processions organisées pour les déesses, en association avec d’autres fleurs dont des gerberas (Gerbera L.) et des chrysanthèmes (Chrysanthemum × grandiflorum Ramat). On les retrouve aussi dans les cimetières communaux sur les tombes hindoues (surtout celles des pousaris). Le choix des fleurs d’offrande, comme les œillets d’Inde ou les chrysanthèmes, est lié à la circulation de modèles rituels et esthétiques entre les lieux de cultes hindous en Inde et ceux des îles créoles. Le temple comme lieu de diffusion des savoirs hindous en diaspora (Trouillet et al., 2016) s’en trouve renforcé, qu’il s’agisse d’un temple où officient des brahmanes salariés venus de l’Inde, ou d’un temple rural où officient des pousaris.

56 L’utilisation de l’espace végétal du temple Badra Kali témoigne d’une discontinuité entre ce qui a été transmis dans les familles hindoues réunionnaises et ce qui est enseigné à l’intérieur du temple, entraînant une certaine ambivalence entre la manière de faire et la manière d’être. Mais, cette discontinuité perceptible dans l’espace du temple (lieu public) s’annule dans le jardin domestique et l’entour des temples privés (lieu d’intimité). Et ce particulièrement dans les jardins des pousaris, lieu d’introduction et de diffusion de nombreuses espèces, de savoirs et d’usages, qui viennent se juxtaposer aux pratiques réunionnaises. Cette double dynamique (espace public/espace privé), dans la rencontre entre les savoirs hindous insulaires et la circulation de savoirs dits brahmaniques et plus globalisés, n’est pas spécifiquement réunionnaise. Elle se retrouve aussi à l’île Maurice et en Guadeloupe, selon des logiques propres à ces territoires.

57 Les circulations actuelles entre l’Inde et les îles entraînent souvent l’importation dans le milieu insulaire de savoirs nouveaux, qui ont finalement peu à voir avec l’héritage des engagés, et qui correspondent à une vision plus identitaire – et parfois politique – de soi en tant qu’hindou dans les îles créoles. La transmission de l’usage des plantes pour les rituels, et des espèces végétales au sein des jardins domestiques ou des jardins de temples, est primordiale dans ces évolutions. Ces nouvelles logiques d’apprentissage et de création d’un paysage végétal hindou font elles aussi partie d’une dynamique de créolisation à part entière ?

Conclusion : « Trajectoires » hindoues dans le paysage insulaire

58 Aux Antilles et aux Mascareignes, la trajectoire des plantes façonne les paysages, jusque dans l’intimité des offrandes. Par l’échange et l’introduction de plantes utiles au culte hindou, c’est le paysage végétal qui évolue. La circulation sur un temps long des plantes et des savoirs est une dynamique fondamentale de la formation des identités religieuses hindoues hors de l’Inde. Si le cas de l’hindouisme pratiqué à la Guadeloupe représente une singularité ethnographique, l’étude des circulations des plantes dans la transmission des savoirs religieux montre que cet hindouisme n’est plus vraiment isolé. Les évolutions actuelles de l’hindouisme en Guadeloupe ne sont pas dissociables des dynamiques d’appropriation et de réappropriation des savoirs religieux dans les autres foyers hindous insulaires.

59 Aux Caraïbes et aux Mascareignes, l’introduction et la diffusion de plantes et de savoirs (nouvelles prières, nouvelles manières de comprendre les divinités) révèlent une volonté de « combler un manque » [49] dans la transmission et de faire « évoluer » l’hindouisme pratiqué depuis le xixe siècle. Une dynamique nourrie par les circulations de pratiques hindoues brahmanes et orthodoxes.

60 Faut-il y voir nécessairement un « renouveau » ? Le terme demande d’être manié avec précaution. Il signifierait que la transmission, depuis l’époque de l’engagisme, des rituels hindous – au-delà de leur diversité – serait en train de s’amenuiser et nécessiterait d’être revivifiée. Or, la transmission ne disparaît pas, elle évolue en fonction du contexte insulaire dans lequel s’insère le culte hindou. Et l’histoire des paysages et des circulations végétales prouve bien que dans la relation hindouisme/paysage, l’authentique et l’origine ne sont pas toujours concordants. C’est la manière de se percevoir en tant qu’hindou vis-à-vis des divinités, du rituel et du milieu insulaire qui se renouvelle. Les plantes, lorsqu’elles sont offrandes ou dieux hindous, comme les œillets d’Inde, le tulsi et le nīm, peuvent alors devenir des éléments du dialogue intercommunautaire, dans la localité insulaire.

61 L’île est un lieu perméable, où s’enracinent diverses manières d’être, de prier et de faire lien avec le paysage, enrichi des multiples « trajectoires invisibles » des hommes et du végétal (Chamoiseau, 2011). La plante est un être vivant utile, elle est aussi un possible : celui de créer une relation résiliente entre sacré et paysage, par-delà les notions d’origine, de territoire, d’endémisme et d’exil.

Notes

  • [1]
    À propos du lien hommes/milieu/paysage comme questionnement anthropologique, voir Descola (2012-2014) ; Bahuchet (2017).
  • [2]
    À la suite de Jean Benoist (1998), qui pose l’expression « hindouismes créoles », le pluriel est souvent repris pour qualifier les pratiques hindoues des Antilles et des Mascareignes. J’utilise donc le mot hindouisme au pluriel pour désigner les différents contextes hindous, de la Guadeloupe, de La Réunion et de l’île Maurice. J’utilise parfois l’expression « hindouisme de la Guadeloupe », sans pour autant poser une exclusive dans l’application du terme « hindouisme ».
  • [3]
    L’engagisme désigne un système de travail sous contrat établi dans les colonies européennes de plantations dès le xviie siècle. J’utilise le terme « engagisme » en référence à « l’engagisme indien » (indian indenture), période allant de 1834 à 1917 durant laquelle près d’un million de personnes originaires du sous-continent indien ont été employées comme ouvriers agricoles sur les plantations continentales et insulaires des empires britanniques et français (Kumar, 2017). Par « engagés indiens » je désigne donc ces personnes (hommes, femmes, enfants) arrivées de l’Inde sous contrat de travail aux Antilles. Les « Indiens de la Guadeloupe » sont les descendants de ces personnes engagées.
  • [4]
    La Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, de même que la Guyane et Mayotte, sont des départements et régions français d’outre-mer.
  • [5]
    L’hindouisme est aussi décrit dans plusieurs études sur les pratiques thérapeutiques créoles des Antilles et des Mascareignes. Benoist, 1993 ; Benoît, 2000 : 238-257 ; Pourchez, 2002 ; Degras, 2016.
  • [6]
    Ghasarian, 1991 ; Benoist, 1998 ; Chazan-Gillig et al., 2009 ; Younger, 2009 ; Servan-Schreiber, 2014 ; Claveyrolas, 2010 et 2017 ; Rocklin, 2019.
  • [7]
    À propos des pratiques religieuses populaires des Mondes créoles, voir : Aubourg, 2011.
  • [8]
    Les Mascareignes (La Réunion, île Maurice, Rodrigues) sont situées dans l’Océan indien, proche de l’Afrique de l’Est et de Madagascar et ouvertes aux connections avec l’Asie du Sud. Les îles de Guadeloupe forment un archipel des Antilles françaises, situées au centre de la Caraïbe. Cet espace américain est caractérisé par son passé amérindien et colonial européen, lié à l’esclavage africain (Afrique de l’Ouest). Les connections culturelles et linguistiques, créoles notamment, sont nombreuses avec les mondes caribéens du Nord (jusqu’à Miami/Louisiane) et du Sud (jusqu’au Bassin de l’Orénoque/région des Guyanes).
  • [9]
    Pousari : officiant hindou. Mot créole venant du tamoul pūcāri. On trouve le mot pujārī en hindi. Ces deux mots viennent du sanskrit pūjāri.
  • [10]
    « Il est toutefois une remarque essentielle à faire à propos des plantes, c’est la continuité avec les traditions les plus anciennes de l’Inde. S’il est un domaine qui montre l’unité profonde de l’hindouisme par-delà ses diverses fragmentations et ses divers niveaux, c’est la relation à l’univers végétal » Jean Benoist (1998 : 108).
  • [11]
    Louis Dumont, 1964
  • [12]
    Pour un détail des origines géographiques et socio-culturelles des engagés indiens arrivés en Guadeloupe, voir : Singaravelou, 1975 ; L’Étang, 1994 ; Schnakenbourg, 2005 ; Lal, 2008 ; Alamkan, 2012.
  • [13]
    Après la signature de l’accord franco-britannique de 1861, des engagés sont embarqués au port de Calcutta.
  • [14]
    Au point que le mot Mayémen est une antonomase pour dire le rituel hindou, la cérémonie indienne.
  • [15]
    Le culte de la déesse Minakshi est lié à la ville de Madurai (Tamil Nadu).
  • [16]
    Pongol : fête agraire tamoule célébrée en janvier, au moment de la récolte du riz.
  • [17]
    Les Indiens obtiennent la nationalité française en 1923.
  • [18]
    À propos de la diversité des paysages végétaux antillais, voir Sastre, 2007 et Fournet, 2002.
  • [19]
    Il y avait aussi des plantations dédiées à la culture du café, du cacao, de la banane, ou à diverses cultures vivrières. Cf : Singaravelou, 1975 : 64.
  • [20]
    Les plantes de cette liste sont mentionnées par Antoine Duss (1897).
  • [21]
    Antoine Duss (1897 : 392) note la présence de l’arbre au jardin botanique de Saint-Pierre et alentour (Martinique), des spécimens trop rares pour être à la disponibilité des Indiens en Guadeloupe.
  • [22]
    À propos des arbres et des bois sacrés (sacred groves) du Sud de l’Inde, voir Kent, 2013.
  • [23]
    Pour désigner l’Azadirachta indica, les botanistes utilisent le mot anglais « neem » ou le mot français « margousier », mais ce dernier porte à confusion puisqu’il désigne aussi le Melia azedarach L. C’est pourquoi je choisis l’orthographe nīm en translitération de l’hindi (नीम). Employer en français le mot « nim » sans la translitération est une erreur et ne respecte pas le ī long du terme d’origine. Le mot nim existe en créole guadeloupéen, mais le mot vèpèlè (du tamoul) lui est préféré. Dans les créoles réunionnais et mauriciens l’Azadirachta indica est appelé vèpèlè ou lila, mot qui réfère aussi au Melia azedarach.
  • [24]
    Chapelle ou chapèl : nom donné aux temples hindous.
  • [25]
    Fournet (2002 : t1, 1042-1046).
  • [26]
    Les offrandes végétales faites dans le feu sont consommées par les dieux. Cette pratique ancienne est significative en Guadeloupe dans les cultes de Kali et d’Hanuman.
  • [27]
    Mūrti est un mot sanskrit signifiant la « forme » donnée à une divinité pour la représenter et lui rendre un culte, à différencier du mot swayambhu désignant la forme d’un dieu naturellement générée dans l’environnement.
  • [28]
    L’Herbier du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris conserve plusieurs planches d’Azadirachta indica, éléments prélevés à Saint-François dans les années 1930-1940.
  • [29]
    À propos de l’emploi du mot sacré dans l’hindouisme en Guadeloupe, voir Sulty et al., 1989 : 154 et Bomane Saib, 2011.
  • [30]
    Comme par exemple : bénédiction, grâce, sacré ou sacrifice.
  • [31]
    Le Sanatan Dharma est représenté en Guadeloupe par l’association loi 1901 Association culturelle Sanatan Dharma Samaj.
  • [32]
    En hindi, le mot tulsī est féminin. En français il est utilisé au masculin avec la graphie anglophone.
  • [33]
    Il existe de nombreuses versions et traductions du Ramayana, voir par exemple celle de Charlotte Vaudeville (1977).
  • [34]
    Dans la première édition de sa Flore (1978), Jacques Fournet mentionne l’Ocimum sanctum. Mais il invalide cette mention dans la seconde édition (2002 : t. 2, 1339) : « Ocimum tenuiflorum syn. O. sanctum, signalé par I. Vélez […] pas de spécimen. Douteux. » La Flore d’Ismael Vélez (1957) concerne l’ensemble des Petites Antilles, pas la Guadeloupe précisément.
  • [35]
    Nādagam (nadron en créole guadeloupéen) : épopée chantée et dansée.
  • [36]
    Upadhyay, 2015 ; Pandey, 1989 ; Gupta, 1971.
  • [37]
    Hypothèse formulée à partir de la consultation des Flores et d’enquêtes de terrain : données orales sur la connaissance et la transmission de l’Ocimum tenuiflorum et observations (de 2013 à 2020) attestant de la récente diffusion de l’espèce.
  • [38]
    Le kodimaram est un mât métallique monumental installé devant la porte principale des temples tamouls. Il porte les drapeaux du temple. À ses pieds sont installés le gardien protecteur du temple (Ganesh dans les temples brahmaniques) et le vahana (monture) du dieu, ou de la déesse, auquel est dédié le temple.
  • [39]
    Les données présentées dans ce paragraphe proviennent des entretiens et observations de terrain que j’ai réalisés à l’île Maurice et à La Réunion en 2016.
  • [40]
    Louis Bouton (1857 : 120) relève le nom « ram joolsee » pour l’Ocimum gratissimum.
  • [41]
    Une observation réalisée au temple Amma Tookay en décembre 2016.
  • [42]
    Poudre colorée, choisie de couleur rouge pour les rituels hindous : kuṅkumam en sanskrit, kumkum en hindi. Nommée vérmiyon à La Réunion ; vérmiyon ou koumgon à l’île Maurice.
  • [43]
    Courge nommée kalbas sinwa en créole mauricien.
  • [44]
    Une hypothèse qui apparaît aussi dans le travail de Sarita Boodhoo sur la culture bhojpuri à l’île Maurice (1999 : 80).
  • [45]
    Badra Karli en créole réunionnais.
  • [46]
    Somasundaram Sivakumar Gurukkal était appelé swami par les fidèles du temple.
  • [47]
    Tagetes erecta L. syn. Tagetes patula L.
  • [48]
    Ethnographie menée en 2016 quand le temple était en reconstruction. L’aménagement du jardin était alors en projet.
  • [49]
    Les expressions entre guillemets sont celles utilisées par les officiants.
Français

La circulation des hommes et des plantes peut-elle être mise en lien avec la formation des identités religieuses ? En quoi le paysage végétal peut-il influer sur la transmission des savoirs religieux en situation d’exil ? La pratique de l’hindouisme est intimement liée au paysage végétal. Pourtant cette question est peu traitée dans les études sur l’hindouisme pratiqué dans les îles créoles. À partir du cas de l’hindouisme de la Guadeloupe, voici une réflexion ethnographique sur le rôle du végétal dans les évolutions des hindouismes des Antilles (Guadeloupe) et des Mascareignes (La Réunion et l’île Maurice). En croisant des sources ethnographiques, botaniques et historiques, j’analyse le lien entre le paysage végétal insulaire et la transmission des savoirs et des pratiques religieuses hindoues depuis l’époque de l’engagisme (1834-1917). Les échanges actuels entre les hindous de la Guadeloupe et l’Inde, les pays du Sud de la Caraïbe et les îles Mascareignes entrainent de nouvelles modalités de connaissance des plantes et de leurs usages. Ces échanges favorisent l’introduction d’espèces végétales, comme le tulsi (Ocimum tenuiflorum L.), qui se diffusent progressivement dans le paysage des lieux de culte hindous de la Guadeloupe, dans le contexte d’une mise en contact des pratiques hindoues « créoles » avec la circulation de savoirs brahmaniques plus globalisés. L’étude du lien végétal/sacré offre une perspective nouvelle sur la créolisation des pratiques religieuses, et questionne le rôle des plantes et du paysage végétal dans la création des espaces rituels, dans l’aménagement des jardins de temples, et dans le choix de l’offrande sacrificielle.

  • transmission
  • sacré
  • créolisation
  • plantes
  • apprentissage
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Lou Kermarrec
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 11/04/2022
https://doi.org/10.4000/assr.66343
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