Chapitre
Évacuons d’emblée une confusion. Les grandes destructions organisées n’empruntent pas toujours les mêmes voies et
les mêmes moyens que la guerre classique. N’en déplaise aux
politologues myopes, les « guerres non militaires » dont parlent
Carl Schmitt et Julien Freund existent. Il est urgent de ne plus
se limiter à voir l’ennemi sous son seul aspect militaire. Avec
les guerres financières, il n’y a certes ni uniformes, ni coups
de feu, ni chars dans les rues. Pourtant la « guerre financière »
n’est pas une métaphore facile, une pâle imitation de la vraie
guerre qui, elle, tuerait réellement. Les guerres financières
sont probablement les plus dévastatrices de ces guerres non
militaires.Qui a vu les ravages produits par toutes les crises financières
depuis les années 1980 a constaté que des villes entières ont
été saccagées et que des êtres humains ont péri prématurément, exterminés par le suicide, la maladie ou la pauvreté. Aux
États-Unis, la crise des subprimes a transformé en champs de
ruines les banlieues de nombreuses grandes villes, à l’image de
Cleveland ou de Detroit, comme si leurs habitants avaient fui
une armée d’invasion ou succombé à une attaque d’armes à
neutrons : des centaines de milliers de maisons abandonnées,
saisies, vides d’occupants, et souvent pillées (Codicille 1).
Disons-le simplement : les crises financières et les politiques
d’austérité qui les accompagnent tuent, blessent et détruisent,
parfois avec autant d’intensité que des guerres classiques. Mais,
lors de ces guerres sans uniformes ni déclarations préalables, les
morts sont quasiment invisibles, très loin de la scène médiatique car, entre la cause première (la crise financière) et ses
conséquences ultimes (destructions matérielles et physiques),
les distances temporelle, géographique et sociale masquent les
relations de causalité…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 28/10/2021
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