Comment faire pour qu’un livre se présente comme un livre d’enfants ? Dès lors que des auteurs ont su comment écrire en s’adressant aux enfants, cette question s’est imposée à l’édition, qui y fit face par deux procédés essentiels, dérivés l’un de l’autre : en premier lieu, le livre d’enfant est un livre « orné de jolies figures » ; en second lieu, l’enfant y est représenté aussi souvent que possible. C’est ainsi que l’édition enfantine a déployé, aux alentours de la période révolutionnaire, un riche matériel iconographique, qui témoigne de la manière dont les adultes ont alors souhaité que les enfants puissent se voir. En ce domaine en effet, il n’y a pas lieu de s’en tenir aux limites de la Révolution, puisque l’illustration enfantine, solidaire de la nouvelle littérature enfantine, n’interrompt pas son essor de 1750 à 1830 . Les rééditions, comme vient de le montrer Didier Masseau, se poursuivent ; des auteurs « pionniers », tels Berquin et Madame de Genlis, continuent à écrire et à être imités par leurs émules, tandis qu’à partir de 1810, le mouvement des libraires d’éducation recueille et enrichit ce trésor d’une littérature enfantine inspirée par les Lumières, férue des préceptes pédagogiques de Rousseau. Seul Blake, déçu par la Révolution, avait remplacé les Songs of innocence de 1788 par les Songs of experience de 1794 !
De la masse des livres illustrés pour enfants parus à la fin du XVIIIe siècle, découle une vision cohérente de l’illustration adressée à l’enfant, qui est centrée sur la représentation de l’enfant et de sa vie quotidienne : si, à la différence des auteurs, aucun artiste n’est encore spécialisé dans le livre pour enfants, les gravures se ressemblent par la technique et le traitement ; dans les publications les plus luxueuses, elles sont signées, mais le plus souvent, restent l’œuvre anonyme d’artisans qui travaillent à la commande de l’éditeur, ou, par exception, d’un auteur qui, comme Madame de Genlis, se charge parfois de l’illustration…