Chapitre
L’art de convaincre par le discours est une culture à la fois proche et lointaine. Elle nous est proche parce que familière : nous cherchons tous à convaincre. Mais elle nous est en même temps éloignée parce que l’art de convaincre, l’art rhétorique, ne s’enseigne plus ou presque.
Historiquement, la rhétorique correspond à un changement politique profond : celui de la naissance de la démocratie. En effet, si nous n’avons pas droit à la parole, qu’importe de ne pas savoir parler. Mais si notre opinion acquiert autant de valeur que celle d’un autre, alors l’art de convaincre devient aussi précieux que l’or. La rhétorique comme art de convaincre est avant tout utile au citoyen impliqué dans la vie civile. L’enseignement de cet art devrait être nécessaire et même vital en démocratie. Or c’est précisément au moment où la rhétorique est devenue utile qu’elle fut en même temps critiquée parce qu’assimilée à de la manipulation. Les sophistes grecs qui, quatre siècles avant Jésus-Christ, furent les premiers maîtres dans l’art de convaincre, les premiers initiateurs à la parole publique, ont été en même temps accusés d’être des imposteurs cyniques et manipulateurs. Alors même que la démocratie directe avait besoin d’exercer la prise de parole publique du citoyen, la technique qui devait l’enseigner fut trop rapidement condamnée. D’où ce rapport ambivalent avec cet art, à la fois proche et lointain, familier et inquiétant. N’est-ce pas la démocratie elle-même plutôt que la technique oratoire qui a pu effrayer à cette époque où la tradition a cessé d’être seul maître à bord …
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 15/07/2019
- https://doi.org/10.3917/sh.dorti.2015.01.0102
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