Considérant le handicap comme construction culturelle et la culture comme substrat susceptible d’alléger ou, au contraire, d’alourdir le fardeau qu’il constitue, nous nous interrogeons ici sur les représentations que l’on s’en fait en Algérie. Celles-ci procèdent du difficile passage du lien social à l’œuvre dans la société traditionnelle, relevant d’un ordre communautaire, à celui, plus impersonnel, qui accompagne la modernité. Aussi appréhendons-nous cette question à partir des concepts de tradition et de modernité. À propos des contradictions de la société algérienne après l’indépendance, Réda Malek impute les retards accusés par la modernisation à la survivance des traditions patriarcales et à la confiscation du pouvoir par une caste de technocrates. D’où une exacerbation de ces contradictions face à l’échec du projet de société porté par l’industrialisation.
La tension entre tradition et modernité s’est trouvée renforcée par la colonisation en dépit de l’effort, tardif, d’instruction laïque. Celui-ci a visé une élite trop étroite pour produire des effets durables dans un contexte aux prises avec des obscurantismes. Mais, à l’époque de la colonisation, cette tension était constitutive de la culture de résistance qui a généré la guerre d’indépendance. Mostefa Lacheraf écrit à raison que « face à l’irruption du monde moderne dans la tradition, on continue de tenir à l’univers médiéval par certains aspects moraux ».
La perception du handicap qui en émerge renvoie à ce que Noureddine Toualbi-Thaâlibi appelle l’ambivalence culturelle et qualifie de « creuset affectif à partir duquel s’ordonnent les rapports de l’Algérien à sa ou à ses culture…