À la fois danse et sport de combat, la capoeira* provoque depuis quelques années un engouement de plus en plus net en Europe. Au Brésil, si les ouvertures d’« académies » se multiplient, beaucoup de maîtres regrettent de voir les jeunes abandonner l’un des fondements de leur culture nationale et l’une des principales références à l’Afrique en se tournant vers des sports de combat d’origine asiatique, karaté, kung-fu ou jiu-jitsu. Convoitée ou boudée pour les mêmes raisons, la capoeira semble souffrir d’une ambiguïté profonde : est-elle danse ou combat, est-elle brésilienne, africaine ou universelle ? Drapeau splendide de la raça Negra, elle fut aussi l’emblème national de la culture blanche (et nettement fascisante) de Getúlio Vargas et se présente aujourd’hui comme fondamentalement métisse. Elle hérite de cette ambiguïté une image locale confuse, pour avoir servi trop de causes différentes avec la même allégresse. Elle est aujourd’hui partagée entre l’uniformisation et la rationalisation à la japonaise et une pratique alternative et rebelle entre plage et maconha.
Contrainte par l’esclavage de masquer ses techniques et sa fonction, la capoeira, gymnastique, danse et lutte à la fois, n’est jamais là où on l’attend. Cela explique peut-être les périodes sombres où elle fut détournée par le combat de rue, la délinquance, puis la dictature. Aujourd’hui, c’est toujours dans cette nébuleuse protéiforme qu’elle puise sa richesse et son succès à l’intérieur comme à l’extérieur du Brésil…