Tous urbains – Paysages en mouvement, c’est le titre de votre livre paru en 2005, il y a donc dix ans. Avant même de discuter de ce qui nous intéresse très directement, à savoir la manière dont la révolution numérique modifie notre relation au paysage, il est intéressant de rappeler le propos original de votre ouvrage qui s’attelait à prendre en compte la succession des techniques de transport et à comprendre comment celles-ci influencent notre appréhension des paysages.Marc Desportes – Tout d’abord, l’idée initiale était d’appréhender ce qu’on peut appeler les « paysages de la technique » non pas de façon extérieure, en regardant par exemple des grandes tours, des ponts de longue portée, des réseaux comme les voies ferrées, mais en se demandant ce que voyait le sujet, comment il percevait le paysage. Par ailleurs, je voulais interroger l’influence de données techniques telles que la signalétique, les relais d’information, le glissement mécanique… Ce qui revenait à ne pas retenir la vitesse (la marche, le bateau, le train, l’avion…) comme l’unique facteur susceptible d’influencer la perception des choses. Enfin, le livre s’arrête sur les différentes techniques de transport qui ont à chaque époque modelé un paysage original : la route des Lumières au xviiie siècle, le chemin de fer au xixe siècle, puis l’automobile via la route puis l’autoroute, l’avion, etc. À chaque fois la méthode était la même : s’intéresser à la constitution d’un réseau spécifique, c’est-à-dire aux grands seuils sociotechniques de sa genèse, puis identifier les dispositifs techniques originaux, le roulement sur rail dans le chemin de fer ou l’échangeur autoroutier pour prendre ces deux exemples, et à partir de là essayer de reconstruire la perception du sujet…