CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 La transformation de segments de plus en plus importants du règne du vivant en biens marchands par les outils de la propriété intellectuelle soulève de nombreuses questions sur les limites que les sociétés donnent à ce mouvement d’enclosure du vivant. Tous les États du monde, qu’ils soient riches, pauvres ou émergents, sont exposés à ces questions. Et tous en sont encore à chercher les normes juridiques qui dessinent ces limites, d’abord pour construire l’acceptabilité sociale de cette privatisation d’une partie de plus en plus grande du vivant, ensuite parce que de nombreux spécialistes considèrent que ce mouvement d’appropriation est allé trop loin dans les années 1990 et 2000, et qu’il nuit désormais au principe fondateur de la propriété intellectuelle : stimuler l’innovation pour en assurer la diffusion (Hermitte, 1990 ; Heller et Eisenberg, 1998 ; Claeys, 2004).

2 Partant de ce constat, un des objectifs du programme Biotek [2] a été d’observer la manière dont le Brésil, le Mexique et le Vietnam ont construit leurs politiques de propriété intellectuelle. L’idée était particulièrement de savoir s’ils parvenaient à articuler leurs intérêts économiques et environnementaux nationaux, et ceux des populations locales, aux exigences de leurs engagements internationaux en matière de protection des droits de propriété intellectuelle. La première difficulté que nous avons alors identifiée est l’étroitesse des marges de manœuvre laissées en droit international. En adhérant à l’OMC, ces pays se sont engagés à développer un cadre national de protection de la propriété intellectuelle qui respecte les standards imposés par l’accord ADPIC [3]. Or ces standards sont principalement le résultat de compromis entre les grandes puissances. Les États-Unis ont réussi à imposer les pratiques de leur Office des brevets (l’USPTO), lequel reconnaît la brevetabilité des gènes et des organismes vivants, tandis que l’Union européenne a réussi à faire valoir quelques principes différents (Gaudillière, Joly, 2006).

3 L’exemple le plus emblématique de ce type de compromis entre les grandes puissances est le célèbre article 27.3b de l’accord ADPIC qui permet aux États membres de l’OMC d’exclure les animaux et les végétaux du champ des brevets, mais les oblige, premièrement, à reconnaître la brevetabilité des microorganismes et des procédés microbiologiques et non biologiques – ce qui inclut la reconnaissance de la brevetabilité des gènes, assimilés à des composés chimiques (Eisenberg, 2006 ; Calvert, Joly, 2011) – et, deuxièmement, à mettre en place un système de protection efficace des innovations végétales. En fait, la rédaction de l’article 27.3b répond à la volonté américaine d’inscrire la reconnaissance des brevets sur les plantes et les animaux dans les standards de la propriété intellectuelle de l’OMC, et à la volonté européenne de pouvoir exclure les « variétés végétales » du système des brevets pour ne les protéger que par les certificats d’obtention végétale (COV) de l’Upov [4]. De nombreux pays en développement ont d’abord retenu que les animaux et les végétaux pouvaient être exclus de la brevetabilité, sans prêter suffisamment attention au fait que la formulation de l’article 27.3b les conduirait plus ou moins immanquablement à reconnaître, d’une part, les brevets sur les gènes et les procédés moléculaires, et d’autre part, l’Upov et/ou les brevets pour la protection des nouvelles variétés végétales.

4 Le présent article vise précisément à mettre en lumière ce type de trajectoires au Brésil et au Vietnam. La première et la deuxième parties consistent à étudier la mise en œuvre de l’article 27.3b dans ces deux pays et la manière dont la reconnaissance de la brevetabilité du vivant y a fait son chemin. La troisième partie vise à éclairer les impacts sociaux et environnementaux de ces choix particulièrement pour les agriculteurs. Cette question est particulièrement étudiée dans le cas du Vietnam en abordant plus précisément le droit des agriculteurs à produire leurs semences. Enfin, la quatrième partie explore les pistes qui peuvent être proposées à ces pays pour construire de meilleures articulations entre la protection de l’innovation et la construction de communs qui permettent une plus grande mutualisation des ressources agricoles.

1. Interdire la brevetabilité des végétaux et des animaux, un problème pas si simple : l’exemple du Brésil[5]

5 Le Brésil a fait une lecture très extensive de ce que l’article 27.3b permet d’exclure de la brevetabilité (Del Nero, 2008). Cette lecture s’inscrit dans une tradition déjà ancienne peu favorable aux brevets en général. Dans ce pays, les médicaments ont, par exemple, été exclus du champ des brevets de 1945 à 1996. Cette politique a fortement stimulé les laboratoires pharmaceutiques nationaux publics et privés qui ont fondé leur puissance économique sur la copie de médicaments et les techniques de reverse engineering comme mode d’acquisition de connaissances et de savoir-faire (Cassier, Correa, 2007, 85). La loi sur la propriété intellectuelle de 1996 (ci-après LPI) constitue une rupture avec cette politique de non-reconnaissance des brevets, mais elle est aussi fortement empreinte de ce passé.

6 L’article 10 de la même loi semble ainsi en continuité avec le passé puisqu’il exclut les « êtres vivants » du champ des brevets, ainsi que le matériel biologique végétal et animal se trouvant dans la nature y compris lorsqu’il est isolé et y compris lorsqu’il s’agit de plantes ou d’animaux génétiquement modifiés. L’article 18 précise que seuls les microorganismes génétiquement modifiés peuvent être brevetés. La loi brésilienne dépasse donc les exceptions autorisées dans l’Accord ADPIC, l’article 27.3b ne permettant théoriquement pas d’exclure du champ des brevets les microorganismes si ceux-ci constituent des innovations répondant aux critères de nouveauté, de non-évidence et d’utilité industrielle du droit des brevets. En revanche, les procédés et les méthodes d’extraction de substance biochimique ou de molécules, d’isolation de gènes ou de protéines sont brevetables. Le Brésil a donc fait un choix relativement simple en apparence : les organismes vivants ne sont pas brevetables, les procédés non essentiellement biologiques sur le vivant le sont. La loi brésilienne instaure ainsi une limite ontologique qui semble claire entre l’ordre du donné (par la nature), non brevetable, et l’ordre de l’inventé (par l’homme), brevetable. Elle met du côté du donné les plantes et les animaux, même génétiquement modifiés, considérant que leurs modifications génétiques ne les font pas basculer du côté de l’inventé, mais admet que pour les microorganismes génétiquement modifiés, il devient difficile de distinguer le procédé breveté de l’organisme et que, par conséquent, les microorganismes génétiquement modifiés sont brevetables.

7 Dans la pratique, cette interdiction de breveter les gènes et les organismes vivants se révèle assez illusoire, particulièrement dans le domaine des biotechnologies agricoles. Dès 1998, l’INPI (l’Institut national de la propriété intellectuelle) a reconnu les brevets de Monsanto sur des séquences d’ADN de soja transgéniques [6], admettant que les séquences impliquées constituaient un « élément d’un procédé non essentiellement biologique ». En 2002, la reconnaissance des revendications de Monsanto sur le « gène RR » permet d’aller plus loin dans la délimitation de ce qui est et n’est pas brevetable au Brésil. Le brevet reconnu par l’INPI porte sur la cassette d’expression recombinante [7] avec une séquence spécifique d’enzyme muté EPSPS ou séquence d’enzyme GOX, le vecteur contenant cette cassette d’expression recombinante, le microorganisme transgénique contenant ce vecteur, le processus pour obtenir une plante transgénique et les cellules de la plante transgénique (Rodrigues et al., 2011). Bien que les cassettes d’expression incluent des séquences génétiques, elles peuvent être regardées comme un procédé. Dans sa demande, Monsanto prend donc soin de ne pas étendre ses revendications sur les plantes entières, mais comme l’article 42 de la LPI étend les droits conférés par le brevet aux produits obtenus directement avec le procédé breveté, les sojas transgéniques de Monsanto se retrouvent de fait protégés. Par « l’entrée »« brevetabilité des procédés », Monsanto a donc réussi à faire reconnaître ses brevets sur ses sojas transgéniques au Brésil.

8 Ces brevets vont être immédiatement contestés par les entreprises nationales Zeneca Brasil et Nortox [8]. La Monsanto Company va cependant réussir à les maintenir suffisamment longtemps pour conquérir de larges parts de marché et même acquérir des entreprises semencières locales (Agroceres, le plus grand producteur de semences, est ainsi devenu la Monsoy do Brasil), et ouvrir des filiales au Brésil (Monsanto Participações, Monsoy et Monsanto Nordeste). Elle a aussi passé avec d’autres compagnies semencières nationales (FMT, Unisoja, Coodetec…) des contrats de multiplication de semences de variétés OGM (Varella, 2006). Dans ces contrats, elle offre à ses partenaires des licences d’utilisation du gène de résistance au glyphosate afin qu’ils l’incorporent dans leurs variétés de soja. En échange, le contractant s’engage à faire signer des accords aux agriculteurs qui les engagent à verser à Monsanto une redevance à titre de « taxe d’utilisation de technologie » en cas d’utilisation de semences de ferme. Reconnaissant, Monsanto reverse 12,5 % de cette taxe sur les semences de ferme à l’entreprise licenciée…

9 L’Institut national de la recherche agronomique (Embrapa) a également développé un partenariat avec Monsanto dès 1997 pour pouvoir insérer le gène résistant au glyphosate de Monsanto dans les variétés de l’Embrapa qui sont les plus cultivées au Brésil. Monsanto trouve évidemment un grand intérêt à profiter du réseau scientifique de l’Embrapa, de ses connaissances des multiples microrégions aux caractéristiques géoclimatiques différentes, et de sa plus grande proximité avec les multiplicateurs et avec les agriculteurs pour les inciter à adopter ses variétés. Monsanto accède ainsi à toutes les variétés de soja améliorées par la recherche brésilienne depuis une cinquantaine d’années, ce qui lui permet aussi d’accéder facilement aux ressources génétiques nationales [9]. L’Embrapa justifie cette stratégie en disant qu’il s’agit de s’adapter à un état de fait – les agriculteurs ont massivement adopté le soja RR –, et qu’il faut donc accéder à la technologie de Monsanto tout en sauvegardant ses droits sur les obtentions végétales. En fait, il s’agit surtout pour l’Institut de profiter du transfert de connaissances et d’augmenter ses bénéfices financiers (redevances propres et subventions de Monsanto pour des projets de recherche), les bénéfices dérivés des redevances liées à la commercialisation des semences représentant une part de plus en plus importante de son budget (Branco et Vieira, 2008) ; et pour Monsanto d’obtenir la caution d’un acteur majeur brésilien qui légitime l’activité d’une entreprise multinationale n’ayant pas toujours bonne presse (Hall et al., 2008).

10 La politique de l’État et les pratiques des acteurs économiques sont donc très ambivalentes au Brésil. D’un côté, il y a un affichage politique fort du refus de breveter le vivant, mais de l’autre, dans la technicité du droit et l’économie réelle, il y a un alignement sur les pratiques américaines et européennes qui reconnaissent que les droits conférés par un brevet sur des procédés de gènes s’étendent aux végétaux et aux animaux qui contiennent le procédé breveté (cf. les articles 8 et 9 de la directive européenne 98/44/CE sur les biotechnologies).

11 Cependant, à la différence de l’Europe, le Brésil ne s’est pas doté d’un cadre juridique spécifique pour articuler le droit Upov et le droit des brevets. Ainsi, contrairement à la directive européenne qui a transposé en droit des brevets les deux principes sui generis du droit Upov (à savoir les principes « d’exception de recherche » et « d’exception de semence de ferme »), le Brésil ne prévoit rien de tel. De fait, alors que les obtenteurs en Europe peuvent librement utiliser à des fins de recherche les variétés contenant des gènes ou des procédés brevetés à des fins de recherche (art. 12 de la directive 98/44/CE) [10], les obtenteurs brésiliens doivent payer des droits de licence au détenteur du brevet. De même, alors que le droit des agriculteurs de produire des semences même si la variété contient un gène breveté est reconnu à l’article 11.1 de la directive européenne [11], les agriculteurs brésiliens sont systématiquement exposés à des shrink wrap contracts[12] qui leur interdisent de sélectionner leurs semences à partir de variétés contenant le gène breveté sous peine d’être accusés d’être des contrefacteurs.

12 La décision du juge Giovanni Conti, du tribunal de l’État du Rio Grande do Sul, qui considère que Monsanto n’a aucun brevet valide au Brésil et perçoit indûment des royalties sur les sojas transgéniques cultivés au Brésil (4 avril 2012), confirmée par la décision de la Cour suprême du Brésil du 12 juin 2012, vient toutefois changer ce paysage. Ces décisions de justice constituent un début de jurisprudence en faveur de ce qu’on peut appeler l’extension des principes sui generis de l’Upov en droit des brevets au Brésil. En effet, des coopératives agricoles du Rio Grande do Sul ont demandé au juge Giovanni Conti de reconnaître, d’après les termes de la loi sur la protection des cultivars, le droit des petits, moyens et grands sojiculteurs brésiliens à conserver des semences de soja transgénique, à les replanter dans leurs champs, et à vendre cette nouvelle production (en tant qu’aliment ou matière première) sans rien avoir à payer, que ce soit à titre de redevance, de taxe technologique ou d’indemnité. Ces coopératives demandent que les redevances soient versées à Monsanto uniquement lors de l’acte d’achat de la semence, et que ce qu’elles ont déjà versé indûment leur soit retourné. Les sommes s’élèveraient à plus de 15 milliards de reais (plus de 6 milliards d’euros). Le juge Giovanni Conti ne disqualifie pas le principe des brevets sur le vivant (dès lors que génétiquement modifié), mais il marque la frontière entre ce qui est protégeable par brevet (Loi de la Propriété Industrielle, LPI – 1996), ce qui est protégeable par COV (Loi de Protection des Cutivars, LPC – 1997), et les incidences réciproques de ces deux droits. L’argument du juge est de dire que la loi sur les cultivars donne un droit clair aux agriculteurs sur la variété qui est un objet juridique différent du transgène (même si celui-ci fait partie de la plante). La primauté du principe d’exception de semence de ferme du droit Upov sur les droits conférés par les brevets est donc en train de naître au Brésil par voie jurisprudentielle, mais cette voie montre à elle seule que l’inscription en droit national du grand principe de non brevetabilité des animaux et des végétaux prévu à l’article 27.3b des ADPIC n’empêche aucunement les grandes multinationales de l’agrochimie de faire valoir leurs brevets sur les gènes et/ou les procédés de gènes sur les animaux et les plantes entières.

2. La propriété intellectuelle sur le vivant en économie socialiste de marché : l’exemple du Vietnam

13 Au Vietnam, l’article 27.3b de l’accord ADPIC a été transcrit pour la première fois en 2000 dans le traité commercial bilatéral avec les États-Unis, sous la forme de l’article 7.2C qui précise que l’exclusion des végétaux et des animaux du champ des brevets est possible pour les variétés qui satisfont à la définition donnée à l’article 1.vi de la Convention Upov (« un ensemble végétal d’un taxon botanique du rang le plus bas connu qui peut être défini par l’expression des caractères résultant d’un génotype ou d’une combinaison de génotypes bien définis »). Pour ces variétés, le Vietnam doit mettre en place un système sui generis de protection intellectuelle efficace conformément au point 3D de l’article 1 qui précise qu’il s’agit du système Upov. En 2005, lorsque la loi sur la propriété intellectuelle est venue finaliser le cadre juridique de la propriété intellectuelle du Vietnam, le même type de transcription a été reconduit et la définition de la variété végétale dans le sens de l’Upov a même été renforcée, puisque les termes clés de distinction, d’homogénéité et de stabilité sont apparus dans la définition. En transcrivant ainsi le 27.3b, la question de la brevetabilité des plantes et des animaux n’a cependant été traitée que partiellement. Tacitement, on peut en effet comprendre que toutes les plantes qui ne sont pas des variétés végétales au sens de la définition Upov sont brevetables si elles constituent une innovation au sens du droit des brevets, mais rien de tel n’est explicité dans la loi.

14 Cette lecture tacite est cependant confirmée par la circulaire n° 30/2003/ TT-BKCN, du ministère de la Science et de la Technologie sur l’établissement des droits de propriété industrielle sur les brevets d’invention. Dans cette circulaire, le ministère définit ce qu’est une solution technique, en en énumérant différentes catégories, et notamment : « une solution technique sous la forme de gène, de plante, d’animal, possédant un changement génétique qui s’exprime dans une combinaison d’informations génétiques, dont la variation est due à une intervention humaine et capable de s’auto-reproduire » (art. 32.2.b). Dans cette circulaire, les plantes et les animaux entiers sont explicitement désignés comme brevetables au Vietnam. C’est donc au niveau d’une circulaire ministérielle (c’est-à-dire qui ne fait pas l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale) que la décision de reconnaître la brevetabilité des plantes et des animaux a été prise. Ce mode de transcription du droit international est à la fois représentatif du manque de débats démocratiques sur les orientations scientifiques dans de nombreux pays en développement, mais aussi du lobbying des pays riches qui exploitent la faiblesse des débats parlementaires et de la société civile dans ces pays pour imposer aux élites dirigeantes des régimes de propriété intellectuelle à leurs propres avantages.

15 Ce cadre juridique pro-brevet s’accorde néanmoins à la volonté de l’État, affirmée dès 1994 par la Résolution n° 18 NQ/CP du Parti communiste, de faire des biotechnologies un outil de transformation scientifique et économique du pays. En 2003, la firme Syngenta (qui détenait déjà 21 % du marché local de l’agrochimie) révèle qu’elle est en train de mettre au point pour le marché local vietnamien des variétés de bananiers modifiées, de façon à ralentir le mûrissement des bananes et à faciliter ainsi leur exportation. La firme bâloise met aussi en avant les mérites des riz dorés enrichis en vitamine A (The Saïgon Times Daily, mai 2003). De son côté, le ministère de la Science et de la Technologie du Vietnam accélère la rédaction d’un projet de loi intitulé Règlements sur la biosécurité des organismes génétiquement modifiés et de leurs produits. Comme en Afrique (Raffin, 2006), le rôle particulier de l’Usaid pour organiser le lobbying pro-OGM au Vietnam a été déterminant. L’ISAAA (le Service international pour l’acquisition des applications des biotechnologies agricoles), financé à la fois par Monsanto et l’Usaid, a particulièrement influencé le Vietnam dans la rédaction de son cadre de biosécurité, même si le projet de loi est présenté par le professeur Tran Duy Quy, alors directeur de l’Agricultural Genetic Institute (AGI), comme le résultat d’une collaboration avec l’université américaine Cornell à Hanoi (Vietnam Economic News, du 26 février 2003). Quelques mois plus tard, le 27 novembre 2003, le Président du Vietnam signe la décision faisant accéder le Vietnam au protocole de Carthagène (ratifié le 19 janvier 2004), et le premier décret sur la biosécurité entre en vigueur dès l’année suivante. Dans ce décret n° 212/2005/QD-Tg, les activités liées aux OGM apparaissent très encadrées administrativement [13]. Les permis délivrés par l’administration consistent seulement à vérifier si les entreprises qui commercialisent des OGM disposent de capacités leur permettant d’en évaluer les risques. Le décret confie donc aux compagnies le soin d’autoévaluer les risques des produits qu’elles commercialisent, sans même définir quelles sont les normes que les laboratoires doivent atteindre pour réaliser de telles évaluations. Le chapitre 6 de la loi sur la biodiversité de 2008, qui traite de la biosécurité des OGM, reprend à peu près les mêmes dispositions. Il précise que les organisations et individus qui créent ou importent des OGM doivent rédiger un rapport d’évaluation des risques avant de les diffuser sur le marché (article 58) ; il prévoit la mise en place d’un Conseil d’expertise sur la biosécurité chargé d’évaluer les rapports d’évaluation des organismes en vue d’octroyer un « certificat de biosécurité » ; mais il convient de pointer que ce Conseil d’expertise n’est chargé que d’expertiser le processus d’évaluation des risques et non pas le risque lui-même (art. 59.3).

16 Cette politique libérale en matière de biosécurité s’accompagne d’une politique scientifique très volontariste en faveur des biotechnologies de la santé (virologie et microbiologie) et de l’agriculture. Dans le domaine de l’agriculture, le gouvernement, par l’intermédiaire de son ministère de l’Agriculture, a mis en place en 2006 un programme intitulé « Programme central de développement des biotechnologies dans le domaine agricole et le développement agricole » (décision 11/2006/QD-TTg). Ce programme est ambitieux ; il se donne pour objectif de « créer des variétés végétales, des variétés animales, des microorganismes, des produits agricoles issus des biotechnologies » non seulement pour « obtenir de plus hauts rendements, de plus hautes qualités », mais plus encore pour « servir les changements des mécanismes économiques dans le domaine agricole et du développement rural. » À l’horizon 2020, dernière phase du programme, le Vietnam entend être devenu le leader des biotechnologies agricoles des pays de l’Asean (Association des nations d’Asie du Sud-Est) avec entre 30 et 50 % des surfaces en OGM, les chiffres variant selon les espèces. Suite à ce programme, le gouvernement a investi chaque année une somme de 100 milliards de dôngs dans les biotechnologies (5 millions d’USD) [14]. Le Vietnam a encore complété ce dispositif d’encouragement par la promulgation d’une loi sur les hautes technologies en 2008 et est ainsi un des rares pays à avoir une loi spécifique dans le domaine. Cette loi accorde aux entreprises de nombreux avantages fonciers, fiscaux et financiers pour stimuler la recherche et le transfert de technologies, ainsi que la formation d’équipes dans le secteur des biotechnologies. Enfin, en 2008, un vaste plan de développement des biotechnologies établi jusqu’à l’horizon 2020 a été approuvé par le Premier ministre (décision n° I4/2008/QD. TTg).

17 Bien qu’officiellement le Vietnam n’ait pas été encore (en 2013) recensé par l’ISAAA comme un pays cultivateur d’OGM, de nombreuses surfaces étaient déjà plantées à cette date [15], les trois espèces génétiquement modifiées privilégiées étant le maïs, le soja et le coton. Dès 2011, le président de l’Association des producteurs de variétés végétales, Tran Dinh Long, déclarait que des variétés de maïs OGM avaient été plantées en combinaison avec des maïs conventionnels à Hô-Chi-Minh-Ville et dans deux provinces du Sud (Dong Nai et Binh Duong) et que la quasi-totalité des cotons cultivés au Vietnam étaient déjà des cotons Bt (Séminaire sur le développement des PGM, Hanoi, octobre 2011). Pour le maïs, le ministère de l’Agriculture espère atteindre une augmentation de 10 % des rendements grâce au recours aux transgéniques afin de limiter les 2 millions de tonnes d’importation annuelle pour répondre aux besoins domestiques (GSO, 2011). « Cultiver du maïs transgénique à grande échelle permettra au Vietnam de limiter ses importations. C’est la même réflexion qui nous pousse aussi à envisager la culture du soja génétiquement modifié dès 2013-2014 », déclarait Nguyên Tri Ngoc, directeur du département des Cultures au ministère de l’Agriculture en 2011 (Le Courrier du Vietnam, 17 octobre 2011). De nombreuses expérimentations de maïs Bt et RR ont alors été mises en place dans les provinces de Dak Lak (Hauts Plateaux), Nghê An (Centre), Bà Ria-Vung Tàu et Dông Nai (Sud), ainsi qu’à Son La et Vinh Phuc (Nord). Les essais ont été jugés concluants. Les premières autorisations officielles pour la culture commerciale de trois maïs génétiquement modifiés de la firme Syngenta viennent d’être délivrées (en 2014) par le ministère de l’Agriculture et par le ministère de l’Environnement. D’autres demandes d’autorisation sont en cours d’examen pour des maïs de Monsanto et de Dekalb Vietnam, filiale de Monsanto (Thanh Niên News, 2014 ; 2015). Il est en somme assez probable que les objectifs du Programme national de développement des biotechnologies de 2006 soient atteints dès 2020, du point de vue des surfaces cultivées en plantes génétiquement modifiées, faisant ainsi du Vietnam un grand producteur d’OGM.

18 Du point de vue de la gestion de la sécurité que pose la diffusion de ces organismes, les autorités mènent une politique du fait accompli. Bien qu’inscrit dans la loi (décret n° 212/2005/QD-Tg), le principe d’étiquetage des produits alimentaires génétiquement modifiés n’a pas jusqu’à ce jour été mis en œuvre alors que de nombreux OGM sont déjà dans les champs et dans les assiettes. Le ministère de l’Environnement et des ressources naturelles, point focal du gouvernement en matière de biosécurité, estime que l’étiquetage ne sera pas fonctionnel avant 2015. Seuls les produits contenant plus de 5 % d’OGM doivent être étiquetés. Les experts considèrent qu’un seuil plus bas serait trop coûteux à mettre en place (en Europe, il est de 0,9 %). Il reste intéressant de noter que le Vietnam ne se soit pas aligné sur la position américaine de ne pas étiqueter les produits contenant des OGM pour les rendre invisibles, mais la question de la traçabilité des produits contenant des OGM n’occupe encore qu’une place embryonnaire dans la loi sur la sécurité alimentaire (Mard, 2010).

19 Une telle politique présente évidemment un certain nombre de risques, notamment celui de substituer à la dépendance extérieure du Vietnam en aliments pour le bétail une dépendance technologique, singulièrement plus préoccupante, à l’égard des multinationales de l’agrochimie et des biotechnologies (Lê Quôc Hung, 2014). Certes, le Vietnam essaie, comme la Chine, de développer ses propres capacités de recherche dans le domaine des biotechnologies végétales. Mais la Chine veille particulièrement à ne pas dépendre des firmes étrangères en limitant les importations de semences transgéniques et en s’appuyant sur les compagnies nationales comme Weiming et Biocentury (Raffin, 2006, 712, 715). Cette stratégie explique la relative faiblesse des cultures OGM en Chine jusqu’à présent. Le pari biotechnologique vietnamien paraît plus incertain compte tenu de la taille beaucoup plus modeste de ses investissements et de la place qu’y occupent déjà les firmes étrangères. Les évolutions récentes du marché des semences font ainsi apparaître un très net recul des variétés végétales vietnamiennes au profit de variétés chinoises, particulièrement dans le Nord du pays. Par ailleurs, la plupart des brevets déposés à l’Office national des brevets au Vietnam (NOIP) sont étrangers (Drahos, 2008 ; Reiffenstein T., Nguyen Ha Thanh, 2011 ; Nguyên Thi Thu Hiên, 2014).

20 Du point de vue de l’articulation brevet/COV, la situation du Vietnam ressemble à celle du Brésil. Ni la loi sur la propriété intellectuelle de 2005, ni l’ordonnance sur les variétés et semences de 2004 ne prévoient d’articulation particulière qui permette de maintenir les principes d’exception de recherche et d’exception de semence de ferme dans le cas des variétés contenant des gènes ou des procédés brevetés. Les agriculteurs vietnamiens risquent donc dans un futur assez proche d’être jugés pour contrefaçon ; chaque fois qu’ils produiront, même sans le savoir, des semences à partir de variétés contenant les gènes brevetés.

3. La question des semences de ferme dans les pays en développement : l’exemple du Vietnam

21 La question du droit des agriculteurs à produire des semences ne touche pas seulement les variétés qui possèdent un gène breveté. Elle concerne plus largement toutes les variétés végétales, qu’elles soient protégées par brevet ou par COV, ou les deux à la fois. Elle concerne même les variétés non protégées si les réglementations semencières nationales interdisent la commercialisation de ce type de variétés, comme c’est de plus en plus le cas. Pour les paysanneries pauvres qui n’ont pas les moyens d’acheter annuellement des semences certifiées, le besoin de produire des semences est pourtant vital [16]. Le développement de droits de propriété industrielle qui conduisent à l’interdiction de cette pratique constitue donc pour ces populations une réelle menace.

22 Le cas du Vietnam, qui a adhéré en décembre 2006 à l’acte de 1991 de l’Upov, puis est devenu membre de l’OMC en 2007, mais qui n’a pas ratifié le Traité international de la FAO pour les ressources phytogénétiques pour l’agriculture et l’alimentation (Tirpaa), est représentatif de la situation des pays adoptant des régimes de propriété intellectuelle très favorables aux industriels. L’ordonnance sur les semences de 2004 (ordonnance 15/2004/L-UBTVQH, 2004), qui a préparé l’entrée du Vietnam dans l’Upov, a inscrit le principe d’exception de semences de ferme dans le cadre juridique vietnamien (art. 29). Le droit des agriculteurs de produire des semences est donc désormais limité à leurs propres besoins ; ils n’ont plus le droit de faire ce qu’ils ont toujours fait : produire, échanger et commercialiser leurs semences entre eux, c’est-à-dire en dehors des limites de leurs exploitations. Cette limitation interdit une pratique essentielle à la sécurité des systèmes agraires. En effet, au Vietnam, le secteur dit formel n’a jamais réussi à répondre à la demande de semences [17] ; par conséquent, les semences paysannes jouent un rôle majeur dans la fourniture des marchés. Par ailleurs, le secteur marchand national, en cours de construction, peine à se mettre en route précisément parce que l’Upov 1991 ouvre si rapidement le marché des semences à la concurrence internationale qu’il ne laisse pas le temps aux obtenteurs et multiplicateurs nationaux de s’organiser [18]. La longue liste des programmes de multiplication de semences paysannes soutenus par le gouvernement et la coopération internationale montre du reste la contradiction entre le cadre réglementaire et la réalité de l’économie des semences [19].

23 Pour gérer cette contradiction, le ministère de l’Agriculture a pris en 2008 une décision spécifique à l’encadrement de la production des variétés des foyers agricoles (décision 35/2008/QD-BNN). La lecture de l’article 1 peut laisser penser que le Vietnam, conscient de l’importance des semences de ferme dans le pays, a voulu développer un droit sui generis, plus à l’avantage des agriculteurs, des variétés locales et des semences de ferme. La suite de la décision montre cependant qu’il s’agit plutôt de faire entrer les systèmes locaux de production de semences dans les normes Upov. Pour pouvoir être échangées et commercialisées, les semences des foyers doivent en effet remplir les standards professionnels qui exigent que les semences commercialisées soient certifiées et issues de variétés inscrites au catalogue (c’est-à-dire DHS) (art. 6). En somme, cette décision consiste à enrôler les agriculteurs dans le système Upov, mais pas à inventer un système de protection adapté à la sélection paysanne, ni même à alléger les règles de l’Upov pour faire exister légalement sur les marchés les variétés et les semences paysannes qui ne satisfont pas les standards professionnels. Le seul gain de cette décision pour les agriculteurs est de leur redonner le droit d’échanger leurs semences dans les limites de leur district (art. 8). Notons bien que ce petit élargissement du droit d’échanger des semences au-delà des limites de l’exploitation a été négocié par le Vietnam auprès de l’Upov. C’est un point tout à fait remarquable qui dit bien la profonde inadaptation de la Convention Upov 1991 à la situation de pays comme le Vietnam.

24 Comme dans le cas des brevets, ceci conduit à se demander pourquoi les pays en développement prennent des engagements internationaux qui ouvrent inconsidérément leurs marchés. En fait, le ministère de l’Agriculture, en choisissant d’entrer dans l’Upov 1991 dont il savait qu’elle a été conçue pour favoriser les variétés privées des industriels, espérait y trouver un outil institutionnel, clé en main, pour construire ses marchés des semences. L’ordonnance sur les semences répond donc à un objectif précis du Vietnam : transformer les variétés et les semences en un bien marchand, les sortir d’une économie héritée de la période collectiviste dans laquelle elles étaient pensées comme un bien public distribué gratuitement par les instituts de recherche publique via les coopératives agricoles, le tout aidé par une coopération internationale puissamment financée. En fait, à bien y regarder, construire ce marché des semences permet bien moins de fournir des semences de variétés à haut rendement (les semences paysannes contribuaient relativement bien, depuis la Révolution verte, à cet objectif en palliant assez efficacement les lacunes de la fourniture de semences par le système des coopératives) que de sortir la fourniture agricole de l’économie collectiviste des coopératives lesquelles ne bénéficient plus aujourd’hui des investissements publics de recherche, nationaux et internationaux, qui la nourrissaient en amont.

25 Sortir de cette économie où les variétés et les semences étaient des biens non marchands, réclamait-il pour autant de limiter la concurrence que les semences fermières font subir aux semences industrielles ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire de se replacer plus largement dans le mode de transition économique et politique du Vietnam des années 2000. Durant cette période de transition, la propriété intellectuelle participe à la transformation des structures héritées de l’économie collective en compagnies privées, en en transférant les commandes et les actifs à une oligarchie en cours de constitution. Adhérer à l’Upov 1991, au lieu de laisser aux semences de ferme tout leur rôle dans l’économie, n’est donc pas qu’une fatalité qui résulterait de l’hégémonie d’un droit international produit à l’avantage du Nord. C’est aussi le choix des élites dirigeantes qui tirent avantage de la transformation des semences en bien marchand en participant au capital des joint ventures qui diffusent les semences de variétés provenant de plus en plus de l’étranger (Tran Dinh Long, 2012 ; Lê Quôc Hung, 2014). De fait, alors qu’un environnement juridique plus équilibré permettrait aux semences de ferme de concurrencer les semences des industries pour limiter l’augmentation du prix des semences, le régime de propriété industrielle vietnamien précipite cette augmentation en favorisant la construction de marchés captifs.

4. Comment repenser l’articulation entre biens privés, domaine public et communs agricoles ?

26 Au total, il ressort de ces différents éléments que les régimes de propriété intellectuelle adoptés par les pays en développement produisent des formes d’appropriation du vivant de plus en plus exclusives, comme dans les pays riches. C’est non seulement le cas des brevets, qui portent directement sur les gènes, mais c’est aussi le cas du COV avec la réduction de plus en plus forte du droit des agriculteurs à produire leurs semences. La difficulté que soulève cet exclusivisme est qu’il fait basculer entièrement les variétés protégées par brevet et/ou par COV du côté de la sphère des biens privées, alors que ces variétés sont le produit de croisements de variétés anciennes sélectionnées par des communautés rurales (l’obtenteur ne faisant que combiner du matériel biologique préexistant, quel que soit le degré d’inventivité de la combinaison en question) et que les ressources génétiques qu’elles contiennent sont considérées le plus souvent comme relevant du domaine public. Formulés ainsi, on comprend que les régimes de propriété intellectuelle sur les innovations végétales devraient relever d’au moins trois affectations différentes des variétés végétales :

27

  • une affectation privée en tant qu’innovation variétale ;
  • une affectation au domaine public, les ressources génétiques contenues dans les variétés devant être considérées comme des choses communes (res communes) et par conséquent inaliénables ;
  • une affectation aux droits collectifs des communautés rurales, lesquelles devraient avoir des droits reconnus sur ces variétés (qui ne sont que la poursuite de la sélection paysanne) et notamment celui de les reproduire pour les adapter au plus près des conditions locales.

28 Alors que le cadre de la Convention Upov de 1961 proposait aux États un équilibre acceptable entre ces trois sphères en limitant d’abord le droit de l’obtenteur aux opérations de commercialisation de sa variété, en laissant ensuite aux agriculteurs le droit de produire leurs semences, et enfin, en faisant tomber les ressources génétiques dans le domaine public (principe d’exception de recherche), la tendance actuelle à l’exclusivisme de la propriété intellectuelle rompt cet équilibre. Certes, en ce qui concerne la reconnaissance des droits des communautés rurales sur leurs variétés, la période qui va des années 1960 aux années 2000 a vu la négation des droits des agriculteurs sur leurs variétés puisque ces dernières n’ont plus été considérées comme des biens collectifs appartenant à des communautés rurales mais comme des ressources génétiques relevant du domaine public. Le domaine public a donc joué ici un rôle historique classique de dilution des droits collectifs des communautés locales sur leurs ressources. Néanmoins, cet effet était accepté dès lors que le développement de la propriété intellectuelle sur les innovations végétales reposait sur un compromis social ne remettant pas en cause les droits des agriculteurs à produire leurs semences.

29 C’est cet équilibre qui est rompu avec l’apparition des brevets et le durcissement de l’Upov ; non seulement les droits collectifs paysans sur leurs ressources communes sont niés par la notion de domaine public, mais cette dernière n’est même plus protectrice des res communes puisque les ressources génétiques deviennent la propriété exclusive d’industries dont plus personne ne pense qu’elles travaillent pour l’intérêt des agriculteurs. C’est cette évolution qui explique la résurgence de la thématique des communs (Bellivier, Noiville 2009 ; Rochefeld, 2009), et oblige de plus en plus à prendre en compte l’intérêt des règles d’usage des communautés rurales pour mieux assurer la durabilité de ce type de ressources (voir par exemple, pour la gestion des races animales : Labatut, Aggeri, Allaire, 2013). Une telle perspective conduit aussi à repenser beaucoup plus profondément l’économie politique de la propriété dans la gestion des biens environnementaux, en appréhendant notamment la propriété beaucoup plus comme un faisceau de droits (Orsi, 2013) que comme titre de propriété privée et exclusive qui permettrait une meilleure allocation de ce type de ressources (Hardin, 1968 ; Alchian & Demsetz, 1979).

30 On retrouve le même type de difficultés et d’exigences à l’échelle internationale. Le Traité international de la FAO sur les ressources phytogénétiques pour l’agriculture et l’alimentation (Tirpaa), que nous n’avons fait qu’évoquer, vise (comme le principe d’exception de recherche du droit Upov) à faciliter l’accès aux ressources génétiques agricoles. Il met en place pour cela le « système multilatéral d’accès facilité », conçu pour que les généticiens sélectionneurs aient un accès gratuit aux ressources génétiques que les États membres du Tirpaa versent dans le système multilatéral. Les demandeurs d’accès s’engagent en retour à respecter un certain nombre de règles, parmi lesquelles celle de ne pas déposer de droits de propriété intellectuelle qui limiteraient l’accès aux ressources génétiques reçues du système multilatéral (art. 12.3 d). C’est une manière de maintenir la ressource génétique en accès libre. Toutefois, dans le cas contraire, l’article 13.2 réclame le versement « d’une part équitable des avantages découlant de la commercialisation de ce produit » au Fonds de partage des avantages du Tirpaa, dévolu aux financements de programmes de conservation in situ dans les pays en développement. Il s’agit de compenser, en des termes assez vagues et peu contraignants en matière d’équité et de partage (Thomas, 2014), la limitation de l’accès à la ressource par le développement de la propriété intellectuelle. Cela signifie bien que les ressources génétiques du système multilatéral de la FAO ne sont pas des choses communes non appropriables. Il n’est donc pas aisé de qualifier ce que sont les ressources génétiques dans le Tirpaa. Ce ne sont en effet pas tout à fait des res communes puisqu’elles peuvent être appropriées sous la forme d’une innovation. Le Tirpaa en fait plutôt une sorte de « commun scientifique » qui vise à instituer des règles de réciprocité d’usage durable de la ressource entre les États membres (Halewood et al., 2013). Cependant, force est de constater que c’est un commun qui associe bien mal les agriculteurs, puisque les variétés provenant des communautés rurales restent en libre accès pour les sélectionneurs, ce qui est une manière de toujours les considérer comme un « bien public mondial » ou un « patrimoine commun de l’humanité ». Or ces deux notions n’ont aucune effectivité juridique (Goubier, 2005 ; Thomas, 2006 ; Hermitte, 2007 ; Danis-Fatôme, 2014) ; par conséquent, les droits des communautés sur leurs variétés ne sont pas reconnus par le Tirpaa et les variétés paysannes restent de ce fait des choses sans maître (res nullius), pour mieux donner aux obtenteurs des droits de propriété industrielle sur les innovations végétales qui en descendent.

31 Les notions de domaine public (aux échelles nationales) ou de patrimoine commun de l’humanité ou de bien public mondial (à l’échelle internationale) sont donc fragiles parce que les pouvoirs publics les conçoivent comme la réserve de futures innovations appropriables, comme le domaine de la mise en valeur où l’entrepreneur doit avoir le maximum de liberté d’opérer, comme un espace libéral où la culture politique de l’entreprise l’emporte généralement sur celle des droits et des pratiques collectives.

32 L’effacement des droits collectifs des paysanneries pauvres sur les plantes qu’elles cultivent n’est cependant pas sans questionner la FAO, qui est consciente qu’il faut redonner aux communautés rurales une place centrale dans la gestion de la biodiversité agricole, parce qu’il en va notamment de la durabilité de l’amélioration des plantes, les généticiens-sélectionneurs étant sans doute beaucoup plus dépendants du maintien de la diversité des systèmes paysans de gestion des variétés et des semences qu’ils ne le pensent. C’est tout l’enjeu qui est posé dans le Tirpaa par la question du « droit des agriculteurs ». Le préambule du Tirpaa affirme, premièrement, que les agriculteurs ont des droits sur les ressources génétiques agricoles au nom de leur contribution passée, présente et future à leur conservation et, deuxièmement, que le droit de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre des semences de ferme constitue un élément fondamental de la réalisation concrète des droits des agriculteurs.

33 En résumé, le Tirpaa tente d’un côté d’ériger les ressources génétiques (et donc les variétés locales) en une sorte de commun scientifique mondialisé pour que les sélectionneurs puissent y avoir accès le plus librement possible – et en conséquence ne rien devoir aux communautés rurales – et, de l’autre côté, il tente de redonner des droits collectifs aux paysans sur la biodiversité cultivée. Dans cette apparente contradiction, le Tirpaa essaie en fait d’inciter les États à être attentifs à trouver le bon équilibre entre :

34

  • la constitution d’un commun scientifique mondial pour que les sélectionneurs du monde entier puissent y puiser librement (le Tirpaa organisant un système multilatéral d’accès facilité aux ressources génétiques agricoles à tous les États membres) et mettre au point des innovations variétales appropriables ;
  • et le droit naturel des agriculteurs à produire des semences avec les variétés qu’ils cultivent au nom de leur contribution passée, présente et future à la conservation de la biodiversité cultivée.

35 Au total, force est de constater que, historiquement, la négation des droits collectifs des agriculteurs sur les variétés qu’ils cultivent est plus due à la notion de domaine public en droit de la propriété intellectuelle qu’à l’extension de la privatisation du vivant, mais que, en revanche, l’apparition récente du recours aux brevets pour protéger des innovations végétales met aujourd’hui en péril l’intégrité du domaine public et, par conséquent, le compromis social qui avait rendu acceptable l’effacement des droits des communautés sur les ressources locales. Ce constat conduit inévitablement à se demander si défendre aujourd’hui le domaine public comme rempart à la privatisation du vivant n’est pas une erreur d’analyse et s’il ne vaut pas mieux parier sur d’autres stratégies visant à faire revivre les droits collectifs des communautés sur les « communs agricoles ». L’idée de protéger les innovations végétales par des Creative Commons pourrait permettre de faire barrage aux appropriations excessives des ressources génétiques (Deibel, 2009 et 2013). La démarche pourrait s’inspirer du modèle du logiciel libre qui utilise la propriété intellectuelle « à l’envers » afin de garantir le libre accès à l’innovation, de donner à tous la possibilité de l’améliorer, et d’interdire toute appropriation qui, au contraire, en fermerait l’accès. Les variétés anciennes remarquables, qui sont souvent resélectionnées dans des programmes de collaboration entre communautés locales et chercheurs des Instituts de recherche publics (Thomas, 2011 ; Thomas, 2012), pourraient être protégées efficacement par ce type de Creative Commons, à côté de la protection du produit de la récolte par marque collective ou par indications géographiques. Pour les pays en développement qui constatent que les régimes de propriété qu’ils ont adoptés depuis les années 1990 conduisent directement à une dépendance accrue à l’égard des grandes firmes multinationales des semences, il ne fait guère de doute que la réanimation de ces droits collectifs des communautés rurales sur les innovations variétales locales pourrait constituer une stratégie importante à mettre en œuvre pour reconquérir une part de leur indépendance semencière.

Notes

  • [1]
    Nous traduisons de l’anglais le terme « commons » par « communs » et non pas par « biens communs » pour éviter tout quiproquo. Parler de « communs », en référence aux travaux d’Elinor Ostrom, renvoie à différentes formes de propriété collective sans présager de leur bien-fondé en termes d’intérêt général, ce que la traduction par « biens communs » introduit – à tort – trop souvent (Ostrom, 1990).
  • [2]
    ANR Biotek Nouvelles formes de socialisation du vivant au Sud. Biotechnologies et gestion participative de la biodiversité. Ce programme a comparé les parcours de trois nations, de trois économies qualifiées d’émergentes (le Vietnam, le Brésil et le Mexique) dans leur gestion de la biodiversité et leur entrée dans une économie basée sur la mise en valeur des ressources biologiques.
  • [3]
    L’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) constitue l’annexe C de l’acte de naissance de l’OMC en 1995 à Marrakech.
  • [4]
    L’Union internationale pour la protection des obtentions végétales a été créée en 1961 pour répondre spécifiquement aux besoins des sélectionneurs de nouvelles variétés (Bonneuil, Thomas, 2009).
  • [5]
    Cette section est le résultat d’échanges et de discussions avec Geoffroy Filoche sur la situation de la brevetabilité des gènes au Brésil (cf. Filoche, 2012 et 2013).
  • [6]
    Demande de brevet sur un gène chimérique PI 1100007-4, déposée le 06/08/1998, et demande de brevet sur des séquences d’ADN améliorant l’efficacité de la transcription PI 1101067-3, déposée le 14/05/1997, et PI 1101045-2, déposée le 14/05/1997.
  • [7]
    Le terme de cassette d’expression est utilisé pour désigner l’ensemble de la construction génétique qui permet à un gène transféré de s’exprimer dans l’organisme hôte. La cassette comprend le gène transféré et les différentes séquences intervenant non seulement dans la régulation et le contrôle de l’expression des gènes, mais aussi dans le maintien et la stabilité du vecteur.
  • [8]
    Procès n° 990063442-0, en circulation devant la 14e Chambre Judiciaire de Rio de Janeiro.
  • [9]
    Signalons que l’Embrapa a mis en place des clauses visant à garder le contrôle de l’utilisation de ce « patrimoine national » : il n’accepte pas la cotitularité du COV avec une entreprise privée dès lors que le germoplasme provient de ses collections (Carvalho et al, 2007).
  • [10]
    Ce « principe d’exception de recherche » de la directive européenne se limite cependant strictement aux activités de recherche et ne s’étend pas à la commercialisation d’une nouvelle variété à partir d’une variété protégée par un brevet (ou contenant un gène ou un procédé breveté). En cas d’obtention et de commercialisation d’une nouvelle variété à partir d’une variété initiale tiers contenant un trait breveté, l’accord du détenteur initial du brevet reste nécessaire, des mécanismes de licence croisée sont alors prévus. Le « principe d’exception de recherche » tel qu’il est énoncé dans la directive 98/44 et dans le système européen des brevets n’est donc pas aussi étendu que « le principe d’exception de recherche » du droit Upov qui s’étend jusqu’à l’activité d’obtention d’une nouvelle variété et à sa commercialisation. La transcription de la directive européenne 98/44 dans le code de la propriété intellectuelle en France prévoit cette extension de l’exception de recherche jusqu’au stade de la commercialisation (CPI art. 613-5-3). On retrouve la même extension en Allemagne.
  • [11]
    La directive européenne assure ainsi une sorte de « primauté » des deux principes fondamentaux du droit Upov contre l’exclusivisme du droit des brevets tel qu’il s’impose aux États-Unis et au Canada.
  • [12]
    Les shrink wrap contracts sont des accords de licence qui engagent l’agriculteur, dès qu’il ouvre un sachet de semences, à ne pas les reproduire, c’est-à-dire à ne les utiliser que pour une seule récolte.
  • [13]
    Ce décret prévoit au moins une dizaine de procédures administratives différentes d’enregistrement ou de délivrance de certificats ou de permis relatifs aux OGM.
  • [14]
    Investissement important pour le Vietnam, mais ne représentant que 0,5 % du budget annuel de 980 millions d’USD que Monsanto consacre à la recherche (Monsanto, 2011).
  • [15]
    ISAAA, Service international pour l’acquisition des applications des biotechnologies agricoles, financé à la fois par Monsanto et l’Usaid.
  • [16]
    Concernant les débats relatifs aux semences dans les pays en développement, voir le « Programme d’action de Chennai » dont le but est de renforcer le rôle des ressources phytogénétiques dans l’accomplissement des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), et tout particulièrement la réduction de la faim et de la pauvreté.
  • [17]
    Il n’y a pas de statistiques nationales très fiables pour déterminer la part du secteur formel (historiquement, les coopératives et, de plus en plus, les compagnies nationales plus ou moins privatisées). Cette part peut néanmoins être approchée par le taux d’utilisation des semences certifiées. Des enquêtes dispersées par province ou district montraient que, au début des années 2000, ce taux variait entre 15 et 50 % selon les provinces et selon les espèces (Mard-Danida, 2003). Selon le Bureau des obtentions végétales du ministère de l’Agriculture, ce taux atteindrait aujourd’hui en moyenne 80 % pour le riz, et jusqu’à 90 % dans les deltas du fleuve Rouge et du Mékong. Dans les régions montagneuses reculées, il reste en revanche très bas (interview avec Mr. Nguyên Thanh Minh, 05/11/2014). L’Association vietnamienne pour la commercialisation des semences considère pour sa part que « les semences certifiées, vraiment de haute qualité, représentent approximativement 25 % des semences utilisées au Vietnam » (Tran Dinh Long, 2012). Ce dernier taux prend en compte la très grande proportion de fraudes sur les semences certifiées (Nguyên Mau Duong, 2014).
  • [18]
    Même la coopération danoise pour le développement (Danida) – programme Danida-ASPS Seed-Component –, dont le principal programme de coopération depuis 2000 consistait à aider le Vietnam pour favoriser la transition de son secteur semencier vers l’économie de marché, a fait de « l’amélioration des systèmes de production de semences par la formation d’agriculteurs » un de ses huit axes de travail. Cf. Svalöf Consulting AB, Mekong Economics Ltd, Consultancy to conduct an impact/lessons learned assessment of the Component. With particular reference to the legal framework, variety development, and seed production and commerce. (Mard-Danida, 2007 ; Turner, 2006).
  • [19]
    Searice (Southeast Asia Regional Initiative for Community Empowerment) et Bucap (Biodiversity Use and Conservation in Asia Programme) ont recensé 550 programmes de sélection participative au Vietnam dans 26 provinces différentes (sur 61), dont les résultats tendent à prouver la très forte capacité des systèmes paysans de production des semences à répondre aux besoins spécifiques des agriculteurs de chaque région (Searice, 2008).
Français

Cet article compare la manière dont le Brésil et le Vietnam ont mis en place des droits de propriété intellectuelle sur les innovations végétales. Il montre qu’il est difficile pour ces pays émergents de développer des cadres juridiques qui répondent à la fois à leurs engagements internationaux et à leurs besoins nationaux. Une trop forte reconnaissance des droits de propriété intellectuelle limite en effet l’accès des scientifiques et industriels nationaux aux innovations protégées (et aux ressources génétiques et aux savoirs ainsi couverts) sans forcément leur donner la capacité de protéger leurs propres innovations. Le droit des agriculteurs de produire des semences de ferme à partir de variétés protégées est également un enjeu important. L’article explore la manière dont la théorie des commons d’Elinor Ostrom peut permettre de répondre à ces questions en appréhendant les ressources génétiques comme des common pool resources (CPR) afin de reconsidérer profondément leur appropriation exclusive sous forme d’innovations.

  • Droit de propriété intellectuelle
  • certificat d’obtention végétale
  • brevet de gènes
  • semences
  • commons
  • Elinor Ostrom
  • Brésil
  • Vietnam
English

Appropriation of Plant Innovations and Governance of Farming Quarters in Brazil and Vietnam (Biotek)

This article compares how Brazil and Vietnam set-up and implement intellectual property rights on plant innovations. These two case studies show how it is challenging for the emergent countries to develop legal framework that meet both international requirements and their national needs. A strong protection of intellectual property rights limits the access to genetic resources, knowledge and foreign technology for national scientists and industries without meet their needs to protect their own innovations. The rights of the farmers are also very challenging especially the rights to produce farms saved seeds. To tackle those issues, the article propose to explore how the Elinor Ostrom’s theory of commons allows to rethink genetic resources as common pool resources (CPR) in order to thoroughly review their exclusive appropriation in the form of innovations.

  • Intellectual property rights
  • Plant variety protection
  • Genes patents
  • Seeds
  • Commons
  • Elinor Ostrom
  • Brazil
  • Vietnam

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Frédéric Thomas
Directeur de recherches en histoire à l’IRD, UMR 208 Paloc.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 20/07/2016
https://doi.org/10.3917/rtm.hs02.0223
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