La compréhension de ces entités atypiques que sont les mafias implique l’utilisation d’outils intellectuels différents de ceux de la criminologie classique (même pluridisciplinaire). Il faut puiser ailleurs, vers des disciplines pour nous originales : la géopolitique certes, mais aussi la topographie, la sociologie des sociétés secrètes, les sciences politiques, l’éthologie, l’anthropologie, l’économie, la géographie, etc. Car l’objet mafia ne ressemble à nul autre au sein de l’espèce criminelle. Il concerne en effet des entités vivantes, fluides, polymorphes, disposant de facultés d’expansion immenses à l’échelle planétaire, avec une prédisposition unique pour gangrener les parties saines du tissu social. La mobilité des mafias, leur faculté de dissimulation et d’adaptation relèguent les autres formes de crimes connus au rang de petites et moyennes entreprises. Par sa nature complexe et sa dimension nouvelle, l’objet mafia oblige à déborder le champ traditionnel d’investigation de la criminologie classique. Surtout, cet objet spécifique ne peut se réduire à une simple analyse en termes d’association criminelle ou de crime organisé. Cette complexité explique la multiplicité des paradigmes tentant de cerner l’essence mafieuse : entreprise illégale, industrie de la protection, parenté fictive (fraternité), bureaucratie, sous-culture, etc.. Ces modèles interprétatifs méritent réflexion et confrontation. Souvent, ils se combinent plus qu’ils ne se contredisent. Cependant, la production intellectuelle sur les phénomènes mafieux est maigre…