CAIRN.INFO : Matières à réflexion

À la fois danse et sport de combat, la capoeira* provoque depuis quelques années un engouement de plus en plus net en Europe. Au Brésil, si les ouvertures d’« académies » se multiplient, beaucoup de maîtres regrettent de voir les jeunes abandonner l’un des fondements de leur culture nationale et l’une des principales références à l’Afrique en se tournant vers des sports de combat d’origine asiatique, karaté, kung-fu ou jiu-jitsu. Convoitée ou boudée pour les mêmes raisons, la capoeira semble souffrir d’une ambiguïté profonde : est-elle danse ou combat, est-elle brésilienne, africaine ou universelle ? Drapeau splendide de la raça Negra, elle fut aussi l’emblème national de la culture blanche (et nettement fascisante) de Getúlio Vargas et se présente aujourd’hui comme fondamentalement métisse. Elle hérite de cette ambiguïté une image locale confuse, pour avoir servi trop de causes différentes avec la même allégresse. Elle est aujourd’hui partagée entre l’uniformisation et la rationalisation à la japonaise et une pratique alternative et rebelle entre plage et maconha.
Contrainte par l’esclavage de masquer ses techniques et sa fonction, la capoeira, gymnastique, danse et lutte à la fois, n’est jamais là où on l’attend. Cela explique peut-être les périodes sombres où elle fut détournée par le combat de rue, la délinquance, puis la dictature. Aujourd’hui, c’est toujours dans cette nébuleuse protéiforme qu’elle puise sa richesse et son succès à l’intérieur comme à l’extérieur du Brésil…

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Résumé

« Le vautour ne mange pas de feuilles » dit la chanson. Et l’homme n’est pas foncièrement bon. Mais en transformant, par l’alchimie du rythme et de la dérision, le combat en danse, c’est plus qu’une lutte joyeuse contre l’esclavage, la misère et la discrimination que mène la capoeira. C’est une guerre victorieuse contre la violence et la haine qui, domptées et bridées, servent de montures fougueuses à l’amour goguenard et triomphant.

Emmanuel Lézy
Agrégé de géographie, ancien élève de l’école normale supérieure de Saint-Cloud, il est maître de conférences à l’université Paris x-Nanterre. Il anime également un séminaire à l’École des hautes études en sciences sociales sur « l’imaginaire des territoires et les territoires de l’imaginaire ». Il a récemment publié Guyane, Guyanes : une géographie sauvage de l’espace compris entre Amazone et Orénoque (Paris, Belin, 2000).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/04/2012
https://doi.org/10.3917/autre.dorie.2007.01.0294
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