Une vision naturaliste pousse à comparer les mafias à des organismes vivants : une vitalité se confondant avec un appétit de conquêtes. Les modalités de diffusion des mafias méritent une exploration d’autant plus précise que ces entités criminelles sont depuis la fin du monde bipolaire en phase non de rétraction mais d’expansion. Or nous savons désormais que le meilleur allié des mafias est l’ignorance plus ou moins sincère de leur existence. Au-delà de ce phénomène central – la cécité et l’ignorance –, il existe des mécanismes d’expansion désormais bien repérés dont nombre d’exemples existent. Cependant, ces mécanismes ne sont pas le fruit d’une génération spontanée. Les mafias développent aussi des politiques d’expansion à l’image de ce que peuvent faire des États. Ces projections opérationnelles donnent naissance à des implantations permanentes qui fonctionnent comme des filiales plus ou moins indépendantes par rapport à leurs maisons mères. La contagion mafieuse touche alors le pays d’accueil.
Les mafias n’ont pas attendu la « mondialisation » de la fin du xxe siècle pour rayonner sur la planète. Car l’expansion des mafias est en réalité étroitement déterminée par l’histoire et la géographie des vagues d’émigration. Les mafias entretiennent avec les phénomènes migratoires des liens complexes, relevant à la fois de la cause et de la conséquence. D’une part, les mafias s’abritent dans les migrations pour se répandre sur la planète. D’autre part, parfois, elles suscitent aussi ces mêmes migrations, au point même parfois de les provoquer…