CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 L’essor de la microfinance a suscité de nombreux espoirs au niveau international, mais les crises dont elle a été l’objet à la fin des années 2000 semblent aujourd’hui la remettre en cause. Les auteurs, chercheurs et praticiens associés dans un collectif d’échanges – le comité CERISE [1] – s’intéressent de longue date à l’impact de la microfinance [2]. Cette question a, jusqu’au début des années 2000, fait l’objet d’un dialogue ouvert et relativement fructueux combinant différentes approches.Toutefois, force est de constater, depuis une décennie, un cloisonnement des méthodes et un repli des questionnements en la matière. Pourtant, il ne s’agit pas d’une question close. Les résultats produits par les approches aujourd’hui dominantes sont au contraire ambigus, voire contradictoires. Dans le débat public, la place et l’orientation de la microfinance en matière de réduction de la pauvreté et d’accompagnement du développement continuent à susciter de nombreuses controverses, y compris au travers de tribunes de chercheurs dans la presse [3].

2 Dans ces conditions, il semble utile de relancer une réflexion ouverte et critique sur la mesure de l’impact des interventions en faveur du développement, et plus particulièrement dans le domaine de la microfinance (cf. Bédécarrats, Renard, Quentin, 2010). Ce débat doit accorder une place centrale à l’articulation des méthodes quantitatives et qualitatives. Cette combinaison semble en effet indispensable pour dépasser les limites de chacune de ces approches lorsqu’elles sont mobilisées isolément. Refonder une démarche pluridisciplinaire d’évaluation de l’impact, qui soit à la fois scientifiquement valide et opérationnellement pertinente, doit combiner une réflexion technique, et une analyse des processus et une interrogation sur la participation des parties prenantes aux différents stades de l’étude. Mais cela implique également la redéfinition de cadres institutionnels qui puissent assurer la pérennité de ce type de recherches.

3 Après un rappel historique sur les démarches utilisées en matière d’évaluation de l’impact dans la microfinance (première partie), l’article revient sur la « double impasse » des approches qualitatives et quantitatives dans le domaine (deuxième partie). Il montre ensuite en quoi des démarches combinant ces méthodes sont susceptibles de renouveler l’appréhension de phénomènes complexes (troisième partie).

PRODUCTION DES DONNÉES ET CONSTRUCTION DES PREUVES EN MICROFINANCE

4 Les études d’impact en microfinance ne constituent pas un champ stabilisé. Elles forment un lieu de rencontre entre des référentiels scientifiques ou professionnels distincts animés par différents types d’acteurs (Bouquet, 2008). Plusieurs recensions sont disponibles (Sebstad, Chen, 1996 ; Littlefield, Morduch, Hashemi, 2003 ; Stewart et alii, 2010 ; Duvenback et alii, 2011 ; Bauchet et alii, 2011) concernant la microfinance, même si beaucoup restent partielles et limitées. Parmi les études récentes, une partie, très médiatisée (Duflo, 2010),s’inscrit dans un courant militant pour des politiques fondées sur la preuve et qui découlent d’évaluations expérimentales scientifiquement établies [4].

5 Afin d’élargir l’analyse des résultats, Bédécarrats (2012) s’est efforcé de réaliser un inventaire plus exhaustif, en s’attachant à une définition générique des études d’impact incluant l’ensemble des travaux méthodologiquement rigoureux qui cherchent à appréhender une relation de cause à effet entre une intervention en microfinance et le changement des conditions de vie des usagers. Suite à l’actualisation de ces travaux, 165 études, parues entre 1980 et 2012, ont ainsi été recensées. Ce nombre rend impossible une mise en commun des résultats, qui sont très dissemblables de par leur nature, leur localisation ou leur portée. Une méta-analyse est néanmoins possible en fonction du bilan général que dressent ces recherches, de leurs caractéristiques méthodologiques, de la perspective dans laquelle elles ont été appliquées et du type de publication dont elles ont fait l’objet. La visibilité de ces références a également été prise en compte par le dénombrement de leur mention dans d’autres publications scientifiques et techniques, c’est-à-dire du nombre de citations brutes indexées par le méta-moteur Google Scholar [5].

6 Dans la figure 1, l’évolution de la production annuelle des publications est analysée en distinguant, en blanc, les études qui montrent un impact globalement positif et, en noir, celles qui mettent en avant un bilan globalement nul ou parfois négatif. Étant donné que ces recherches prennent en compte plusieurs variables, ont été ici mis en avant les effets observés sur les revenus ou, pour une minorité d’études qui ne prennent pas ce paramètre en compte, sur la problématique centrale de l’étude, par exemple le genre ou le travail des enfants.

7 On peut décrypter la production d’études d’impact au prisme d’une typologie axée sur les méthodes en s’appuyant sur les critères de différenciation suggérés par Hulme (2000) et Bouquet (2008). Ces auteurs proposent de distinguer la démarche que les recherches mobilisent pour argumenter d’un lien de causalité entre l’intervention en microfinance et les évolutions observées dans les conditions de vie des emprunteurs. En effet, la difficulté des études d’impact réside dans l’attribution aux services de microfinance de la responsabilité du changement que l’on constate chez leurs usagers. En d’autres termes, il est délicat d’établir dans quelle mesure les améliorations constatées du revenu, de la santé ou de la scolarisation sont dues à l’intervention d’une institution de microfinance. Cette preuve est d’autant plus difficile à apporter que les effets observés sont indirects, mais aussi en raison de la fongibilité des flux financiers. Ce phénomène procède de l’absence de délimitation claire entre l’économiedes ménages, très souvent pluriactifs, et celle de leurs micro-entreprises. Les liquidités obtenues par l’emprunt se « fondent » avec d’autres ressources dans le budget familial, empêchant la traçabilité du crédit du fait de la substitution entre les différents flux financiers. Il devient alors hasardeux de distinguer ce qui a réellement été financé, de l’investissement productif ou de la consommation courante par exemple.

Figure 1

figure im1
140 6000
Etudes montrant des résultats positifs (nombre d'études)
Etudes montrant des résultats nuls ou négatif (nombre d'études)
120 Etudes montrantdes résultats positifs (nombre de citations) 5000
Nombre d'études (effectifs cumulés)
Etudes montrant des résultats nuls ou négatif (nombre de citations)
100
4000
80
3000
60
2000
40
20 1000
Nombre de citations (effectifs cumulés)
00

Figure 1

Effectifs cumulés du nombre d’études d’impact sur la microfinance et de leurs citations dans d’autres travaux scientifiques ou techniques

8 Les approches les plus nombreuses sont celles qui étudient, au moyen de dispositifs essentiellement quantitatifs, le lien de causalité entre services microfinanciers et conditions de vie. Elles utilisent pour la plupart des méthodes quasi-expérimentales fondées sur la comparaison [6] entre des clients et des non-clients ou de nouveaux clients, complétées parfois par un suivi longitudinal ou des méthodes économétriques plus ou moins sophistiquées pour affiner ces comparaisons. L’approche expérimentale est portée par une nouvelle génération de chercheurs à partir de 2006 et s’appuie essentiellement sur une remise en cause de la validité scientifique des approches quasi-expérimentales. Afin de parer aux différents biais de sélection dans les comparaisons entre situations avec et sans crédit, la manière la plus rigoureuse de procéder revient à adopter une démarche expérimentale, en construisant ex-ante un contrefactuel. En d’autres termes, le dispositif sélectionne aléatoirement les personnes auxquelles l’institution de microfinance va offrir ses services et il constitue un groupe de contrôle à partir d’une population éligible, mais qui n’a pas été tirée au sort. De cette manière, on s’assure que les groupes de traitement et de contrôle soient, en moyenne, identiques en tous points. Ces méthodes (RCT – Randomized Control Trials) se révèlent en phase avec une approche économique apparentée à une science dure et adoptent en conséquence les démarches expérimentales utilisées en biologie et en médecine.

9 À l’opposé de ce qui pourrait constituer un continuum épistémologique, d’autres courants mettent en avant les dimensions politiques et sociales des rapports économiques et financiers, ou encore l’importance des processus cognitifs et informationnels, des représentations et des logiques d’acteurs dans la prise de décision associée aux pratiques financières. Compte tenu de leur objet, ces approches reposent sur les méthodes qualitatives. Cela se traduit par des approches de l’impact qui privilégient d’autres critères de rigueur que ceux de la statistique (Olivier de Sardan, 2008). Ces approches mobilisent des protocoles d’enquêtes ethnographiques qui s’appuient sur des modes d’échantillonnage appréhendant la diversité plutôt que la représentativité. Elles recourent encore à des techniques d’entretien, d’observation et de traitement permettant la triangulation des informations et leur mise en cohérence. Ces méthodes permettent d’analyser des trajectoires de vie, des jeux d’acteurs ou des systèmes socioéconomiques complexes et apportent des éléments substantiels pour expliquer, plutôt que mesurer, les relations entre les services financiers et les conditions de vie des usagers. À la différence des méthodes statistiques, les phénomènes d’auto-sélection dans l’institution de microfinance (et son corollaire, l’auto-exclusion) n’est plus considéré comme un biais, mais au contraire comme un sujet d’étude à part entière. La relation causale est pensée en termes de processus, et non en termes statistiques. On trouve également des méthodes hybrides entre quantitatif et qualitatif qui, pour établir une relation causale, combinent des procédés quasi-expérimentaux avec des techniques qualitatives.

10 L’essor des démarches expérimentales s’appuie sur la remise en cause de la validité scientifique des approches quasi-expérimentales. Pourtant, ces dernières restent prédominantes et elles représentent 55 % des études menées entre 2005 et 2012 qui ont été recensées [7]. En effet, bien que les démarches quasi-expérimentales disposent de moins en moins de moyens pour mettre en œuvre des enquêtes de terrain [8], elles continuent de multiplier leurs publications grâce à la profusion de données disponibles pour réaliser ce type d’études. Cependant, cette tendance devrait s’infléchir au vu du nombre phénoménal d’évaluationsexpérimentales menées ces dernières années. Le site de JPAL en recense ainsi 352, dont 126 sur des questions touchant à la finance ou la microfinance [9].

11 En conclusion de ce premier niveau d’analyse, on peut constater que l’évaluation et la mesure de l’impact de la microfinance sur le développement sont des questions anciennes, présentes depuis l’émergence du secteur, et que leurs résultats font l’objet de controverses dès l’origine. Alors que les approches centrées sur l’apprentissage des acteurs du secteur tendent à s’essouffler, les recherches académiques, principalement quantitatives, constituent aujourd’hui la référence incontournable des décideurs institutionnels, bailleurs de fonds et investisseurs internationaux.

QUALITATIF OU QUANTITATIF : UNE « DOUBLE IMPASSE » ?

12 Dans le champ médiatique, les controverses opposent, d’un côté, les chercheurs mobilisant essentiellement des approches quantitatives sur la microfinance comme instrument de réduction de la pauvreté et, de l’autre côté, ceux mobilisant plutôt des démarches qualitatives. Pour ces derniers, s’il s’agit d’abord de réfuter l’illusion « qu’il suffit de donner un peu d’argent à un pauvre pour en faire un entrepreneur » (Guérin, 2009), comme de nombreux tenants de la microfinance le proclament souvent. Les résultats critiques avancés remettent en cause les conclusions plutôt optimistes issues des travaux de la génération antérieure, dans les années 1990-2000.

13 En termes de méthodes, les controverses pointent les biais et les limites de chacune des deux approches. Le qualitatif, outre les biais auxquels il se heurte dans sa mise en œuvre (Olivier de Sardan, 2008), permet d’approfondir l’intelligibilité de situations singulières, mais le caractère spécifique et situé des monographies limite la généralisation de leurs résultats (Couty, 1996). Les approches quantitatives de type expérimental, si elles arrivent à échapper aux diverses limites de validité (Parienté, 2008) tout comme aux biais d’impact (Hemmer, 2005), posent problème dès lors qu’elles se limitent à la prise en compte d’effets élémentaires et cherchent à isoler l’effet d’une action spécifique sans rechercher les interactions existantes à l’échelle méso-économique (Labrousse, 2010).

14 Pourtant, malgré les oppositions, les résultats scientifiques obtenus semblent plus nuancés. Comme le souligne Karlan, les « études [expérimentales] n’ont pas encore permis de détecter un impact significatif du crédit » (cité par Reed, 2011, p. 9). Ces résultats sont à rapprocher de ceux des études qualitatives construites sur la base de « séquences d’impact » issus d’entretiens approfondis avec les emprunteurset les non-emprunteurs. Là encore, les résultats sont tout à tour « mitigés » (Guérin, Morvant-Roux, 2009) ou « insoupçonnés » (Guérin, 2011a).

15 Face à ces interrogations sur les résultats obtenus, l’Agence française de développement (AFD) s’est, par exemple, impliquée dans les deux types d’approches de façon séparée. Elle a commandité des évaluations expérimentales plutôt que de souscrire à l’un des mécanismes de financement multilatéraux visant à les généraliser (Naudet, Delarue, 2008). Elle a en particulier commandité à J-PAL une évaluation de l’institution marocaine Al Amana. Par tirage au sort, celle-ci a déterminé, parmi les implantations rurales envisagées par l’institution, lesquelles seraient couvertes. Les autres ne se verraient offrir de services financiers qu’après l’étude, afin de servir de groupe de contrôle. Dans ces villages « traités » et « non-traités », 5 666 foyers ont fait l’objet de deux enquêtes à 18 mois d’intervalle. Néanmoins, seuls 12 % des bénéficiaires pressentis ont fini par contracter un crédit et nombre d’habitants des zones exclues sont parvenus à obtenir des prêts auprès d’autres sources. Ce faible différentiel d’exposition au crédit remet en cause la validité de l’étude. Pour être décelables et statistiquement significatifs, les impacts sur les emprunteurs auraient en effet dû être considérables. Pour la consommation par exemple, la hausse aurait dû être d’au moins 20 % pour être significative (Bernard, Delarue, Naudet, 2011). L’évaluation n’a finalement pas été en mesure de conclure par rapport aux effets sur la consommation, la création de micro-entreprises, l’éducation ou l’autonomie des femmes. Elle a en revanche indiqué des effets positifs sur l’expansion des activités déjà existantes, en particulier d’élevage, ainsi que sur l’autoconsommation et sur l’épargne (Crépon et alii, 2012). Mais l’enseignement le plus saillant semble avoir été l’inadaptation de l’offre d’Al Amana aux attentes des populations rurales marocaines (faible adoption) et la difficulté pour un procédé expérimental de prendre en compte la complexité qui caractérise l’adéquation des services aux spécificités locales.

16 Par la suite, l’AFD a chargé une équipe de socio-économistes et d’anthropologues d’effectuer une enquête qualitative (Guérin et alii, 2011) afin d’expliquer les relations entre services financiers et conditions de vie des usagers, cette étude s’est concentrée sur l’analyse des trajectoires de vie, des jeux d’acteurs, des contextes agro-écologiques et des systèmes socioéconomiques complexes. Elle a mis en lumière la faible propension à s’endetter, liée à la notion de déshonneur associée au crédit dans ces zones, ainsi que des divergences profondes entre la finalité déclarée et l’utilisation réelle des crédits, majoritairement dirigés vers la consommation. Les chercheurs ont par ailleurs relevé une forte différence de potentiel économique entre villages, le rôle déterminant que jouent les dynamiques régionales et les leaders d’opinion locaux, ainsi que l’incidence des réseaux sociaux des agents de crédit. Toutefois, cette enquête s’est focalisée sur les déterminants de la demande de crédit dans les zones rurales marocaines et n’apas cherché à interpréter les relations causales entre l’endettement et l’évolution du niveau de vie. Elle a été conduite séparément de l’étude quantitative, sans être prise en compte par cette dernière, illustrant bien la « double impasse » des approches qualitatives et quantitatives dès lors qu’elles ne sont pas élaborées conjointement.

17 À partir de ces éléments, vers quelles démarches est-il possible d’orienter les méthodes dans une perspective renouvelée de l’évaluation d’impact en microfinance ? Certains auteurs cités par Delarue, Naudet et Sauvat (2009) proposent la construction « d’évaluation axée sur l’utilisation » où l’évaluateur détermine avec les utilisateurs le type d’évaluation dont ils ont besoin. Il semble pourtant difficile d’accorder la lourdeur des protocoles d’évaluation expérimentale [10] aux contraintes de programmes et de projet dont les cycles de financement se réduisent alors que la pression sur les résultats s’accroît [11]. En ce qui concerne les évaluations expérimentales, elles ne sont pas un outil de pilotage des interventions. Il s’avère donc plus raisonnable de les considérer comme des recherches scientifiques qui alimentent le débat sur les orientations stratégiques à moyen et long terme des politiques de développement, même si l’approche semble peu appropriée aux interventions complexes et hétérogènes comme l’appui aux services microfinanciers, ainsi que le démontre Naudet (2012) pour le Maroc ou le Cambodge.

18 Au-delà, cette perspective axée sur l’utilisation semble en contradiction avec la réalité des relations hiérarchiques entre acteurs des projets et programmes et dans lesquelles les critères et les choix de l’évaluateur s’imposent souvent, au nom de l’extériorité nécessaire (« la neutralité axiologique ») à l’exercice d’évaluation. « Les évaluations indépendantes s’adressent au niveau de décision supérieur à celui du programme évalué (généralement le niveau politique) et aux types de décisions correspondantes (allocation de moyens, stratégies, politiques publiques) » (Delarue et alii, 2009). Mais, le plus souvent, ce type d’évaluation n’a, en fait, de compte à rendre qu’à son commanditaire, c’est-à-dire aux agences de développement, et renforce ainsi le pouvoir du financeur s’appuyant et instrumentalisant, à la fois, les résultats des évaluations au bénéfice de ses propres décisions, au détriment de l’équilibre de la relation de partenariat avec sa contrepartie politique (maîtrise d’ouvrage nationale ou « partenaire »), tout comme de la reconnaissance des savoir-faire des acteurs locaux. Si ce risque est inhérent à toute pratique d’évaluation, la nature des études expérimentales vient le renforcer, dans la mesure où ses impératifs méthodologiques conduisent à subordonner l’opération du programme à l’étude d’impact [12].

19 Pour une démarche axée sur l’apprentissage, d’autres types d’approches combinant des méthodes qualitatives s’avèrent plus adéquats. Dans le cas de ses travaux, l’AFD a pu conclure que « les RCT sont particulièrement pertinents pour traiter des questions de type « tunnel », c’est-à-dire des relations causales courtes et fermées entre des inputs simples et un nombre réduit d’outcomes produits par un processus complètement mûr. (...) Mais les programmes de type « tunnel » sont minoritaires parmi l’ensemble des interventions en faveur du développement, où des processus institutionnels complexes, instables, longs et sur une échelle macro sont tout sauf des exceptions » (Bernard et alii, 2011, p. 18). Ce constat relativise fortement le message véhiculé par les promoteurs de la randomisation qui présentent cette méthode comme un outil d’innovation en matière de politiques sociales ou de développement (Bauchet et alii, 2011).

20 En conclusion, le temps semble désormais venu d’explorer d’autres approches méthodologiques. Bien que les méthodes qualitatives et quantitatives relèvent de « formes distinctes de réduction de la réalité », il s’avère nécessaire, au regard de la « double impasse » évoquée, de promouvoir une combinaison entre approches qualitative et quantitative autre que sous le régime de la « copropriété – chacun gère son appartement » (Olivier de Sardan, 2008). Face à ce défi, il faut partir, d’une part, du constat que les approches quantitatives et qualitatives divergent – outre dans leurs modes d’administration de la preuve (significativité statistique versus plausibilité et cohérence) et leurs démarches (hypothético-déductive versus inductive) – sur de nombreux plans : institutionnel (revues, évaluation et financement), technique (procédés de collecte d’information et compétences requises pour l’analyse), épistémologique (faits objectifs/perceptions). Mais, d’autre part, il faut aussi prendre en compte le fait que chercheurs et acteurs évoluent dans des référentiels différents, et ont pour cela du mal à s’accorder sur des questions de recherche, des processus d’investigation et des formats de publications qui permettent réellement d’orienter l’amélioration des interventions. Pour ces raisons, promouvoir une démarche pluridisciplinaire d’évaluation de l’impact, qui soit à la fois scientifiquement valide et opérationnellement pertinente, implique de réfléchir sur leur volet technique, mais également sur les processus et la participation des acteurs qu’elle doit susciter ; ainsi que sur les cadres institutionnels qui doivent en assurer la pérennité.

REPENSER LES DÉMARCHES

21 À partir de ce constat, plusieurs chantiers peuvent être ouverts afin de construire une démarche articulant les deux approches. Cette dernière partie se propose d’y contribuer en étayant les différentes hypothèses ouvertes autour des questions posées dans le domaine de la microfinance.

Resituer les services financiers dans leur contexte et leurs modalités

22 Une première piste serait de renforcer l’analyse du contexte des institutions de microfinance ainsi que des modalités de délivrance des services financiers pour en apprécier réellement les contributions en matière de développement socio-économique [13]. À cet égard, l’hypothèse sous-jacente serait que le contexte actuel de la microfinance a radicalement changé par rapport aux études des années 1990 : la portée du secteur s’est accrue par rapport à la couverture des besoins avec une offre démultipliée, les montants octroyés ont considérablement augmenté et, paradoxalement, les situations d’endettement se sont fortement contrastées au niveau local compte tenu de la relative concentration du secteur dans certaines zones, en particulier urbaines. Il n’est donc pas étonnant de constater que la microfinance ne dessert plus, à l’instar des années 1990, en majorité la « frange dynamique » des agents économiques à l’échelle locale, que les prêts – de type crédit solidaire – ne sont plus systématiquement investis en activités économiques génératrices de revenus mais dépensés de façon croissante en biens de consommation courante (Guérin, 2011b) et que des situations de surendettement sont observées de façon récurrente. Il s’agit alors en termes de recherche de focaliser sur le profil des bénéficiaires, ainsi que les dynamiques d’utilisation des services financiers (crédits mais également épargne ou assurance).

23 À l’échelle micro-économique, l’augmentation des revenus des agents économiques en situation de vulnérabilité sera, comme le suggèrent les travaux du projet RUME [14], particulièrement liée à la qualité et à l’adaptation des services financiers ; à la possibilité d’accroître les capacités productives ainsi qu’à l’existence d’activités économiques à « débouché solvable ». Souvent, l’efficacité de ce type de services financiers peut être améliorée par un appui-conseil approprié auprès des emprunteurs. Néanmoins, il n’est pas rare d’observer des « trajectoires en dent de scie » illustratives des chocs externes auxquels sont confrontés les emprunteurs en l’absence de protection sociale (Doligez, 2010). La nature et la diversité de l’offre de services doit donc être intégrée dans la démarche d’évaluation.

Tenir compte des risques de la généralisation

24 Une seconde hypothèse, au regard de la diversité des résultats, serait que la nature même du fait microfinancier et les évolutions contrastées de son environnement expliquent cette diversité et alimentent la controverse. De cefait, les approches de type expérimentation aléatoire peuvent s’avérer limitées quant à la représentativité des territoires et des institutions observés, la durée de l’observation, trop courte au regard des changements attendus ou de la période évaluée. Il convient donc, dans une démarche de « politique basée sur les preuves » [15] (Labrousse, 2010) et comme l’analysent Laurent et alii (2009), de remettre en cause « le statut de méthode de référence – gold standard – des résultats obtenus grâce à des essais randomisés contrôlés [qui] est source de nombreuses controverses. Ainsi, l’intériorisation de cette norme dans les débats peut aisément se traduire par une éviction des connaissances apportées par les sciences sociales avec l’argument que les niveaux de preuve fournis sont moins élevés (...). Cette question se pose aussi de façon très aiguë pour apprécier l’importance relative qu’il convient d’accorder à certains résultats d’économie du développement qui transposent la démarche des essais randomisés contrôlés aux sciences sociales, alors que cette méthode ne peut s’appliquer qu’à un nombre très limité de situations ».

Organiser la délibération autour des questions de recherche et des unités d’observation

25 Face à la complexité et à la diversité du secteur de la microfinance, les démarches d’évaluation devraient plutôt reposer sur une approche « pragmatique-transactionnelle », comme le suggère Renault (in Caillé et alii, 2011) à partir de Desrosières (2000) : « le verbe quantifier dans sa forme active (faire du nombre), suppose que soit élaborée et explicitée une série de conventions d’équivalence préalables, impliquant des comparaisons, des négociations, des compromis, des traductions, des inscriptions, des codages, des procédures codifiées et réplicables, et des calculs conduisant à la mise en nombre. La mesure proprement dite vient ensuite, comme mise en œuvre réglée de ces conventions. De ce point de vue, la quantification se décompose en deux moments : convenir et mesurer ». Dans cette perspective l’héritage d’un réseau tel que AMIRA [16] demeure d’actualité (Desrosières, 2012) [17]. Celui-ci avait pour objectif de mobiliser une approche pluridisciplinaire, incluant notamment l’anthropologie, pour adapter aux contextes africains les concepts et instruments de mesure statistique forgés au Nord. Comme le souligne l’un de ses membres (Couty, 1996), à partir d’une analyse comparée de différentes enquêtes statistiques sur les budgets des ménages africains, « il est fortementrecommandé de s’armer de questions précises avant de commencer une enquête. (...) Grâce aux recherches qualitatives, dont les résultats doivent être simplifiés, le statisticien peut faire ses choix techniques en meilleure connaissance de cause, c’est-à-dire trancher dans le vif en mesurant davantage les limitations de son instrument. (...) On ne quantifierait alors que pour mieux qualifier, (...) un peu comme la couleur rehausse un dessin ».

26 Parmi les questions-clés à traiter dans le passage du qualitatif au quantitatif figurent ainsi le choix des unités d’enquêtes, les modalités de la généralisation dans l’espace – à l’échelle d’une zone ou d’un groupe – ainsi que celles de la généralisation dans le temps – à l’échelle d’évolutions dépassant la période observée directement. Par exemple, dans la divergence de résultats entre enquêtes quantitatives et entretiens qualitatifs sur l’impact de la microfinance, on retrouve le débat sur la notion de groupe budgétaire [18]. En analysant les flux à l’échelle du ménage, la logique de la circulation d’argent organisée à un niveau supérieur échappe à l’enquête ; elle est mal reliée au système de production qui la fonde et ne peut être expliquée par les variables classiques de l’analyse micro-économique (revenus et nombre de membres par foyers, etc.). Dans ce type de configuration, les critères de ménages s’avèrent de peu d’intérêt par rapport aux critères de villages (activité rurale dominante, ancienneté d’installation, etc.), la notion de budget-enveloppe doit être remplacée par celle de la circulation de monnaie et de biens, dans la famille et entre familles. On retrouve ce type de constats dans les divergences de résultats entre études quantitatives et qualitatives commanditées par l’AFD en milieu rural marocain (Duflo et alii, 2008 ; Guérin et alii, 2011).

Construire un continuum de recherche

27 Une démarche articulant techniques de recherche qualitative et enquêtes statistiques de façon concertée n’est pas nouvelle dans la microfinance. Un programme tel que « Assessing the Impact of Microenterprise Services » (AIMS) a promu des études opérationnelles de ce type aux Philippines (Todd, 2000) et dans une dizaine d’autres pays débouchant sur un kit d’outils d’analyse associant qualitatif et quantitatif. Même si ce dernier a fait l’objet de critiques (utilisation des nouveaux clients comme groupe de contrôle, par exemple), l’implication des acteurs a renforcé une démarche d’apprentissage qui s’est élargie dans le cadre d’un consortium de recherche-action dénommé Imp-Act et accompagnant les stratégies d’adaptation des institutions de microfinance. Celui-ci a mis en œuvre une étude au Pérou, auprès d’un réseau d’ONG rurales pour approfondir l’analyse des effets différenciés de la microfinance, et de possibles mesures défavorables aux plus vulnérables (Copestake et alii, 2005). L’étude combineun outil de mesure de la pauvreté fondé sur des prédicteurs dérivés d’enquêtes ménages, des diagnostics économiques approfondis et un protocole d’entretiens qualitatifs. Alors que les ONG en question se déclaraient dédiées aux plus vulnérables, la recherche a mis en évidence qu’elles touchaient principalement un public situé légèrement au-dessus du seuil de pauvreté. L’analyse a surtout révélé des effets très contrastés. Elle a montré que la moitié des emprunteurs voyaient leurs conditions de vie s’améliorer avec le crédit. En revanche, une portion significative n’en retirait aucune utilité. L’accès au prêt devenait même négatif pour près du cinquième d’entre eux. Paradoxalement, l’impact du prêt s’avérait de plus de 80 % supérieur pour le tiers initialement le moins démuni des clients.

28 Les enquêtes qualitatives ont permis d’approfondir l’analyse des profils les plus à même de bénéficier des services financiers. Les plus avantagées étaient les personnes socialement insérées disposant d’expérience et d’opportunités en matière d’activités économiques. En contrepoint, l’endettement apparaissait souvent préjudiciable pour les individus les plus vulnérables et marginalisés. Ces résultats ont permis d’adapter les méthodes de ciblage et les modalités de l’offre de services aux plus précaires. Toutefois, ils se sont révélés coûteux et longs à produire. Ces contraintes ont amené Imp-Act à renoncer à concilier deux ambitions fondamentales : établir rigoureusement un lien de cause à effet entre l’intervention et le changement des conditions de vie des usagers, et générer des connaissances utiles pour les praticiens. Privilégiant cette dernière finalité, le consortium s’est concentré, à partir de 2005, sur les performances sociales, c’est-à-dire, en amont de l’impact, sur la cohérence entre les activités et les objectifs de l’institution. Ce basculement a participé de l’émergence d’un nouveau champ d’évaluation et de gestion aujourd’hui très prégnant dans la microfinance, même si éloigné des agendas de recherche académique.

29 Dans la même lignée, on peut mentionner les travaux réalisés avec les caisses d’épargne et de crédit agricole mutuel (CECAM) à Madagascar, articulant typologie de trajectoires des exploitations agricoles et impact des services financiers (Bouquet, Wampfler, Ralison, 2009a, 2009b). Mais, là aussi, le déplacement progressif de ces démarches vers l’apprentissage institutionnel et l’amélioration continue des performances sociales a progressivement entraîné l’éloignement des scientifiques. Ceci peut expliquer, au-delà de la difficile reconnaissance des démarches pluridisciplinaires dans la production scientifique, qu’elles aient été largement ignorées ces dernières années.

Trois axes pour repenser de nouvelles démarches

30 À partir de ces expériences, plusieurs axes de travail peuvent étayer la construction de nouvelles approches combinant qualitatif et quantitatif. Il s’agit, en premier lieu, de mettre la recherche au service de l’action. Celaimplique de s’interroger sur les attentes des acteurs impliqués et de prendre en compte les différents paramètres qui conditionnent la relation de l’institution de microfinance avec ses usagers : système d’information et de gestion, conception des services financiers, formation, participation des usagers aux dispositifs de gouvernance, et ce afin de comprendre les systèmes d’action. Au final, cela revient à faire des objets de l’étude les sujets de sa définition, ce qui est possible quand des dispositifs de recherche s’articulent à des questions issues du pilotage opérationnel des institutions de microfinance [19].

31 Pour cela, une composante à part entière de la méthodologie doit prévoir comment les institutions et leurs usagers peuvent être concrètement associés à la construction des questions de recherche. Le développement de l’évaluation sur les performances sociales de la microfinance (Bédécarrats et alii, 2010) fournit des instruments simples et intelligibles favorisant la focalisation sur des enjeux très concrets (Qui sont les usagers ? Dans quelle mesure les services sont adaptés à leurs besoins ?, etc.) et sur lesquels les institutions ont une prise pour améliorer leur intervention. En deuxième lieu, il s’avère nécessaire d’innover pour orienter la production du quantitatif. La focalisation de la plupart des approches sur le quantitatif au détriment du qualitatif doit beaucoup à l’ampleur des dispositifs de collecte d’information requis. Il importe donc d’imaginer des alternatives aux lourdes enquêtes de terrains et aux démarches expérimentales.

32 Plusieurs évolutions récentes permettent d’introduire des innovations substantielles pour des méthodes de recherche opérationnelles. Depuis le début des années 2000, les agences de développement ont redynamisé des programmes d’appui aux instituts nationaux de statistiques afin d’améliorer la qualité, la régularité et la standardisation des enquêtes ménages. La disponibilité de ces données constitue une alternative encore trop peu explorée à la constitution ad hoc de contrefactuels lors des études d’impact [20]. Afin d’affiner les typologies, elles permettent de développer des proxy means test, connus en microfinance au travers des outils PPI ou PAT [21]. On dispose ainsi de bases d’informations avec lesquelles on peut reconstituer des groupes de contrôle et créer des outils d’évaluation et de suivi, non seulement du niveau de pauvreté, mais également d’autres caractéristiques socio-économiques (secteurs et diversification des activités du ménage, vulnérabilité, etc.). Enfin, la plupart des institutions de microfinance ont informatisé leurs opérations. Bien qu’elles ne soient que partiellement exploitées pour des finalités de gestion, ces données transactionnelles se révèlent d’une grande richesse pour l’analyse. Leur cartographie etexportation avec des outils d’exploration de base de données [22] permettent de constituer des relevés exhaustifs que l’on peut ensuite analyser avec des logiciels statistiques afin de mettre en évidence des profils et trajectoires d’utilisation et de combinaison de services par les utilisateurs.

33 Il s’agit donc d’articuler – et non de juxtaposer, sinon d’opposer – quantitatif et qualitatif. Outre l’amélioration des processus déjà évoquée, les outils d’entretiens qualitatifs peuvent aussi guider l’analyse des résultats. Il devient alors possible d’envisager un « continuum » articulant indicateurs, enquêtes statistiques, entretiens et restitution dans le cadre d’un processus permanent de suivi et d’évaluation, et d’apprentissage améliorant la prise de décisions des différentes parties prenantes impliquées. L’articulation peut également être mobilisée sous forme itérative, comme l’illustre l’expérience des études d’impact réalisées à Madagascar (Bouquet et alii, 2009a, 2009b).

CONCLUSION

34

L’idée qu’en sciences sociales toute investigation doit porter à la fois sur le singulier et sur le régulier, l’idée qu’une combinaison consciente et maîtrisée d’induction immédiate et d’induction amplifiante constitue la base même d’un système d’investigations, voilà au bout du compte vers quoi mène l’effort d’élucidation tenté dans cet article.
Ni l’un ni l’autre des registres identifiés ne saurait se constituer en champ d’intelligibilité autonome.
Couty, 1996

35 Cette conclusion des travaux d’AMIRA semble toujours pertinente pour évaluer l’impact de la microfinance sur le développement et la réduction de la pauvreté.

36 Elle amène à nuancer l’appréciation des résultats obtenus par la microfinance en matière de développement, qui de « globalement » positifs dans les années 1990 sont remis en cause par le biais d’une critique des méthodes passées à l’aune de travaux récents aux résultats plus contrastés, ainsi que le suggère par exemple Guérin (2011b) en prolongement de l’avis des « randomistes » [23]. Mais, au-delà des limites dans les méthodes mobilisées par les travaux de la génération antérieure articulant qualitatif et quantitatif, la conclusion qui ressort des analyses précédentes serait qu’aucune des deux approches considérées isolément ne peut apporter, une fois pour toutes, une réponse univoque et universelle en matière d’impact de la microfinance (Doligez, 2010). Ce constat d’une question jamais close en matière d’impact de la microfinance renvoie, au-delà des limites propres à chaque méthode, à la notion d’ambivalence du pouvoir monétaire que l’on trouve dans les travaux d’Aglietta et Orléan (2002). Dans un tel cadre d’analyse, l’interaction entre configurations microfinancières et opportunitéséconomiques détermine les impacts et est à resituer dans chaque contexte. Elle dépend de modes de régulation spécifiques et emboîtés, depuis les liens sociaux à la base des contrats de crédit jusqu’à la gouvernance des institutions et la régulation induite par la structure du marché microfinancier et les politiques publiques qui l’encadrent.

37 Reste à définir comment ces démarches, « véritablement hybrides entre qualitatif et quantitatif qui attribueraient aux acteurs locaux plus qu’une fonction instrumentale » (Bédécarrats, 2012), peuvent trouver un espace institutionnel nécessaire à leur approfondissement. Cela implique l’ouverture du champ scientifique aux approches pluridisciplinaires ou du soutien de dispositifs permettant la formation, le financement ou la valorisation de ce type de recherches ancrées dans les enjeux de la consolidation du secteur de la microfinance.

Notes

  • [1]
    CERISE est un réseau d’échange sur les pratiques en microfinance associant organisations professionnelles de solidarité internationales et chercheurs en sciences économiques et sociales, cf. www.cerise-microfinance.org
  • [2]
    Par impact, nous entendons les « effets à long terme, positifs et négatifs, primaires et secondaires, induits par une action de développement, directement ou non, intentionnellement ou non » (Glossaire du Comité d’aide au développement de l’OCDE). L’évaluation d’impact recouvre l’ensemble des approches méthodologiquement rigoureuses cherchant à appréhender une relation de cause à effet entre interventions en microfinance et changements socio-économiques.
  • [3]
    Cf. par exemple Servet J.-M. et alii, « Avis de tempête dans le monde de la microfinance indienne », Le Monde du 15 novembre 2010 ; Duflo E. et alii, « Aidez la microfinance, ne la tuez pas ! », Le Monde du 1er décembre 2010 ; Servet J.-M. et alii, « Faut-il aider une microfinance lucrative ou une microfinance éducative ? », Le Monde du 13 décembre 2010.
  • [4]
    Mouvement lui-même soutenu par différents mécanismes multilatéraux comme l’initiative de développement de l’évaluation d’impact ( www.worldbank.org/dime) ou l’initiative 3IE animée par le Centre pour le développement mondial ( www.3ieimpact.org).
  • [5]
    http://scholar.google.fr/
  • [6]
    Dans l’expérimental, le biais de sélection est évacué, par sélection aléatoire des bénéficiaires et non-bénéficiaires, par les responsables de l’étude d’impact. Dans le quasi-expérimental, on laisse les bénéficiaires s’auto-sélectionner, mais on construit le groupe de contrôle de manière à tenir compte du biais de sélection en tirant parti des conditions de mise en œuvre de la microfinance : ouverture de nouvelles succursales, existence de zones adjacentes (donc proches en termes de contexte) non desservies par le programme, etc. L’objectif reste d’avoir un groupe de contrôle le plus semblable possible au groupe de traitement, mis à part le traitement.
  • [7]
    Cf. http://www.cerise-microfinance.org/IMG/pdf/Recensement_des_etudes_d_impact_en_microfinance_2011.pdf
  • [8]
    http://scholar.google.fr/
  • [9]
    Cf. la page http://www.povertyactionlab.org/ consultée le 31/12/2012.
  • [10]
    18 mois d’identification dans les expériences citées par Naudet et Delarue (2007).
  • [11]
    « Les cycles du management public semblent souvent se raccourcir » (Delarue et alii, 2009).
  • [12]
    Cf. pour une analyse en contexte français Gomel, Serverin, 2011.
  • [13]
    C’est ce que proposent Guérin et Morvant-Roux (2009) en identifiant une série d’indicateurs permettant de caractériser i) le contexte financier, ii) les niveaux de vulnérabilité, iii) les systèmes d’activités locaux, et iv) la qualité de l’offre financière.
  • [14]
    « Rural Employment and Microfinance : Do Process Matter ? » ( www.rume-rural-microfinance.org), cf. Morvant-Roux et alii, 2010.
  • [15]
    Les évaluations expérimentales ne sont pas la seule démarche possible d’Evidence Based Policy en microfinance. Pour une autre approche, voir Stewart et alii, 2010. Son intérêt est d’illustrer, au sein d’un même schéma, le double effet, positif et négatif, de l’accès au crédit, ce que ses conclusions appréhendent de façon nuancée par contraste avec les généralisations souvent abusives de nombreux travaux d’évaluation expérimentale affichant une mesure « positive ou négative ».
  • [16]
    Pour « Amélioration des méthodes d’investigation en milieu rural africain » (Winter, 2010, pp. 124-126).
  • [17]
    Voir également l’article de Desrosières dans ce numéro.
  • [18]
    « Enveloppe globale, somme résultante de flux sur laquelle un pouvoir unique de décision, en la personne du chef d’unité budgétaire, exerce un certain nombre d’arbitrages entre divers postes de consommation, entre celle-ci et l’épargne, entre l’épargne et l’investissement » (Couty, 1996, p. 251).
  • [19]
    Cf. Bénin (Gentil, Doligez, 1999) ; Madagascar (Bouquet et alii, 2009a, 2009b) ou Mexique (Bédécarrats, 2010).
  • [20]
    Voir l’étude menée par DIAL à Madagascar (Gubert, Roubaud, 2005).
  • [21]
    Nouveaux outils de mesure de la pauvreté : PPI ou Score de pauvreté, Poverty Assesment Tools (PAT).
  • [22]
    Par exemple Visual Dataflex.
  • [23]
    Voir Roodman, Morduch, 2009 ; Duflo, 2010 ou encore CGAP, 2011.
Français

Après une analyse historique des démarches mobilisées en matière d’évaluation de l’impact dans la microfinance, l’article argumente sur la « double impasse » des approches quantitatives et qualitatives dans le domaine. Il développe des hypothèses reposant sur la combinaison de ces deux approches pour repenser de nouvelles démarches plus adaptées à la complexité du secteur.

Mots clés

  • Microfinance
  • évaluation
  • impact
Español

Evaluar y medir el impato de la microfinanza : salirse de una situación de « doble impasse »

Evaluar y medir el impato de la microfinanza : salirse de una situación de « doble impasse »

Tras un análisis de las gestiones implementadas en materia de evaluación y de medición del impacto en el ámbito de la microfinanza, el artículo argumenta el “doble impasse” al que llevan los análisis cuantitativo y cualitativos en la materia. Se desarrollan hipótesis que se apoyan en la combinación de ambos tipos de análisis para repensar nuevos pasos más adaptados a la complejidad del sector.

Palabras claves

  • Microfinanza
  • evaluación
  • impacto

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François Doligez
Agro-économiste, IRAM, Professeur associé à l’Université de Rennes 1/CIAPHS, f.doligez@iram-fr.org
Florent Bédécarrats
Chargé de recherche au sein de l’association CERISE, f.bedecarrats@cerise-microfinance.org
Emmanuelle Bouquet
CIRAD, UMR « Moisa », emmanuelle.bouquet@cirad.fr
Cécile Lapenu
Directrice de l’association CERISE, cerise@globenet.org
Betty Wampfler
Professeur en économie du développement, IRC-SupagroMontpellier, UMR « Moisa », wampfler@supagro.inra.fr
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 03/04/2013
https://doi.org/10.3917/rtm.213.0161
Pour citer cet article
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