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Si la mystique est bien, selon l’expression d’Anthony Feneuil, cette expérience singulière « d’union à Dieu » – ou, pour demeurer au plus près de ce qui s’y joue et s’y avoue, le chemin en tant que tel, cette épreuve de l’impossible atteinte de Dieu –, l’inscription de cette expérience dans le champ de la philosophie comme « procédé de recherche philosophique » ne peut manquer d’entraîner une reconfiguration en profondeur des concepts propres à ce champ. Parce que son œuvre se présente comme une métaphysique de l’immanence ouverte à la transcendance, et qu’il conçoit la connaissance comme « un contact et même une coïncidence », Bergson est sans doute le philosophe qui, introduisant la mystique au cœur de sa métaphysique, a le plus radicalement mis en jeu sa pensée propre. De l’Essai sur les données immédiates de la conscience (1889) aux Deux sources de la morale et de la religion (1932), en passant par L’évolution créatrice (1907), A. Feneuil analyse l’approfondissement de la philosophie bergsonienne par la mise en place des catégories fondamentales permettant de poser la mystique comme noyau d’une nouvelle conceptualité philosophique. Si la philosophie se veut en mesure « d’approcher la nature de Dieu », c’est à condition de « mettre en formule » la mystique, ou, plus exactement, de repérer, dans l’énonciation mystique, ce qui se livre comme formule – et concept – de ce qui a nom « Dieu ». On sait, à s’en tenir aux auteurs mystiques du xviie siècle (Malaval, Guilloré, Piny, Cyprien de la Nativité), mais aussi bien aux grands énoncés rhéno-flamands (Maître Eckhart, Nicolas de Cuse) que formule ou concept ne sont pas ici pris au hasard, mais fondent la mystique comme science de Dieu…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 23/08/2014
- https://doi.org/10.4000/assr.25473