Chapitre
Par quel processus psychique des jeunes en arrivent-ils à perdre tout horizon de vie pour être fascinés par la mort ? Pourquoi mourir en héros devient-il une raison de vivre ? Pourquoi le meurtre indistinct de soi et des autres apparaît-il chez les jeunes djihadistes comme seule issue de vie ? De quelle jouissance leur ultime plongeon vient-il témoigner ? Je reprendrai ici les réflexions de mon livre Dérives adolescentes, de la délinquance au djihadisme, en les recentrant sur l’axe de la jouissance.
Un livre qui s’est écrit pour moi comme une nécessité pour me dé-sidérer d’un attentat. Le soir du drame du Bataclan le 13 novembre 2015, à la sortie d’un restaurant, le déchirement d’une détonation toute proche, puis le silence de mort aussi étrange que le bang qui l’avait déchiré. Sur le chemin du retour, les gyrophares, les sirènes, les rues bloquées… Ce n’est qu’au petit matin que l’on apprit qu’un homme avait déclenché sa ceinture d’explosifs à quelques dizaines de mètres de notre passage, sans faire d’autres victimes que lui-même. Une image insistait, celle d’un corps explosé en morceaux de chair épars. À qui avaient appartenu ces morceaux de corps ? Les noms, les visages défilaient, ceux de ces ados de plus en plus éclatés au fil du temps, que j’avais rencontrés dans le cadre de la Protection judiciaire de la jeunesse où j’avais exercé durant de nombreuses années. Cette scène d’horreur venait boucler le non-sens d’un processus psychique en impasse. Un épilogue qui m’a mise devant la nécessité de relire les nombreux articles que j’avais publiés durant mon parcours clinique, des écrits que j’avais soutenus, autant qu’ils m’avaient soutenue des écrits pour trouver le passage devant les commandes judiciaires qui venaient parasiter le clinicien quand l’ordre judiciaire est maître…
Auteur
- Mis en ligne sur Cairn.info le 15/09/2019
- https://doi.org/10.3917/eres.guily.2019.01.0127
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