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1La présence croissante des acteurs chinois en Afrique soulève depuis le début du xxie siècle une certaine inquiétude, aussi bien de la part des bailleurs de fonds traditionnels que des citoyens auprès desquels des enquêtes de perception sont menées. Cette inquiétude est nourrie par plusieurs facteurs : d’abord, la Chine déplace l’élaboration des normes en matière de coopération internationale. Elle brise certains monopoles historiques, proposerait même un consensus de Beijing opposé à celui de Washington. Elle ne se réfère jamais à l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et n’assortit jamais son aide de quelconque conditionnalité de bonne gouvernance ou de respect de déroulement d’élections démocratiques. En ce sens, la Chine se singularise dans tous les pays où elle se trouve [1], malgré sa présence au sein d’un groupe de travail sur l’harmonisation de l’aide au niveau du CAD/OCDE. Son statut de « pays en développement » et de grande puissance économique inquiète. Il lui permet de construire de nouvelles alliances au moment des grands sommets internationaux, comme récemment sur le climat. Par ailleurs, une inquiétude naît du secret qui entoure la production de chiffres aussi bien sur le volume de l’aide publique au développement que sur les investissements directs, les modalités des prêts et la présence de ses ressortissants. Cette opacité nourrit les angoisses.

2Cette inquiétude est-elle fondée ? Il serait vain d’ignorer que les interventions chinoises au sud du Sahara sont une réalité dans les domaines des infrastructures urbaines (Mali, Niger, Sénégal), des secteurs miniers (uranium au Niger), pétroliers (Angola, Gabon, Tchad) ou forestiers (dans les pays du bassin du Congo, notamment). Mais il s’impose de dénoncer les mythes véhiculés par la présence chinoise, comme celui affirmant que les investissements et les coopérations techniques dans l’agriculture en Afrique auraient comme objectif de répondre aux besoins alimentaires croissants de la Chine.
Qu’en est-il réellement dans le secteur agricole ? Quelle est la réalité des interventions chinoises dans l’agriculture face aux mythes véhiculés aussi bien par les médias [2] que par les bailleurs de fonds traditionnels, voire certains responsables politiques africains ? Afin de donner quelques éléments de réponse à ces questions, cet article explore d’abord les relations commerciales entre la Chine et l’Afrique dans le domaine de l’agriculture, qui est une composante modeste mais croissante des échanges sino-africains. Il présente ensuite l’aide chinoise à l’agriculture africaine malgré les défaillances sur les sources des données. Enfin, il analyse les finalités des investissements publics et privés chinois dans l’agriculture et les accaparements de terres en particulier.

Les échanges sino-africains de produits agricoles

3Les agricultures chinoise et africaine dans le marché mondial. Dans les années 1980, l’agriculture représentait un quart des exportations chinoises. En 2008, ce taux n’est plus que de 3 % tandis que les produits agricoles représentent 5 % des importations. Une des caractéristiques de l’agriculture chinoise est sa très faible ouverture : les importations assurent 6 % de la consommation apparente (définie comme la somme des importations et de la production diminuée des exportations) et 5 % de la production est exportée. C’est dire qu’il n’y a aucune dépendance alimentaire de la Chine à l’égard du marché mondial.

Commerce de quelques pays avec l’Afrique, 2000-2010

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Commerce de quelques pays avec l’Afrique, 2000-2010

4L’entrée de la Chine à l’OMC s’est accompagnée d’une augmentation spectaculaire des importations de soja, d’huiles, de coton et de laine mais la Chine est demeurée un exportateur net de céréales [3]. Alors que les importations chinoises sont fortement concentrées, ses exportations sont diversifiées. Les principaux partenaires commerciaux de l’agriculture chinoise sont l’Asie, l’Alena pour les exportations, l’Asie et l’Amérique du Sud pour les importations. L’Afrique joue un rôle mineur tant au niveau des importations que des exportations chinoises de produits agricoles.

5Selon la base de données Chelem du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPPI), la part de l’Afrique subsaharienne dans le commerce mondial de produits agricoles est proche de celle de la Chine (6 %). Toutefois, cette moyenne est très peu significative dans le cas de l’Afrique, car l’agriculture joue un rôle souvent très important dans les exportations de plusieurs pays : Malawi (85 %), Burkina (83 %), Ouganda (62 %), Éthiopie (61 %), Mali (56 %), Kenya (46 %), Rwanda (44 %), Ghana (42 %), Sénégal (37 %), Tanzanie (35 %), Madagascar (31 %), Togo (29 %) Swaziland (21 %), Niger (14 %) [4]. Quant aux importations africaines de produits agricoles, elles ont doublé entre 2000 et 2007. Les exportations africaines et importations chinoises sont particulièrement complémentaires [5].

6Les échanges de produits agricoles. Les échanges de produits agricoles constituent une très faible composante des échanges sino-africains qui ont été multipliés par douze entre 2000 et 2010. Après avoir progressé assez rapidement entre 2000 et 2004, les importations chinoises de produits agricoles africains ont stagné alors que les exportations chinoises vers l’Afrique ont augmenté de même que le surplus chinois avec l’Afrique.

7Menée à un niveau très précis (nomenclature à quatre chiffres), l’analyse des échanges sino-africains révèle une très forte asymétrie. Les importations chinoises sont caractérisées par un niveau élevé de concentration et la place relative des cinq premiers postes n’a pas varié entre 2000 et 2008. La baisse de la valeur des importations de coton est l’une des principales explications de la stagnation des exportations africaines vers la Chine. Au cours des deux dernières années, on a assisté à la hausse rapide des importations de cacao et d’huiles. Alors que le cacao africain domine le marché chinois (66 % des importations), la place du coton africain a diminué.

8Le riz et le thé sont des exportations traditionnelles de la Chine vers l’Afrique qui se sont diversifiées depuis 2000 avec l’émergence de nouveaux produits (tomates, légumes). Alors que le marché africain est un débouché marginal de l’agriculture chinoise, il absorbe 40 % des exportations de riz (Afrique de l’Ouest) et 46 % des exportations de thé (Afrique du Nord, Afrique de l’Ouest). L’Afrique dont les exportations sont assez peu complémentaires aux importations chinoises a peu profité de l’essor très rapide de la demande chinoise. Inversement, les exportations agricoles chinoises, compétitives sur le marché mondial (Rozelle, 2007) ont progressé rapidement sur le marché africain.
Perspectives d’évolution des échanges. L’offre agricole chinoise est confrontée à de nombreuses contraintes au niveau de l’offre (terre, eau, main-d’œuvre) tandis qu’au niveau de la demande, l’urbanisation et la démographie modifieront le comportement alimentaire des ménages chinois. Selon les scénarios des Nations unies (bas, médian et haut), l’accroissement de la population chinoise se situera entre 75 et 230 millions entre 2010 et 2030. L’urbanisation augmentera rapidement si les mesures (le système du Hukou) qui freinent l’exode rural sont allégées. Par ailleurs, cette urbanisation et la hausse des revenus modifieront la structure de la demande. Au cours des dix dernières années, le changement le plus important a été l’augmentation de la consommation de viandes, de fruits, de légumes, de produits laitiers et la baisse de la consommation de céréales. Selon les projections chinoises à l’horizon 2030, la consommation per capita de céréales diminuera de 10 % et il y aura une hausse substantielle de la consommation de produits laitiers et de légumes et aucune augmentation de la consommation de viandes (Goals for the Development of Food 2010-2030, cité par Jingzhu Zhao, 2007).

Brève introduction aux agricultures chinoise et africaine

La Chine a la troisième plus grande superficie du monde, après la Russie et le Canada. Mais une superficie arable de seulement 122 millions d’hectares (8 % de la surface mondiale), la Chine nourrit 20 % de la population mondiale (Brautingam, 2009). Les réformes de 1978 ont transféré aux agriculteurs la responsabilité de la production sans toutefois leur accorder le droit de propriété de la terre : on recense deux cents millions de fermes qui ont une superficie moyenne de seulement 0,6 hectare. Des investissements dans les infrastructures rurales et un niveau élevé d’alphabétisation ont contribué au succès des premières réformes (Ravaillon, 2008) [6]. Elles ont été suivies par la libéralisation des prix et des marchés dans les années 1990, lorsque la production agricole était devenue abondante. On doit rappeler que, si l’agriculture chinoise a des rendements élevés, les agriculteurs sont pauvres (Aubert, 2007), car la productivité de leur travail est un sixième de la productivité dans les activités non agricoles. Cet écart est l’une des explications du différentiel de revenus entre les villes et les campagnes. La lutte contre ce déséquilibre est l’une des priorités du gouvernement depuis 2003.
L’agriculture chinoise a été en mesure de répondre à l’augmentation rapide de la demande. L’alimentation disponible et sa qualité nutritive ont augmenté pour la majorité de la population. En 2000, l’offre alimentaire était de 3,040 kcal/jour, un niveau plus élevé que la moyenne mondiale (8 %) et que la moyenne des pays en développement.
Deux fois plus importantes (219 millions d’hectares), les terres arables recouvrent 16 % de la superficie de l’Afrique subsaharienne et elles sont adaptées pour une assez grande variété de cultures mais 1 % seulement des terres est irrigué. Si l’on doit éviter d’émettre des appréciations générales sur les cinquante-trois agricultures africaines, il n’en demeure pas moins que parmi les contraintes communes à leur développement, il y a eu un manque de volonté politique et la conviction des autorités que l’agriculture familiale était incapable de contribuer aux transformations économiques. Par ailleurs, à la différence de ce que l’on constate en Chine, l’aide internationale a eu une influence marquée sur les politiques agricoles et l’aide a financé une part majeure de l’investissement dans ce secteur.
Alors que l’agriculture chinoise est une activité essentiellement commerciale, ce n’est pas le cas des agricultures africaines qui relèvent beaucoup plus de l’autosubsistance, et on estime que 25 % environ de la production de céréales (sorgho, mil) est commercialisé. Une recherche récente de la Banque mondiale (2009), qui s’appuie sur une enquête dans plusieurs pays, montre que si les producteurs africains sont compétitifs sur le marché domestique, ils ne le sont pas sur les marchés internationaux. Leur compétitivité s’explique par une très faible rémunération du travail (qu’explique l’absence d’alternative) et un recours limité à des achats d’intrants. Par ailleurs, le coût élevé des frais de transports, qui augmente le prix des produits importés sert de protection naturelle. Par contre, ces coûts élevés qui doivent être absorbés par les exportateurs, handicapent les exportations.

9D’autres scénarios (Agrimonde, 2008) prévoient que l’augmentation des revenus provoquera une hausse rapide de la consommation de produits carnés qui aura des conséquences sur l’évolution des importations chinoises [7]. L’augmentation de la population et l’urbanisation pourraient ramener la superficie arable [8] à cent vingt millions d’hectares. Selon l’IASA et la FAO, c’est moins la disponibilité en terre qu’en eau qui est la principale contrainte. Tout en sachant qu’il existe des marges de manœuvre découlant d’une meilleure utilisation des ressources. Par ailleurs, depuis les années 1980, le gouvernement chinois a financé des recherches importantes dans les biotechnologies pour assurer la sécurité alimentaire (la Chine en est l’un des leaders). L’IIASA et la FAO estiment que la Chine a des ressources en terre et en eau suffisantes pour produire les céréales et nourrir une population de 1,48 milliard, tout en conservant un quart des superficies pour les légumes et les fruits. Néanmoins, pour des raisons économiques, la Chine peut choisir d’importer une partie de ses besoins en céréales. Selon Zhao (2008), le ratio d’autosuffisance de la Chine pourrait être de 95 % en 2030, et la Chine importerait trente à trente-cinq millions de tonnes de céréales : « Même avec un effort technologique et scientifique important, ce sera un défi pour la Chine d’assurer une production de cinq cents millions de tonnes de céréales et les provinces du Guangdong, et du Zhejiang deviendront importatrices nettes de riz. »

10En 1995, Lester Brown a publié Qui nourrira la Chine ? Un cri d’alarme pour une petite planète dans lequel il concluait que la Chine devrait avoir recours aux marchés internationaux pour répondre à la demande d’une population devenue plus riche. Depuis, non seulement l’agriculture chinoise a répondu à la demande mais la Chine est demeurée exportatrice nette de céréales. Dans les années à venir, si la baisse de la production de céréales s’accompagne de la baisse de la consommation, la Chine pourrait demeurer un exportateur net et, à moins d’une forte hausse des rendements, elle pourrait devenir un importateur net de maïs. Dans le cas du soja, les importations représentent les trois quarts de la demande domestique et la plupart des projections prévoient une hausse des importations. Néanmoins, Bryan Lohmar (2009) estime que l’introduction des OGM pourrait réduire le recours aux importations. La Chine restera un importateur important d’oléagineux et de sucre. La production chinoise de fruits et de légumes augmentera en même temps que la demande. Selon Rozelle (2007), la disponibilité en eau (et en terre) et les salaires seront une contrainte à la compétitivité chinoise dans ce secteur. « Entre-temps, il y aura une course entre la capacité de l’offre chinoise et l’évolution de la demande. Si l’offre gagne, les producteurs profiteront d’un marché national porteur et ils exporteront. Si la demande va plus vite, il y aura des opportunités d’exportation en Chine. »

11Si des incertitudes demeurent sur la capacité de la Chine à assurer ses besoins alimentaires à long terme, les importations chinoises les plus dynamiques ne sont pas des produits exportés par l’Afrique. Si cette conclusion n’ouvre pas d’opportunité à l’Afrique, l’analyse des exportations chinoises vers l’Afrique révèle en revanche l’existence d’opportunités d’import substitution. C’est le cas du coton : la Chine en est le premier producteur mondial et également le premier importateur. L’Afrique est un producteur modeste de coton qui exporte une part importante de sa production faute d’avoir développé une industrie textile compétitive. D’après l’ICAC, les importations chinoises de coton ont fortement progressé entre 2003 et 2006, et elles ont ensuite diminué en valeur et en volume. Au cours de la même période, les exportations africaines ont été divisées par deux (de un à un demi-million de tonnes). Selon la base de données Comtrade, la Chine est le plus grand marché du coton africain, transformés en fils et en tissus. Une part significative de ces exportations retourne en Afrique où elles sont utilisées par l’artisanat et l’industrie de l’habillement. Aussi, alors que la part de l’Afrique dans les importations chinoises de coton a diminué de 25 % en 2005 à 9 % en 2008, la part de l’Afrique dans les exportations chinoises de fils et de tissus en coton a augmenté et atteint 26 % en 2008 [9].
Face à ces échanges commerciaux, certes croissants, mais sur des produits spécifiques, comment peut-on analyser la politique d’aide de la Chine dans le secteur agricole en Afrique ? Peut-on y déceler une stratégie d’intervention qui aurait des effets à long terme ?

L’action chinoise dans l’agriculture africaine

12L’aide chinoise : une évolution dans la continuité. La Chine a commencé son soutien à l’agriculture en Afrique en offrant de l’aide alimentaire à la Guinée en 1959. Depuis, la coopération sino-africaine dans l’agriculture a connu trois étapes qui se caractérisent par sa continuité tout en évoluant d’une « approche privilégiant les projets » à une « approche plus institutionnalisée » (COHD et CLAD, 2010).

13Au cours des décennies 1960 et 1970, la Chine a aidé à la construction d’un grand nombre de fermes en Afrique comme par exemple celles de Mbarali et de Tuvu en Tanzanie, de Fano en Somalie, de Chipemba en Ouganda ; des fermes pour la culture du riz à Beam Mpoli en Mauritanie, des aménagements de zones au Niger, des plantations de cannes à sucre à Koba en Guinée, au Mali, au Togo, en République démocratique du Congo, en Sierra Leone. Au total, il y aurait projets couvrant une superficie de 43 400 hectares. Ces aides agricoles étaient gérées par les experts chinois. Cette forme d’aide a été considérée comme non soutenable car les projets ont rencontré des difficultés une fois transférés aux gouvernements des pays hôtes (COHD et CIAD, 2010).

14À partir du milieu des années 1980, la plupart des projets agricoles ont évolué en joint-ventures dans le contexte d’une stratégie d’internationalisation. Le gouvernement chinois a encouragé ce mouvement en autorisant des entreprises, étatiques notamment, à participer à des projets d’aide à l’étranger. Ainsi, la société China’s State Farm et ses filiales provinciales se sont engagées dans la restructuration de fermes en Afrique. L’approche chinoise a ainsi évolué d’un modèle étatique à un modèle d’entreprises soutenues par le gouvernement. Plusieurs fermes ont été construites selon ce nouveau paradigme. En Zambie, les fermes de Sino-Zambia Friendship, de Xiyangyang, de Sunshine et China State Farm Group Jiangsu Cultivation Co sont gérés par des cadres chinois, emploient des agriculteurs locaux et produisent uniquement pour les marchés locaux (COHD et CIAD, 2010).

15La troisième période a commencé en 2000 avec la création du FOCAC (Forum sur la coopération sino-africaine). Multipliant les programmes de coopération Sud-Sud, la Chine s’est engagée dans des mécanismes multilatéraux. Jusqu’à la fin 2005, cent quarante-cinq des projets d’aide agricole ont été établis sous la forme de constructions de fermes, de stations expérimentales, de centres de démonstration technologique et d’envoi d’experts agricoles. Jusqu’à fin 2008, les sociétés chinoises ont investi et établi soixante-douze entreprises agricoles avec un apport chinois de 134 millions de dollars [10]. Tout aux long de ces périodes, l’aide chinoise a été caractérisée par l’envoi d’experts agricoles et la création de centres de vulgarisation agricole [11].
Aujourd’hui, les priorités de la politique africaine de la Chine pour l’agriculture vont à la valorisation des terres, aux techniques d’élevage, à la sécurité alimentaire, à l’outillage agricole, à agro-alimentaire et au renforcement de la coopération en matière de technologie [12]. La Chine a créé des nouveaux outils pour combiner l’aide au développement à d’autres formes d’engagement financier. L’Export Import Bank chinoise utilise des prêts concessionnels et des lignes de crédit préférentiel pour financer les investissements des sociétés chinoises à l’étranger. Les projets agro-industriels dans le vivrier, l’élevage, l’aquaculture et l’outillage agricole sont jugés prioritaires par le gouvernement chinois. En 2007, le fonds de développement Chine-Afrique a été créé pour soutenir les investissements chinois en Afrique. En 2009, ce fonds a démarré son plus grand projet agricole au Malawi en coopération avec deux sociétés chinoises. Il envisage d’investir vingt-cinq millions de dollars pour la plantation du coton, sa transformation et son exportation vers la Chine. On évalue à cinquante mille le nombre d’exploitations familiales bénéficiant de ce projet [13]. Cette approche « projet » qui certes a évolué depuis le début des années 1960 s’est accompagnée plus récemment d’autres formes d’interventions publiques et privées, notamment dans l’accaparement de terres. [14]

Historicité de l’acquisition des terres

16Elle a commencé pendant la période coloniale et, aux lendemains des indépendances, les gouvernements africains ont donné leur accord à des appropriations de terres par les sociétés transnationales (caoutchouc, huile de palme, banane, ananas) sans mettre en œuvre de programme de régularisation foncière. Ces décisions ont été sources de conflits avec les communautés locales qui cultivaient ces terres [15]. Les acquisitions des années 2000 diffèrent des précédentes car elles sont d’une taille plus importante et poursuivent souvent un objectif de sécurité alimentaire bien qu’un nombre croissant d’acquisitions porte sur la mise en valeur d’agrocarburants ou de soja pour l’exportation.

17Parmi les pays acquéreurs, on trouve des pays riches en capital, importateurs de produits alimentaires et ayant des contraintes de ressources en terre et en eau (pays du Golfe et de la Libye) ; des grands pays où la sécurité alimentaire peut devenir un problème (Chine, Corée du Sud, Japon et Inde) ; des pays de l’OCDE et le Brésil qui cherchent à produire des agrocarburants à grande échelle. En outre, la Chine, l’Inde et l’Égypte sont tout à la fois investisseurs et hôtes d’investissement.

18Selon l’IFPRI (2009), entre 2006 et le milieu de l’année 2009, les investisseurs étrangers étaient en négociation ou avaient acheté entre quinze millions et vingt millions d’hectares de terres arables dans les pays en développement. L’étude de cinq pays africains (Éthiopie, Ghana, Madagascar, Mali et Soudan) conclue à environ deux millions et demi d’hectares d’acquisitions depuis 2004, en excluant les surfaces de moins de 1 000 hectares (Cotula et al., 2009).

19Selon les déclarations du gouvernement chinois, les investissements chinois dans l’agriculture africaine, qui remontent aux années 1990, visent essentiellement à résoudre l’insécurité alimentaire en Afrique et à renforcer la capacité de ces pays à développer leur agriculture. Si le gouvernement chinois n’interfère pas dans les décisions des entreprises d’État, il les appuie sur le plan tant financier que diplomatique. Il encourage les entreprises chinoises à investir dans l’agriculture africaine sous diverses formes : joint-ventures (avec des entreprises d’État ou privées) et des filiales [16]. Ces investissements peuvent être classés en trois catégories. La première concerne les investissements des entreprises d’État, parmi lesquelles China State Farms Agribusiness Corporation (CSFAC) considérée comme un modèle. À partir de 1990, elle mène onze projets agricoles, d’élevage et de traitement des produits en Zambie, Guinée, Tanzanie, Gabon, Ghana, Mali, Togo, Mauritanie, sur une surface totale de seize mille hectares. Une autre entreprise d’État, China’s ZTE Agribusiness Company Ltd, envisage la mise en valeur de cent mille hectares de plantation de palmier à huile en République démocratique du Congo pour produire des agrocarburants (Brautigam, 2009). Plus récemment, ZTE a obtenu dix mille hectares de terres du gouvernement soudanais pour y améliorer les rendements en blé et en maïs.

20La deuxième catégorie représente les investissements d’acteurs provinciaux comme Shanxi Province Agribusiness Group qui a obtenu un bail de cinq mille hectares pour quatre-vingt-dix ans au Cameroun et qui a investis 62,5 millions de dollars pour cultiver du riz, du manioc et élever des autruches. Hubei Agribusiness Group a loué mille hectares de terres au Mozambique en coopération avec China Cereal et Oil corporation pour cultiver du riz, coton, soja et de légumes [17]. Tandis que les opérations du CSFAC et de ses filiales relèvent de l’aide, d’autres entreprises provinciales ont des activités commerciales comme Chongqing Seed qui a une plantation de riz de trois cents hectares en Tanzanie.
Enfin, s’y ajoutent de nombreuses initiatives individuelles, difficiles à mesurer et dont l’impact ne doit pas être ignoré. Ainsi, la nature des investissements chinois en Afrique est très diversifiée. Certains sont gérés par le gouvernement central avec transfert d’assistance technique. D’autres par les entreprises provinciales avec l’appui d’institution financière comme le fonds de développement Chine-Afrique ou avec des avantages offerts par les pays hôtes comme au Zimbabwe et en Zambie.

Tableau 1

Les investissements du CSFAC dans l’agriculture africaine

Tableau 1
Date Ferme Pays Dimension (hectare) Type d’usage de terres marché1990 Friendly farm Zambie 620 Blé, maïs, soja, lait, porc, etc. local1994 Zhong Ken farm Zambie 3 600 Volaille, bœuf, porc, lait local1999 Zhong Ken Friendly Farm Zambie 2 600 dont 1 500 sont des terres arables Blé, légume, bœuf, vache, lait, volaille et aquaculture export en RDC1999 Sino-Tanzania Corp. Tanzanie 5 900 Sisal international1998 Koba farm Guinée 1 800 Riz local1998 China agriculture, husbandry and fishery Corp. GhanaTraitement de cacao international Located at Mishanto flooding district TogoService technologique agricole local? Tpioca food factory Gabon Riz et traitement de manioc local Source : à partir d’un entretien avec le vice-directeur de Zhongken Groupe, HAN Xiangshan.

Les investissements du CSFAC dans l’agriculture africaine

Les questions soulevées

21Les investissements chinois dans l’agriculture africaine fournissent des capitaux et des technologies. Les projets mis en œuvre jusqu’au milieu de la décennie 2005 [18] ont introduit des pratiques économes (en eau et en sol) et des pratiques offrant beaucoup d’avantages. Les nouveaux projets suscitent plus de réserves. Ainsi, parmi les trente-quatre grands projets en Afrique suivis par l’IFPRI entre 2006 et 2009, quatre projets chinois font l’objet de débats. Le premier se situe au Mozambique où l’intention initiale aurait peut-être été d’installer un grand nombre de Chinois pour gérer des grandes fermes et des pâturages. Selon Loro Horta et Shephen Marks, un protocole d’accord aurait été signé en juin 2007 prévoyant l’installation de trois mille chinois dans les provinces de Zamezia et Tet le long d’une vallée considérée une des plus fertile. Face aux réactions suscitées par cette annonce le gouvernement mozambicain a démenti et les chinois envisageraient désormais une joint-venture avec une participation de capitaux mozambicains. Le second projet concerne deux millions d’hectares destinés à la culture des agrocarburants en Zambie. Le troisième est une plantation de palmier à huile en RDC : alors que les médias avaient annoncé la location de 2,8 millions hectare, il ne s’agirait plus que de cent mille hectares (Brautigam, 2009). Le dernier en négociation, et qui fait l’objet de critiques locales, concerne dix mille hectares pour cultiver du riz au Cameroun.

Tableau 2

Les investissements chinois dans l’agriculture africaine

Tableau 2
Date Ferme ou investisseur Pays Dimension (ha) Type d’usage de terres Marché 2006 Sino Cam Iko company Cameroun 10 000 riz, légumes, manioc local 2007 Shanxi Province Agribusiness Group Cameroun 5 000 riz, manioc, autruche local 1997 Koba farm Guinée 1 800 riz hybride local 1967 M’pourie Mauritanie 1 400 riz local 1961 Farako Mali 400 thé local 1996 Sukala refinary Mali 6 000 sucre local 2008 Sukala refinary Mali 10 000 sucre local 2005 Hubei Agribusiness Group Mozambique 1 000 riz, coton, soja, légumes local 2008 Sénégal 35 000 sésame Chine 1977 Magbass Sugar Sierra Leone 1 280 sucre local 1969 Mubarali Rice farm Tanzanie 6 000 riz, porc, vathc, volaille local 1970 Ruvu Rice Farm Tanzanie 800 riz local Morogoro Tanzanie 6 900 sisal international 2009 Chongqing Seed Tanzanie 300 riz local Complex Sucier D’Anie Togo 1 200 sucre local 1973 Tilda (original Kibimba) Ouganda 700 riz local 1987 Doha Rice Ouganda 800 riz local 2009 ZTE RDC 100 000 palmier à l’huile international 2010 ZTE Soudan 10 000 blé, mais Na 2010 Na Zimbabwe 100 000 Na Na

Les investissements chinois dans l’agriculture africaine

22En dehors du continent africain, les Chinois ont des projets d’investissement à grande échelle qui poursuivent un objectif de sécurité alimentaire ou des objectifs commerciaux comme aux Philippines, au Brésil, au Laos ou encore en Birmanie19. On ne peut donc pas exclure que cela sera un jour le cas en Afrique. Cette analyse rapide de l’acquisition de terres à grande échelle en Afrique montre que si ces interventions ne sont pas nouvelles, elles se sont intensifiées depuis quelques années. Il est difficile d’en mesurer leur ampleur car les annonces d’acquisitions ne sont pas toujours suivies d’une mise en œuvre, et d’apprécier les pratiques agricoles (intensives en main-d’œuvre ou pas, prise en compte ou non de la durabilité des systèmes agro-écologiques). Les informations disponibles indiquent que les investissements chinois visent le marché africain (local ou régional) et non pas le marché chinois. Toutefois, l’exception pourrait concerner les investissements annoncés pour la production d’agrocarburants à destination du marché européen, mais, en l’état actuel des informations, il s’agit d’une hypothèse qui reste à vérifier. Enfin, si les annonces d’accaparements de terres par des acteurs chinois en Afrique semblent s’accélérer depuis deux ou trois ans, leur volume n’excède pas 3 à 4 % de l’ensemble des accaparements fonciers en Afrique au sud du Sahara (travaux ILC, Ward Anseeuw, Cirad).
Plus généralement, le groupe de travail Chine-CAD/OCDE, qui a tenu sa troisième conférence à Bamako, du 27 au 28 avril 2010, sur l’avenir de l’agriculture en Afrique, a bien montré que la Chine, par l’intermédiaire de ses acteurs privés et publics, sera présente dans le secteur agricole en Afrique au sud du Sahara dans les années à venir. Des investissements sous des formes variées auront lieu, ainsi que des interventions dans le domaine de la vulgarisation agricole. Comme le confirment plusieurs intervenants, les productions agricoles n’auront pas comme objectif premier de satisfaire les besoins du marché intérieur chinois. Pour les autorités chinoises, la sécurité alimentaire du continent africain et la réduction de la pauvreté sont un gage de stabilité politique et un moyen de poursuivre une politique d’investissements dans d’autres secteurs (miniers, pétroliers) considérés comme prioritaires pour l’économie chinoise.

Notes

  • [1]
    La Chine entretien des relations diplomatiques avec tous les pays d’Afrique au sud du Sahara à l’exception du Burkina Faso, de la Gambie, du Swaziland et de São Tomé-et-Principe.
  • [2]
    Voir notamment le numéro spécial de Jeune Afrique, «?Agro-alimentaire?: l’Afrique aiguise les appétits?», du 2 mars 2011.
  • [3]
    Les importations sont soumises à un régime de licence automatique. Le tarif douanier moyen est de 12 % pour les produits agricoles de première transformation, 24 % pour les produits semi finis et 16 % pour les produits transformés (OMC).
  • [4]
    Données du World Development Indicators.
  • [5]
    Pour aller au-delà de cette première appréciation sur la complémentarité, on a adopté deux indicateurs conçus pour mesurer la similarité des exportations et pour apprécier la complémentarité entre les exportations africaines (importations) et les importations chinoises (exportations)?: Finger Kreinin Similarity Index et Linneman Indicator. Ces indicateurs ont été mesurés pour 2000 et 2007 sur la base des données de la FAO (480 postes). Le degré de similarité entre la structure des exportations agricoles africaines et des importations chinoises est très faible et a peu varié entre 2000 et 2007. En revanche, la structure des exportations chinoises se rapproche de celle des importations africaine. Une analyse menée dans le cas des pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe ont amené l’IFPRI à conclure que la demande chinoise a peu d’impact sur l’offre africaine (Villoria et al., 2009).
  • [6]
    Fan et al. (2004, cité par Ravaillon) montre que 60 % de la croissance agricole entre 1978-1984 s’explique par les réformes institutionnelles et que la contribution de ce facteur était nulle entre 1985 et 2000.
  • [7]
    Agrimonde (2009) a conçu deux scénarios de long terme (2050). S’agissant de l’Asie, il prévoit une modification plus marquée vers la consommation de produits carnés qui augmentera la demande de céréales et d’oléagineux alors que la superficie des terres arables diminuera. Selon Agrimonde, la Chine peut devenir un importateur important de céréales et d’oléagineux. En Afrique, le potentiel de superficie arable est cinq fois plus élevé que les deux cents millions d’hectares utilisés. Mais si l’on considère l’évolution des rendements et l’accroissement démographique, l’Afrique devrait rester importateur de produits alimentaires. L’Asie et l’Afrique s’appuieront sur les exportations en provenance d’Amérique latine, de la CEI et des pays de l’OCDE.
  • [8]
    Feng Zhiming CAS in Renkou Yanjiu, 2007, n° 3, p. 15-29.
  • [9]
    Si l’on adopte une approche globale des échanges textiles entre la Chine et l’Afrique, de la production de coton au tissage, le déficit africain a considérablement augmenté et en 2008, l’Afrique exportait 180 000 tonnes de coton en Chine pour une valeur de trois cents millions de dollars et a importé 118 000 tonnes de fils et tissus en coton pour une valeur de deux milliards de dollars. Ce défi serait plus grave si l’on prenait en compte les exportations d’habillement en coton chinoises vers l’Afrique?: cette hausse très rapide des exportations de fils et tissus vers l’Afrique suggère l’existence d’un potentiel d’import substitution par des Chinois en Afrique.
  • [10]
    Le Forum sur la coopération sino-africaine, “China Maintains Investment Cooperation Intensity with Africa”, 2 novembre 2009, www.fmprc.gov.
  • [11]
    L’arrivée des experts agricoles chinois en Afrique date des années 1960. Elle répondait aux demandes de pays comme le Mali et l’Ouganda. Ce détachement a été considéré comme une aide au développement des agricultures africaines dans le cadre des programmes bilatéraux et multilatéraux. Depuis sa participation à la coopération Sud-Sud en 2006, la Chine a fourni quinze groupes de personnel technique (496 experts de terrain) répartis dans trente-six États jusqu’en 2007. Dans le contexte bilatéral et depuis le forum sur la coopération sino-africaine de 2006, le gouvernement chinois a envoyé cent experts dans une trentaine de pays qui sont généralement intégrés dans des départements agricoles ou à des agences, et non dans les ministères à la différence de l’assistance technique française. Après le forum sino-africain en 2006, le gouvernement chinois a envisagé d’établir vingt centres en Afrique, dont quatorze sont en cours de construction en Égypte, Soudan, Éthiopie, Ouganda, Rwanda, Tanzanie, Zambie, Mozambique, Zimbabwe, Afrique du Sud, Togo, Bénin, Cameroun, République démocratique du Congo et Liberia. Voir Li Jiali’s, Bräutigam, Deborah et Tang (2009), “China’s Engagement in African Agriculture. ‘Down to the Countryside’”, The China Quarterly, n° 199, p. 686-706.
  • [12]
    «?La Politique africaine de la Chine?», janvier 2006, www.fmprc.gov
  • [13]
    Ambassade de Chine au Malawi, www.chineseembassy.org
  • [14]
    La coopération française de développement, «?Livre blanc de gouvernance foncière et sécurité de tenure dans les pays en développement?», juin 2009.
  • [15]
    “China Development Gateway, Africa. Top Option for China’s Agricultural Investment, www.chinagate.cn
  • [16]
  • [17]
    CCS, “The Relevance of Chinese Agricultural Technologies for African Smallholder Farmers. Agricultural Technology Research in China”, 2009.
  • [18]
    Selon Brian McCartan dans China Farms Abroad (2008), la Chine est engagée dans un projet de location pour huit ans d’un million d’hectares en Indonésie et en Papouasie-Nouvelle-Guinée (à travers China National Offshore Oil Corp. et d’autres sociétés) pour cultiver des palmiers à huile, de la canne à sucre et du manioc. Un investissement d’un milliard de dollars a été approuvé au Laos en août 2007 pour la plantation d’hévéa sur 35 100 hectares pour le marché chinois. La Chine est le second partenaire de Myanmar qui exporte du riz depuis l’État du Shan vers la Chine State of Bruma.
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Résumé

Les échanges agro-alimentaires entre la Chine et l’Afrique sont croissants depuis le début des années 2000, mais restent limités au regard des autres secteurs (produits manufacturés, notamment), à l’exception du coton. L’aide et les investissements dans l’agriculture (malgré une connaissance souvent approximative) restent eux aussi limités, tout en étant croissants depuis le milieu des années 2000. Mais ils concernent en priorité les marchés africains nationaux et régionaux et, dans une moindre mesure, les marchés internationaux. Toutefois, ces investissements, tant privés que publics, doivent être suivis car ils s’inscrivent dans une stratégie de coopération de la Chine qui dépasse très largement le cadre agricole.

Mots-clés

  • Chine
  • échanges agro-alimentaires
  • aide
  • marchés
  • coton
Jean-Raphaël Chaponnière
Jean-Raphaël Chaponnière est économiste à l’AFD. Il a été conseiller économique (Corée, Turquie), chercheur au CNRS, à l’ISEAS (Singapour) et à l’Insead. Publications récentes : “The Issues of Chine Aid to Africa Public” (China and Africa, Amsterdam University Press, 2009).
Jean-Jacques Gabas
Jean-Jacques Gabas est docteur d’État en sciences économiques et maître de conférences/HDR à l’université Paris Sud/XI, actuellement détaché comme chercheur au Cirad. Ses travaux portent principalement sur les politiques de coopération. Auteur notamment de Nord-Sud : l’impossible coopération ? (Presses de Sciences Po, 2002) et plus récemment « La fabrique de l’émergence » (Les Pays émergents, Sciences Po/Ceri, 2009).
Zheng Qi
Zheng Qi est agronome, diplômée de l’université de Pékin et titulaire d’un master de développement durable appliqué de l’université Paris-Dauphine en 2009. Elle a collaboré à plusieurs études à l’AFD et pour le Cirad sur les relations entre la Chine et l’Afrique.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 10/10/2011
https://doi.org/10.3917/afco.237.0071
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