Si les New-Yorkais connaissent aujourd’hui le nom de Jacob Riis, c’est probablement parce qu’ils se sont rendus à Jacob Riis Park, une plage de Rockaway, secteur du Queens que l’on rejoint d’ordinaire en empruntant un pont depuis le sud-est de Brooklyn. À moins qu’ils ne connaissent les Jacob Riis Houses, un complexe de 19 immeubles de logements sociaux situé à l’angle nord-est du Lower East Side entre la 6e et la 13e Rue, de l’Avenue D à l’East River.
Mais Jacob Riis fut tout d’abord, il y a cent vingt-cinq ans, un immigrant originaire du Danemark, devenu journaliste d’investigation pour le New York Tribune quinze ans après son arrivée. Riis connaissait très intimement l’existence désolée que menaient les plus récents habitants de New York dans leurs appartements de location à Five Points, Hell’s Kitchen ou près de l’East River aux abords du pont de Brooklyn dans la vieille 4e Circonscription, ou encore dans le Lower East Side. Il ne se contentait pas de décrire les conditions de vie qu’enduraient les habitants de ces quartiers : il voulait inspirer aux Américains le désir de les améliorer. Comme il n’y parvenait pas par ses écrits, il inventa presque à lui tout seul le photojournalisme, dans l’espoir que l’image inciterait les gens à agir là où la plume avait échoué. Son chef-d’œuvre, How the Other Half Lives – Comment vit l’autre moitié –, a la réputation de faire partie de la poignée de « livres qui ont changé l’histoire ». Il contribua à la mise en œuvre d’une vague de réformes urbaines qui définissent l’Ère progressiste, période au cours de laquelle, entre 1900 et 1917, les responsables politiques de tous les partis s’accordèren…