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Elle est, disait Albert Londres au début du XXe siècle, un phare français qui « balaye de sa lumière les cinq parties de la terre » [Londres, 1927]. Et, en effet, la singularité de Marseille est bien d'être parmi les rares villes françaises qui ont un jour tutoyé le monde lorsque, sur près de deux siècles et demi, son port assura des trafics à l'échelle mondiale. Les toits argentins et chinois se couvraient de tuiles moulées à l'Estaque et le monde entier lavait son corps et son linge au « savon de ménage » marseillais [Daumalin, 2014 ; Americi et Daumalin, 2010 ; Zalio, 1999].
Marseille était une ville cosmopolite. Pas seulement, en une définition un peu étriquée du terme, parce qu'elle accueillait des migrants et les usaient dans ses usines, ce que, on le dira plus loin, toutes les régions industrielles ont fait. Si Marseille fut cosmopolite, c'est plus fondamentalement d'avoir été refuge, étape et havre pour des humanités en mouvement. La ville y a gagné des légendes. Marseille est l'une de ces villes frontières qui font rêver les écrivains, les cinéastes, les journalistes voyageurs, de Zola et Dumas à Giono, Cendrars, Izzo et Valabrègue pour les modernes ; de Pagnol à Guédiguian, Comolli et Audiard pour les cinéastes. De ces récits s'est formé un topos légendaire, fait de lieux dont le seul nom suffit à vivifier le mythe, bien après que les héros ont disparu. Marseille est une étoile économiquement morte dont la lumière continue de briller.
Parce qu'il s'y est joué parfois de vrais moments d'opéra, la ville en reste comme le décor figé qui n'attend plus que le livret pour la peupler…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 13/05/2015
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