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Amélie révise son histoire

1 Au début de janvier 2002, Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain totalisait plus de 17 millions d’entrées dans le monde, dont plus de 8 millions en France (Le Monde, 1er janvier 2002). Le rapport qu’entretient Amélie avec l’histoire explique largement cet engouement français et international. Le film a certes déjà fait couler beaucoup d’encre depuis sa sortie, le 25 avril 2001, mais au-delà des polémiques journalistiques, c’est dans une perspective historique qu’il faut replacer ce conte de fée.

2 Coproduction franco-allemande, Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain rappelle aux cinéphiles un autre succès international : Sous les toits de Paris. Réalisé par René Clair en 1930, celui-ci était produit par la Tobis. Créée lors de l’avènement du parlant, cette firme germano-néerlando-suisse, qui devait passer plus tard sous le contrôle exclusif des Allemands, décida de s’installer simultanément dans des studios londoniens, parisiens et berlinois pour produire des films européens. Sous les toits de Paris est un succès français par le scénario, le cinéaste et les acteurs, mais allemand par la production, le matériel sonore et les techniciens du son. René Clair y décrit un quartier populaire de Paris, pas loin de Montmartre, où un jeune chanteur des rues incarné par Albert Préjean essaie d’aider ses voisins, ses amis et surtout une jeune femme dont il est amoureux. Dans un décor parfaitement réaliste mais également très artificiel – il a été entièrement construit en studio par Lazare Meerson, assisté d’Alexandre Trauner-, le film se caractérise par son humour, sa bonhomie et la description archétypale du « populo parigot ». Ce fut un triomphe en France… mais aussi en Allemagne et dans les autres pays européens, ainsi que dans la plupart des pays du monde où il fut distribué, au Japon et aux États-Unis en particulier !

3 Jean-Pierre Jeunet a réédité l’exploit de René Clair : faire croire au monde entier que la vie d’un quartier parisien n’est qu’humour, farces, bonne humeur et amitié, malgré quelques grincheux. Sous les toits de Paris ouvrait la voie aux films du réalisme poétique dont Gabin tiendrait le rôle principal, en lançant les répliques de Prévert avec sa gouaille parisienne, dans des décors de Trauner et sous la caméra de Carné ou de Duvivier. La filiation avec Amélie est nette car c’est bien ce cinéma des années 1930 qui est la source d’inspiration de Jean-Pierre Jeunet. Dans Delicatessen, réalisé en 1991 avec son complice Marc Caro, les cinéastes avaient recréé l’immeuble du Jour se lève, qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à celui de Sous les toits de Paris. Comme dans Le Fabuleux destin, où le vieil immeuble joue aussi un grand rôle, les costumes, les objets du premier long métrage de Jeunet étaient sortis de la mémoire populaire, issus d’une période où se mêlaient les années 1930-1940 et 1950. Meilleure vente d’albums au début de l’année 2002, la musique écrite par Yann Tiersen pour Amélie Poulain recycle elle aussi des mélodies qui se situent entre Maurice Jaubert et Joseph Kosma, les compositeurs des grands classiques du réalisme poétique, et l’accordéon des chansons du début des années 1930 (Sous les toits de Paris, encore). Les morceaux fonctionnent en boucles minimalistes. La tonalité en mineur plonge le spectateur entre drame et tendresse. Violons et violoncelles samplés viennent renforcer les boucles-refrains soutenues par l’accordéon. Dans le fond comme dans la forme, cette musique revitalise sous une forme cyclique une idée du passé que vient moderniser l’usage du sampler. Cette ré/revision du passé cinématographique est essentielle pour comprendre le succès d’Amélie.

4 Jean-Pierre Jeunet sait parfaitement doser ses citations. Spécialiste de l’histoire de l’animation, il a dirigé avec son complice Marc Caro la revue Fantasmagorie. Cette bible des fans de cartoons fut longtemps la seule source française qui permettait de s’informer sur les animateurs des années 1920 aux années 1950, de Fleischer à Chuck Jones ou Tex Avery. On comprend mieux alors combien l’esthétique cartoonesque influence le créateur d’Amélie Poulain. Le visage aux yeux trop grands de son héroïne (Audrey Tautou), sa coupe de cheveux impossible à dater rappellent Betty Boop. Un travail effectué à la palette graphique transforme les couleurs et fait ressembler le film aux dessins animés. L’effacement électronique des tags dans chacun des plans en extérieur, dont on a beaucoup parlé de manière parfois polémique, ne vise pas au nettoyage clinique de la réalité, mais résulte de la volonté du réalisateur de se dégager de tout ce qui pourrait dater le film. Inversant le choix de René Clair dans Sous les toits de Paris, Jeunet tourne des scènes en extérieurs réels comme s’il s’agissait de décors artificiels, une construction imaginaire en somme. Les images de synthèse permettent d’associer acteurs et animation dans un monde vu par des yeux d’enfant où les nuages forment de parfaits objets dans le ciel. La pixilation, technique développée au Canada par le grand animateur Norman McLaren, qui consiste en l’élimination de certains plans pour accélérer les mouvements, est utilisée par Jeunet pour démultiplier les sensations et accentuer les ellipses temporelles. Des effets de « film de famille » en super 8 replongent le spectateur dans ses souvenirs d’enfance. Les descriptions incrustées dans le film jouent avec les images de bande dessinée. Aussi nombreux que dans un film d’animation de Tex Avery, les regards caméra établissent la complicité entre les personnages et le public.

5 Cette complicité est renforcée par les nombreuses références à l’Histoire et au cinéma qui permettent à chaque spectateur de se sentir dans un univers connu, en même temps que d’infimes décalages avec la réalité interdisent une identification avec le monde d’aujourd’hui. Le film se déroule de la naissance à la vingt-troisième année d’Amélie, soit entre 1974 et 1997 puisque le narrateur André Dussolier nous donne la date de naissance de la jeune fille. Mais rien dans l’image n’indique une telle datation. C’est au contraire un siècle de culture française et tous les objets fétiches d’une société qui se glissent dans les clins d’œil de Jeunet. La référence picturale à Renoir et ses canotiers rappellent la fin du 19e siècle et la peinture impressionniste. Quelques plans très courts évoquent la Grande Guerre. Frédéric Mitterrand se parodie lui-même dans un commentaire qui ancre Amélie Poulain parmi les personnages essentiels du siècle écoulé. Avec sa blouse grise, l’épicier raciste Colignon sort tout droit de la France de Vichy et tous les objets de son appartement (charentaises, ampoules et fils électriques, etc.) datent des années 1940. N’importe quel enfant grandi entre les années 1920 et les années 1970 aurait pu jouer avec les petits cyclistes cachés au fond d’une boîte métallique. Le jeu avec le temps concernant la concierge accentue le sentiment de ne pouvoir dater les lieux ni les objets : une lettre met quarante ans pour lui parvenir. Quant à l’amoureux d’Amélie, Nino (Mathieu Kassovitz), il pédale comme un fou sur sa « vieille bleue », une mobylette sans âge.

6 Sans un dosage méticuleusement équilibré, ce cinéma sur-référenciel eût écœuré le spectateur moyen. Mais l’auto-ironie et l’humour enfantin, partout présents, évitent l’écueil et permettent au public d’adhérer, quel que soit son âge. Cette traversée du siècle culmine avec la télévision vue par Jeunet. Comme dans Delicatessen, la télé sert de réceptacle à souvenirs pour le cinéaste. La « piste aux étoiles » y côtoie des documentaires animaliers, les grandes heures de l’ORTF jouxtent des images de propagande soviétique, le tout entrecoupé par des films américains des années 1940 ou 1950. Cette mise en abîme de l’Histoire plonge le spectateur dans sa propre vision du temps qui s’écoule. L’encyclopédie personnelle de chacun fonctionne à toute vitesse et personne ne peut s’y perdre, même si le zapping sur le siècle se fait rapidement et par saccades. Tout nostalgique de l’enfance se retrouve dans ces images. Le Paris fantasmé par les touristes (français ou étrangers) devient un monde personnel. Et ce recyclage des images du siècle ne peut être reproché à Jean-Pierre Jeunet, qui a prévenu le spectateur d’emblée : dans ce film, rien n’est réel, tout est imaginaire et les nains de jardin sont au pouvoir. Ni poujadiste ni d’avant-garde, Jean-Pierre Jeunet fait réviser son Histoire à chaque spectateur français et relire à tout public international ses fantasmes sur la France. Il revisite cent ans d’histoire du cinéma et de la société, tels que le limon des souvenirs les a déposés dans notre esprit.

7 Martin Barnier

Laissez-passer. Le retour de la fable résistancialiste

8 Bertrand Tavernier aimante à lui les sujets dits à thème. En cela, il plaît souvent à un large public et interpelle sociologues et historiens qui y trouvent matière à controverse. Laissez-passer, son dernier film, aborde la période de l’Occupation allemande au travers de deux personnages. Jean Aurenche et Jean Devaivre survivent dans des conditions particulières : le premier, scénariste, le second, assistant réalisateur, travaillent pour la Continental, firme de production cinématographique allemande de droit français, créée par l’occupant à Paris en octobre 1940. La Continental est dirigée par Alfred Greven, un ancien directeur de production de la fameuse société allemande Universum-Film-Aktiengeselleschaft (UFA). L’intéressé n’est pas inconnu des Français : ils sont nombreux, en effet, à l’avoir côtoyé, dans les années d’avant-guerre, sur les plateaux des studios de Berlin. À Paris, Greven a charge de relancer la production cinématographique française. L’homme s’acquitte de sa mission avec un incontestable brio : alors que la production française est exsangue en raison de la désorganisation complète du pays, Greven convoque auteurs et réalisateurs. Il leur promet les moyens nécessaires à la reprise du travail : « Continental Film se propose de tourner immédiatement dix à douze films pour l’ACE et la Tobis dans les studios français [1] et, surprise, tient ses engagements. En moins de six mois, les films sortent à un rythme que rien, au lendemain de la débâcle, ne permettait seulement d’imaginer. Seule ombre au tableau, les films entièrement conçus et réalisés par des équipes françaises sont financés et surpervisés par l’occupant. De l’officine allemande à Paris sortiront des films comme Le Corbeau, Les Inconnus dans la maison, La Main du diable, La Vie de plaisir, Caprices, La Fausse maîtresse, Le Dernier sou, etc. Au total, trente films en moins de quatre ans.

9 Campant deux patriotes travaillant sous la botte allemande, le film aborde la question de la compromission avec l’ennemi et de la marge de liberté qu’offre pareille promiscuité. En réalité, et c’est l’argument du film, sous des dehors bonhommes, nos deux lascars sont d’habiles résistants. Aurenche multiplie les ruses pour différer la remise de ses manuscrits à l’occupant ; quant à Devaivre, successivement assistant de Maurice Tourneur, d’André Cayatte et de Richard Pottier, et bien qu’il ait donc ses quartiers à la Continental, il mène un combat héroïque de chaque instant. Il planque des armes dans son appartement, participe à un attentat dans une gare de triage, dérobe des documents ultrasecrets dans les bureaux d’un officier allemand, etc.

10 Durant 2 H 50 mn, Tavernier, en contrepoint de l’activité de ses deux héros, trace un tableau pour le moins déprécié de la puissance occupante. Ça n’est guère une innovation dramatique pour qui se souvient des farces plus anciennes que furent La Grande vadrouille ou Papy fait de la résistance. Où Tavernier bifurque, c’est dans le sérieux de son propos. Comme le revendique le livret destiné à la presse, l’auteur, chez qui se devine une envie d’historien, entend dévoiler un pan méconnu mais authentique de la résistance française. « Il n’y a rien de plus beau que les histoires vraies », proclame encore l’affiche du film. En cela, au contraire des films précédemment cités, le propos se veut sérieux. Il s’expose ainsi à une lecture critique sur le fond. L’historien ne sera pas déçu. Pour faire court, Laissez-passer, en effet, est une régression par rapport à tout ce qui nous avait été donné de voir depuis Le Chagrin et la pitié, en passant par Au revoir les enfants et Lacombe Lucien.

11 Au risque de chagriner le cinéaste qui se fait historien, on répètera que le cinéma français ne fut en aucune manière ce lieu de résistance tant vanté à la Libération par les intéressés eux-mêmes, antienne que le film fait sienne. Si l’objectif était de témoigner sur la résistance des Français, il aurait mieux valu, sans doute, au vu des statistiques d’exécution, porter la caméra du côté des cheminots, des mineurs voire des agriculteurs. Certainement pas chez les gens de cinéma. Pour des raisons qui tiennent à l’aura dont bénéficient déjà, à l’époque, les gens du spectacle, et à la popularité dont leur témoignent le grand public et la puissance occupante, les gens du septième art sont intouchables, notamment lorsqu’on les compare à n’importe quelle autre catégorie socioprofessionnelle. Robert Lynen et Harry Baur sont les martyrs qui valident le constat. Les gens de cinéma qui survivent à l’éclosion du pétainisme sont d’autant moins réfractaires à l’ordre nouveau qu’ils peuvent lui savoir gré de leur avoir simplifié le métier. Exit les deux encombrants concurrents d’avant-guerre : d’abord, les films américains, honnis par les cinéastes français car portant ombrage à leurs films dans des conditions commerciales inégales (environ la moitié des spectateurs de 1938 se pressait sur les titres hollywoodiens) ; exit ensuite les Juifs et les étrangers, chassés du cinéma par les lois racistes d’octobre 1940. Ces départs, ostracismes et proscriptions n’ont pas fait que des malheureux. Les vocations et les promotions sont venues compenser le vide dû au racisme et à la xénophobie. Il n’est que d’observer le destin de Jean Devaivre : de monteur débutant avant-guerre (il est crédité du statut de co-monteur avec R. Norière sur Alerte en Méditerranée en 1938), Devaivre est soudainement bombardé, du jour au lendemain, à la Continental précisément (et donc avec l’aval de Greven), assistant réalisateur de Maurice Tourneur sur La Main du diable (1942), puis d’André Cayatte sur Pierre et Jean (1943), enfin de Richard Pottier sur Les Caves du Majestic (1944). D’autres font mieux, qui de comédien réalisent leur premier film. La parenthèse de l’Occupation refermée, ils reviendront à leur métier d’origine, devant la caméra.

12 Il est une autre raison de la mollesse de l’antinazisme des gens du cinéma de l’époque, au moins de ceux qui travaillent pour la Continental. À ceux-là est offert un cadre de travail financièrement stable, détail qui a son importance pour qui se souvient de la volatilité des sociétés de production française avant-guerre. À la solvabilité de l’employeur s’ajoute le fait de pouvoir travailler, grâce à son statut de société allemande, sur des films idéologiquement exempts des bondieuseries maréchalisantes. Mieux encore, les films de la Continental ne souffrent pas de devoir quémander un visa d’exportation : les marchés étrangers, du moins ceux situés dans l’orbite du vainqueur, leur sont ouverts automatiquement. La Continental aurait-elle été l’antre du tyran, se serait-il alors trouvé tant de cinéastes, comédiens, auteurs, ouvriers et techniciens pour se bousculer sur ses plateaux de tournage ? Rien qu’en 1941, la firme aligne onze films, soit un film sur quatre tournés en zone occupée. Les besoins de trésorerie liés à l’envol de la production sont tels qu’en six mois le capital social de la société est multiplié par cent cinquante. Jamais auparavant, jamais plus dans le futur, en France, une société de production ne trustera un volume de production de cette importance. La Continental, de surcroît, pourvoit à tout : bons de nourriture, Ausweis, logements parisiens. Ils sont rares, dans le contexte de pénurie généralisée, à snober la table du maître. Ils s’y pressent d’autant mieux que Greven donne le feu vert à des films qui caressent dans le sens du poil la vanité nationale blessée. Goebbels, au visionnage des films de la Continental, en l’occurence La Symphonie fantastique et Premier amour, s’époumone. Le 15 mai 1942, il note : « Je suis furieux de constater que nos propres organismes à Paris enseignent aux Français la manière de produire des films nationalistes. Ce manque d’instinct politique est inimaginable (…) Je veux qu’on ne tourne actuellement pour les Français que des films légers, superficiels, divertissants, mais nuls. Le peuple français s’en contentera probablement. Il n’y a aucune raison pour que nous cultivions son nationalisme. » [2] Fait singulier, la tutelle nazie, et quelle tutelle !, ne parvint jamais à recadrer la production de sa filiale parisienne et, au moment du bilan, les trente films de la Continental, tournés entre 1941 et 1944, sortent indemnes de scélératesse idéologique. Par là, nous entendons qu’aucun ne répercute les mots d’ordre de la dictature en place, syncrétisme d’antimaçonnisme, antidémocratisme, antisémitisme, ruralisme béat, etc. Faute de repérer ce matériau, que l’on croise, au même moment dans certaines productions bien françaises et notamment chez Harispuru, Pathé-Cinéma ou Francinalp, on comprend mieux Janine Darcey pour qui « les bons films se tournaient généralement à la Continental sous le contrôle des Allemands » [3]. Le propos, paradoxal de prime abord, n’est finalement pas tant outrancier.

13 On aura compris : Tavernier, qui narre les faits d’armes des gens de cinéma, a enfourché la version résistancialiste, héroïsante de l’Occupation, en circulation dans les années 1950. D’abord il occulte le fait qu’Aurenche, contrairement à ce que suggère le film, travailla pour la Continental. Il figure comme co-dialoguiste sur Défense d’aimer, de Richard Pottier, film de la Continental sorti en 1942, et au générique d’Adrien, en tant qu’adaptateur du film sorti en 1943, que réalise Fernandel pour la même Continental. Curieusement, Aurenche, dans ses mémoires, ne semble se souvenir que du deuxième titre [4]. Ensuite Tavernier portraiture l’occupant de la pire manière, ramassis de sombres brutes imbéciles, dans le dos de qui se trament d’audacieux complots. La séquence du dépôt, où Devaivre fait sauter une locomotive, est une mauvaise pitrerie : était-ce donc si facile de faire sauter des trains ? Oui, mais il y a Greven, tout en cynisme et intelligence. Rien n’y fait. À lui seul, le producteur allemand ne parvient pas à rehausser le niveau de l’équipe adverse. Comme à Guignol, les bons Français sont sympathiques, séduisants (les femmes se les arrachent), dévoués, sacrifiés. Inversement, dans les dîners en ville ou sur les plateaux de tournage, les rares collabos sont odieux, physiquement difformes, comme pour parachever l’outrance de la caricature. Aux salauds sadiques et lâches s’opposent les résistants probes et généreux. On se demande comment le réalisateur a pu affirmer : « Je ne voulais surtout pas décerner des bons ou des mauvais points. » [5]

14 Rien de cela ne tient évidemment debout. Comment croire un instant qu’à la Continental les censeurs aient été constamment bernés et que la Résistance ait donc triomphalement exercé son magistère idéologique ? À ainsi caricaturer l’occupant, ses moyens d’oppression, la puissance de ses armées, on s’interroge sur les causes de l’effondrement total de la France au printemps 1940. Tavernier ignorerait-il que la France s’est effondrée en six semaines ? Et, en bonne logique, l’on en vient à dresser un tableau plus sombre encore de la décomposition du pays avant qu’il ne soit vaincu. Le manichéisme ne fait jamais bon ménage avec les faits. Certains sont même d’inspiration douteuse. Fallait-il ainsi montrer cette expédition nocturne rocambolesque, authentifiée (?) par l’unique témoignage de Jean Devaivre, où l’intéressé est emmené en avion à Londres pour s’expliquer sur les plans qu’il a dérobés dans le tiroir d’un officier allemand ? Sans doute fallait-il rappeler les bombardements britanniques sur Boulogne, mais pourquoi cet interrogatoire vil que les Anglais font subir au jeune résistant français ?

15 À l’hagiographie de Tavernier, on opposera le rappel de faits plus triviaux. Dans le cinéma français, au contraire des autres secteurs d’activité, les conditions de vie furent plus qu’acceptables. Au point que dans ses mémoires [6], Jean Marais rapporte avoir exigé de pouvoir nourrir Moulouk, son chien, avec de la viande fraîche. Le chien ne s’est jamais aussi bien porté. Il n’était pas le seul. Ceux qui offrirent leur service à la Continental venaient y chercher ce que les autres producteurs français ne leur offraient pas : de meilleures conditions de travail. Le reste, la résistance sur les plateaux, les slogans vengeurs murmurés dans le dos des officiers nazis, ne sont que cosmétiques d’après-guerre. Le conformisme de pensée de Tavernier, manichéen et suranné, confond. Sous l’angle de la vraisemblance historique, Laissez-passer est presque aussi niais que l’était Le Père tranquille (René Clément, 1948), film où un brave pépère, agent d’une compagnie d’assurance interprété par Noël Noël, se révélait un redoutable chef de réseau de Résistance. Rien de tel, alors, pour redonner le moral aux apathiques de tous poils qui avaient attendu la fin de l’orage. Cinquante ans plus loin, à voir Laissez-passer, on se prend à rêver à Lacombe Lucien ou au Chagrin et la pitié. Au moins, ces films évitaient la fanfaronnade franchouillarde du type : « On travaille avec les nazis, mais, chut !, en vrai, on résiste ! » Qu’on nous permette de ne pas avaler ces balivernes. À la Continental ou ailleurs, les Français ont travaillé pour remplir leur assiette. Pourquoi vouloir recouvrir cette banalité – peu glorieuse certes – d’une confiture héroïsante ? Les justifications apportées aux compromissions quotidiennes, forgées essentiellement, à la Libération, par les communistes en quête de certificats de patriotisme ou par des gaullistes de la vingt-cinquième heure s’estampillant adeptes du « double-jeu », restent toujours aussi peu crédibles. Aux yeux de certains, elles paraissent même indécentes.

16 On peut enfin s’interroger sur ce qui a conduit un réalisateur à réentonner, en 2001, l’hymne résistancialiste des années 1950 ? Goût du paradoxe, après des années où la geste résistante s’est vue relativisée par une génération de nouveaux historiens ayant accédé aux archives sans dérogation ? Nostalgie d’une courte période où, en raison de l’autarcie imposée par l’occupant, le cinéma français rayonnait sans concurrence hollywoodienne et où les financements étaient, somme toute, faciles ? En tout état de cause, l’angle choisi, celui du « cocoricorisme », devrait combler les nationalistes de tous poils. Et, au mieux, faire sourire les historiens.

17 François Garçon

La 49e biennale de Venise

18 La première qualité de la Biennale est sa situation géographique, Venise, et sa localisation éclatée dans la ville. La rétrospective « Plateau de l’humanité », pilotée par Harald Szeeman, est installée à l’intérieur de l’Arsenal, dans d’anciens ateliers de corderie, de radoubage de bateaux, le long des quais, et une partie des pavillons nationaux sont disséminés à travers canaux, ruelles, et même dans les îles : ainsi du pavillon arménien, installé dans le monastère homonyme au large du Lido. On prend grand plaisir à découvrir, dans des palais baroques qui ne sont généralement visibles que de l’extérieur, ou à l’intérieur de la poste centrale, un art contemporain affirmé sans complexe au cœur de la cité-musée. Les « vieilles » nations présentes depuis longtemps à la Biennale occupent leurs pavillons historiques, et la mondialisation positive, qui permet que soit reconnu un art contemporain letton ou taïwanais, argentin ou moldave, est présente dans la ville-monde, souvent en un jeu sur l’eau, les bateaux et les strates historiques – Twombly et sa série Lépante, par exemple.

19 Szeeman a fait le choix de mêler des artistes canoniques, par l’âge et la reconnaissance mondiale, à d’autres plus jeunes : le catalogue est publié en deux volumes, un par dates de naissance, l’autre par ordre alphabétique des pays participants. Beuys, Kabakov, Serra, Twombly, Richter, Toroni, sont exposés avec leurs cadets, les uns déjà fort célèbres, comme le vidéaste Bill Viola ou le Coréen Do-Ho Suh, formidablement inventif, les autres exposant pour la première fois dans ce cadre. La confrontation avec les « maîtres » est souvent révélatrice, parfois désastreuse, quand les citations de citations et les clins d’œil finissent par tourner court.

20 « Plateau, humanité, amitié » : ces trois mots clés ont guidé la démarche des organisateurs. Ils revendiquent un choix à la fois personnel et ouvert, des « affinités électives » qui se sont imposées à eux et qu’ils voudraient voir s’insinuer chez les spectateurs. Dans cette démarche, comme c’est la règle depuis une vingtaine d’années, la photographie et surtout l’art vidéo ont tendance à l’emporter sur la peinture et la sculpture, et nombre d’œuvres sont des installations multimédia très sophistiquées, où l’on voit et où l’on entend des accumulations de sons et d’images tout en marchant sur – ou à côté – d’autres accumulations d’objets de papier, de métal, de carton ou de plastique. Les débris d’un monde décomposé, éclaté par guerres, fanatismes et racismes, côtoient les émerveillements de l’amour et de la naissance : humanité. Les photographes photographient des collectionneurs, ou collectionnent des photographies : rites vaudous pour Cristina Garcia Rodero, irradiés de Tchernobyl pour Viktor Maruscenko, séries de groupes de civils pour Tuomo Manninen ou de soldats pour Rineke Dijkstra. Les vidéastes explorent violence ou humour avec toujours plus de virtuosité informatique, et plusieurs cinéastes célèbres (Abbas Kiarostami, Arom Egoyan ou Chantal Akerman) ont répondu au défi de faire voir des œuvres différentes, hors des salles obscures. La poésie est présente par l’installation extérieure du « Bunker poetico », mais la réalisation d’une décharge à poésie où Marco Nereo Netelli a accroché les fax reçus n’emporte pas la conviction.

21 Pourtant, presque tous ces artistes ressentent le besoin d’écrire sur ou à côté de leurs œuvres, pour commenter, refuser, prolonger ce qu’ils ont créé. Est-ce en réponse au grand scribe de la peinture contemporaine qu’est Twombly ? Ainsi, tout autour de ses photographies de Sumo, Theology Conversation, Vadim Zakharov nous conte l’histoire du souvenir et de l’oubli de la performance : « You can forget all you can never understand why, why when you begin you remember nothing and when you finish you understand nothing. » Deux ou trois langages, celui des images fixes et mobiles, celui de la langue ou des langues utilisées – l’anglais l’emporte largement –, mais aussi le son et l’écriture se mêlent ainsi, au risque parfois de la plus complète cacophonie. On est passé du musée virtuel au musée du virtuel, d’autant plus virtuel que temporaire et nomade. La Biennale ne dure que cinq mois, elle se dote chaque fois d’un directeur différent. Celui-ci a choisi aussi de montrer un musée imaginaire, la « plate-forme de la pensée », qui est explicitement placé sous le patronage de Malraux et où se côtoient œuvres de Rodin, Bouddhas du Siam et statues africaines.

22 Mais les artistes, dans les pavillons nationaux comme dans les espaces du « Plateau de l’humanité », subvertissent tout cela, et cet éclatement des imaginaires est fascinant. On se demande quelquefois où ils veulent en venir, mais ce n’est pas cela l’important. On regarde, on écoute, on marche, on aime, on n’aime pas. Cet immense bonheur de créer n’a pas fini de nous fasciner. Quelques mois après le dynamitage des Bouddhas afghans, quelques semaines après le 11 septembre, la Biennale était aussi extrêmement rassurante. Beuys nous avait prévenus, en installant dès 1983 ses 21 blocs de basalte que reprend la Biennale, La fin du 20e siècle.

23 Annette Becker

Le (demi-)siècle américain

24 Il se tient depuis quelques mois en France (musée des Beaux-Arts de Bordeaux du 10 octobre au 31 décembre 2001, musée des Beaux-Arts de Nantes du 18 janvier au 31 mars 2002, musée Fabre de Montpellier du 12 avril au 23 juin) une très belle exposition qu’il faudra avoir vue, ne serait-ce que parce qu’elle présente des œuvres américaines qui traversent rarement l’Atlantique et parce qu’elle constitue surtout une synthèse très convaincante de l’histoire de l’art américain de la première moitié du 20e siècle.

25 Évidemment, il est difficile de ne pas lire dans son titre, « Made in USA – L’art américain 1908-1947 », une forme de réponse à celui de l’exposition « Made in France 1947-1997 » organisée en 1997 par Germain Viatte au Centre Georges-Pompidou. Cela apparaît trop peu fortuit pour ne pas appeler un petit commentaire. D’un côté, donc, quarante ans d’art américain que l’on croirait méconnu en Europe, de l’autre « 50 ans de création en France » que l’on voudrait méconnue dans le reste du monde. En d’autres termes, s’« il y a aussi eu de l’art en France depuis cinquante ans » (« Made in France », 1997), il y a aussi eu de l’art aux États-Unis dans la première moitié du 20e siècle (« Made in USA », 2001) : deux discours aux origines, aux connotations, aux présupposés sans doute différents, mais unis dans l’effort de se défaire d’une doxa, généralement qualifiée de « moderniste », qui voudrait que le premier 20e siècle soit européen et le second américain, pour l’écrire de manière caricaturale. Entre ces deux expositions se jouerait donc une curieuse inversion du « mainstream » moderniste, d’ailleurs concentrée dans l’articulation de cette date de 1947 où s’achève (provisoirement) « l’art américain » et où commence la « création en France ».

26 Quant aux tenants français d’une réévaluation plus « nationale » de l’histoire de l’art, ils ne manqueront pas de déplorer que « Made in USA », deux ans après « The American Century » organisée par le Whitney Museum of American Art, s’inscrive dans une logique tout aussi américaine : dire qu’il y a un art américain avant 1947, c’est certes désamorcer la geste moderniste (de Cézanne à Pollock) mise en place par Clement Greenberg, Leo Steinberg et leurs successeurs, mais le dire dans ces termes (ceux des musées américains), c’est aussi souscrire peu ou prou aux nouveaux récits qui ont cours outre-Atlantique depuis la fin des années 1980.

27 Préférant oublier ces considérations sur la grande part de fiction, d’idéologie et de fantasme qui règne dans ces diverses (ré)visions de l’histoire de l’art – considérations qui forment néanmoins le cœur de débats fameux au sein de cette discipline –, on peut aussi se laisser agréablement porter par cette vue d’ensemble au demeurant assez classique des différentes composantes de ce demi-siècle américain, de l’Ash Can School à dada, des avant-gardes modernistes européanophiles au réalisme régionaliste ou socialisant, du précisionnisme à l’abstraction géométrique. On y apercevra avec plaisir, au détour, cette volonté d’insister très justement, quoique peut-être de manière un peu trop didactique, sur le rôle de la photographie notamment documentaire et de signaler, cette fois peut-être trop discrètement, la singularité d’artistes que l’historiographie « moderniste » a longtemps cantonnés dans des rôles secondaires avant que l’historiographie « post-moderne » n’en fasse ses héros : Philip Guston, Marsden Hartley ou l’art afro-américain, par exemple.

28 Richard Leeman

L’œuvre pour piano solo d’Olivier Messiaen

29 La sortie du coffret de l’intégrale des œuvres pour piano seul de Messiaen, interprétée par Roger Muraro (sept CD Accord, enregistrés de 1998 à 2001) nous donne l’occasion de revenir sur l’œuvre d’un homme devenu une référence majeure de la culture musicale française de la fin du 20e siècle. Avec Pierre-Laurent Aymard et Roger Muraro apparaît une nouvelle génération d’interprètes. Ils ont bénéficié de l’enseignement d’Yvonne Loriod et de son époux Olivier Messiaen, mais ont aussi, peut-être, été libérés dans leur jeu par la disparition du « maître » en 1992. Trois versions successives des Vingt regards sur l’enfant Jésus, composés en 1944, permettent de suivre cette évolution. Erato a édité en 1975 l’interprétation d’Yvonne Loriod, créatrice de l’œuvre, illustrée par une photo de couverture où elle lit la partition sur l’épaule de Messiaen. En 1999 (Accord), Roger Muraro, au premier plan en tenue de concert, regarde une photographie de Messiaen dans un flou artistique. La forme classique de l’ex-voto n’est pas loin. Quant à Pierre-Laurent Aimard, il est photographié seul en 2000 pour la version de chez Teldec. Son nom et celui de Messiaen ont la même taille, les caractères ne permettent plus de distinguer l’auteur de l’interprète et celui-ci est mis en avant, à la fois comme un argument de vente et parce qu’existent déjà les versions précédentes.

30 Messiaen définissait ainsi son travail, inspiré par sa foi et une vision harmonique de l’univers où couleurs et sons se répondent : « J’ai essayé d’être un musicien chrétien et de chanter ma foi, sans y arriver jamais. Sans doute parce que je n’en étais pas digne (…) Musique pure, musique profane et surtout musique théologique (et non pas mystique comme le croient la plupart de mes auditeurs) alternent dans ma production. (…) Mes préférences vont vers une musique (…) qui soit un sang nouveau, un geste signé, un parfum inconnu, un oiseau sans sommeil. Une musique en vitrail, un tournoiement de couleurs complémentaires. Une musique qui exprime la fin des temps, l’ubiquité, les corps glorieux, les mystères divins et surnaturels. Un “arc-en-ciel théologique”. » La présence divine et le Christ sont au cœur de ses compositions principales. Il est en cela typique de la christologie du 20e siècle. La Vierge est en revanche la grande absente, a contrario de la mariophanie dominante en France depuis le 19e siècle. De nombreuses œuvres sont consacrées aux oiseaux, autant de louanges pour l’œuvre de création de Dieu. Il n’est pas surprenant alors que le seul opéra du compositeur cristallise tous ces thèmes autour de la figure de saint François d’Assise en 1983. Par sa pauvreté, son humilité et son action pacifique, celui qui a souffert des stigmates se rapproche du Christ. Messiaen l’a découvert à dix-huit ans dans une gravure de Maurice Denis puis a lu les Fioretti ; il partage cette attirance avec des intellectuels ou des artistes aussi divers que les convertis du début du siècle (Copeau…) ou le cinéaste italien Michelangelo Antonioni.

31 L’essentiel de l’œuvre créatrice de Messiaen se situe dans les années 1940-1950 et n’échappe pas à l’histoire. Né en 1908, élève au Conservatoire de Paris à partir de 1919, il y suit en particulier les cours de Marcel Dupré, organiste et compositeur. Dès 1930, il est titulaire des orgues de l’église de la Trinité à Paris et multiplie les œuvres religieuses. Dans cette même décennie, il participe à la création du groupe Jeune France (avec André Jolivet, Daniel-Lesur…) qui veut « régénérer » spirituellement et esthétiquement la musique française. Son magnifique et emblématique Quatuor pour la fin des temps est interprété pour la première fois en 1941 devant les prisonniers de son Stalag. En 1942, Olivier Messiaen est professeur d’harmonie au Conservatoire de Paris ; en 1947, il ouvre une classe d’analyse musicale qui devient très vite un cours de composition. Dès cette année-là, le débat est vif au sein de la classe qui se divise autour de la conception jadnovienne d’une musique de tradition française « à portée du peuple » mise en avant par le Parti communiste. La renommée internationale de Messiaen se fonde autant sur son enseignement, trente-sept ans durant, bien qu’il n’ait pas fondé une école, que sur ses œuvres. Trois vagues d’élèves, non de disciples, le prouvent. Jean Barraqué, Pierre Boulez, Pierre Henry, Gyorgy Kurtag, Karlheinz Stockhausen, Gilles Tremblay et Iannis Xenakis se confrontent au maître dans les années 1950. Leur succèdent Paul Méfano, Michel Decoust et de nombreux Japonais ou Chinois. Messiaen est lui-même très attiré par l’Inde et l’Extrême-Orient. À l’opposé des recherches du début du siècle sur le folklore national, Messiaen, comme Stockhausen, cherche dans d’autres civilisations des vérités que l’Occident ne semble plus offrir. Viennent ensuite Gérard Grisey (1946-1998), Michaël Lévinas ou Philippe Fénelon.

32 L’interprétation de Roger Muraro illustre la richesse et la pérennité de l’œuvre de Messiaen. Elle peut aussi se glisser dans les cadres d’une lecture historique de la création artistique française au 20e siècle où réseaux et milieux s’entrechoquent, où création et enseignement s’accompagnent.

33 Frédéric Gugelot

Notes

  • [1]
    Le Film, 1er novembre 1940.
  • [2]
    Joseph Goebbels, Journal du Docteur Goebbels, Paris, Éditions « À l’enseigne du cheval ailé », 1948.
  • [3]
    Cité dans Christian Gilles, Le cinéma des années 1940 par ceux qui l’ont fait, tome IV, Paris, L’Harmattan, 2000.
  • [4]
    Jean Aurenche, La suite à l’écran, Paris, Institut Lumière/Actes Sud, 1993.
  • [5]
    Bertrand Tavernier, entretien paru dans Le Film Français, 2916, 28 décembre 2001.
  • [6]
    Jean Marais, Histoires de ma vie, Paris, Albin Michel, 1975.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2005
https://doi.org/10.3917/ving.074.0163
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