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La lecture des Lois de l’imitation, pour qui s’intéresse à l’histoire de la sociologie française, produit l’effet d’une démystification. L’ouvrage, dans la diffusion critique qui trop souvent se substitua à l’examen attentif de ses thèses, semble avoir fait l’objet d’un faux procès. Et plus encore, on est conduit à se demander si la grande opposition entre Tarde et Durkheim, dont on sait qu’elle alimente le débat sociologique à la fin du XIXème et dans les premières décennies du XXème siècle, ne repose pas en définitive sur un profond malentendu.
Il est en tout cas un préjugé qui s’effondre d’emblée : si la conception des rapports de l’individuel et du collectif se joue dans cette polémique, ce n’est certainement pas dans les termes traditionnellement reconnus de la confrontation de l’individualisme et du sociologisme. En dépit de l’âpreté du combat qui se livre en surface, s’esquisse au contraire une sorte d’accord secret entre les sociologues, si secret qu’il le demeure essentiellement pour eux-mêmes, et interdit littéralement à chacun d’eux d’entendre le propos de l’autre dans sa portée réelle et son éventuelle proximité. Le lecteur est alors surpris par ce double constat : ni Tarde ni Durkheim ne pense que la société est faite d’autre chose que d’individus. Mais ni l’un ni l’autre ne pense non plus qu’elle est un agrégat d’individus, une totalité obtenue par la juxtaposition d’entités qui, ainsi rassemblées, conserveraient leur pleine intégrité. Dans cette dernière réfutation réside d’ailleurs un solide et significatif trait d’union : l’un et l’autre ‒ mais certes pas l’un comme l’autre ‒ ont tenté de penser prioritairement la relation, le phénomène spécifiquement relationnel qui est au fondement de la réalité sociale…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 30/08/2016
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