Chapitre
Le rôle de la photographie dans la construction de l’image de l’Autre, ses rapports complexes avec la culture coloniale, l’anthropologie et la définition du moi ont d’ores et déjà fait l’objet de nombreuses analyses [entre autres, Pinney, 1992 ; Lalvani, 1996]. La plupart se sont attachées aux images proprement dites — à leur iconographie, leur sémiotique, leur esthétique associative. Il ne s’agit pourtant là que d’un volet de leur puissance stéréotypique. La clef de voûte de la construction de l’image de l’Autre reposerait à mon sens davantage sur l’ensemble de l’économie visuelle dans laquelle opéraient ces images, et sur les lieux particuliers de leur consommation, puisque le cliché photographique est par essence un objet destiné à être reproduit et diffusé dans le temps comme dans l’espace. En outre, ces images acquièrent une valeur à travers les mécanismes sociaux d’accumulation, de possession et d’échange. C’est ainsi que certaines images récupérées par l’anthropologie ont été hissées au rang de « science ». De même, la façon dont la science était « visualisée » à travers la photographie inspirait la production populaire de portraits photographiques de peuples non européens et légitimait leur consommation dans l’économie visuelle générale [Poole, 1997, pp. 9-13].
Ce rapport symbiotique est né d’une base conceptuelle commune de systèmes de valeur et d’échange. Dans ce cadre, les images circulaient entre les lieux d’observation anthropologique et coloniale, les bibliothèques, salons et albums de la bourgeoisie européenne et américaine, les bureaux, laboratoires et musées des savants, se nourrissant les unes des autres et se recoupant, se légitimant réciproquement…
Plan
Auteur
- Mis en ligne sur Cairn.info le 02/04/2013
- https://doi.org/10.3917/dec.blanc.2011.01.0478
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