CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le processus complexe de changement négocié qui caractérise la République d'Afrique du Sud est analysé par certains auteurs comme une dérégulation de l'ancien « fordisme racial » administré (Gelb, 1991) et une tentative de mise en œuvre d'un nouveau mode de régulation hybride, mêlant néo-libéralisme et politiques redistributives (Cling, 2000 ; Marais, 2001), issue d'un « compromis de classe » (Webster et Adler, 1999) conclu entre le parti dominant, L'ANC (African National Congress), les syndicats et le monde patronal au début de la décennie 1990. Ce mode est censé répondre au double impératif d'impulsion d'une croissance forte par l'ouverture accélérée au marché mondial et de réallocation de ressources au bénéfice de ceux qui furent victimes de l'ancien régime raciste. Ce que Peter Wilkinson qualifie de recherche d'un « nouveau mode de régulation post-apartheid »(Wilkinson, 2003) est décliné dans toutes les sphères de gouvernement, nationale, provinciales et locales, issues de la redistribution des compétences définies par la Constitution de 1996 [1].

2Dans les plus grandes villes d'un pays fortement urbanisé, considérées par les concepteurs du projet de nouvelle société sud-africaine comme le « cœur du développement économique, social et culturel » (Lootvoet et Guyot, 2002, 51), la mise en place, par transition démocratique, d'un système de gouvernement local parfois décrit comme l'un des plus autonomes et des plus puissants du monde (Cameron, 1999), participe à la fois de la quête politique d'une nouvelle citoyenneté dans, et par, la citadinité (Gervais-Lambony, 2003) et d'une recomposition de grande ampleur de l'action publique devant aboutir, à toutes les échelles, à une nouvelle organisation spatiale post-apartheid (Rogerson, 1998). L'échelle des gouvernements métropolitains est ainsi présentée comme pertinente pour la mise en œuvre duLocal Economic Development – LED [2] – (Rogerson, 1997 ; Maharaj, 1999 ; Nel et Binns, 2001), notion rapidement réappropriée par les élites, qui doit favoriser l'articulation entre croissance économique et « intégration urbaine ». Celle-ci est censée combiner l'équité spatiale (compactage de la ville par la densification physique, la mixité fonctionnelle, l'égalisation d'accès aux ressources urbaines), l'équité sociale (redistribution, solidarité, garantie d'un minimum vital pour tous) et l'inclusion politique (déségrégation, participation, démocratisation).

3De nombreuses entrées permettent de rendre intelligibles les relations de réciprocité entre décentralisation, métropolisation institutionnelle et « développement local » [3], ce dernier n'étant évidemment pas réductible aux seules dynamiques économiques, composantes néanmoins indispensables pour atteindre les objectifs énoncés d'intégration urbaine. L'accent sera mis ici sur un point particulier, celui de la dimension spatiale de la régulation dans l'aire métropolitaine du Cap (Cape Metropolitan Area, CMA), peuplée d'un peu plus de 3 millions d'habitants [4] et dont le gouvernement local – City of Cape Town, CCT – est unifié depuis 2000, comme tous les gouvernements des cinq autres aires métropolitaines. À la différence de l'acception anglo-saxonne adoptée par les organisations internationales, on entendra ici le terme de « régulation » comme l'ensemble des mécanismes (juridiques, économiques, politiques) auxquels recourent les pouvoirs publics locaux pour stabiliser les antagonismes et assurer la reproduction d'un système social, voire sa transformation puisqu'il s'agit de changer le sociosystème urbain hérité de l'apartheid (Dubresson et Jaglin, 2002, 72). Sa dimension spatiale est consubstantielle aux réformes, présentées comme une rupture avec le casernement racial antérieur : les outils spatiaux font partie de la panoplie légale et obligatoire de l'action publique locale [1]. Ensuite, s'agissant de régulation, cette dimension est étroitement liée à la gouvernance urbaine, définie ici comme l'ensemble des processus de coordination d'acteurs organisés, publics, privés marchands et non marchands, visant la réalisation de projets urbains collectivement négociés. Enfin, elle est inséparable d'un débat sur des concepts sous-jacents, espace, territoire, ville divisée ou fragmentée (Beall et al, 2002, et Marcuse et Van Kempen, 2002) et sur la capacité, réelle ou non, des pouvoirs publics locaux à peser sur la (re)structuration des espaces urbanisés, priorité stratégique en Afrique du Sud dans un contexte où mondialisation et changement urbain sont organiquement liés (Veltz, 1996 ; Scott, 1998 ; Soja, 2000 ; Sassen, 2001).

4Au Cap, les travaux disponibles et en cours montrent que les spatialités économiques induites par les forces du marché ne sont pas, ou sont peu, conformes aux objectifs affichés en termes de localisation des investissements privés dans l'aire métropolitaine, de rattrapage au bénéfice des townships défavorisées du sud-est, situées dans les Cape Flats, et de restructuration de l'espace métropolitain. La plupart des chercheurs sud-africains, constatant que l'outil spatial conçu comme élément du mode de régulation n'a pas fonctionné, insistent sur l'accentuation de la polarisation sociale et de la fragmentation dans l'étalement spatial et la suburbanisation rapide. Certains d'entre eux s'interrogent néanmoins sur la notion de fragmentation, souvent utilisée mais très polysémique (Harrison et al, 2003). Après la présentation des arguments avancés, qui tiennent pour beaucoup aux conditions de la métropolisation institutionnelle et aux fondements conceptuels de l'outil intégrateur, une tentative d'analyse, inspirée de cadres régulationnistes et de convergences entre des travaux géographiques et économiques, sera proposée.

I. L'ÉCHEC D'UNE TENTATIVE DE RÉGULATION SPATIALISÉE : CONSTATS EMPIRIQUES

Éléments du contexte politique et économique local

5Durant la période dite de transition institutionnelle (1996-2000), le système de gouvernement local (two-tier government), mis en place après les élections du 29 mai 1996, comprenait six Metropolitan Local Councils (municipalités gérées par des partis impliqués dans, ou issus de, l'ancien régime d'apartheid, New National Party (NNP) et Democratic Party (DP), sauf l'ancienne municipalité de Cape Town administrée par L'ANC), coiffés par une structure transversale de coordination, leCape Metropolitan Council (CMC). Pour remporter les élections municipales du 5 décembre 2000, le DP et le NNP scellèrent une alliance(Democratic Alliance, DA) qui leur a permis de gouverner la métropole unifiée (Unicity), City of Cape Town, de décembre 2000 à novembre 2002, cas unique parmi les six métropoles sud-africaines, de même que la province du Western Cape. On est ainsi passé de l'atomisation administrative héritée des vicissitudes de l'ingénierie d'apartheid avant 1996 [1] à une seule entité gestionnaire depuis 2000. En novembre 2002, l'alliance fondatrice de la DA a éclaté et une nouvelle coalition politique a été formée entre l'ANC et des membres du NNP ayant utilisé le floor crossing, pratique autorisée par la loi et qui permet à un élu de changer de camp et de conserver son siège sans revenir devant les électeurs pendant la durée de son mandat. En attendant les élections municipales qui devraient être organisées fin 2005 ou début 2006, les élections provinciales de 2004 ont validé, voire même consacré, cette stratégie locale d'alliance : l'ANC a obtenu la majorité relative des voix, dans la Unicity comme dans le reste du Western Cape mais, ne disposant pas de la majorité des sièges, doit gouverner la province avec le NNP dont les principaux responsables nationaux ont proposé, fin juillet 2004, ironie de l'Histoire, de signer l'acte de décès en intégrant L'ANC.

6De 1996 à 2000, puis sous la coalition au pouvoir en 2001 et 2002, le discours des forces politiques dominantes insistait sur la nécessité de faire de la « ville mère » [1] une vitrine gestionnaire et un modèle africain de gouvernement local, l'objectif officiel proclamé étant de devenir l'Africa's best run city by 2004. Il ne s'agissait pas uniquement de promouvoir un modèle de gestion urbaine démocratique appuyé sur une base économique locale compétitive, mais aussi de concilier, à l'échelle locale, deux impératifs apparemment contradictoires : promouvoir uneworld class city en utilisant les compétences dévolues aux pouvoirs locaux tout en s'appuyant sur l'ouverture économique et le néolibéralisme prônés par le pouvoir central et assurer à tous les citadins, en particulier les plus démunis, un accès à l'emploi, au logement, aux infrastructures et aux services dans des temporalités sinon semblables du moins conciliables et acceptables par tous les protagonistes.

7La localisation du développement a ainsi été pensée au moins à deux échelles : celle de la métropole d'une part, celle des espaces intramétropolitains d'autre part, marqués par les inégalités considérables héritées du régime d'apartheid. On ne traitera ici que de la seconde échelle. La nature des investissements récents montre que la restructuration généralisée [2] atteint différemment les activités manufacturières héritées (déclin du textile accompagné de spécialisations dans la branche mais essor de l'agro-industrie et des composants automobiles par exemple), que des niches de croissance sont rapidement valorisées (NTIC [3] dont e-business et call centers, construction et réparation navale de plaisance, industrie du cinéma), que le tourisme et le groupe FIRE(finances, insurance, real estate) sont en plein essor. Certes, l'efficacité de l'action publique sur les externalités [4] nourrit et accroît l'attractivité du territoire métropolitain. Il est cependant clair que la transformation en cours de la base économique est surdéterminée à d'autres échelles que celle de la métropole et à des niveaux de décision sur lesquels le gouvernement local a peu de prise directe. En revanche, les dimensions intra-urbaines de la transformation sont directement en relation avec la tentative de restructuration de l'espace urbanisé conçue et initiée à l'échelle métropolitaine. C'est donc moins d'une investigation sur les dynamiques économiques au Cap que dans l'aire métropolitaine du Cap qu'il s'agit ici.

CARTE 1

Nœuds et corridors du MSDF

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Nœuds et corridors du MSDF

Economic Trends and Spatial Patterns in the Cape Metropolitan Area :Metropolitan Overview Synthesis Report, CMC, 1998.
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MSDF (Metropolitan Spatial Development Framework) et dynamiques de localisation

8Le MSDF, adopté par le CMC en mai 1996, reposait sur une vision systématique cherchant à rompre avec l'organisation de l'espace héritée de l'urbanisme d'apartheid et à valoriser l'idée d'intégration. L'histoire de son élaboration, les enjeux et les échecs de la planification urbaine dans la transition ont été remarquablement étudiés par Vanessa Watson (Watson, 2001). Le MSDF reposait sur quatre éléments clés : la définition de « nœuds » de centralité, existants et à renforcer ou à créer au cœur des aires de populations pauvres ; la définition de « corridors » multifonctionnels ayant vocation à être connectés aux nœuds, permettant ainsi la mise en place d'un modèle spatial dit « intégré » (voir fig. 1) ; le MOSS (Metro Open Space System) ; la maîtrise de la croissance spatiale avec l'identification d'urban edges. Les analyses disponibles montrent que les objectifs énoncés n'ont pas été atteints, que la dynamique d'intégration fonctionnelle entre nœuds et corridors n'a apparemment pas, ou peu, été enclenchée et que les inégalités héritées demeurent et ont même été aggravées.

9Selon Ivan Turok (Turok, 2000), quatre tendances lourdes affectent la localisation des activités dans l'aire métropolitaine : premièrement, le desserrement des fonctions de centralité du CBD vers les aires suburbaines à haut revenus, excluant donc le nœud programmé de Philipi dans les Cape Flats, processus classique accompagnant partout la croissance urbaine polycentrique, mais qui a été ici accéléré, du moins jusqu'en 2001, le CBD étant depuis revitalisé ; deuxièmement, la tendance à la dispersion hors des nœuds de centralité constitués et reposant sur de nouveaux usages de l'espace urbanisé, réaffectation de bâtis bordant les routes principales dans les aires riches, maisons ou petits immeubles désormais utilisés comme bureaux, dissémination hors des principaux nœuds économiques de parcs d'affaires et d'immeubles de bureau, de plus en plus intégrés au sein de programmes immobiliers promouvant de petits ensembles mixtes sur des terrains rezonés où la marchandisation du sol a été accélérée ; troisièmement, une « dérive nordiste » (fig. 2) : de 1998 à 2000, 72 projets majeurs (+ de 10 millions de rands) [1] en cours ou prévus concernent le nord de la métropole, 35 les aires centrales, 24 le sud/sud-ouest et 9 seulement le sud-est pauvre où les montants d'investissements privés sont faibles et où l'économie informelle progresse rapidement ; quatrièmement, une spécialisation et une différenciation accrue de certains espaces : les nœuds sont ainsi de plus en plus positionnés sur des segments de marché.

10Ces quatre tendances ne reflètent pas seulement la demande et le comportement spatial des entreprises, elles sont aussi impulsées par l'offre du marché immobilier. Quant aux six municipalités configurées lors de la transition institutionnelle, elles ont accompagné, sinon encouragé, les tendances lourdes dans un contexte de restructuration politique et administrative à la fois complexe et surtout conflictuel qui a facilité le déploiement spatial des logiques privées. Dans ces conditions, les aires de pauvreté du sud-est ont été délaissées, tant par les grands projets que par les petits investisseurs privés, le moteur du changement y demeurant l'investissement public dans le logement et les infrastructures plutôt que la création d'emplois salariés sur place.

11En descendant à une plus grande échelle spatiale, on constate que les corridors et les nœuds, sont de plus en plus différenciés entre eux, que des grappes spécialisées y apparaissent, les hétérogénéisent et que certains corridors, comme l'historique Voortrekker, ont été en partie marginalisés par des mégaprojets situés à proximité. Les bilans ultérieurs (City of Cape Town, 2003) n'indiquent pas de changement significatif des tendances lourdes décelées. Ils permettent néanmoins de nuancer et de préciser quelques éléments. D'une part le CBD a bénéficié d'une active politique de City Improvement District depuis 2001, ce qui a contribué à sa sécurisation mais provoqué l'exclusion de pauvres, rejetés à l'extérieur et interdits d'activité de rue (Hooper, 2004). L'achèvement de mégaprojets (tel le Centre de congrès internationaux) et la création de petites entreprises de NTIC ont enrayé le déclin du cœur urbain, le CBD concentre trois fois plus d'unités de commerces et de services que le second pôle de centralité, et la reprise des investissements immobiliers combinant bureaux, commerces et logements y est spectaculaire : depuis 1999, 11,5 milliards de rands ont ainsi été investis et les taux de vacance des locaux commerciaux auraient baissé de 65 % [1]. D'autre part, une ample diffusion spatiale caractérise les petites unités ; or, 93 % des entreprises sont petites (small, de 10 à 50 emplois, 22%) et très petites (very small, moins de 10 emplois, 71 %). Il reste que cette diffusion concerne peu le sud-est pauvre, où de plus une nette disparité oppose les townships coloured et noires, les investissements privés locaux mesurés étant beaucoup plus nombreux dans les premières. Au total, le MSDF n'a pas constitué un outil efficace de pilotage spatial des investissements privés vers les nœuds et corridors, encore moins vers le sud-est pauvre où réside aujourd'hui environ la moitié des citadins sans emploi.

Deux registres d'explication

12L'inefficacité du MSDF procède, selon les analyses proposées, de son inapplication ou de son inapplicabilité. Pour être trivial, le premier argument mérite qu'on s'y arrête et qu'on réponde à une question : pourquoi le MSDF n'a-t-il pas été rendu exécutoire ? Le second (même appliqué, le MSDF n'aurait pas été efficient) renvoie à un débat sur les fondements conceptuels de ce qui apparaît comme une tentative de régulation publique spatialisée.

Métropolisation institutionnelle, restructuration labile des pouvoirs et localisation des investissements privés

13Le processus d'élaboration du MSDF a commencé en 1989, les principes, objectifs et stratégies ayant été débattus de 1993 à 1995 dans le cadre du Western Cape Economic Development Forum, initié par les entrepreneurs. En 1996 fut élaboré le MSDF Technical Report, l'intention des planificateurs du CMC étant de lui donner ensuite force de loi (statutorise) selon les termes du Land Use Planning Ordinance (LUPO) de 1985. Reformulé sous forme de Draft Statutory Document en 1999, il a été bloqué par les relations conflictuelles entre le gouvernement local et le gouvernement provincial, lequel, en contestant le LUPO, a scellé politiquement le sort du MSDF « par le haut ».

14Au sein de la sphère locale, la mise en œuvre « par le bas » a été minée par le processus de restructuration politico-administrative durant la phase de transition. L'élaboration d'une stratégie globale de localisation des investissements privés n'allait pas de soi entre les anciennes composantes restructurées qui avaient chacune leurs propres objectifs. D'abord, la réunification a été opérée sur des bases disparates en termes de potentiel économique, de capacité et de pratiques gestionnaires : les conceptions et techniques budgétaires comme les orientations économiques étaient différentes. Ensuite, pendant la transition, les six municipalités, qui disposaient alors de leur propres ressources fiscales, ont rivalisé plus que coopéré entre elles et avec le CMC afin d'accroître leurs propres bases de revenus : les difficultés techniques et politiques comme le temps nécessaire pour les résoudre et procéder à la fusion ont créé un moment d'opportunité dont ont profité certaines municipalités. Celle de Tygerberg a ainsi très tôt élaboré son IDP, outil mobilisateur pour concentrer les investissements le long de Durban Road et promouvoir un corridor, mais avec une continuelle réévaluation de sa propre planification, qui n'a jamais dévié de l'idée que seul un up-market development y serait autorisé. Parfois instrumentalisé, le MSDF n'a pas joué le rôle de cadre général de référence, reconnu comme tel par toutes les parties et permettant de tenter de canaliser les initiatives privées, lesquelles ont au contraire souvent mis en concurrence des municipalités puissantes face à un CMC dépourvu de moyens de contrôle et d'intervention. Enfin, la fragmentation institutionnelle a marginalisé et isolé les planificateurs dans un dispositif privé de synergies internes (Watson, 2002). Des quatre éléments clés du MSDF, seuls deux ont été relativement incontestés, créer et contrôler une limite (urban edge) pour protéger les terres agricoles – en particulier de proches vignobles – et les périphéries avec pour conséquence d'encourager la densification interne, et l'identification du MOSS. La proposition de diriger les investissements publics et privés vers un système de nœuds et de corridors a été une source permanente de conflit, des municipalités dénonçant les contenus urbanistiques et fonctionnels ainsi que l'érosion de leurs prérogatives. La coalition ayant gouverné la nouvelle Unicity jusqu'en novembre 2002 avait lancé un processus de révision du MSDF ; ce dernier est achevé mais nul ne sait ce qu'en fera la nouvelle coalition en place, dont la doctrine est d'autant moins arrêtée qu'aucun débat de fond n'a été engagé au sein du gouvernement métropolitain sur les fondements conceptuels de l'action publique jusqu'ici entreprise.

Obsolescence des fondements conceptuels

15Le MSDF reposait sur l'idée de ville compacte, solution alternative à la structure d'apartheid qui rend les opportunités urbaines inaccessibles à la majorité des résidants et accroît les coûts de l'urbanisation. Deux critiques majeures ont été formulées par Vanessa Watson. D'abord, le contrôle de la localisation des investissements privés, surtout en faveur des aires de pauvreté, a été considéré comme trop ambitieux : légiférer en cette matière n'était ni réaliste ni réalisable alors que les stratégies spatiales des entreprises sont de plus en plus marquées par la flexibilité et la mise en concurrence des externalités physiques, et peut-on ajouter, à égalité d'appréciation, par celle d'externalités non économiques extrêmement diverses, difficiles à anticiper et qui leur sont propres. Ensuite, cette incompréhension de la structuration actuelle de l'espace économique (sur cette notion,cf. infra) est attribuée à un mode de pensée cloisonné, la planification spatiale demeurant sectorielle et spécialisée. On ajoutera que penser l'égalisation de l'accès aux emplois salariés en termes dominants, sinon uniques, de priorité donnée aux localisations d'entreprises mérite aussi examen. Investissements productifs et inductions en termes d'emplois ne sont en effet pas mécaniquement cositués au sein de l'espace métropolitain, en particulier dans un contexte où les niveaux scolaires et professionnels des populations démunies sont très faibles et où le problème de leur formation de base est loin d'être résolu. La décision très contestée prise par le gouvernement provincial en juillet 2004, contre l'avis de la commission d'experts, de localiser le studio de tournage de films, fleuron de la nouvelle industrie du cinéma au Cap, à proximité de Khayelitsha, ne garantit en rien a priori aux artisans de la townshipnoire l'accès aux marchés ainsi créés de fourniture d'équipements et de construction de décors, même avec l'appui d'une éventuelle discrimination positive en leur faveur.

16Pour contrer le cloisonnement généralisé, de la pensée comme des pratiques, ainsi que l'absence de coordination au sein du gouvernement local, Vanessa Watson plaide pour une planification moins axée sur le contrôle du territoire et recherchant la mise en œuvre de priorités et de programmes porteurs d'une transformation urbaine favorisant l'intégration. Pour en comprendre les conditions d'élaboration, il faut tenter de donner du sens aux spatialités économiques empiriquement décrites.

II. TERRITOIRE, GOUVERNANCE URBAINE ET RÉGULATION

Détour cursif par un cadre d'analyse

17Mobilisée ou utilisée aujourd'hui par la plupart des chercheurs en sciences sociales, la notion de territoire doit être clarifiée. Le territoire n'est d'abord pas réductible à une seule échelle spatiale, « le local » entendu comme une proximité géographique souvent d'ailleurs non précisée en termes de distance et de superficie. Il doit ensuite être distingué de l'espace géographique. Ce dernier peut être défini comme un construit social résultant de l'appropriation, de l'usage, de la transformation et de la différenciation de l'étendue terrestre par les sociétés en vue de leur reproduction. Le territoire n'est donc pas l'espace géographique ; c'est, comme l'écrit Claude Raffestin, « une production à partir de l'espace » mettant en jeu des relations, donc du pouvoir (Raffestin, 1980, 130). Cette production concerne toutes les échelles spatiales et plusieurs territoires peuvent donc être imbriqués, se chevaucher ou être distincts au sein d'un même espace urbanisé par exemple. La distinction systématique et rigoureuse entre appropriation et territorialisation de l'espace proposée par Robert Sack (1986) est particulièrement intéressante. D'abord, elle met l'accent sur le processus de délimitation et d'encadrement d'une portion d'espace (la territorialisation) à des fins de contrôle sur les personnes, les ressources, les relations. Ensuite, elle lie le processus à des stratégies : la délimitation d'une portion d'espace détermine ainsi un territoire dans la mesure où elle est un moyen par lequel des individus ou des groupes construisent et maintiennent des organisations spatiales. Enfin, elle permet de confronter diverses approches disciplinaires et de surpasser les fréquents clivages de ces dernières (Jaglin, 2003 a et 2003 b).

18S'agissant d'entreprises, d'entrepreneurs et de dynamiques économiques, deux démarches retiennent l'attention. D'abord celle de Bernard Pecqueur, pour qui le territoire, plastique et multiforme, procède d'un processus (la territorialisation) par lequel un groupe composite d'acteurs « situés » utilise un espace physique pour résoudre, à un moment donné, un problème productif, en élaborant des ressources spécifiques lui donnant un avantage par rapport à l'extérieur du territoire ainsi construit (Pecqueur, 2002). La cohésion territoriale est réalisée par accord entre acteurs qui y ont intérêt, qui créent un avantage relatif (le dedans) dont sont exclus d'autres acteurs (le dehors) et les types de dynamiques induites sont variables : effets d'agglomération, de spécialisation, de spécification, le territoire pouvant passer d'un état à l'autre dans le temps. Celle d'Allen Scott ensuite, qui distingue l'« espace économique » et l'« espace géographique ». Le premier résulte de la division entre producteurs : « Toute division sociale du travail (qu'elle soit définie en termes de secteurs ou de firmes) peut être conçue comme définissant un espace économique dans lequel toute firme ou tout secteur (...) entretient une relation avec toutes les autres firmes ou tous les autres secteurs » (Scott, 2001, 89). Le second « représente un ensemble de lieux concrets, que ceux-ci soient ou non reliés entre eux » (ibid.). Pour passer de l'espace économique à l'espace géographique, du non-spatial au spatial, Allen Scott propose une clé de lecture fondée sur les spatialités des transactions.

19Des convergences apparaissent entre les acceptions du territoire ci-dessus évoquées. D'une part, le processus d'émergence, de délimitation et de maintien du territoire constitue un élément essentiel de sa définition. D'autre part, la gouvernance est autant associée au territoire qu'à l'entreprise, le lieu (espace physique concret et défini) devenantun élément du contexte de la transaction. En ce sens, le concept de gouvernance territoriale précise celui de gouvernance. La gouvernance territoriale implique l'existence de compromis composites et divers entre acteurs économiques privés et acteurs publics, locaux on non. Jean-Pierre Gilly (Gilly et Pecqueur, 1998) a caractérisé ces compromis selon les acteurs clés de la coordination territoriale et distingue trois types, la gouvernance privée (les acteurs dominants sont des firmes et/ou des institutions privées de type Chambres consulaires), la gouvernance institutionnelle (de l'État aux combinaisons publiques dominantes) et partenariale ou mixte (coopérations multiples entre organisations publiques et acteurs privés). Ces types ne peuvent être dissociés de la question de la régulation et des liens entre niveaux macro, méso (celui de l'agglomération urbanisée) et micro (intra-urbain). Au niveau macro, la régulation et le mode de régulation ont été définis (Boyer et Saillard, 1995) mais aux autres niveaux, l'application devient plus problématique. À l'échelle d'une ville, le chercheur est confronté d'une part à l'inscription, dans la sphère locale, du mode de régulation national, d'autre part, à l'existence de dynamiques locales dont on peut se demander, comme Bernard Pecqueur, si elles ne préfigurent pas en sens inverse des recompositions de la régulation globale.

20Dans ce cadre d'analyse, toute concentration d'industries ou de services, différenciée au sein de l'espace urbanisé par l'agglomération physique d'unités à fonction particulière de production ou de centralité, n'est pas nécessairement « un territoire ». Pour l'être, il faut qu'elle résulte d'une délimitation selon un processus caractérisé par une gouvernance territoriale propre. Dans le cas contraire, il s'agit d'un espace, industrialisé ou de services, qui peut être issu de logiques de marché ou, au contraire, décrété par l'administration publique. Les zones industrielles ou de bureaux de l'ancien urbanisme de plan appliqué en Afrique subsaharienne, et plus encore en Afrique du Sud d'apartheid où le zonage était intégral, ne constituent donc pas des territoires mais des espaces résultant du déploiement, à l'échelle locale, d'un mode de régulation d'économie fordiste périphérique administrée. Leur délimitation et leur contenu discriminant en termes de fonction ne suffit pas à en faire des « territoires » : ce sont des espaces de déclinaison localisés (une variante) d'une régulation globale, qui affecte les lieux aux investissements privés.

21Les différenciations internes de l'espace urbanisé relèvent ainsi de deux processus : d'une part, la spatialisation, qui équivaut à la « localisation » de Bernard Pecqueur (« il est possible d'avancer l'idée que, fondamentalement “nomades”, les firmes peuvent avoir intérêt, pour accroître leur flexibilité, à passer d'une logique de localisation à unelogique de territorialisation », Pecqueur, 2001, 242) ; d'autre part la territorialisation définie plus haut, processus évolutifs et entre lesquels peuvent exister tous les gradients et chevauchements possibles. En reprenant l'analyse de Sylvy Jaglin sur les services marchands (Jaglin, 2003 b), on peut suggérer que ces deux processus, souvent combinés dans une même ville, expriment deux modalités différentes de régulation : à la spatialisation correspondrait ainsi une régulation localisée, à la territorialisation une régulation locale. Entendus ainsi, ils constituent des clés de lecture en matière d'« intégration », de « fragmentation » et de capacité d'action des gouvernements métropolitains.

Retour au Cap : espace urbanisé et régulation

22Soulignons d'abord une évidence : le MSDF participait d'une tentative de régulation localisée, issue dans sa conception et ses principes de la sphère nationale, souvent contradictoire avec les spatialités économiques nouvelles ou issues de la transformation des activités anciennes par l'ouverture libérale, spatialités qui, en revanche, ont été très vite intériorisées, voire suscitées, par les forces du marché foncier et immobilier. Les difficultés et les dysfonctionnements multiples liés à la construction du territoire institutionnel de la métropole, décortiqués par Vanessa Watson, s'inscrivent ainsi dans une contradiction majeure entre une composante du mode de régulation localisé, le MSDF, et le régime d'accumulation inhérent à l'ouverture néo-libérale, contradiction non résolue par le gouvernement local. Les nouvelles spatialités peuvent certes valoriser des lieux figurant initialement dans les propositions d'affectation, mais ce ne sont pas les aires pauvres qui en bénéficient.

23Deux questions organiquement liées, celles de l'intégration et de la fragmentation, sont donc de plus en plus posées, l'intégration étant un objectif prioritaire du développement local. Précisons les termes. Celui d'« intégration » a été défini dans l'introduction. La fragmentation est une notion multidimensionnelle, associant des composantes spatiales (discontinuités physiques), sociales (ségrégations résidentielles, replis communautaristes), économiques et surtout politiques (dispersion croissante des acteurs, autonomisation des dispositifs de la gestion et de la régulation urbaine (Jaglin, 2001). Elle serait caractérisée par la dilution des liens organiques entre les morceaux de ville, la multiplication des différenciations intra-urbaines et réduirait la gouvernabilité des villes, de sorte qu'on peut discuter l'idée selon laquelle la ville dite d'apartheid était fragmentée ; ségréguée, segmentée, physiquementéclatée, elle fut fonctionnellement régulée par un mode policier et racio-spatial de l'accumulation fordiste dont les adaptations successives n'ont pu surmonter, à la longue, toutes les contradictions. Il reste que l'évolution actuelle, au Cap comme dans les autres métropoles sud-africaines, est interprétée comme une accentuation de la fragmentation, les dynamiques économiques actuelles tendant à renforcer les divisions héritées plus qu'à promouvoir l'intégration urbaine.

Les nouvelles localisations contribuent-elles à la fragmentation ?

24La dilution, puis la disparition des liens organiques entre les composantes physiques de l'espace urbanisé supposent qu'une mosaïque de territoires coalescents, ayant chacun leur propre mode de régulation mal, peu ou non articulé aux autres, ou formant archipels (au sens de Veltz, 1996) soit en gestation puis finisse par s'imposer comme figure urbaine dominante ou hégémonique. CMA évolue-t-elle en ce sens ? La réponse à cette question dépend d'abord des entrées utilisées pour y répondre : rien n'assure, a priori, que les conclusions soient identiques et même convergentes selon qu'on étudie les services marchands en réseaux (et encore faudrait-il distinguer l'eau, l'électricité, la collecte des déchets, les transports par exemple), le logement, les nouvelles spatialités d'entreprises, et des travaux réalisés au Cap comme dans d'autres villes africaines (Dubresson, 2004) montrent que les conclusions peuvent parfois nettement diverger entre les villes et au sein d'une même ville. Elle dépend ensuite de la prise en compte de la complexité de l'échelle locale, où sont repérables à la fois des processus de régulation micro et méso et des inscriptions de processus nationaux.

25En matière de dynamiques économiques, deux entrées sont utilisées dans les recherches actuelles au Cap. La première concerne les grappes d'unités récentes. Des enquêtes en cours sur le système d'acteurs locaux dans différentes grappes devraient éclairer la question des relations entre sphère économique et sphère politique. En supposant toutefois que des territorialisations soient identifiables, il faudrait démontrer que la régulation territoriale non seulement spécifie mais isole les territoires ainsi produits d'autres échelles et niveaux de régulation. Or, si le mode de coopération entre entreprises peut être « situé » (être spécifique au sein du site), la relation salariale locale, le mode d'insertion et d'action des acteurs publics et le positionnement de l'espace local au sein de la division spatiale du travail ne dépendent pas uniquement des entreprises regroupées et renvoient aussi à d'antres échelles de régulation : une articulation de régulation(s) existe entre le dedans et ledehors du territoire, et cela ne va pas dans le sens de la fragmentation. La seconde entrée met l'accent sur le fonctionnement spatial de la structure économique. Pour le moment, nous ne savons rien du fonctionnement intramétropolitain de la base économique locale, seuls les flux de transports des salariés étant mesurés. Pour évaluer des effets intégrateurs et/ou désintégrateurs, il faudrait réaliser une géoéconomie minutieuse et systémique des flux et aires d'intrants, de ventes, d'échanges de produits et de services, des bassins de main-d'œuvre, de la redistribution géographique des masses salariales. On pourrait alors peut-être esquisser une typologie et s'interroger sur les effets spatiaux et sociaux à diverses échelles : assiste-t-on véritablement à une atomisation accentuée par l'archipel des mégaprojets et l'apparition de nouveaux clusters ? Rien n'est moins sûr au vu de la monographie réalisée sur l'un des plus spectaculaires mégaprojets du Cap, Century City (centre commercial couplé à un parc d'attraction et à une zone de bureaux, lotissements résidentiels attenants), localisé hors de tout nœud et corridor à proximité d'un échangeur autoroutier, îlot physique sécurisé et enclos dont l'architecture accroît la singularité et souvent présenté comme un archétype de la fragmentation. Or les travaux de Léa Kalaora (Kalaora, 2002) ont montré que cet îlot était finalement bien connecté aux espaces économique et géographique du Cap, que son bassin de main-d'œuvre et la redistribution salariale concernaient aussi le sud-est pauvre, que ses fournisseurs de biens et de services étaient multiples, que sa fréquentation était loin d'être réduite à des clients ou visiteurs à hauts revenus et qu'on ne pouvait inférer un processus de fragmentation du seul fait de l'isolement morphologique. Que la « ville divisée » héritée soit travaillée par des forces provoquant un étalement polycentrique et accentuant les inégalités, ici d'investissements privés, au détriment du sud-est pauvre ne suffit pas à démontrer que le processus de fragmentation est dominant, voire en cours, d'autant que les Cape Flats sont marqués par une informalisation économique dont les dimensions spatiales sont encore peu connues.

Pour la réintroduction de l'informel dans la régulation

26Il est vrai que les localisations récentes des investissements privés mesurés sont défavorables au sud-est pauvre, mais que sait-on de leurs effets sur la vie quotidienne des ménages y résidant, sur les conséquences des dépenses salariales en termes de soutien à l'économie informelle, voire de financement de petites activités marchandes ? Nous ne disposons pas de données sur la composition des revenus de cesménages (parts relatives des revenus salariaux et informels au sein d'un même ménage par exemple), sur les dépenses (évaluées pour la population noire à 4,3 milliards de rands en 1997 dont 1,4 pour les achats alimentaires) et les lieux de dépense. Plus généralement, il y a encore peu de travaux sur l'économie informelle au Cap, contrairement à Johannesburg, sur les revenus procurés, en particulier par des activités criminalisées contrôlées par de puissants gangs (transports collectifs, vols et reventes de véhicules, narcotrafic), sur les articulations entre l'informel et la corruption politique par laquelle passent des montants considérables si l'on en croit les déclarations faites devant les tribunaux et relatées par la presse.

27À trop focaliser les investigations sur les mégaprojets et les nouvelles spatialités de l'accumulation flexible, on finit par occulter des activités voilées mais néanmoins pourvoyeuses d'emplois, de revenus et d'intégration à la sphère marchande. Comment expliquer, par exemple, que dans le recensement de 2001, 13,1 % des ménages, soit 101 928 unités sur un total de 777 391 ménages, aient pu être classés dans la catégorie « revenu : aucun » ? De quoi et comment vivent quotidiennement ces ménages, ainsi que tous ceux qui sont classés sous le seuil de pauvreté, salariés ou non ? Quelques études sur les activités de rue, lesquelles ont parfois été ré-organisées sur la base de partenariats entre petits entrepreneurs locaux, adultes sans emplois, comités de développement et city improvements districts, à Wynberg par exemple (Hooper et al, 2000), montrent que le placement et le gardiennage des véhicules, la revente de produits manufacturés aux carrefours, la récupération désormais systématique, et parfois spécialisée, dans les suburbs méridionales, de déchets domestiques (papiers, emballages divers) dont on peut penser qu'ils sont recyclés, sont de plus en plus pratiqués. Des travaux consacrés au crime organisé sous le gouvernement de transition montrent que l'intégration des exclus du marché officiel du travail salarié à la sphère marchande est en grande partie réalisée par l'économie criminelle, réponse rationnelle de survie dans les Cape Flats et qui fait circuler des millions de rands, fournissant environ 120 000 emplois (interview de P. Standing, Cape Argus, August 4, 2003, p. 10). En supposant que ces effectifs soient vraisemblables, ils représenteraient environ la moitié des emplois fournis par les industries textiles et surpasseraient largement ceux des industries du bâtiment et de la construction. P. Standing décrit Le Cap comme une ville divisée et fragmentée entre les aires blanches et les principales townships noires et coloured, où le taux de chômage atteindrait 61 % pour les moins de 30 ans et où les salariés, percevant souvent de modestes revenus, sont de plus en plus soumis à la précarité de l'emploi.

28On peut interpréter cette réalité de deux manières : les gangs, eux-mêmes divisés dans un contexte de production et d'affichage identitaires compliqué, assurent une régulation et une gouvernance locales propres, et de ce fait ont territorialisé les Cape Flats (et, en se partageant les townships ou des fractions de townships, ont multiplié les territorialisations internes), concourant à une fragmentation de l'espace urbanisé ; inversement, les liens, qualifiés d'associations stratégiques par P. Standing, entre l'élite politique au pouvoir durant la transition (ou une partie de cette élite) et les gangs, comme le système d'échanges réciproques fondé sur le triptyque corruption-protection-élections, participent d'un mode composite de régulation à l'échelle de CMA qui permet d'accompagner la restructuration de l'appareil économique en accommodant la flexibilité du marché du travail, le chômage et la polarisation sociale. Si la deuxième interprétation est fondée, on ne saurait alors évoquer une fragmentation mais une spatialisation d'un mode de régulation capetonien hybride, à la fois formel et informel, dont les variantes intra-urbaines, depuis les nouvelles spatialités formelles liées à l'ouverture libérale jusqu'aux gangs des Cape Flats, qui sont aussi des acteurs de la mondialisation via le narcotrafic, n'entravent pas le fonctionnement mais constituent, au contraire, une condition de sa reproduction. On peut même soutenir l'hypothèse que ce mode local de « régulation sociale » (Lipietz, 1986), consciemment ou non mis en place, est finalement bien adapté au régime d'accumulation actuel – mais jusqu'à quand ? – et qu'il induit une macro-structure urbaine dont la configuration semble convenir aux acteurs économiques privés, légaux ou criminels.

La nouvelle coalition de gouvernement, vecteur de changement ?

29Au-delà des conditions et des modalités de la métropolisation institutionnelle au Cap, faut-il conclure plus généralement à une inévitable impuissance des gouvernements locaux sud-africains face aux spatialités économiques consécutives à l'ouverture néo-libérale alors que leurs marges d'action et d'hybridation sont réelles en ce qui concerne les réformes des services ? On peut défendre l'idée que la structuration en classes produit ses effets urbains et que les nouvelles composantes de la bourgeoisie d'affaires, nationale et locale, issues ou non du black empowerment, consolident leurs intérêts, identiques à ceux du secteur privé blanc, en promouvant, consciemment ou non, une forme urbaine qui favorise la polycentralité dans les aires riches mais reproduit la division entre ces dernières et les Cape Flats moyennant en contrepartie quelques aménagements (connexions améliorées et remplissagesphysiques) et une délégation de pouvoir très relative et limitée aux « communautés » de base dans leurs propres quartiers. Cette idée nous semble en partie fondée, encore que les nouveaux entrepreneurs noirs soient peu nombreux au Cap, que les relations entre les entrepreneurs et les nouveaux gouvernements locaux soient mal connues et que les « régimes urbains » (Mossberger, 2001) demeurent peu étudiés en Afrique du Sud. Elle n'épuise pas pour autant la question, et le changement de majorité politique et de gouvernement au Cap suscite l'interrogation.

30Durant la transition 1996-2000, puis sous la coalition politique au pouvoir de décembre 2000 à novembre 2002, l'action publique locale a surtout accompagné et renforcé l'attractivité des aires déjà nanties et échoué – ou n'a pas réellement cherché – à infléchir les tendances lourdes de localisation des investissements privés. Paul Hooper en vient même à se demander si ce n'est pas le Cape Town Partnership qui gouvernait réellement la ville (Hooper, 2004). Depuis novembre 2002, avec la nouvelle coalition dirigée par L'ANC, une réorientation de l'action publique locale est perceptible. Premièrement, les choix budgétaires et les engagements financiers ont été modifiés. Le budget d'investissement 2003-2004 (1,7 milliard de rands) devrait surtout être consacré aux aires pauvres et les partenariats public-privé et public-public sont activés au bénéfice des Cape Flats. Le renforcement des équipements dans les nœuds de centralité de Philipi et de Khayelitsha (415 millions de rands pour Khayelitsha) est en cours et un plan d'action municipal (120 millions de rands) consacré à Mitchells Plain et Khayelitsha a été présenté le 26 juillet 2004. Cofinancée par CCT, l'État, le gouvernement provincial et la banque allemande KfW, cette action vise en priorité à établir la sécurité mais elle devrait être combinée à l'amélioration des services et à l'extension d'équipements et d'infrastructures indispensables à l'initiative économique privée dans neuf périmètres identifiés (safe nodes) au sein des townships. Que les montants engagés soient très modestes au regard des 3,4 milliards investis, tous acteurs confondus, dans le CBD en 2003 (où les prix du foncier et de l'immobilier n'ont évidemment rien de comparable) n'atténue pas son importance et son intérêt stratégique à l'échelle des townships. Ce volontarisme public, dont les résultats dépendent largement des rapports de force avec les gangs et l'économie criminelle, n'est évidemment pas susceptible de peser sur les spatialités économiques ni de produire une restructuration de l'aire métropolitaine à court terme, mais il concrétise un objectif longtemps resté à l'état de discours. Deuxièmement, dans une ville où l'on retrouve des grandes firmes nationales mais où le nombre de petites et moyennes entreprises est considérable, la fonction du Cape Town Partnership, instrument du partenariat public-privé, est progressivement réorientée vers la médiation. Son actuel directeur, qui fut le City manager de l'ancienne municipalité du Cap, la seule des six composantes métropolitaines à avoir élu un maire ANC de 1996 à 2000, est en connivence politique avec le gouvernement local. De la médiation de cette espèce de capital politique peuvent, peut-être, émerger des changements significatifs. Les planificateurs et urbanistes municipaux pourraient ainsi être conduits à penser autrement les relations de l'entreprise à l'espace urbanisé, à remettre en question l'affectation zonée spécialisée, à prendre en compte la complexité des spatialités économiques et à comprendre les dynamiques informelles. Inversement, des entreprises privées pourraient être parties prenantes d'un processus d'urbanisme négocié et contribuer à l'élaboration de projets stratégiques multisectoriels et situés. On conviendrait alors peut-être, eu égard à l'actuel marché du travail, que l'amélioration des niveaux scolaires et professionnels dans les Cape Flats comme celle des transports publics, qui impliquent un effort financier massif de partenariats public-privé localisés en leur faveur, sont sans doute aussi importantes que la question des investissements productifs sur place.

CONCLUSION

31Si le pouvoir métropolitain du Cap n'est pas en mesure de peser sur le changement de structure de la base économique urbaine, dont le devenir se joue à d'autres niveaux de décision, il n'est pas de factoinerte face aux spatialités intra-urbaines des entreprises privées. C'est sa volonté politique et sa capacité à conclure des compromis, à initier une nouvelle gouvernance urbaine, à susciter un « acte collectif d'imagination politique » (Wilkinson, 2003, 12) et à promouvoir la « ville d'inclusion » (inclusive city, SACN, 2004), idée substituée à celle de ville compacte, qui sont en question. Cet acte éventuel dépend évidemment de la nature des élites politiques dirigeantes de l'ANC. Si l'on pense que celles-ci ont construit, consciemment ou non et quelle que soit la sphère de gouvernement, leurs bases de ralliement au monde patronal via le néo-libéralisme, le black empowerment et/ou la corruption, et que le compromis fondateur du changement négocié conduit à leur intégration dans la classe dominante sous forme d'une aristocratie de la libération (Adam et al, 1997), on voit mal comment des politiques locales pourraient être pensées et réalisées autrement qu'en termes d'intérêts de classe spatialisés reproduisant les inégalités intra-urbaines existantes. Si l'on considère que certaines expériences locales, celle toute récente du Cap en particulier, révèlent une plus grande complexité et que le politique n'est pas naturellement voué à une aliénation aux forces du marché, la recherche des conditions et des modalités d'une régulation localisée visant, à l'échelle du gouvernement métropolitain sud-africain, un changement par l'équité demeure une question ouverte.

Notes

  • [*]
    Géographe, Université de Paris X, Géotropiques (EA 375) et IRD, UR Développement local urbain. Dynamiques et régulations.
  • [1]
    Sur la restructuration politico-administrative, le processus de décentralisation à l'échelle nationale, de recentralisation à l'échelle locale et la question du pouvoir local, voir Cameron, 1999, Gervais-Lambony, 2004.
  • [2]
    Sur le Local Economic Development en Afrique du Sud, voir la contribution de Bill Freund et Benoît Lootvoet dans ce numéro.
  • [3]
    Sur le concept de Developmental Local Government (incorporé dans le Municipal System Act, n° 32, 2000), voir Parnell et Pieterse, 1999.
  • [4]
    En 2001, Le Cap comptait 2,9 millions d'habitants selon le recensement national et 3,1 selon les planificateurs municipaux.
  • [1]
    En particulier les SDF (Spatial Development Frameworks) qui doivent être coordonnés avec les initiatives nationales (SDI, Spatial Development Initiatives) et inclus dans des IDP locaux (Integrated Development Plans).
  • [1]
    Dix-neuf municipalités « blanches » dont certaines administraient les 29 comités de gestion de townships réservés aux Coloured, 6 conseils locaux pour les juridictions blanches semi-rurales, 7 administrations pour les townships assignées aux Noirs et dépendants directement de l'administration provinciale, sans compter les services du Regional Services Council, chevauchant les territoires précédents.
  • [1]
    Sur l'histoire sociale et économique du Cap, voir Worden et al. (1998), Houssay-Holzschuch (1999).
  • [2]
    On soulignera que l'ouverture à l'économie internationale de l'appareil productif du Cap est rapide (Vacchiani-Marcuzo, 2003) mais demeure encore limitée : les IDE représentaient 6,2 % du total des investissements du Western Cape en 2001 et les exportations provinciales 13,6 % du produit régional brut, Le Cap fournissant 75 % de ce produit.
  • [3]
    Nouvelles technologies de l'information et de la communication.
  • [4]
    Au sens défini par Allen Scott : « Tout événement ou toute activité situés hors de portée de contrôle de la firme, mais qui ont des effets certains sur la fonction interne de production de la firme » (Scott, 2001, 90).
  • [1]
    rand = 0,12 € en 2004.
  • [1]
    Données fournies par Lova Rasamijao, doctorante à l'Université de Paris X, d'après une enquête auprès des responsables du Cape Town Partnership réalisée en juin 2004.
Français

Le processus de décentralisation à l'échelle nationale et de recentralisation à l'échelle des aires métropolitaines sud-africaines est accompagné, au Cap, d'une action publique de grande envergure visant à promouvoir la ville en world class city tout en réduisant les inégalités sociospatiales héritées du régime d'apartheid. Cet article évoque d'abord les raisons de l'échec d'une tentative de régulation spatialisée, lié aux conditions politiques de la métropolisation institutionnelle et à l'obsolescence des fondements conceptuels de l'action publique. Puis, il propose une analyse de la régulation territoriale et rappelle que la nature des élites politiques locales est un élément décisif du changement urbain.

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Alain Dubresson [*]
  • [*]
    Géographe, Université de Paris X, Géotropiques (EA 375) et IRD, UR Développement local urbain. Dynamiques et régulations.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2012
https://doi.org/10.3917/rtm.181.0021
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