CAIRN.INFO : Matières à réflexion

La guerre civile qui déchira le Suriname entre 1986 et 1992 fit autant pour rappeler à la mémoire européenne l’existence du pays que le Candide de Voltaire avait attiré l’attention sur l’horreur de l’esclavage. C’est dire combien le pays, coincé entre la légende noire de l’enfer de la plantation et celle, dorée de l’Eldorado, peine à affirmer son existence quotidienne. C’est le plus souvent à l’occasion d’événements dramatiques que le lecteur métropolitain redécouvre ce petit État de 163 265 km2 (le plus petit d’Amérique du Sud, mais presque deux fois plus grand que la Guyane française), qui vit essentiellement de la production de bauxite, dont il est le sixième producteur mondial. Un pays dont la croissance annuelle du pib était de + 5,3 % par an de 1970 à 1980, et dont l’accession à l’indépendance eût été un modèle du genre si le coup d’État sanglant de 1980 n’avait bloqué l’aide internationale et plongé l’économie dans le marasme.
Il partage avec le Guyana et la Guyane française une position périphérique par rapport à l’ensemble sud américain : une juxtaposition de peuples, de langues et de cultures non latines, un retard de plus de cent cinquante ans dans le processus d’émancipation politique, une économie et un peuplement plus proches de l’ensemble caraïbéen insulaire que des voisins continentaux.
Périphérique en tout, le Suriname finit par devenir un centre paradoxal de l’espace atlantique, voire mondial laboratoire historique et géographique exceptionnel où se rencontrent populations amazoniennes, protestantes, africaines et indiennes sur un milieu plus contrasté que l’omniprésence de la forêt ne le laisse prévoir à première vue…

Emmanuel Lézy [1][2]
UFR Sciences sociales et administratives,
université iv. Paris X, bât. D,
bur. 211-E, 200 av. de la République,
92001, Nanterre,
  • [1]
    Professeur en géographie à l’Université Paris X — Nanterre, France.
  • [2]
    En 1968, le People’s National Congress (PNC) de Linden Forbbes Burnham remporte les élections. Structuré autour de la communauté noire et d’organismes importants comme le Syndicat des travailleurs des sucreries. Associé à l’United Force fondé par l’homme d’affaire Peter d’Aguiar (Banks, El Dorado) qui regroupait les milieux d’affaires et les minorités blanches, portugaises et chinoises, il forma une coalition plus rassurante que le PPP de Cheddi Jagan et sa femme Janet, le People Progressive Party (PPP), de tendance marxiste et dont le recrutement se faisait surtout dans la paysannerie indienne. aux yeux de Londres et de Washington, encore sous le coup de la baie des Cochons. C’est donc de façon tout à fait surprenante, qu’en 1970, Forbbes Burnham se lança dans une politique franchement socialiste, reprenant à son compte l’essentiel du programme de ses anciens adversaires: nationalisation de l’appareil de production, développement des coopératives agricoles, opposition ouverte aux USA et soutien aux pays socialistes.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/04/2012
https://doi.org/10.3917/quae.doris.2010.01.0111
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