La campagne présidentielle états-unienne de 2016 a révélé aux non-spécialistes l’existence d’une droite chrétienne qui s’est radicalisée par paliers en coalisant ses tendances derrière un candidat, Donald Trump, dont la vie semble pourtant aux antipodes de la piété. Dans cet article, Blandine Chelini-Pont retrace la genèse de ce paradoxe en montrant comment, depuis les années 1970, les différentes composantes de la droite chrétienne se sont combinées et durcies pour finir par acquérir un poids décisif dans le Parti républicain actuel et militer pour Donald Trump en 2016 comme en 2020.
L’histoire politique américaine rend compte du lien constant entre références chrétiennes, vie des idées et engagements politiques. Jusqu’aux années 1970, la ressource religieuse a irrigué conjointement la gauche et la droite de l’espace politique états-unien et, par bien des aspects, ce balancement a continué d’exister. Cependant, depuis cette décennie précitée, le recours politique au christianisme s’est fortement infléchi vers la droite, du fait du rejet conjoint de la laïcisation de l’État américain et de la libéralisation sexuelle et reproductive, à la fois sociale, légale et judiciaire. L’infléchissement a été si important qu’il a donné naissance à un mouvement propre, la droite chrétienne, nébuleuse œcuménique et composite. Constituée de divers réseaux et mouvements, elle a eu pour objectif constant de restaurer la morale chrétienne, sexuelle et familiale dans le droit et la culture commune, et de « revenir » à un État qui ne fait pas qu’utiliser l’expressivité chrétienne dans sa religion civil…