CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Une simulation de la fusion d’étoiles massives appuie l’un des mécanismes qui expliqueraient le champ magnétique intense de certaines étoiles à neutrons.

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Cette simulation montre la naissance d’une étoile telle que Tau Scorpii à partir de la fusion de deux astres. Il s’agit ici d’une vue en coupe de l’intensité du champ magnétique créé (champ intense dans les zones claires, faible dans les zones sombres).
© Ohlmann/Schneider/Rôpke

1En astrophysique, beaucoup d’astres font rêver par leur démesure. Parmi eux : les magnétars, des étoiles à neutrons dotées d’un champ magnétique extrêmement intense, parfois des centaines de milliards de fois plus intense que celui du Soleil. Ils sont aussi responsables d’émissions électromagnétiques violentes et irrégulières dans l’espace intersidéral. Par exemple, le 27 décembre 2004, une bouffée de rayons gamma venue d’un magnétar de la constellation du Sagittaire, à 50 000 années-lumière de la Terre, a brièvement ionisé une partie de l’atmosphère terrestre. Comment de tels astres se forment-ils ? Fabian Schneider, de l’université de Heidelberg, en Allemagne, et ses collègues viennent d’effectuer des simulations numériques afin d’explorer l’un des scénarios envisagés.

2On sait depuis longtemps que les étoiles les plus massives achèvent leur vie en supernova : leurs couches extérieures sont éjectées vers l’espace tandis que leur cœur s’effondre, formant parfois une étoile à neutrons, un astre très dense. Les astrophysiciens pensent aussi que si l’étoile originelle a un fort champ magnétique, celui-ci est amplifié par l’implosion de l’étoile en une étoile à neutrons, à cause de la diminution de son rayon. Ainsi, les étoiles massives présentant déjà un fort champ magnétique sont d’excellents candidats pour être de futurs magnétars. On pense en outre que ces étoiles massives à fort champ magnétique seraient nées de la fusion d’étoiles classiques, dépourvues de champ magnétique intense.

3C’est ce qu’ont voulu confirmer Fabian Schneider et ses collègues en simulant la fusion de deux étoiles à champ magnétique très faible. Ils ont montré qu’au cours de la fusion, des tourbillons de matière stellaire donnent naissance à des champs magnétiques très intenses. Ces derniers sont conservés par l’étoile fille qui, plus tard, deviendra donc potentiellement un magnétar. Une partie de l’énergie mécanique des deux étoiles mères a donc été transformée en énergie de champ électromagnétique, multipliant l’intensité du champ par un facteur d’environ 1018, pour un champ final d’environ 104 teslas. L’étoile fille aura aussi gagné en température, en masse et en luminosité par rapport aux étoiles mères. Cela donne un « coup de jeune » à l’étoile, qui semble ainsi moins âgée que ses voisines. Si l’étoile ainsi formée explose en supernova, les chercheurs s’attendent à ce que l’étoile à neutrons résultante présente un champ magnétique de l’ordre de 1010 ou 1011 teslas, des valeurs proches de celles observées pour les magnétars.

4Plus précisément, Fabian Schneider et ses collègues ont ajusté les paramètres des deux étoiles mères (masses, vitesse de rotation, âge, rayon, etc.) pour que l’étoile fille, donnée par la simulation, ait les caractéristiques de Tau Scorpii, une étoile de la constellation du Scorpion ayant un fort champ magnétique. Ils ont donc simulé un scénario de naissance probable pour cette étoile qui est une « bleue tar-dive » (blue straggler en anglais), c’est-à-dire une étoile d’un amas stellaire beaucoup plus lumineuse et chaude que ses congénères, et paraissant donc plus jeune. Le scénario simulé rend bien compte des propriétés de Tau Scorpii. Cette dernière étant située à moins de 500 années-lumière de la Terre – un saut de puce à l’échelle astronomique –, il n’y a plus qu’à espérer qu’elle ne donnera pas un magnétar…

1011 TESLAS
TELLE EST L’INTENSITÉ DU CHAMP MAGNÉTIQUE QUE PRÉSENTENT LES MAGNÉTARS LES PLUS PUISSANTS. C’EST ENVIRON DEUX MILLIARDS DE FOIS PLUS QUE LES CHAMPS MAGNÉTIQUES CONTINUS LES PLUS FORTS PRODUITS PAR L’HOMME.
  • En ligneF. Schneider et al., Nature, vol. 574, pp. 211-214, 2019
Lucas Gierczak
Mis en ligne sur Cairn.info le 03/01/2022
https://doi.org/10.3917/pls.506.0016
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