La fin des années 1980, coïncidant avec la fin du « système Defferre » et le relatif brassage des cartes politiques qu'il inaugure, marque l'avènement d'une prise de conscience de la situation dramatique où Marseille est rendue après le cycle de transformation que la ville a vécu les vingt dernières années. Le discours tient de l'alerte morale sur les conséquences de la crise, mettant l'accent sur l'existence désormais avérée et incontournable d'une « misère du monde » étendue, visible, omniprésente.
L'opinion publique oscille entre dénonciation de l'incapacité où sont les dispositifs politiques en présence à relancer la ville et rendre aux pauvres ce qui leur est dû, ne serait-ce que la dignité par l'assurance d'un traitement et de services « justes »... et suspicion ; car il est aussi très courant d'entendre dire que cette misère apparente enrobe (et camoufle) des mondes économiques criminels ou informels, discrets mais prospères.
Ce discours a pris une ampleur médiatique et une montée en dramatisation depuis le début des années 2000, lorsqu'il est apparu que certaines cités des quartiers nord étaient sous l'emprise du trafic de cannabis et d'une violence criminelle liée à la forte concurrence sur ce marché. Nous y reviendrons, mais il faut avant tout signaler que cette mise en exergue n'est qu'une inflexion d'un discours finalement assez récurrent sur les mondes de la pauvreté à Marseille et leur rapport à la criminalité [Montel, 2008]. Il est plus que nécessaire de critiquer vigoureusement cette surexposition médiatique et les effets de stigmatisation qu'elle induit [Mucchielli, 2013a]…