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Introduction

1Dans les premiers jours de janvier 2013, une intervention conjointe des forces armées françaises et de leurs alliés régionaux – connue sous le nom d’Opération Serval – a repoussé l’avancée de groupes islamistes se dirigeant vers le sud du Mali. Quelques semaines de combats ont suffi à reprendre le contrôle de la quasi-totalité des villes qui avaient échappé au pouvoir de Bamako dans le courant de l’année 2012, à la faveur d’une alliance circonstancielle entre groupes islamistes désireux d’imposer la sharia et de contrôler les trafics d’une part, et rebelles touareg en quête d’indépendance d’autre part. Il faut dire qu’il n’y avait plus de pouvoir à Bamako et que l’occasion se présentait d’avancer dans le dessin d’un autre espace politique (ou de plusieurs quand ont été révélées les contradictions internes au mouvement de conquête !).

2La complexité des rapports entretenus par les acteurs de ce conflit armé et l’antagonisme de leurs motivations politiques, a conduit nombre d’analystes à choisir l’expertise « à chaud » d’une situation de guerre dans les termes admis de la géopolitique. Dans cet article, nous soutenons que la situation « malienne » ou plus globalement saharo-sahélienne, réclame d’autres arguments et une remontée théorique qui trouve difficilement sa place dans un commentaire fondé sur le territoire des États-nations [1]. Pour l’éclairer, deux enquêtes ont été menées selon une théorie de l’espace qui place le mouvement en premier, avant même de désigner les lieux et les territoires comme s’ils étaient là, depuis toujours et pour toujours. Par la mobilité ravivée, un autre héritage s’est imposé, celui de la « route » qui n’est pas qu’un support matériel de la circulation, mais d’abord un lien virtuel qui peut être activé à tout moment dans un espace incertain des lieux. L’espace géographique des « sites » ne dit rien de ces lieux qui surgissent dans l’autre espace de représentation auquel nous invitons : l’espace mobile.

1 Deux enquêtes géographiques

3La première enquête, sur la très longue durée de la recherche et des temps de la géographie, rappelle dans quel espace de représentation dominant se sont déroulés les événements de mars 2012 à mars 2013, jusqu’à proposer que la guerre n’a peut-être pas eu lieu au Mali, que ce n’était peut-être pas une guerre, et que l’enjeu n’était pas le territoire. Ce sont là trois propositions de réponses dissonantes aux questions éminemment géographiques : où, qui et quoi, comment ? Les réponses à la question de savoir pourquoi le conflit a éclaté là et pas ailleurs n’en ressortiront pas avec assurance du fait même que le résultat de l’enquête conclut à la saillance aléatoire des lieux.

4La seconde enquête s’est attachée aux événements de l’année 2012, systématiquement replacés dans cet espace mobile de représentation qui ne visait ni le Mali, ni le territoire, ni même la guerre de front. La localisation des événements liés au conflit malien semble-t-elle ramener à la topographie d’un territoire disputé ? Il n’en est rien. L’actualité du conflit montre que les combats qui eurent lieu à Konna et à Diabali, « au Mali » (10-18 janvier 2013), puis à In Amenas, « en Algérie » (16-19 janvier 2013), sont situés à 2000 km de distance, sans que l’on sache bien qui en étaient les organisateurs pourtant issus de la campagne du Nord-Mali en 2012. Les prises d’otages survenues au Nord du Cameroun et du Nigeria (19 février 2013) rappellent aussi que la violence armée liée aux groupes terroristes peut se manifester partout où passent les réseaux que nous décrivons, ce qui ne constitue pas un plan de conquête des villes du Nord-Mali qui n’est, finalement, que de circonstance, encore moins de l’État malien !

5Le repli probable des animateurs de la campagne malienne au sud de la Libye, dans la région du Fezzan (Sebha), souligne que ce nouveau « sanctuaire » échappe lui aussi à toute forme de souveraineté étatique. Comme Kidal au Mali les oasis du sud de la Libye, sont les nœuds par lesquels passe une route transsaharienne. Celle-ci conduit à Maïduguri, berceau de Boko Haram qui est la mouvance islamiste syncrétiste héritière du travail de longue durée entamé, dès les années 1990, autour de la medersa de la capitale du Bornou. La vieille route bornouane traverse le Ténéré du nord au sud et rejoint le Nigeria islamiste par Boultoum, puis Zinder ou Diffa au Niger (Retaillé, 1983, 1986, 1989 a et b, 1993). Cette ligne est la réplique de celle qui, plus à l’ouest, fut le théâtre des événements de l’année 2012-2013. Et il en est d’autres. Notons, cependant, que la route bornouane passe par Agadem, qui est le nouveau site d’extraction du pétrole au Niger, pétrole raffiné à Zinder, l’ensemble de la filière étant contrôlé par la chinoise CNPC. Voilà une belle piste dont le contrôle importe à l’instar de la route de l’uranium, au Niger également, entre Arlit et Tahoua.

6Les territoires et les frontières ne guident en rien la circulation des acteurs impliqués au Sahara-Sahel, sinon à travers les déclarations de ceux qui se trouvent finalement dépossédés de leur propre intelligence de l’espace en réclamant et proclamant le « territoire ». Les « Touareg », autre fantasme partagé pour désigner des positions et des partis qui peuvent s’opposer farouchement, le savent désormais. Certains d’entre eux qui croyaient pouvoir s’allier aux islamistes pour faire avancer la cause de l’indépendance de l’Azawad, ne sont pas parvenus à réaliser leurs objectifs territoriaux. L’illusion de l’espace continu par extension topographique autour des nœuds commandant la mobilité, a volé en éclats. Autant dire que les références géographiques qui sont habituellement les nôtres atteignent le simplisme quand elles associent les identités mobilisées à des territoires revendiqués. Les deux enquêtes sur la longue durée de l’espace et des événements de l’année 2012-2013 se rejoignent là pour montrer que l’association de l’identité collective et du territoire relève de l’idéologie ou, au moins, d’un principe d’action. Azawad : un slogan !

7Dès le début des années 2000, déjà, deux initiatives américaines destinées à renforcer les capacités des forces armées ouest-africaines sonnaient l’alarme : l’espace territorialisé des États était totalement subverti. Pourtant, elles étaient elles-mêmes fondées sur une conception territoriale de l’espace. Il leur manquait de se situer dans le bon espace de représentation, celui des « adversaires terroristes ». C’est ce genre de faille que voudrait montrer ce court texte, et du même coup la nécessité de penser l’espace autrement pour faire face à un terrorisme qui ne se réduit pas à la figure islamiste, même si là réside l’affichage mobilisateur.

8Pour répondre à la demande des « Annales » concernant l’actualité saharienne, le parti a été pris d’en rester au conflit malien durant le premier semestre 2012, en le replaçant dans un cadre qui permette de le comprendre, alors que l’expertise géopolitique ne l’a pas saisi de manière tout à fait satisfaisante. Cela, quitte à chercher quelques vérifications dans le semestre suivant, jusqu’à janvier 2013. Le texte reprend donc le déroulement des opérations (le temps court de l’actualité), en évoquant la nécessité d’envisager un autre espace de représentation que celui qui encadre nos savoirs disciplinaires (le temps long de l’expertise scientifique). C’est le principe que nous retenons a posteriori après que ce qui était décelable a priori, depuis 25 ou 30 ans, s’est trouvé conforté. Un retournement de l’axiomatique commune est même proposé : admettre que le mouvement est premier, et non pas les lieux avec leurs attributs. Ce retournement découle du constat selon lequel l’héritage d’un espace organisé autour du mouvement a été rendu actif par le réseau social constitué autour de la mobilisation islamique instrumentalisant la mobilisation touareg. L’occasion malienne est donc à prendre comme telle, qui s’est présentée quand le masque du modèle de la transition démocratique et de la décentralisation entreprises au Mali est tombé le 22 mars 2012, avec le coup d’État.

9En vérité, la mise en mouvement de l’espace du pouvoir avait commencé dès la mi-janvier 2012 par l’offensive touareg visant Ménaka, Tessalit, Tin Zaouatene ; dès 2006 si l’on prend en compte le discours de Kadhafi à Tombouctou dans lequel il annonçait que les nations occidentales « devraient accepter de devenir musulmanes avec le temps ou bien de déclarer la guerre aux musulmans » ; ou dès le milieu des années 1980 si l’on se souvient des réseaux de résistance aux effets de l’ajustement structurel et aux années de sécheresse que furent 1984 et 1987 ; cela sans compter les révoltes des premières années de l’indépendance. Au Mali, tout s’est trouvé occulté par les dithyrambes consacrés à la démocratie et à la décentralisation réussies (Hugueux 2012). Le temps long de l’enquête replace alors la jonction des réseaux actuels et la mobilité de l’espace qui est au fondement de la définition du Sahel, dans une même perspective qui inverse la géographie spontanée des savants experts en géopolitique. Il est bon de pouvoir suggérer que les savoir-penser l’espace des autres (les savoirs que les autres produisent et utilisent) pourraient avantageusement alimenter le corpus d’une discipline mal décolonisée : la géographie.

10Les suites méthodologiques et théoriques de la critique dressée ici ne seront cependant qu’évoquées, et nous ne tenterons pas de régler le problème de la figuration de l’espace mobile qui est beaucoup plus qu’une représentation des mouvements. C’est le problème du passage d’un espace anthropologique « observé » (nomade) à un espace méthodologique généralisable, porteur de modèles en puissance. Quelques pages ne suffiraient pas à démontrer la difficulté à écorner les paradigmes bien établis, comme celui de l’analyse spatiale ou, pis encore, celui des déterminismes de milieu, sans même tenter, non plus, une critique en règle de la monolangue du territoire (Ben Arrous 2012). L’actualité malienne du premier semestre 2012 sera simplement utilisée pour suggérer le besoin de prendre la question autrement et souligner la faiblesse des commentaires convenus.

2 Rappel de l’actualité

11Dans le conflit malien, le mouvement est premier, dans la mesure où l’installation des islamistes au Mali, loin de résulter uniquement de l’arrivée d’ex-combattants revenus de Libye à partir de l’été 2011, s’explique avant tout par la tolérance qui leur a été accordée dès le début des années 2000 par les autorités de Bamako. En 2003, sous la pression de l’armée et des services de renseignement algériens, les terroristes du Groupement Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) qui deviendra Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) en 2007, se réfugient dans le désert malien après avoir kidnappé une trentaine de touristes européens dans le sud algérien. Ces groupes commencent alors à nouer des alliances politiques et matrimoniales avec les tribus touareg et arabes (Retaillé et Walther, 2011b). Refoulé des bastions densément peuplés de Kabylie, le réseau mobile du terrorisme circule de part et d’autre des deux versants sahariens hérités de la colonisation (Graham, 2011 ; Larémont, 2011), transformant la frontière Algérie-Mali en confins indécis puis en espace mobile.

12Au tournant des années 2010, les conditions sont particulièrement favorables au développement d’autres groupes extrémistes comme le Mouvement pour l’Unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO, créé en 2011) et Ansar Dine (2012) qui comptent aussi bien des Touareg maliens que des « Arabes » et des Algériens (Grégoire, 2013). Enlèvements et trafics transfrontaliers alimentent les ressources des terroristes (Pham, 2011) et leur permettent, à la faveur de la chute de Mouammar Kadhafi en Libye en 2011 et d’Amadou Toumani Touré au Mali en 2012, de mener une offensive de grande ampleur contre l’armée malienne, particulièrement désorganisée et manquant de moyens (Lecocq et al., 2013). Dans les premiers mois du conflit, une alliance provisoire entre islamistes et rebelles touareg du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) permet l’avancée rapide des troupes sur le terrain et la prise des villes de Kidal, Tombouctou et Gao après Menaka, Tessalit et Tin Zaouatene dont le MNLA s’était seul emparé en janvier, comme pour un test de résistance. Très vite, cependant, les islamistes d’AQMI, d’Ansar Dine et du MUJAO évincent les indépendantistes touareg du MNLA, allant jusqu’à les chasser des villes qu’ils occupaient précédemment (Carte 1).

13Que s’est-il donc passé ? Oublieux de leur espace de représentation, les Touaregs ont cru voir dans la nébuleuse islamique terroriste le moyen de former un territoire d’État, l’Azawad. C’était sans compter que la force et la survie des réseaux terroristes tiennent dans le mouvement permanent. Les territoires circulatoires des Touareg en portent témoignage à travers les nomadisations matérielles mais aussi à travers les associations à distance qui font, c’est le propre du nomadisme, qu’on peut être partout chez soi. Ayant su utiliser les savoirs nomades et leurs réseaux pour aboutir au contrôle des routes et des lieux, AQMI et Ansar Dine ont finalement chassé les Touaregs du MNLA et détruit les hauts lieux « fixes » de Tombouctou, par exemple, qu’étaient les tombeaux des saints. Il n’était pas question, pour eux, de s’encombrer de territoire et de consommer sa force dans la maîtrise de la surface. Le contrôle du mouvement et des lieux de croisement suffit au pouvoir dans un espace mobile, les lieux étant eux-mêmes mobiles. Les outils pour le comprendre sont ceux d’un autre espace de représentation. Il n’est pas facile de répondre à la question « où ? » de manière prédictive quand préside la saillance des bonnes occasions.

Carte 1

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Carte 1

Autour de l’Azawad : frontières, routes, villes et mouvements Around Azawad territory : borders, roads, towns and movement patterns

14La définition de l’Azawad devient alors pour le moins problématique. En bonne géopolitique, l’Azawad est avant tout la tentative de création d’un État-nation qui revendique, par la force, son inscription dans la mosaïque territoriale des autres États du monde. Cette interprétation est très proche de celle du projet politique du MNLA (2012), qui vise « l’unité nationale entre les fils de l’Azawad » au-delà des différences ethniques. Le projet évoque notamment la nécessité de parvenir à un État indépendant ; pour cela, la terre confisquée « est la revendication principale ; tant qu’elle n’est pas recouvrée, toute autre réclamation est inutile car on ne peut pas parler de la souveraineté sans entière autogestion des affaires de gens sur leur terre natale » (Art. 2). Cela implique nécessairement, selon le projet politique toujours, de rejeter « diamétralement toute présence illégale sur [la] terre, y compris surtout la présence militaire malienne et toute autre présence qu’elle a permise ou facilitée » (Art. 3).

15La vision géopolitique et celle du MNLA peuvent être représentées de manière classique, comme sur la Carte 2 qui délimite l’emprise territoriale du nouvel État. L’aire de peuplement touareg y figure pour rappeler que l’Azawad politique ne recouvre que très partiellement ce qu’on appelle l’aire culturelle touareg, s’étendant des confins mauritaniens à la Libye. L’Azawad est par surcroît délimité par des frontières de l’ordre interétatique déjà établi, si ce n’est une nouvelle délimitation avec le Mali « méridional ». En outre, bien qu’orienté par la stratégie politique des Touareg du Mali, l’Azawad comprend d’autres groupes ethniques, dont les Songhay, les Arabes, les Peul, les Dogon, les Bozo ou les Somono qui, pris tous ensemble, sont majoritaires démographiquement mais souvent oubliés des commentaires. Certains de ces groupes ont d’ailleurs produit des projets politiques concurrents de celui du MNLA, comme les milices songhay et peul Gando Izo et Ganda Koy, précédemment mobilisées pour combattre les diverses rébellions touareg, ou le Front national de libération de l’Azawad (FNLA) composé principalement d’Arabes de Tombouctou. Cette diversité oubliée dans les tableaux réductionnistes, constitue autant d’irrédentismes possibles dans la logique territoriale, ce dont les groupes islamistes ne veulent pas s’encombrer, il faut le répéter. La réponse « qui » (ou quoi) de la géographie est suffisamment embrouillée pour choisir d’éviter les simplifications en catégories. Les alliances nouées et dénouées très rapidement ne supportent pas les simplifications : nomades, islamistes en sont, bien qu’étant encore utilisées dans ce texte pour éviter quelques difficultés supplémentaires.

3 Le « Sahel » en cartes

16Pour comprendre comment l’espace des représentations peut varier selon les acteurs du conflit malien, nous proposons de partir d’un échantillon de cartes.

17La première représente les zones formellement déconseillées aux voyageurs par le Ministère français des Affaires étrangères (Carte 3). Elle est établie sur un fond d’États, insistant par là même sur le fait que ces États-là ne contrôlent pas réellement leur territoire. De vastes zones, y compris en Algérie, échappent à la fiction géopolitique de l’unité nationale et de la continuité territoriale. Il faut alors saisir que les prolongements hors le domaine bioclimatique devenu éponyme de la situation rapportée par les médias – Sahel – ne sont que les images de ramifications débordantes. Le rhizome, métaphore heureuse proposée par Deleuze et Guattari (1982), est très utile dans la qualification d’un réseau non hiérarchisé dont les drageons peuvent surgir partout où ils ne sont pas attendus ; surtout là où ils ne sont pas attendus. Dans l’espace mobile la prédiction n’est guère possible. Seuls des principes peuvent en être dégagés.

Carte 2

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Carte 2

Les peuplements de l’Azawad revendiqué Populations involved in claimed Azawad territory

18Qu’est-il arrivé au Sahel des géographes pour subir une telle déformation ? Il est arrivé que la définition-délimitation doublement naturaliste avait manqué l’essentiel de la « nature » des lieux. En s’attachant au modèle bioclimatique, en traçant une limite entre les « genres de vie », en opposant frontalement nomades et sédentaires, puis, plus tard, en entonnant le couplet de la frontière coloniale tracée sur la carte à travers les réalités, les premiers géographes de la région avaient objectivement fait leur travail d’observateurs extérieurs. Sauf que pour bien comprendre les situations, il aurait fallu être à l’intérieur et se méfier des héritages antiques plus ou moins liés à la théorie des climats. Sans remonter aussi loin, c’est l’impérieuse nécessité de procéder à des découpages et à des catégorisations qui est en cause. Les limites bioclimatiques et les frontières sont de ceux-là, trop aisément cartographiables, ce qui n’est pas le cas des espaces ethniques qui n’ont en général pas la forme d’aires délimitées. Géographie et ethnographie leur en ont fourni conjointement les propriétés, rendant possible ce qu’il faut bien appeler une ethnopolitique. Or, la réalisation d’une fiction « utile » est toujours possible ou à craindre. L’opposition ethnique des nomades et des sédentaires a été particulièrement commode puis efficace, mais singulièrement fausse et dangereuse.

Carte 3

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Carte 3

Le Sahel comme espace du terrorisme selon le MAE The Sahel as space for terrorist activity
French Ministry for Foreign Affairs, July 2013.

19Pour s’en rendre compte plus en détail, considérons la Carte 4. La zonation bioclimatique ouest-africaine y présente toute la régularité du modèle. Les isohyètes sont parallèles aux parallèles et l’irrégularité pluviométrique se traduit par un balancement de l’ensemble du système vers le nord les années pluvieuses, vers le sud les années sèches. La moyenne, qui n’a pas beaucoup de sens, place le Sahel entre 600 mm annuels au sud et 200 mm (ou 150) au nord. Une observation approximative mais régulière elle aussi, montre la descente de l’isohyète 400 des mauvaises années vers l’isohyète 600 de la moyenne « normale ». Or 400 mm de précipitations constituent la condition minimale de possibilité de l’agriculture sous pluie, sans irrigation, par 26° de température moyenne annuelle. La même observation, côté nord, montre la descente de l’isohyète 150 (ou 200) vers l’isohyète moyenne « normale » 400. 150 ou 200 mm de précipitations sont le minimum nécessaire à la reconstitution du pâturage naturel à graminées.

20La définition géographique du Sahel est donc d’abord notée par une délimitation fondée sur l’agriculture sous pluie et l’élevage pastoral rapprochés entre 600 et 400 mm de pluviométrie normale [2]. L’irrégularité interannuelle et périodique des précipitations ajoute un caractère mobile qui se traduit par une poussée tendancielle paysanne vers le nord pendant les bonnes périodes pluviométriques et, à l’inverse, par une poussée tendancielle des pasteurs vers le sud pendant les périodes sèches. Il en résulte, pour le Sahel, un item géographique récurrent : là se trace la limite entre nomades et sédentaires. Encore faut-il admettre la validité du concept de genre de vie, négliger les différenciations sociales qui séparent les maîtres très mobiles qu’ils soient nomades ou « sédentaires », et les dépendants très liés à la terre ou à l’eau là où elle est, qu’ils soient eux aussi réputés sédentaires ou nomades.

Carte 4

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Carte 4

La zone sahélienne The Sahel zone

21En vérité, par inertie, il s’agit plutôt d’une mêlée, les deux modes d’occupation de l’espace et d’exploitation du milieu voisinant au plus près et variant selon l’alternance saisonnière le long des vallées, autour des mares et lacs, des massifs dans leur piémont, autour des villes surtout et de plus en plus. Les identifications ethniques plutôt que sociales durcissent le trait pour transformer cette limite en un front : c’est une simplification outrageuse quand la mêlée s’impose. Que faire des agriculteurs classés comme « nomades » ethniquement ? Que faire des sédentaires ethniques grands caravaniers et voyageurs ? Et que faire des familles qui sont composées de nomades et de sédentaires, ou même des individus qui sont tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ? Peut-être se dire que les catégories descriptives de la géographie héritée et de la description ethnographique ne sont pas les bonnes.

22Adapté du modèle bioclimatique et des modes d’occupation de l’espace et d’exploitation du milieu, un deuxième plan géographique a été calé sur le premier : celui des États sahéliens qui présentent tous la même configuration (Carte 5). Le couple Mauritanie-Sénégal, le Mali, le Niger et le Tchad sont constitués d’un noyau de peuplement « sédentaire » stable sur la longue durée, au sud, et s’ouvrent en secteur vers le désert. Cette forme n’est pas anodine. Elle conserve une structure spatiale précoloniale qui était appuyée sur les routes transsahariennes majeures. La répétition du même dispositif d’ouest en est vient alors souligner ce qu’avait exclu la définition bioclimatique : les États sahéliens sont fondés sur la complémentarité bioclimatique. En vérité, ils reproduisent le schéma de la circulation et sont comme la répétition quatre fois (et plus) d’un carrefour marqué par les villes et les marchés de la circulation méridienne et de la circulation zonale. Ces États sont à proprement parler « soudano-sahélo-sahariens ». Le carrefour sahélien peut se déplacer vers le nord ou vers le sud sans perdre sa propriété, car les routes ne s’arrêtent pas aux frontières méridionales des États, mais les traversent comme elles traversent les frontières septentrionales. Le Sahel est ce carrefour d’espaces ramifiés de circulation qui s’étendent autrement qu’en surfaces comme en attestent les déformations du Sahel conçu par le MAE. La charnière sahélienne n’est pas nécessairement zonale ; elle peut alors se déplacer, se déformer comme le montre la migration des marchés qui se sont calés progressivement sur la frontière méridionale des États concernés. Cette migration de 100 à 200 km sans motif climatique est une adaptation au contexte découlant de l’invention des frontières (Walther, 2008).

23Le même schéma inversé vaut pour le versant nord du Sahara avec plus ou moins d’amplitude vers le désert : la Tunisie est coincée entre Algérie et Libye tandis que le Maroc s’approprie le Sahara occidental au nom de l’histoire géographique précoloniale. L’association ou même la confusion du Sahara et du Sahel y trouvent leur source. Ce qui est distingué par le tableau géographique classique, et en premier lieu les deux versants du Sahara, est bel et bien réuni en un espace de circulation résistant aux assignations. La réponse à la question « comment » de la géographie : par le découpage, n’est pas appropriée. C’est le lien qui prévaut et plus encore la conséquence de ce lien. Le lieu peut se déplacer pour être reproduit le long de ces lignes qui assurent la jonction du nord au sud, selon les circonstances climatiques pour ce qui est le plus simple mais aussi vital, selon les circonstances politiques et géopolitiques comme les événements récents l’ont montré (infra). La carte 5 et le modèle du balancement zonal des lieux (figure 1) montrent ce dépassement des découpages par des réseaux qui les précèdent et leur résistent.

Carte 5

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Carte 5

Les États sahélo-sahariens à la charnière de l’espace de circulation The Sahelo-Saharan nation-states at the crossroads of mobile space

24La carte du ministère français des Affaires étrangères est donc juste en ce qu’elle évoque le prolongement des réseaux loin au nord et au sud et même loin à l’est ou à l’ouest du théâtre des opérations de 2012. Mais elle est illusoire en ce qu’elle désigne des territoires d’États qui ne sont pas tous dans la vacuité géopolitique du Nord-Mali après le coup d’État du 21-22 mars 2012. Ou bien alors faut-il considérer toute l’Afrique au nord de l’équateur et, plus loin encore, le monde entier. Si les trafics qui passent là en permettant l’accumulation de richesses et d’un arsenal sont mondiaux, leurs réseaux le sont aussi.

25Par surcroît, la même carte 5 rappelle, par superposition, comment cet espace de circulation auquel les territoires des États sont conformes, reproduisent de très vieux espaces politiques, les Empires de la route, qui ont tenu le Sahara et le Sahel du IXe siècle de l’ère conventionnelle au XIXe. Ce n’est pas le lieu d’en refaire la géohistoire. Il est bon, cependant, de rappeler que ces « États » n’étaient pas territoriaux, mais fondés sur le contrôle de la mobilité et que leur centre était justement à la charnière sahélienne, là où elle se trouvait selon les circonstances historiques. Le centre était mobile comme la route elle-même. Ces centres successifs ou contemporains sont toujours marqués par des densités relativement fortes de peuplement sédentaire, malgré la mobilité de l’ensemble.

Fig. 1

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Fig. 1

Le modèle du lien méridien The meridian link model

4 Diversion : le territoire comme alibi

26Après le 11 septembre 2001, les États-Unis prennent au sérieux tous les foyers islamistes susceptibles de former des terroristes. Il faut alors se rappeler que depuis les élections algériennes de 1990 qui avaient vu la victoire du FIS, son annulation puis la guerre civile, les islamistes algériens ont été repoussés au désert et loin des zones d’exploitation minière (Cline, 2007). Mais là passent toujours des routes et le GSPC est créé en 1998, juste après l’échec des rébellions touareg au Niger et au Mali (1991-1996). Comme le Ministère français des Affaires étrangères, le dispositif antiterroriste américain, dès les années 2000, produit un certain nombre de représentations du risque au Sahara-Sahel. La Carte 6 rapprochée de la carte 5 montre à ce propos que Sahara et Sahel sont liés aussi bien par les « corridors terroristes » de la Pan-Sahel Initiative (PSI, 2002) que par « l’aire terroriste élargie » de la Trans-Saharan Counterterrorism Initiative (TSCTI, 2005) dont les représentations se rapprochent de la réalité spatiale sahélo-saharienne. Ce ne sont pas les frontières ni les territoires des États qui structurent l’espace du terrorisme, mais le quadrillage des routes anciennes toujours virtuellement disponibles comme trame des réseaux sociaux extrêmement mobiles à travers la région. C’est sur quoi Kadhafi comptait s’appuyer en créant la Ligue populaire et sociale des tribus du Grand Sahara (2006), forçant la main des États comme le Niger, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal et s’appuyant sur la piste transsaharienne transversale centrale, une des deux variantes almoravides du XIe siècle de l’ère conventionnelle (Carte 7). L’espace visé par les deux initiatives américaines ne s’inscrit pas réellement dans le vide des sanctuaires inaccessibles, mais bien dans la trame transsaharienne très connue, mais oubliée du fait de l’usage exclusif des références territoriales. Ces routes qui apparaissent comme des lignes ne sont cependant jamais aussi fermes que le trait tracé sur une carte. D’innombrables variantes devraient être rendues par un chevelu en fuseau.

Carte 6

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Carte 6

Corridor et aire terroriste au Sahara-Sahel (2002-2005) Corridor and area of terrorist activity in Sahara-Sahel zone (2002-2005)

27Les routes majeures reproduites sur la Carte 7 dessinent cette trame régulière joignant les chapelets d’oasis qui sont presque équidistants. Les carrefours se répondent à travers le désert parcouru en tous sens (Brachet et al. 2011, Scheele 2012), sans qu’il y ait isolement dans le vide ou sanctuaire. Autrement dit, le dessin des pistes peut ou non renvoyer au dessin des liens sociaux qui passent à travers les découpages établis mais forcés, comme les découpages ethniques par exemple. Ce sont les liens qui produisent les lieux et non l’inverse ; les lieux qui comptent sont ceux où s’établissent les croisements. La centralité se déplace à travers le désert selon les flux animés par les réseaux sociaux.

28La carte des routes ne donne alors qu’une idée de la possibilité de circuler à travers le désert. C’est une carte des sites dont la trace a pris une épaisseur historique à force d’être soulignée : les noms des localités qui y sont fixées parlent d’eux-mêmes. Mais ce ne sont cependant pas les seuls lieux possibles, loin s’en faut, même si les infrastructures et un peuplement présent rendent plus commodes les étapes du croisement. Dans un espace mobile de circulation continuelle, la réponse à la question « pourquoi là et pas ailleurs » ne peut être que totalement contingente. La circonstance décide et les plans s’établissent souvent au dernier moment selon l’information recueillie. Mais pour que l’espace soit parfaitement fluide, toutes les possibilités de choix doivent être entretenues.

Carte 7

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Carte 7

Les routes transsahariennes précoloniales, 800-1900 Precolonial Trans-Saharan movement routes, 800-1900

29Le problème d’une géographie adaptée à l’espace local des représentations consiste donc à considérer que le mouvement, plutôt que le territoire, est premier. Dans cet espace porté par les flux, les alliances et les conflits sociaux prennent consistance autour de lieux qui sont eux aussi éphémères, et dont la trame des sites et des localités sahélo-sahariennes n’est que le support potentiel, activé ou non. Le travail des extrémistes religieux pendant la longue décennie 1992-2006 a consisté à tisser ces liens. Une circulation incessante leur a permis de se fondre dans la population en s’y alliant, y compris par des « mariages » qui s’incrémentent en réseaux enchevêtrés avec ceux du commerce et du trafic, jusqu’aux cœurs des États. La création par Kadhafi de la Ligue populaire et sociale des tribus du Grand Sahara, mentionnée précédemment, recouvre d’un voile géopolitique ce qui est en place désormais. Bien que la pensée territoriale se trouve mise en avant par les nomades eux-mêmes (Grémont 2011, 2012) par les rébellions revendicatives qui reprennent au Niger avec le Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ) et au Mali par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), leur activation n’est possible que dans un espace plus vaste de manipulation qui est mobile, fondé justement sur la possibilité du surgissement qu’offre le rhizome.

30Échapper à l’espace de représentation géopolitique largement commenté, pour lui préférer un autre cadre plus adapté à la réalité des processus masqués de mobilisation, relève d’une prise de distance très théorique a priori et apparemment peu réaliste, les « nomades » eux-mêmes réclamant le territoire jusqu’à le proclamer. Il faut, malgré tout, persister dans l’hypothèse pour la conduire aussi loin que les événements la rendent soutenable.

31L’Azawad, proclamé en mars 2012, est l’aboutissement d’une rébellion larvée depuis les indépendances, cela au moins au Mali. L’état de guerre plus ou moins attisé par la Libye depuis 1969 n’a jamais été totalement suspendu. Alors que les dernières résistances à la colonisation avaient été le fait des nomades (les Touareg de Kaocen en 1917 dans l’Aïr) ou de confréries religieuses (la Senoussia entre futur Tchad et future Libye, 1919), le découpage colonial a attribué l’espace à des segments d’identités jusqu’alors associés par la route, selon des principes territoriaux par lesquels la majorité efface la minorité. L’effet du découpage en territoires y supplante la conformité aux « empires de la route ». Et de chaque côté du Sahara découpé en deux versants, le contrôle de la base productive « sédentaire » devient la seule légitimation des pouvoirs : le pouvoir colonial d’abord puis les États indépendants.

32À qui alors les nouvelles ressources fixes du sous-sol, après que la route et son exploitation avaient autrefois constitué la base du pouvoir ? Dès les indépendances, les territoires malien, nigérien et tchadien ont été contestés, les deux premiers par les Touareg et le troisième par les « Toubous » [3]. Mais au Tchad, les nordistes ont pris le pouvoir et le Tchad n’a pas été démantelé : il est simplement au pouvoir des « Toubous » et de leurs alliés. C’est dire si la revendication de l’Azawad contre le Mali est surprenante. L’invention qui enferme la lutte touareg dans une revendication territoriale limitée au désert n’a guère de sens, quand bien même il girait là quelques ressources insoupçonnées dans le sous-sol, car c’est bien le contrôle de l’échange transsaharien, aujourd’hui « frauduleux », qui compte. Sans exprimer de revendication territoriale, mais appuyés sur l’alibi religieux et sur la terreur, les groupes dits islamistes l’ont bien compris. Leur ressource, c’est le contrôle de la route et de tout ce qui passe, de la même manière que fonctionnaient les vieux empires. Eux disposent de la mobilité réelle tandis que les Touareg connaissent le terrain et sont branchés sur les réseaux qui l’animent, ceux qui font lieu, mais se perdent en revendiquant du territoire. Ce sont ces deux types de réseaux sociaux liés qui ont produit des lieux de pouvoir, le contrôle du mouvement par le croisement d’itinéraires ou d’intentions. Ce fut l’actualité de février-avril 2012 qui permet de comprendre comment s’est formée l’alliance entre rebelles du MNLA et extrémistes affiliés à Al Qaeda. Fragile et déséquilibrée, cette alliance a permis la conquête du nord du Mali mais n’a pas survécu aux rivalités apparues après la prise des villes principales (Grégoire 2013).

5 Les réseaux sont les véritables ressources

33En acceptant d’abandonner la monolangue du territoire malgré la revendication touareg, en replaçant l’espace de circulation au devant et en en tirant les conséquences théoriques d’un espace de représentation autre (l’espace mobile), force est d’aller chercher l’autorité qui impose un tel cadre d’action. La faiblesse territoriale de l’État malien en fut l’occasion, cela d’autant plus que tous les discours étaient aveuglés par la réussite « exemplaire » de la décentralisation, sans y repérer la fabrication d’une fiction. Un aperçu peut en être donné par l’analyse des réseaux sociaux. Vingt ans de fils tissés ont eu raison des découpages tracés à la ligne claire sur les cartes du peuplement, de la représentation politique et même des revendications territoriales.

34La centralité d’un acteur social peut être mesurée de diverses manières, les plus courantes étant la centralité de degré qui mesure le nombre de liens sociaux entre chaque acteur et le reste du réseau, et la centralité d’intermédiarité qui indique dans quelle mesure un acteur occupe une position d’intermédiaire entre deux autres acteurs du réseau. Ces deux mesures permettent de donner une idée très différente de l’importance des acteurs sociaux : un acteur central est important parce qu’il est relié à un grand nombre d’autres acteurs, ce qui lui donne le pouvoir de les influencer ou de leur transmettre des ordres ou des ressources. À l’inverse, l’acteur possédant une forte centralité d’intermédiarité (un broker) tire son pouvoir du fait que les autres acteurs sont obligés de passer par lui pour communiquer.

35Une analyse des réseaux sociaux conduite de 2010 à 2012 sur l’ensemble des acteurs du conflit malien mentionnés dans la presse francophone, montre que les rebelles touareg et les terroristes sont connectés par un petit nombre de « brokers », dont le plus important est Iyad Ag Ghaly (Walther et Christopoulos 2013). La Figure 2 qui représente les connexions entre rebelles et islamistes, avant l’intervention militaire conduite par la France en 2013, permet de mettre en évidence la singularité de ce Touareg aujourd’hui activement recherché, devenu chef du groupe islamiste Ansar Dine. Ag Ghaly assure la jonction entre la nébuleuse islamique comme l’on dit (en fait un réseau très clair) et la mobilisation touareg qui n’est pas exclusivement celle du MNLA (Mahmoud Ag Aghaly). Il existe aussi une mobilisation touareg islamiste et non territoriale (Ahmada Ag Bibi). Le nœud s’est fait ailleurs, autour de Iyad Ag Ghaly qui est également lié aux deux sphères, sans occuper de position centrale dans aucune des deux. Mais il est aussi celui qui tient Kidal, la « capitale des Ifoghas ». C’est la prise conjointe de cette ville qui lance la grande offensive d’avril, même si très vite les forces du MNLA (laïques) sont expulsées par Ansar Dine (touareg islamiste).

Fig. 2

figure im9

Fig. 2

Centralité d’intermédiarité des rebelles (points blancs) et islamistes (points noirs), 2010-2012 Centrality of the intermediarity of rebels (white spots) and Islamists (black spots), 2010-2012

36A ce moment du récit, nous proposons, par la carte 8, une autre géographie de l’espace convoité. En considérant le mouvement comme premier, l’Azawad y apparaît comme un espace mobile interstitiel situé entre la centralité forte portée par l’Algérie au nord et la centralité faible portée par le Mali au sud, prenant de la consistance avec les captures de lieux, puis en en perdant avec l’expulsion des porteurs du rêve territorial que sont paradoxalement les Touareg. Aux deux marges, les formes de la limite varient : les territoires du sud algérien forment des confins contrôlés militairement et bornés par une frontière d’État, alors que les territoires maliens situés au nord de Mopti-Douentza forment des confins mal contrôlés qui ont longtemps échappé au pouvoir de Bamako, révélant l’asymétrie entre les territoires de l’Algérie et du Mali, différenciant les deux bords de la frontière « commune » et ouvrant un espace mobile.

37Entre le front fort algérien et le front faible malien, l’espace mobile de l’Azawad ne peut pas prendre d’expression territoriale. La collusion provisoire des rebelles touareg et des groupes islamistes, eux-mêmes très divers, n’a pu s’établir que sur le moment du mouvement visant une cible. Kidal a été le lieu de cette première véritable convergence. Les villes du fleuve furent ensuite les cibles de l’offensive. Entre Sahel et Sahara, ces villes appartiennent à l’ordre du mouvement. Il faut se rappeler qu’il n’y aurait pas, dans ces contrées, de villes sans le mouvement permanent, faute de terroirs ou de territoires à exploiter : il n’y a rien autour ! Le conflit de l’Azawad ne doit donc pas être considéré comme la conquête d’un territoire, mais comme la prise de contrôle des sites et des localités qui polarisent et permettent la mobilité, donc la possibilité de survie dans un espace discontinu ; les mouvements convergents et divergents sont la règle dans de telles circonstances spatiales.

Carte 8

figure im10

Carte 8

Conflit malien : une géographie par l’espace mobile Malian conflict : a mobile-space based geographical approach

38La divergence observée, qui pourrait être étalement ou diffusion ailleurs, relève plutôt de l’exploration des possibles. La dispersion des islamistes dans le désert depuis le début des années 1990, rencontre la dispersion virtuelle des Touaerg dans l’Azawad revendiqué comme territoire (ils sont en fait très concentrés dans les villes). La frontière a cristallisé l’éparpillement en une convergence préparée par les prises de Menaka, puis surtout Tessalit et Tin Zaouetene avant Kidal. De là, tous les nœuds du réseau des villes du fleuve, qui sont autant d’implantations nomades, ont été touchés. Au fur et à mesure de ces prises, le territoire revendiqué semble prendre de la consistance. Mais depuis les lieux de convergence du mouvement islamiste et du mouvement touareg, il nous faut encore figurer les effets de divergence qu’ils n’ont pas manqué de produire dans un espace mobile : ce fut l’éviction des Touareg et l’effacement progressif du rêve territorial. Il ne restait plus que les villes tenues par les activistes islamistes des divers groupes provisoirement associés.

39L’expulsion des nomades touareg par les terroristes islamistes anéantit totalement le territoire imaginé, en même temps qu’il conforte l’idée que le territoire fut imaginé à partir d’un nombre réduit de lieux, ou plutôt de sites qui étaient aussi des localités emblématiques. Les islamistes ont instrumentalisé les nomades et leur savoir sur l’espace, tandis que les nomades ont oublié leur espace de représentation en se moulant dans le modèle du territoire national. Ainsi les manipulateurs des symboles du territoire chez les nomades ont-ils, pour l’heure, perdu la partie : l’Azawad ne peut plus être que l’auto-proclamation de minoritaires doublés par plus manipulateurs qu’eux, ceux-là mêmes qui nient le territoire malgré une alliance de circonstance.

40Au moment où la référence territoriale perd sa force face à la mobilité et à la capacité à imposer depuis les lieux variables et circonstanciels, le sens et la forme de l’espace en cours de production, nous saisissons la mobilité de l’espace lui-même selon les convergences qui font lieu, selon les divergences qui produisent de la limite, et selon la vigueur relative du fixe et du mobile. Une limite s’impose dans cette apparente confusion. Elle n’a pas de bord : c’est l’horizon.

41Ce modèle de l’espace mobile prend en compte l’ordre sédentaire par les localités partagées. Mais il tente surtout de suggérer la transformation de l’espace par la mutation de la forme de la limite. À partir de l’expulsion de la revendication territoriale, lorsque la convergence Touareg-Islamistes explose depuis quelques lieux qui peuvent bouger, l’horizon, cette autre forme de la limite, s’ouvre, y compris vers l’Algérie, mais plus sûrement vers les confins faibles que représente la boucle du Niger. Pourtant, cette fois, sans la convergence Touareg-Islamistes, Mopti n’a pu être prise et Douentza a été relâchée précocement. Dans l’espace mobile, l’important est de saisir ou de produire des lieux dans un mouvement conservé, de détruire l’iconographie territoriale qui fixe, de replacer la mobilité au premier rang et de prendre le pouvoir par son contrôle. On remarquera alors que les islamistes se sont « fixés » dans les villes du fleuve perdant là ce qui faisait leur force et s’exposant à une réplique possible de type territorial. C’est probablement leur erreur, à moins qu’ils ne se réapproprient et ne visent que leur seule ressource spatiale qui est l’horizon. Les ultimes tentatives visant Diabali et Tin Amenas l’ont montré. Les Touareg revendicatifs sont retournés à l’espace de circulation sans ancrage, invisibles et inaudibles jusqu’à un nouveau surgissement, alors que la majorité reprenait place dans le cadre de l’État et de la négociation. Les élections présidentielles du 28 juillet se sont déroulées sans incidents au Mali, même à Kidal pourtant placée dans une position quasiment extra-territoriale [4].

Conclusion

42La mobilité croissante du monde mondialisé impose de réfléchir à de nouvelles approches du mouvement qui ne considèrent pas uniquement les lieux comme des attributs fixes, mais comme résultant du croisement de trajets et de flux. La structuration des savoirs sur l’espace qui est proposée ici, part du principe que le mouvement est premier et aboutit au lieu, en prenant précisément le contre-pied de l’analyse géographique qui part du lieu toujours déjà là pour arriver au mouvement comme rachat des différences de potentiel.

43À travers le conflit du nord du Mali, ce sont deux conceptions de l’espace qui s’affrontent. Du côté des islamistes, l’espace de circulation animé par un mouvement continuel est privilégié. C’est sur ce type d’espace qu’ils ont basé leur stratégie militaire depuis le début des années 2000, d’abord en quittant les maquis du nord de l’Algérie, puis en parcourant les immenses étendues sahélo-sahariennes, de la Mauritanie à la Libye. Du côté des indépendantistes touareg, l’espace territorialisé de l’État a pu apparaître comme un objectif réaliste. La revendication territoriale des populations « nomades », en fait majoritairement sédentarisées mais en lutte contre l’État malien (et aussi algérien et nigérien) depuis l’indépendance, s’est alors exprimée en faveur d’un État « national » qui puisse rassembler l’ensemble « ethnique ». Cependant, comme l’a montré l’évolution récente du conflit, le niveau « ethnique » d’affichage et la tentative de mobilisation identitaire autour d’un territoire détenu en propre ne correspondent pas aux véritables paliers d’allégeance qui se situent bien plus au niveau de la tribu et de ses alliances mouvantes qu’au niveau d’une « nation » qui n’est pas encore constituée, cela sans compter l’épuration à laquelle il faudrait procéder pour oublier la population majoritaire et dense, non touareg, du fleuve Niger ! La référence à l’espace borné des ressources appropriées s’inscrit alors en contradiction avec l’espace ouvert des circulations.

44L’exemple sahélo-saharien sur lequel reposent les fondements de cette approche a certes ses particularités. Du fait des incertitudes climatiques, politiques et économiques qui pèsent sur l’action humaine, les dynamiques de mobilité y sont particulièrement développées depuis des siècles, pour aboutir à cette véritable mêlée des identités politiques difficilement cartographiables, sinon par réduction « ethnique ». De la même façon, le coût du franchissement de la distance conduit sans doute à ce que la définition du lieu comme étape du croisement s’y impose. Le conflit au nord du Mali souligne alors, avec une acuité particulière, l’utilité de contrôler la distance entre les lieux comme y sont parvenus les islamistes, plutôt que de vouloir maîtriser les territoires entiers, comme le souhaitaient les indépendantistes touareg. C’est un retour aux sources par lequel les savoirs nomades ont été réactivés jusqu’à ce moment limite où les islamistes eux-mêmes se sont fixés, devenant les cibles d’une possible intervention militaire « classique », et cela malgré la fusion dans la population locale.

45Hors le drame sahélo-saharien, c’est tout l’espace mondial soumis à la mobilité et à la saillance des lieux qui peut ainsi être réinterprété. Les acteurs qui s’y meuvent utilisent des espaces de représentation discordants et peinent à se rencontrer sinon en des « quiproquos » spatiaux appelés lieux. Ce qu’il faudrait observer d’aussi près que Tombouctou.

46Le monde est en crise, dit-on, c’est la fin des territoires et même de l’État. Mais il est possible aussi que nos outils d’évaluation aient vieilli. On le saisit, la géographie doit s’emparer d’un problème occulté pour avoir longtemps privilégié les traces matérielles repérées à la surface de la terre, ou transformé en traces sur la carte ce qui résultait de l’inventaire des activités humaines, y compris en termes culturels, sociaux et politiques. Il s’agit de l’occultation de la mobilité qui est soit décrite comme errance des origines, soit retrouvée en fin de parcours de civilisation par la technique qui permet de dépasser la distance. Or la mobilité est au départ de l’espace que l’on appelle géographique, tout au long de l’histoire humaine de la terre.

47La mutation paradigmatique qui place le mouvement au fondement de l’espace des représentations aboutit à la proposition méthodologique d’un espace mobile qu’il reste à travailler. Il ne faudrait surtout pas en confiner la réflexion à une évolution du nomadisme. Si le nomadisme a été le point de départ d’une expérience théorique (Retaillé 2013), l’espace géographique est produit par le mouvement autrement que par métaphore. Ce nomadisme branché que présente Michel Maffesoli (1997) et que dénonce Jean-Loup Amselle (2010) pourrait même brouiller l’universalité de la mobilité et son rapport à la territorialité qui, comme nous le montrions ailleurs (Retaillé 1998), passe par la différenciation sociale et par des hiérarchies très affirmées qui se constituent à l’intérieur des réseaux sociaux. Il semble dès lors que la réflexion sur l’espace mobile ne puisse faire l’économie d’une véritable spatialisation de ces réseaux qui soit en mesure de représenter la centralité et l’intermédiarité changeantes des acteurs tout autant que leur spatialité. C’est la suite du programme qui doit aussi s’emparer du traitement de l’espace comprenant la dimension du temps sans l’écraser dans la synchronie, sans non plus la réduire à la superposition des couches d’un palimpseste. Tous les temps de l’espace travaillent ensemble et la saillance imprévisible des lieux qui en est la conséquence laisse l’horizon ouvert à la géographie de l’espace mobile.

Notes

  • [1]
    Ce texte donne une suite à plusieurs publications des auteurs consacrées au conflit malien (Walther et Retaillé 2010, Retaillé et Walther 2011b, Walther et Christopoulos 2013). Il est encore une vérification des thèses proposées par Denis Retaillé dans deux publications rétrospectives sous presse (Retaillé 2013a, b). Ces retours théoriques sur une expérience sahélienne remontent à des démonstrations étayées entre 1984 et 1989, pour finir par la proposition de prendre en compte la mobilité de l’espace lui-même (2005-2009), ce qui a donné lieu à une première esquisse (Retaillé et Walther 2011a). Il est enfin une reprise d’un texte mixte rédigé en août 2012 mais non publié, replaçant l’actualité dans le problème plus général de l’introduction du temps dans l’espace et sur la place faite au mouvement dans notre géographie de sédentaires.
  • [2]
    La très grande irrégularité des précipitations ôte tout sens à la moyenne et à la normale mais souligne l’incertitude climatique à laquelle la mobilité de l’espace est une réponse.
  • [3]
    La catégorie coloniale « Toubou » est traversée de nombreux clivages que souligne la succession des pouvoirs « nordistes » au Tchad.
  • [4]
    Après sa « libération » par l’armée française, Kidal a été remise à la gestion du MNLA plutôt qu’à l’armée du Mali. Cela n’a pas empêché le retour du gouverneur organisateur des élections « nationales ».
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L’actualité saharienne des années 2012-2013 au Mali a permis de replacer le Sahel dans le vocabulaire d’appel des médias et des commentateurs de l’actualité. La confusion des deux régions géographiques appelle quelques explications qui permettent aussi d’éclairer la manière dont les différents acteurs mobilisés, les États, les indépendantistes touareg, les terroristes islamistes se croisent sur une scène qui est mobile et non dans un théâtre d’opérations dont les décors seraient posés a priori comme en géopolitique. En exposant le résultat de deux enquêtes sur le temps long de l’espace sahélo-saharien et sur le temps court du branchement des réseaux activistes qui s’y déploient, l’article veut proposer l’usage d’un autre espace méthodologique, l’espace mobile, qui convient mieux aux situations contemporaines du mouvement que la référence fixe d’une surface terrestre épurée.

Mots-clés

  • Sahara-Sahel
  • Mali
  • islamistes
  • Touareg
  • espace mobile

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Denis Retaillé
Professeur en géographie, UMR ADESS, CNRS-Université de Bordeaux, France, et Senior Fellow CEPS/INSTEAD Luxembourg
d.retaille@cnrs.fr
Olivier Walther
Visiting Assistant Professor, Division of Global Affaires, Rutgers University, USA, et CEPS/INSTEAD, Luxembourg
Olivier.Walther@rutgers.edu
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Mis en ligne sur Cairn.info le 22/01/2014
https://doi.org/10.3917/ag.694.0595
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