CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Les études cognitives [1] ont montré que, dans les processus de prise de connaissance du monde qui président à l’organisation du savoir linguistique des locuteurs, les propriétés générales des prépositions procèdent d’une vision fondamentalement spatiale de ces locuteurs. Les trois prépositions à, en et dans, elles-mêmes éminemment spatiales, sont centrales pour la sémantique de l’appréhension de l’espace. Cette étude part de l’idée qu’un repérage dans l’espace est le schéma de base de la signification d’un nombre conséquent de prépositions, identifiant ce sens spatial à un sens « concret » opposé aux sens « abstraits » ou temporels, dits « figurés » ou « métaphoriques », et donc dérivés sémantiquement à partir du/des sens concrets, à partir d’une reconstruction complexe bien entendu. On postulera donc un schéma spatial de base des prépositions à, en, dans, analyse contre laquelle s’élèvent des auteurs, tel Cadiot (1997), sans parler de Brøndal (1948) – problématique importante, mais qui dépasse le cadre de cette étude.

2L’article qui suit veut éclaircir les systèmes généraux qui structurent le sens spatial des trois prépositions à, en et dans, et se propose de montrer en particulier comment s’organise de façon très nette un champ de données qui peut sembler a priori anarchique [2]. Il montrera en préliminaire que la distribution des trois prépositions obéit à un régime scalaire s’appliquant à leur argument, allant du moins spécifique avec en au plus spécifique avec dans. Il abordera ensuite le fonctionnement en triade de ces prépositions, puis leur fonctionnement binaire en chassés-croisés. Il s’achèvera par la présentation de microsystèmes que chacune d’entre elles construit.

1 – Spécificité/non-spécificité des régimes

3

1.1
Observons certaines des contraintes qui s’exercent entre les déterminants (surtout l’article défini) [3] et les trois prépositions, et donc les compatibilités entre les deux catégories :
[1]
àDet N / ØN
en*Det N / ØN
dansDet N / *ØN
type i.Êtreàl’université*Ø université
type ii.Êtreà*le quaiØ quai
type iii.Êtreen*l’usineØ usine
type iv.Êtredansl’université*Ø université

4Le régime de à ne nécessite pas de déterminant : c’est le type i.Être à l’université et le type ii. Être à quai. Le régime de en n’est jamais suivi d’un article défini : c’est le type iii. Être en usine. Le régime de dans est toujours suivi d’un déterminant : c’est le type iv. Être dans l’université.

5Les interprétations spécifiques et non-spécifiques ont des effets sur la sélection du type de construction. Ainsi le type i. Être à l’université avec article défini devant l’argument de la préposition peut dénoter (ia.) une situation spécifique, ou bien (ib.) une situation non-spécifique. Le type ii. Être à quai, avec un argument de la préposition à qui n’a pas de déterminant, dénote une situation non-spécifique, de même que le type iii. Être en prison. Quant au type iv. Être dans la/une/cette… prison, il ne dénote jamais une situation non-spécifique.

6De là découle un fait important.

7

1.2
Quand l’espace non-spécifique est prédiqué d’un argument doté d’un trait [+humain], il infère ce qui sera dénommé ici une « fonction sociale » de cet argument. Ainsi : pour le type ib., Être à l’université, l’argument externe que prédique (être) à l’université est restrictivement catégorisé comme un « étudiant », et pas un « professeur » par exemple. Pour le type ii. Être à quai, le prédicat avec son argument non-spécifique, sans déterminant, restreint la classe dénotationnelle de l’argument externe : le train/le bateau est à quai, mais *le lampadaire/*le contrôleur/*le passager est à quai. Par contre, la spécification de ce prédicat, qui fait réapparaître un déterminant, élargit considérablement la classe dénotationnelle de l’argument – et on retrouve le type ib. : le train est au quai n° 5. On pourra alors avoir : le contrôleur/le passager est au quai n° 5. Pour le type iii., Être en usine, le prédicat avec son argument non-spécifique restreint la classe dénotationnelle de son argument externe à l’élément « ouvrier » (et non « directeur », « femme de ménage », non plus que les diverses machines de l’usine).

8Au contraire, quand le prédicat dénote un espace spécifique, par exemple avec les types ia. et iv., la classe dénotationnelle de l’argument est beaucoup moins restreinte. Pour le type ia. SN est à l’université de Tel-Aviv, SN peut référer à un « étudiant », un « professeur », un « bâtiment »…, de même que pour le type iv. SN est dans l’université de Tel-Aviv.

2 – Système ternaire

9 On a postulé, dès le début de cette étude, que les trois prépositions spatiales à, en et dans forment une triade. Dans ce système ternaire des réseaux qu’elles organisent, les deux premières sont, dans l’ensemble des prépositions spatiales non-marquées – elles sont du reste qualifiées, dans la littérature, de « vides », « abstraites », « incolores », elles sont sémantiquement les plus pauvres. La troisième, dans, peut servir de préposition de remplacement à à et en. En d’autres termes, dans peut être considéré, jusqu’à un certain point, comme une sorte de variante combinatoire de chacune des deux autres, l’environnement spécifique/non-spécifique jouant souvent un rôle décisif dans la sélection de la préposition.

10

2.1
Regardons les arguments des prépositions, quand ils se réalisent par des « noms communs », ayant une valeur intrinsèquement spatiale, avec des termes comme prison, piscine ou cinéma :
[2]
Être à la prisonen prison>dans la prison
à la piscine?en piscinedans la piscine
au cinéma*en cinémadans le cinéma
En prison est attribué à un argument externe ayant un statut particulier : un « prisonnier ». Le terme cinéma n’est pas attribué à un argument ayant ce type de statut (du moins dans la langue actuelle). Alors que le terme piscine, dans un contexte très particulier, le peut, par exemple un nageur qui promettrait à son entraîneur d’être le lendemain à la première heure en piscine. Mais ce dernier syntagme est peu fréquent.

11

2.2
On constate que la situation n’est pas la même avec des noms communs dénotant des objets et n’ayant pas de valeur intrinsèquement spatiale, comme, par exemple, les termes arbre ou fenêtre :
[3]
Être*à l’arbre[4],*en arbredans l'arbre
Êtreà la fenêtre*en fenêtre,*dans la fenêtre
Le terme arbre n’est pas suffisamment spécifié comme repère spatial dans un syntagme à l’arbre dont la fonction serait localisatrice. Par contre, fenêtre intègre un prédicat dénotant, non seulement un lieu, mais aussi et surtout une activité [5]. Être à la fenêtre – pour un être humain, c’est sans doute être debout « près » d’une fenêtre, mais aussi et surtout être en train de « regarder » par la fenêtre.

12

2.3
Enfin, devant les toponymes, le jeu des prépositions est bien connu :

13

2.3.1
Avec les noms de pays :
[4]
Habiter*à la Franceen France
au Portugal
*dans la France
*en Portugal
*dans le Portugal
Mais :
Habiter*à la France profonde
*en (le) Portugal de Salazar
dans la France profonde, le Portugal de Salazar

14

2.3.2
Mais même avec les noms de villes, la préposition en n’est pas tout à fait absente de ce système, bien que en Avignon soit un usage stylistiquement marqué (cf. à Avignon) :
[5]
Êtreà Paris
à Avignon
*en Paris
en Avignon
dans Paris
dans Avignon
Il apparaît ainsi que la triade des prépositions spatiales à, en, dans représente un système où les prépositions en question entretiennent entre elles divers jeux subtils, même si ce système peut ne pas sembler transparent.

3 – Systèmes binaires

15 Le deuxième postulat est que les trois prépositions spatiales à, en et dans forment des systèmes binaires en chassés-croisés : à/en, à/dans, en/dans.

16

3.1
Soit d’abord la paire à/en devant des noms communs (les toponymes seront observés plus loin). Alors que l’argument de la préposition à dénote d’une part un espace appréhendé comme un lieu ouvert, et à partir de là une fonction intrinsèquement liée à cet espace, l’argument de la préposition en dénote i. un espace conçu comme un lieu clos, et ii. un statut attribué à l’argument externe du prédicat.

17

3.1.1
Regardons d’abord les paires suivantes :
[6]
Êtreà la cuisine
à la prison
à la mer
en cuisine
en prison
en mer

18

3.1.1.1
Être à la cuisine dénote i. une localisation et/ou ii. une activité : l’argument de cette prédication est spatialement repéré par le prédicat à la cuisine, et une activité qui y est généralement liée peut alors être inférée (« cuisiner »). Ainsi i. Philippe est à la cuisine, et lit le journal ou ii. Philippe est à la cuisine (« il y prépare le repas du soir »).
Par contre, le prédicat en cuisine voit la classe dénotationnelle de son argument se restreindre à un ou deux types dont il dénote le statut : il se dit d’un « cuisinier » dans un restaurant ou du patron de ce restaurant qui cuisine, mais pas d’un « four » (qui fait pourtant intrinsèquement partie de la cuisine), ni d’un « serveur » (qui travaille dans le restaurant, et est allé à la cuisine retirer un plat), pas plus que de la « maîtresse de maison » qui cuisine.

19

3.1.1.2
Être en prison réfère à un « prisonnier » et non à un « gardien » ou à un « visiteur » qui, lui, pourra dire : Je serai à la prison demain à 10h[6].

20

3.1.1.3
De même, être en mer (voir aussi périr en mer) dénote l’activité du sujet de ce prédicat, celle d’un « pêcheur », ou d’un « bateau », mais pas de « poissons » ni d’une « bouteille » : Le pêcheur/le chalutier/*le poisson/*la bouteille est en mer. Contrairement à four (*le four est en cuisine), les termes bateau ou chalutier peuvent être des arguments du prédicat être en mer, sans doute parce que bateau est un terme collectif pour pêcheurs ou marins. Alors qu’(être) à la mer dénote un espace non clos – la mer s’appréhendant non comme un volume mais comme une surface, cet espace entrant dans une classe tout à fait différente : être/aller à la mer, à la montagne, à la campagne, à l’étranger… [7] pour laquelle le sujet de la prédication n’est pas restreint (Pour ses vacances, Philippe va à la mer, à la montagne, à la campagne, à l’étranger…).

21

3.1.2
Observons de même la paire à l’université/en usine. Le prédicat être à l’université est ambigu (i. spécifique et spatial ou bien ii. non-spécifique et fonctionnel), alors que être en usine n’est que fonctionnel. Dans le cas où les deux syntagmes prépositionnels sont non-spécifiques et fonctionnels, ils restreignent la classe dénotationnelle de leur argument. Ils contrastent associés à une alternance de leur tête prépositionnelle, l’espace dénoté étant appréhendé soit comme un espace ouvert (à l’université), soit comme un espace clos (en usine) :
[7]
Où est Philippe? – i.Il est à l'Université
à l'usine
*en université
*en usine
Que fait Philippe? – ii.Il est à l'Université
*à l'usine
*en université
en usine
Ainsi, le SN Philippe qui est fonctionnellement à l’université ne peut appartenir qu’à la classe des « étudiants », celui qui est en usine à celle des « ouvriers ».

22

3.1.3
Passons aux moyens de « déplacement », terme qui sera préféré ici au terme généralement employé de « transport » qui est en fait un hyponyme, et qui ne correspond pas à un usage individuel.

23

3.1.3.1
Les prépositions en et à contrastent en ce que, appliquées toutes les deux à une situation non-spécifique (pas de déterminant du régime, avec en, ce qui est la norme, mais pas avec à, ce qui ne l’est pas), la première dénote un espace fermé, la seconde un espace non fermé :
[8]
Voyager*à train
en train
à pied
*en pied
Prototypiquement, les moyens de transport (train, bus, métro…), espaces fermés, sont affectés de la préposition en.

24

3.1.3.2
Pourtant, bien que certaines occurrences réfèrent à des véhicules formant des espaces non fermés, elles admettent (ou même exigent, comme le terme tandem) la préposition en, particulièrement quand il s’agit de véhicules qu’on enfourche :
[9]
voyagerà véloen vélo
Alors que en dénote un moyen de transport, à dénote un pur moyen de déplacement. Dans ce microsystème, à est remplaçable par en à partir du moment où le déplacement devient un véritable transport :
[10]
Il est venu au cours
il passe sa journée
en vélo, en moto
à vélo, à moto

25

3.1.3.3
La même alternance existe avec le type à ski(s)/en skis (disons des objets assurant le déplacement dans un cadre souvent sportif). Le Bon Usage[8] l’explique par une analogie avec en chaussures, en sabots, en pantoufles. En fait, le pied, qui n’est certes pas enfermé dans le patin ou le ski, n’est pas non plus posé sur le ski, le patin (ou le roller) : il est bien enfermé dans une chaussure qui fait partie intégrante de l’appareillage. Cette dénotation d’espace clos, complétée par celle de moyen de transport, fera préférer, éventuellement, en à à :
[11]
Il va à l'école
Il a passé ses vacances
?à ski(s)
à skis
en skis
*en skis

26

3.1.4
Pour terminer la description de la paire à/en, regardons les classes à plein/en plein[9]. Le syntagme Prep plein DetØ SN contraste selon la préposition : en renvoie à un repérage interne du prédicat, le syntagme a une valeur spatio-temporelle (alors que en pleine lumière est spatial, en plein jour, en pleine nuit sont temporels) ; à au contraire ne dénote pas de spatialisation : le syntagme est de type adverbial (il correspond à un « adverbial de manière ») :
[12]
Recevoir une balle en pleine poitrine, en pleins poumons
Respirer l’air frais à pleine poitrine, à pleins poumons.

27

3.2
Pour la paire à/dans, une définition dimensionnelle des prépositions – à représentant un espace ponctuel, dans un volume, s’avère insuffisante. On énoncera que le régime de à se définit unitairement par rapport à d’autres espaces, dénotant un espace appréhendé de l’extérieur, alors que le régime de dans dénote un espace composite appréhendé de l’intérieur.

28

3.2.1
Observons la paire à l’université/dans l’université. Le syntagme être à l’université est ambigu : le régime de à i. peut avoir une valeur non-spécifique, dénotant alors une fonction sociale conventionnalisée, et dans ce cas être à l’université a le sens de « faire ses études » ; ii. il peut instituer une référence spécifique spatiale ; dans ce cas à l’université représente un espace unitaire contrastant virtuellement avec d’autres espaces – qui est à l’université n’est pas au cinéma (sauf s’il s’agit d’une localisation secondaire comme dans être au cinéma à l’université). C’est ce deuxième sens, le sens spatial unitaire, qui entre en opposition avec le sens spatial de dans l’université, dans lequel le régime de dans dénote un lieu composite, formé de sous-lieux différenciés, un lieu multiple. Ainsi les énoncés :
[13]
Être garéà l'universitédans l'université
où le syntagme dans l’université contraste entre ce parking-ci dans lequel on est garé et d’autres parkings possibles à l’intérieur du campus, mais où à l’université contraste avec d’autres parkings possibles en dehors du campus. De même :
[14]
Il y a trois cafétériasà l'universitédans l'université
dans l’université dénote des espaces différents, composants de l’espace « université » et internes à cet espace, alors que à l’université dénote un espace unique, appréhendé de l’extérieur (en fait, l’adresse unique des cafétérias).

29

3.2.2
C’est le même contraste qui est observé entre à Toponyme dénotant un espace unitaire et dans Toponyme dénotant un espace composite,

30

3.2.2.1
avec les noms de pays (NdP) – seulement masculins :
[15]
Voyagerau Mexique
*au Mexique des Aztèques
*au Mexique mystérieux
*dans le Mexique
dans le Mexique des Aztèques
dans un Mexique mystérieux
Au Mexique peut se substituer à au Portugal, au Liban… c’est-à-dire à d’autres noms de pays possibles appartenant à la classe des noms de pays. Alors que dans un Mexique mystérieux/dans le Mexique des Aztèques, Mexique n’est plus appréhendé comme une occurrence dans une classe de lieux possibles, mais dénote lui-même un ensemble de lieux qui peuvent être mystérieux, des Aztèques, etc. En d’autres termes, au Mexique dénote une singularité, dans un/le Mexique… une pluralité virtuelle, ou plus exactement une collection de lieux composée de sous-lieux divers. Ainsi, à Mexique unitaire est affectée la préposition à, et à Mexique composite la préposition dans.

31

3.2.2.2
avec les noms de villes (NdV):
[16]
Êtreà Paris
*au Paris des artistes
*à un Paris inconnu
dans Paris
dans le Paris des artistes
dans un Paris inconnu
Mais, alors que le référent du NdP, pour être appréhendé comme un espace composite, doit avoir un modifieur, le référent du NdV, avec ou sans modifieur, est appréhendé de l’extérieur comme un espace unitaire quand il est l’argument de à, de l’intérieur comme un espace composite quand il est l’argument de dans.

32

3.3
Pour la dernière paire, en/dans, l’analyse de en comme repérant l’argument à l’intérieur de l’espace dénoté par le nom de lieu s’avère, là encore, insuffisante, car c’est à peu près la même qui est faite de dans. On préférera énoncer que dans (cf. supra) est attribué à un référent spécifique, situé dans un espace composite appréhendé de l’intérieur, alors que en sert à dénoter un espace dématérialisé, et en fait appréhendé comme une fonction (ou un état) plutôt que comme un espace : pas de déterminant, et donc pas d’espace construit référentiellement. Cette description ne permet pourtant pas d’éclaircir le fonctionnement particulier des NdP. La classe de l’argument de en, on l’a vu, est très restreinte, contrairement à celle à laquelle s’applique dans.

33

3.3.1
Observons d’abord des noms communs spatiaux, tel le terme classe. Les expressions de la paire en classe/dans la classe dénotent un espace clos, mais sont appréhendés, le premier de façon unitaire, le second de façon composite. D’autre part, la classe des référents du prédicat en classe est appréhendée en termes de fonction (sociale), contrairement à celle de dans la classe : un « élève », un « professeur » sont en classe, un « parent d’élève », une « table », une « chaise » sont dans la classe.

34

3.3.2
On l’a vu plus haut, les moyens de transport, contrairement aux purs moyens de déplacement, se voient affecter en (voyager en train). Un modifieur, tel luxueux, restreindra la référence du syntagme, mais il ne peut le faire que si celui-ci est référentiel – apparaît donc un déterminant qui crée une entité référentielle : voyager dans un train luxueux, mais *voyager en train luxueux, car train luxueux ne peut pas être assimilé à une classe de moyens de transport. Par contre, de nuit dans la collocation train de nuit n’est pas un modifieur, la collocation train de nuit dénote un sous-type de moyen de transport, et se voit affecter comme train la même préposition en :
[17]
Voyageren train
en train de nuit[10]
*en train luxueux
*dans un train
*dans un train de nuit
dans un train luxueux

35

3.3.3
Enfin, pour les toponymes (je n’aborderai ici que les NdP) :
[18]
Habiteren France
en France du nord
*dans la France
dans la France du nord
Avec les toponymes, nous retrouvons ce qui a été dit précédemment concernant la paire à/dans : l’espace dénoté par en est appréhendé unitairement, et de façon composite par dans.

4 – Microsystèmes

36 On a enfin supposé que chacune des trois prépositions spatiales à, en et dans forme une classe de microsystèmes organisés par les propriétés lexicales du nom-tête de leur régime (champs lexicaux), où on retrouve les propriétés différentielles établies dans les systèmes mentionnés ci-dessus.

37

4.1
La partition suivante a été établie parmi les noms communs spatiaux affectés à la préposition à : la « sphère publique », avec une répartition extérieure des espaces, qui s’oppose à la « sphère privée », avec une répartition intérieure.

38

4.1.1
À suivi de son argument est, selon celui-ci, un prédicat i. spatial, ou ii. fonctionnel mais dans lequel l’espace ne disparaît jamais entièrement.
  1. Type au cinéma : interprétation à orientation spatiale
À la question [19i], il sera répondu [19ii] :
[19]
i. Où est Philippe ? – ii. Il est au cinéma
mais cette réponse conviendra moins à la question [20] :
[20]
Que fait Philippe[11] ? – ??Il est au cinéma.
  1. Type à l’université : les deux interprétations sont disponibles
L’interprétation fonctionnelle (non spécifique) restreint la classe référentielle du sujet de la prédication, contrairement à l’interprétation spatiale (spécifique). Ainsi :
[21]
Que fait Philippe ? – i. Il est à l’université
si Philippe fait des études, est « étudiant », mais
[21]
Que fait Philippe ? – ii. *Il est à l’université
même si Philippe y travaille comme « professeur d’université », y est « bibliothécaire » ou « jardinier »…
Parallèlement à Philippe est à l’université qui a les deux interprétations (spatiale spécifique et fonctionnelle non spécifique), les énoncés Philippe est à l’hôpital ou Philippe est au tribunal, qui sont interprétés spatialement sans aucun problème dans
[22]
Où est Philippe ? – Il est à l’hôpital où il opère / doit subir une opération / rend une visite…,
Où est Philippe ? – Il est au tribunal où il doit plaider / assiste à une audience…
ne répondent pas bien à l’interprétation fonctionnelle de [23] et [24] :
[23]
Que fait Philippe ? - *Il est à l’hôpital[12]
même s’il est « médecin des hôpitaux » ou « patient »,
Que fait Philippe ? - *Il est au tribunal
même s’il est « avocat », « juge », « prévenu », « visiteur »…

39

4.1.2
De même, dans le micro-système de la sphère privée, la préposition à suivie de son régime peut être un prédicat spatial, fonctionnel, ou les deux. La sphère privée sera divisée en 4 types interprétables :
  1. Avec à la cuisine, l’interprétation est spatiale et/ou fonctionnelle, ce qui est sans doute le cas le plus général :
[24]
Que fait Philippe ? - Il est à la cuisine (« il prépare le déjeuner ») et
[25]
Où est Philippe ?- Il est à la cuisine (et il y discute avec Catherine).
  1. Avec le deuxième type, au fourneau, l’interprétation est plutôt fonctionnelle. Ainsi les prédicats être à la fenêtre, à la porte, au lit, au téléphone, au fourneau, au piano…, n’expriment pas seulement – voire guère – une localisation spatiale. Les régimes de à ne sont pas des termes intrinsèquement spatiaux, mais des noms d’objets (remarquez la différence entre la cuisine/le fourneau). Ces prédicats dénotent l’activité ou l’état associés à ces objets. Ainsi : être à la fenêtre, c’est « regarder au dehors », être à la porte, c’est « attendre qu’on ouvre », être au lit, c’est « dormir » ou encore « être malade »…
  2. Même dans le troisième type où les prédicats dénotent incontestablement un espace comme au salon, le locuteur y associe la fonction que cet espace évoque prototypiquement. Ainsi être au salon, c’est « recevoir des invités », être à la cave, c’est « chercher des bouteilles de vin » (ou du charbon, mais c’est devenu moins courant!).
  3. Enfin, le dernier type a une lecture presque exclusivement fonctionnelle, inacceptable dans un sens localisateur : être à la chambre, c’est uniquement « être malade et devoir garder la chambre ». Pourtant, dès que s’ajoute un modifieur, le sens localisateur revient, comme dans être à la chambre bleue.

40

4.2
Soit le type à table. Cette forme à N se caractérise par l’absence de déterminant, et n’accepte jamais de modifieur :
[26]
à quai, à table, à terre, à bord…
mais
*à quai bondé, *à table surchargée, *à terre mouillée…

41Contrairement au type à la cuisine qui, étant référentiel, peut construire une spatialité – être à la cuisine, c’est se trouver dans un espace clos appelé cuisine (sens spatial), et, éventuellement y faire ce qui y est fait prototypiquement dans une cuisine, « cuisiner » (sens fonctionnel) –, l’expression (être) à table ne disposant pas d’un déterminant ne construit pas d’espace, mais une activité en rapport avec l’argument de la tête prépositionnelle. Cette activité, dénotée par un prédicat, restreint la classe référentielle de son argument. Une relation nécessairement d’ordre fonctionnel existe entre le prédicat à N et son argument : celui-ci est à table pour « manger ». Il s’agit ici d’une situation générale, typique, institutionnelle, d’où la disparition de l’interprétation spatiale. De même avec (être) à quai :

[27]
Le train est à quai*le train est à voie
mais
*Philippe est à quai*le lampadaire est à voie

42

4.3
D’autres microsystèmes seront seulement mentionnés ici sans être étudiés. Ainsi le champ spatial de la lumière :
[28]
Être à la lumière, à la lumière du jour, à la lumière du soleil, à la lumière de la lune…
mais
être en pleine lumière, en plein jour….[13]
Être *à la lueur, à cette lueur, à la lueur des bougies, à la lueur du jour, à la lueur des éclairs…
*Être à l’obscurité, *être à la pénombre
mais :
être dans l’obscurité, dans la pénombre.
*Être au jour, *être à la nuit,
Être au soleil, au soleil de minuit, à l’ombre, à l’ombre d’un chêne
mais
*être à la lune
les noms de moyens de déplacement, type : à vélo, à moto ; les noms d’objets permettant le déplacement dans un cadre typiquement sportif, type à ski(s)/en skis. Pour le type à cheval (= animaux) aucune alternance n’existe. En effet, dans cette classe, la préposition à est la seule employée, et a le sens de « sur le dos de ». Il semble même que cette classe avec la préposition à se réduise à la seule occurrence cheval, au profit de la collocation à dos de, qui sert de révélateur à la préposition à, puisque les deux occurrences sont interchangeables seulement avec le terme cheval :
[29]
à cheval[14]à dos de cheval
mais
*à âne, à chameau…à dos d’âne, de chameau…
Et enfin les toponymes du type à Paris, au Portugal.

43

4.2
Diverses hypothèses ont été proposées pour l’analyse des différents emplois de la préposition en. Cette préposition a très souvent été décrite comme repérant l’argument à l’intérieur de l’espace dénoté par le terme spatial. Mais ce critère d’intériorité est pourtant insuffisant, car il n’oppose pas les emplois de en et de dans, par exemple. J.-J. Franckel & D. Lebaud (1991) ont parlé de « localisation momentanée » (ou « actualisation temporelle ») comme dans : Philippe est en ville aujourd’hui /??La statue de Jaurès est en ville, ainsi que de « centrage qualitatif » (Il est en ville), de « fonction intrinsèque » (le marin/le pêcheur/le paquebot est en mer, mais :*le poisson/*la bouteille est en mer). D. Leeman (1995) a parlé d’ « activité normativée », et je reprendrai son très suggestif exemple pour en nuancer l’analyse :
[30]
Les soldats marchaient en silence; on n’entendait que le râclement de leurs souliers
*Les soldats marchaient en silence; on n’entendait que leurs grasses plaisanteries
En silence est un adverbial qui porte sur l’argument, et non sur le prédicat même : en silence caractérise les « soldats », et non leur « marche » (= les soldats i. marchaient et ii. gardaient le silence). Ainsi que le montre la bizarrerie de la phrase
[31]
*Le bétail avançait en silence.
Et cela contrairement à l’adverbe silencieusement dans la phrase
[32]
Les soldats marchaient silencieusement (mais échangeaient des plaisanteries),
adverbe qui porte, lui, sur le prédicat même : silencieusement caractérise la « marche » des soldats (qui marchaient d’une façon silencieuse = i. les soldats marchaient, et ii. leur marche était silencieuse). Ce contraste entre en silence et silencieusement est rendu possible par l’ambiguïté du terme silence. Le silence, c’est i) le fait de ne pas parler (il ne peut donc se rapporter qu’à des êtres humains), et ii) l’absence de bruit. Ce n’est donc pas à proprement parler l’activité (le procès dénoté par le verbe) qui suit une certaine norme à laquelle se rapportent le syntagme en et son régime, mais ce syntagme qui prédique l’argument et en indique le statut.
Suivant cet exemple, on énoncera que c’est le syntagme en N, sans déterminant, qui n’est donc pas une expression référentielle, qui sélectionne son argument en en restreignant la classe référentielle : le pêcheur/*le poisson est en mer. Quand ce syntagme en N modifie un prédicat, il continue à prédiquer l’argument externe, et à restreindre sa classe dénotationnelle, de concert avec le prédicat principal de la proposition. Ainsi, dans SN marche en silence, SN est sélectionné par le prédicat marcher, mais aussi par le prédicat secondaire en silence :
[33]
Les soldats marchent en silence/*Le bétail marche en silence
De la même façon, dans SN travaille en prison, SN est à l’intersection de la classe des N qui travaillent, et de ceux qui sont dits être en prison, donc :
[34]
Ce repris de justice travaille en prison /
*Le gardien de prison travaille en prison

44

4.2.1
On reprendra la partition utilisée pour la préposition à entre espaces de la sphère publique et de la sphère privée. Les prédicats en N i. dénotent un espace clos, et ii. sélectionnent leurs arguments dans une classe restreinte de termes auxquels un statut/fonction est attribué(e). Ainsi le prédicat en classe sélectionne les arguments élève, professeur, le prédicat en fac ’sélectionne l’argument étudiant :
[35]
être en classe (« élève », « professeur »),
être en fac’ [15](« étudiant »).
Par contre, avec des arguments tels école, université, qui ne sont pas appréhendés comme des espaces clos, c’est à, et non en, qui sera la tête d’un syntagme pouvant avoir un emploi fonctionnel :
[36]
être à l’école (« élève »),
être à l’université (« étudiant »).

45

4.2.2
Aucun item appartenant à la sphère privée n’apparaît comme argument de la préposition en, et s’il y apparaît, c’est qu’il est passé dans la sphère publique :
[37]
Philippe travaille en cuisine (c’est un « cuisinier »),
Philippe travaille en chambre (c’est un « artisan »),
cela sans doute parce qu’il n’y a pas d’appréhension fonctionnelle d’un sujet dans le cadre de la sphère personnelle.

46

4.2.3
On laissera ici d’autres microsystèmes, comme celui des modes de transport :
[38]
voyager, êtremonterenentrain, avion, bus…*train, *avion, *bus…

Conclusion

47 On a essayé de montrer les relations qu’entretiennent les prépositions spatiales à, en et dans, en triade, binairement, et en microsystèmes : pour à, les espaces de la sphère publique (type à l’université), de la sphère privée (type à la cuisine), les fonctions sociales institutionnalisées (type à table), le champ spatial de la lumière, etc. ; pour en, les espaces de la sphère publique (type en classe), les moyens de déplacement (type en train). Quant à dans, il représente l’option par défaut des deux autres prépositions en raison de la nature spécifique de son régime. Pour cette raison, il n’est pas en mesure de construire des microsystèmes particuliers : il recueille les situations complémentaires des microsystèmes des deux autres prépositions.

NOTES

  • [1]
    En particulier  [Lakoff (1987] et  [Langacker (1987].
  • [2]
    Cet article s’est nourri particulièrement des études de A. Borillo, P. Cadiot, J.-J. Frankel et D. Lebaud, D. Gaatone, D. Leeman, C. Vandeloise, sans parler de V. Brøndal et G. Guillaume, ainsi que de nombreuses conversations avec L. Kupferman.
  • [3]
    Des occurrences telles que : en l’honneur de, en la présence de, en l’espèce, en l’occurrence, en la circonstance, qui sont des expressions figées, et, en outre, ne relèvent pas du domaine spatial, ne sont pas prises en compte.
  • [4]
    Être à l’arbre se dit, avec le sens de « arrivé à », comme dans la phrase : Celui qui sera à l’arbre le premier gagnera !
  • [5]
    On se réfère ici à la « routine » de Vandeloise et à la « fonction télique » de Borillo.
  • [6]
    Occurrence intéressante : Je passerai te voir en prison/à la prison.
  • [7]
    Mais : être, aller à l’étranger/*en étranger/*dans l’étranger.
  • [8]
    [Grevisse (1993].
  • [9]
    Appelé par  [J.-J. Franckel & D. Lebaud- (1991] un « marqueur de centrage ».
  • [10]
    Il est à remarquer que si train de nuit est un sous-type de train, il n’existe pas de sous-type *train de jour.
  • [11]
    Bien entendu pas dans le sens : Que fait Philippe en ce moment.
  • [12]
    Mais : Que fait Philippe ? – Il est à l’hôpital Cochin, au service des urgences.
  • [13]
    En pleine lumière est spatial, en plein jour est temporel.
  • [14]
    On pourrait sans doute classer cette occurrence avec le type à vélo.
  • [15]
    Fac’, comme école, peut être appréhendé de deux façons différentes, bien que pas entièrement distinctes l’une de l’autre : plutôt spatialement (être/aller à l’école, à la fac’), ou plutôt fonctionnellement, dénotant l’enseignement qui est donné dans ces espaces (être en fac’ (de droit), en école de commerce).
  • [*]
    Université de Tel Aviv – Département de français – Ramat Aviv 69978, Tel Aviv (Israël) – Domicile : 26A, rue Moshé Sneh – Ramat-Poleg, 42656 Nethanya (Israël) – Tél. +972 98 85 24 67 / (mobile) +972 51 38 72 39 – eevakatz@ bezeqint. net.
Français

Résumé

L’emploi spatial des prépositions est considéré généralement comme leur signifié premier, à partir duquel se construisent leurs autres sens. Cette thèse est très discutée, mais cet emploi spatial n’en est pas moins ce qui est le plus immédiatement perçu par les locuteurs. D’autre part, les trois prépositions à, en, dans sont dans leurs interprétations locative et télique les plus utilisées. On montrera qu’elles forment un système ternaire, une triade. On indiquera, à partir de là, qu’elles sont organisées binairement, et obéissent alors à l’apophtegme guillaumien : On va par paire dans le champ de la préposition (Leçon, 6.10.51). En d’autres termes, elles observent des distributions de complémentarité. On montrera que cette distribution suit un régime scalaire s’appliquant aux GN spatiaux avec lesquels elles sont construites, allant du moins spécifique (en) au plus spécifique (dans). Ce système binaire basculera vers des propriétés singulières pour chacune de ces trois prépositions, dont on montrera qu’elles constituent des microsystèmes ; ce sera la dernière partie de notre étude.

English

Abstract

The spatial use of prepositions is generally considered as their first signifié, on the basis of which their other meanings are constructed. This thesis is controversial, but the spatial use is nonetheless the one that is most immediately perceived by the speakers. On the other hand, the three prepositions, à, en, dans, in their locative and telic interpretations are the most frequently used. It will be shown that they form a ternary system, a triad. On this basis, it will be pointed out that they are organised in a binary manner and obey the guillaumian apophthegm : « On va par paire dans le champ de la préposition » (Lesson, 6.10.51). In other words, they are in complementary distribution. It will be shown that this distribution follows a scalar order applying to the spatial NPs with which they are constructed, starting from the least specific (en) and ending with the most specific (dans). This binary system will reveal the singular properties of each one of these three prepositions which form, as will be shown, microsystems – this will be the last section of this study.

RÉFÉRENCES

  • En ligneBorillo A., 2001, « La détermination et la préposition de lieu à en français », in X. Blanco, P. A. Buvet et I. Gavriilidou (éds), Détermination et formalisation, Linguisticae Investigationes Supplementa 23, Amsterdam/Philadelphia : John Benjamins.
  • Brøndal V., 1950, Théorie des prépositions. Introduction à une sémantique rationnelle. Trad. française par P. Naert, Copenhague, E. Munksgaard XXII.
  • Cadiot P., 1997, Les prépositions abstraites en français, Paris, Armand Colin.
  • Franckel J.-J. & Lebaud D., 1991, « Diversité des valeurs et invariance du fonctionnement de en préposition et pré-verbe », Langue Française 91, pp. 56-79.
  • Gaatone D., 1982, « Grammaire géographique : réflexions sur la syntaxe des noms de pays en français », Le Français Moderne, 1982, p. 98-117.
  • Grevisse M., 1993, Le Bon usage. Grammaire française, refondue par André Goosse, Paris/Louvain-la-neuve : Éditions Duculot.
  • Guillaume G., 1919, rééd. 1975, Le problème de l’article et sa solution dans la langue française, Paris, Hachette.
  • En ligneLakoff G., 1987, Women, fire and dangerous Things. What categories reveal about the Mind, Chicago, University of Chicago Press.
  • Langacker R., 1987, Foundations of Cognitive Grammar, Stanford, University Press.
  • En ligneLeeman D., 1995, « Pourquoi peut-on dire Max est en colère mais non *Max est en peur ? Hypothèse sur la construction être en », Langue Française 105, p. 55-69.
  • En ligneLeeman D., 1997, « Sur la préposition en », Faits de langue 9, pp. 135-144.
  • Vandeloise C., 1986, L’espace en français. Sémantique des prépositions spatiales, Paris, Seuil.
Eva Katz [*]
Université de Tel Aviv
  • [*]
    Université de Tel Aviv – Département de français – Ramat Aviv 69978, Tel Aviv (Israël) – Domicile : 26A, rue Moshé Sneh – Ramat-Poleg, 42656 Nethanya (Israël) – Tél. +972 98 85 24 67 / (mobile) +972 51 38 72 39 – eevakatz@ bezeqint. net.
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