Les exhibitions de monstres sont légion en Suisse sur l’ensemble de la période 1880-1939. La plupart se déroulent dans des roulottes, sur les places des villes d’accueil, dans les brasseries, les cafés, les buvettes et autres restaurants, plus rarement encore, dans le parc ou le jardin qui bordent ces établissements.
Le battage publicitaire autour d’un tel événement se fait dans les règles de l’art. Par exemple, le passage à La Chaux-de-Fonds en 1890 de l’homme-tronc Kobelkoff, un Russe s’exhibant à travers le monde, suscite la publication de trois articles dans La Sentinelle [Pajot, 2003, p. 34-36]. Comme à l’accoutumée, le lieu de l’exhibition est une tente située sur la place de la gare. Quelques rares critiques condamnent ce genre de spectacle, sans aucun effet d’ailleurs.
De 1875 à 1939, on dénombre en Suisse romande pas moins de trente-neuf spectacles et musées anatomiques. On rechigne surtout à exhiber des individus issus de la société à laquelle appartiennent les spectateurs. C’est dire à quel point il importe de montrer l’Autre, différent, exotique. La présentation des monstres est soit individuelle, soit collective. Lorsque le personnage est suffisamment mal formé ou relève du sensationnel, il suffit à assurer à lui seul le succès des représentations. Pour ne citer qu’un cas, le personnage de l’« homme poileux », Rham-A-Sama, est exhibé à Lausanne, à Genève et à Fribourg avant de décéder dans un hôpital de Paris. La présence en Suisse romande de certains duos comme celui d…