Chapitre
Se demander si la perversion entretient un quelconque rapport avec la création, au sens du surgissement d’un signifiant nouveau, nous oblige à tenir compte de ce que les sujets pervers, entre autres ceux qui effectuent un travail psychanalytique, nous enseignent à ce propos. Les catalogues des perversions, tel celui de Richard von Krafft-Ebing (1923), ou dans un autre genre, celui des 120 journées de Sodome de Sade (1785), constituent des listes fermées, même si elles sont longues et diversifiées : les perversions sont en nombre fini et leur classification est plus ou moins arrêtée. Cette condition les rend donc en principe incompatibles avec la notion même de création. Pourtant, sur le plan esthétique, la question peut se poser : peut-on par exemple considérer une création qui serait « perverse », et est-il envisageable d’inventer de nouvelles satisfactions pulsionnelles, y compris dans le champ sublimatoire ? Certains aspects de cette problématique ont été très diversement traités dans la littérature. Il s’agit en particulier du lien fait entre perversion, sublimation et créativité (Lacan, 1986 ; Chasseguet-Smirgel, 1984 ; Anzieu 1996 ; de Mijolla-Mellor, 2009a ; 2009b).
Sur un plan différent, celui de la logique, une remarque de Lacan ouvre une perspective intéressante. Ce dernier s’étonnait que la psychanalyse n’ait pas même été capable « d’inventer une nouvelle perversion » (Lacan, 1975-1976, p. 153). Il avait néanmoins découvert chez Joyce un élément en relation avec cette question puisque chez l’auteur irlandais, comme chez Lacan lui-même, la pratique de l’énigme porte l’énonciation à la puissance de l’écriture, et ce faisant, déclenche les commentaires infinis de joyciens et de lacaniens au moins pour « deux ou trois cents ans » …
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 18/01/2017
- https://doi.org/10.3917/eres.marti.2016.01.0137
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