Les historiens connaissent bien le problème de l’alimentation des villes par les campagnes. Pas un pouvoir politique n’a manqué de se soucier du prix du pain, du riz ou du maïs. En France, la « police du pain » avait été créée par le roi Charles V qui fut pour beaucoup dans la stabilité de la monarchie. Pourtant, une rupture s’est installée avec la révolution industrielle anglaise qui, en promouvant le commerce international, a conforté l’idée que se nourrir sur des marchés extérieurs était une solution pour obtenir des prix plus bas que sur les marchés locaux. Toute une part de l’alimentation humaine a donc été intégrée à l’industrie et au commerce depuis deux siècles et cette part n’a cessé de grandir, touchant les pays en développement où l’autarcie était majoritairement la base de la sécurité alimentaire. Aujourd’hui, à l’échelle de l’alimentation mondiale, les campagnes du monde se sont découplées : au nord, de vastes greniers d’agriculture intensive se sont donné la charge de nourrir la planète et de pallier les déficits alimentaires dans les pays en développement où la croissance de la population urbaine est très forte. Dans l’incapacité d’atteindre les niveaux de productivité du nord, les campagnes des pays pauvres comptent de plus en plus de paysans ruinés : « Nourrir les villes grossit les bidonvilles » résume Bruno Parmentier. Certes, ce cas de figure n’est pas général, mais il montre, en raccourci, à quels défis sont confrontés les campagnes du monde : une reformulation du lien aux villes qui passe, au Nord, par une prise de conscience du besoin de nature et de qualité que les campagnes portent symboliquement et, d’autre part, au Sud, une autre révolution technique et sociale pour que les campagnes ne soient pas des espaces échouant dans la principale de leurs fonctions : la subsistance des hommes…