Un berger salarié, André Leroy, chargé du gardiennage d’un troupeau collectif de 1 200 brebis sur 1 000 hectares environ d’un alpage des Hautes-Alpes. Un chevrier, Francis Surnon, menant en gardiennage son troupeau de 40 chèvres laitières sur 130 hectares de parcours méditerranéens, dont 120 en taillis de chênes, sur un plateau calcaire de basse altitude dans le sud de l’Ardèche. Deux mondes à première vue bien différents. Deux situations d’élevage à certains égards extrêmes en France, mais que rapproche la pratique pastorale. Deux praticiens, enfin, animés par une même passion pour leur métier. De leur confrontation organisée en 1991, apparaissent quelques-unes des règles de cet art de « garder », dans lequel l’un et l’autre sont passés maîtres.
Ces interlocuteurs n’ont pas été recrutés au détour d’un chemin, ou tirés au sort à la suite d’une enquête statistique, pour les besoins de ce témoignage croisé. Tous deux sont des partenaires de nos recherches, depuis plusieurs années déjà.
André a quarante-trois ans. Originaire des Flandres, il réside en tant qu’adolescent dans la région parisienne, où il fait ses études secondaires. Il y entreprend ses études supérieures, vite abandonnées au profit d’une formation professionnelle en menuiserie industrielle. En 1974, après quelques années à l’usine, André décide de concrétiser un vieux rêve : devenir berger. Il est d’abord stagiaire à tout faire dans une exploitation des Hautes-Alpes, puis, l’année suivante, il garde en estive pour la première fois en compagnie d’un collègue presque aussi inexpérimenté que lui…