Chapitre
Le dernier descendant de Jérôme, Napoléon Jérôme, avait une haute opinion de lui-même. Bravache et même fantasque, ses opinions étaient si tranchées qu’il ne supportait aucune discussion. Son comportement débridé et impudique ne lui inspirait aucune gêne, alors qu’autour de lui on supportait mal son inconvenance. Et même si son cousin Napoléon III l’appréciait, il se tint à distance de la fête impériale comme pour mieux marquer sa différence. Téméraire mais parfois inconsistant, il ruina toutes ses chances d’accéder au pouvoir. À l’approche du Rubicon, il s’arrêtait, incapable de le franchir, comme fasciné par son propre reflet dans l’onde. Rebuté par la difficulté, il tournait souvent les talons pour se réfugier dans son univers singulier. Au fond, il resta toute sa vie un proscrit, un exilé narcissique dans un siècle qu’il jugeait trop étriqué pour son auguste et napoléonienne personne.
Depuis l’été 1814, une ombre célèbre hantait l’élégant palais Rinuccini, piazza Venezia à Rome. Recluse, Letizia Bonaparte, Madame Mère, y menait désormais une vie de famille paisible entourée de ses proches – tous les Bonaparte ou presque l’avaient rejointe – et de ses nombreux souvenirs. Le deuxième fils de Jérôme, Napoléon Bonaparte, détestait les visites rituelles à sa vieille grand-mère. Portant toujours le deuil de son mari depuis 1785, l’austère vieille dame l’effrayait : « Madame nous recevait bien mais sans tendresse. Napoléon n’aimait pas l’embrasser ; il aimait encore moins baiser la main diaphane et ridée qu’elle présentait au besoin…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 08/09/2021
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