Le sujet présente différentes difficultés. Tout d’abord, l’« opinion publique » est une abstraction. Il vaudrait mieux parler de courants ou de mouvements d’opinion, qui sont en outre souvent antagonistes, rarement unanimes. Et qui sont plus ou moins forts et convaincus. Une minorité ferme et agissante a plus de poids qu’une opinion majoritaire molle. Ce que faisait toujours remarquer Jean-Baptiste Duroselle.
Deuxième difficulté : comment mesurer le poids d’une opinion ? On recourt souvent à la presse, même s’il est clair qu’elle ne reflète pas toujours, loin de là, la place respective des différents courants dans l’opinion. Les sondages les plus soigneusement établis ne sont jamais qu’une photographie instantanée de l’opinion. Et leur interprétation n’est pas toujours évidente. Les manifestations, même spectaculaires, ne représentent pas forcément l’opinion publique dominante. Les élections sont encore, dans les pays démocratiques, le moins mauvais moyen d’observer l’état de l’opinion, au moins dans ses orientations générales. Le moins contestable sont les référendums portant sur une question spécifique, à condition que les électeurs veuillent bien répondre à la question posée, et ne pas, par exemple, saisir l’occasion pour exprimer leur mécontentement à l’égard du gouvernement en place. Étant entendu que la mesure de l’opinion est encore plus difficile, quand il s’agit de la politique extérieure, sujet lointain et complexe pour la grande majorité des électeurs.
D’autre part, la question est encore plus délicate quand on prend en compte l’ensemble de la société, et pas uniquement les élites dirigeantes…