CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Depuis le milieu des années 1990, la protection sociale est devenue en Corée du Sud un enjeu de société majeur et le pays s'est engagé dans la construction d'un système d'assurances sociales élaboré, du type de ceux mis en place en Europe. Au début des années 1990, le point de vue dominant était pourtant de considérer encore la protection sociale comme un obstacle au développement économique du pays et de « chercher des solutions au sein du cadre culturel propre à la Corée, plutôt que d'adapter les caractéristiques du modèle occidental »  [1], notent Goodman et Peng (1996). Plusieurs raisons peuvent expliquer ce revirement. Tout d'abord, la démocratisation politique du pays, amorcée en 1987, a entraîné l'apparition progressive d'un contexte politique et d'une participation citoyenne permettant l'expression d'attentes nouvelles dans le domaine social. L'adhésion de la Corée du Sud à l'Uruguay Round et, surtout, l'admission du pays au sein de l'OCDE en 1996 ont ensuite engendré de nouvelles exigences internationales en matière de protection sociale. La crise de 1997-1998, enfin, a servi de révélateur et fait prendre conscience de la nécessité d'un « filet de protection sociale » suffisamment solide et étendu pour couvrir la majeure partie de la population active. Sa mise en place rapide dans les années qui ont suivi la crise a, en outre, été facilitée par la première alternance politique du pays après cinquante ans de pouvoir ininterrompu du parti conservateur et l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement davantage préoccupé par la question sociale que ses prédécesseurs. Cet article présente les principales améliorations apportées au système de protection sociale sud-coréen au cours des cinq dernières années, en se focalisant sur les quatre volets qui ont connu les bouleversements les plus profonds : l'assurance maladie, l'assurance chômage, l'assurance retraite et les minima sociaux. Il évoque ensuite en quoi ces aménagements constituent, à notre avis, un changement de point de vue radical par rapport aux orientations précédentes, mais également les principales difficultés auxquelles se heurte encore le système coréen d'assurances sociales.

1. L'ASSURANCE MALADIE : PEU ONÉREUSE, PEU EFFICACE

2 Après l'extension légale du système d'assurance maladie obligatoire à la totalité des professions non salariées en 1988, la population couverte a progressivement augmenté jusqu'en 1997. La crise a interrompu cette tendance et le nombre total de personnes couvertes a enregistré sa première baisse en 1998 (cf. tableau). Le système d'assurance maladie comprend trois branches : salariés du secteur privé, fonctionnaires et enseignants, non salariés. L'étude de ces trois branches montre que la baisse a surtout concerné la première d'entre elles, dont le nombre d'assurés a chuté de 700 000 en 1998 en raison des nombreux licenciements effectués cette année-là. Dès 1999, cette baisse s'est interrompue et les effectifs de la branche salariés du secteur privé ont augmenté de 300 000, 550 000 et 600 000 en 1999, 2000 et 2001. Aujourd'hui, près de 97 % de la population totale du pays est couverte par le système d'assurance maladie, c'est-à-dire que le taux de couverture de 1997 n'a pas encore été retrouvé. Les 3 % de la population officiellement non couverts (1 500 000 personnes environ) sont en principe pris en charge par le programme Medicaid, programme d'assistance médicale qui offre des bénéfices très modestes. À cela, il faut ajouter les immigrés clandestins résidant en Corée (estimés à 280 000 en janvier 2003), qui, par définition, ne sont pas comptabilisés dans la population totale et sont privés de toute couverture médicale.

Population couverte par l'assurance maladie nationale (en milliers de personnes)

1988  1989  1997  1998  2001 
Total
% population totale
27,550 
66%
39,920 
94%
44,920 
98%
44,470 
96%
46,380 
97%
figure im1

Population couverte par l'assurance maladie nationale (en milliers de personnes)

National Health Insurance Corporation, 1999,Statistical Yearbook, et site Internet (avril 2003).

3 Outre les inactifs, les chômeurs, les journaliers pendant les deux premiers mois de travail, les salariés munis d'un contrat de travail d'une durée inférieure à deux mois, les saisonniers ou travailleurs temporaires, les salariés à temps partiel sont encore écartés de l'assurance maladie obligatoire et ne peuvent en bénéficier qu'au titre d'ayant droit. C'est pourquoi, si la quasi-totalité de la population est couverte, l'assiette des cotisants est en réalité beaucoup plus restreinte, car les ayants droit sont environ deux fois plus nombreux que les assurés eux-mêmes (le ratio est actuellement de 2,1, il était de 2,4 en 1988). Peuvent en effet être considérés comme ayant droit le conjoint, les descendants et ascendants directs et les frères et sœurs. Sur le plan quantitatif, le système d'assurance maladie sud-coréen a donc un caractère quasi universel qui s'est affirmé depuis la fin des années 1980 mais, qualitativement, la couverture qu'il offre demeure très imparfaite et insuffisante : d'une part, elle comporte un ticket modérateur élevé pour de nombreux soins couverts par l'assurance, d'autre part, elle exclut de nombreuses autres prestations médicales du champ de l'assurance (certains soins liés à la maternité tels que échographie, péridurale ou césarienne, les images par résonance magnétique ou les ultrasons en sont des exemples). S.M. Kwon (2002) indique que, en 1998, près de la moitié des dépenses réelles de santé reposait in fine sur l'assuré.

4 Sur le plan financier, le système d'assurance maladie est déficitaire depuis 1997, accusant depuis lors un déficit croissant, qui a mobilisé en 1999 une participation de l'État à hauteur d'environ 13 % des ressources. L'administration a entrepris en 2000 l'unification, dans un dispositif national, des trois branches de l'assurance maladie, qui étaient auparavant gérées par trois caisses privées distinctes. À la suite de la réforme, la gestion du système d'assurance maladie est désormais sous la responsabilité d'une seule caisse nationale, la National Health Insurance Corporation, contrôlée par le ministère de la Santé et des Affaires sociales. Mais les trois branches continuent cependant à présenter des comptes distincts. En même temps qu'a été unifiée la gestion du dispositif d'assurance maladie, on a opéré la séparation des fonctions de prescription et de délivrance des médicaments et augmenté à plusieurs reprises les tarifs conventionnés pour compenser la perte de revenu pour les praticiens. Cela a entraîné une aggravation très préoccupante de la situation financière de l'assurance maladie. Le ratio dépenses/recettes est passé de 103,2 en 1997 à 109,4 en 2000 puis 119,7 en 2001. En 2001, l'assurance maladie avait anticipé un déficit de 4 000 milliards de wons (3 milliards d'euros) ; il a été finalement de 2,3 milliards d'euros. En ce qui concerne l'offre de soins, le choix qui a été fait, d'inspiration anglo-saxonne, est celui d'une offre presque intégralement privée à tous les échelons (cabinets médicaux, cliniques, hôpitaux, pharmacies). Malgré un statut à but non lucratif pour une part d'entre eux, ces établissements se caractérisent par un fonctionnement de type capitaliste. De même, malgré l'importance du ticket modérateur, les mutuelles sont absentes du paysage coréen, où l'assurance maladie complémentaire est assurée par des compagnies d'assurance privées avec les risques d'exclusion que cela suppose vis-à-vis des assurés présentant un risque trop élevé.

5 Comme le résume l'OCDE (2001), « le système de soins de santé de la Corée assure un niveau de service médiocre pour un prix peu élevé ». Ce système a réussi à concerner la quasi-totalité de la population, revêtant ainsi un caractère quasi universel, mais il laisse une large part de la dépense réelle de soins médicaux non couverte par l'assurance maladie. Dans son étude comparative de 2000, l'Organisation mondiale de la Santé le classait au 58e rang, bien loin du classement de l'économie coréenne (autour du 12e rang mondial) et même du classement de la Corée selon l'indice de développement humain (27e rang).

2. L'ASSURANCE CHÔMAGE : UN DISPOSITIF QUI TOUCHE PEU DE TRAVAILLEURS

6 Comme le soulignait encore l'OCDE en 1996, le marché du travail coréen a longtemps été caractérisé par une pénurie de main-d'œuvre et un faible taux de chômage (moins de 3 % de la population active). Dans un tel contexte, la politique de l'emploi s'est surtout concentrée sur l'insertion des jeunes chômeurs, qui représentaient 9 % des 15-24 ans à la fin des années 1980, soit trois fois le taux de chômage global. Ce paysage a été bouleversé avec la brutale apparition du chômage de masse en 1998 (cf. tableau) mais, quatre ans plus tard, la situation sur le marché du travail semble être redevenue ce qu'elle était avant la crise : un chômage globalement modéré touchant surtout les jeunes (le Samsung Research Institute indiquait en avril 2003 que la Corée avait, au sein de l'OCDE, le deuxième taux de chômage le plus élevé – après la France – pour ce qui concerne le chômage des jeunes). Le faible taux de chômage officiel masque cependant deux éléments essentiels dont la crise a accentué l'ampleur : le retrait du marché du travail d'une partie de la population en âge de travailler, tout particulièrement des femmes [1] et la montée des emplois précaires qui se sont largement substitués aux emplois réguliers [2] supprimés avec les licenciements massifs de 1998 (augmentation de 1,5 million d'emplois journaliers ou temporaires entre 1998 et 2000 alors que les emplois réguliers chutaient de 210 000).

Caractéristiques récentes du marché du travail en millions de personnes en %

1997  1998  1999  2000  2001  2002 
Population active
Taux d'activité
Population employée
Chômeurs
Taux de chômage
21,662 
62,2 %
21,106 
0,556 
2,6 %
21,456 
 60,7 %
19,994 
1,461 
6,8 %
21,634 
 60,5 %
20,281 
1,353 
 6,3 %
21,950 
60,7 %
21,061 
0,889 
41 %
22,181 
60,8 %
21,362 
0,819 
3,7 %
22,560 
61,3%
21,884 
0,676 
 3%
figure im2

Caractéristiques récentes du marché du travail en millions de personnes en %

Korea National Statistical Office, Economically Active Population Survey.

7 Un dispositif d'assurance chômage (Employment Insurance System) a été élaboré en 1993 et est entré en vigueur en 1995. En 1997, l'EIS couvrait un peu plus de 4 millions de personnes (soit un peu plus de 20 % de la population active), dont plus du quart dans les grandes entreprises de plus de 1 000 salariés. L'EIS comporte trois volets distincts : deux volets dont les bénéfices sont financés et versés seulement aux employeurs, intitulés respectivement Employment Stabilization Scheme (maintien de l'emploi) et Job Competency Development Scheme (formation professionnelle), et un volet intitulé Unemployment Benefits (allocations chômage) versant des bénéfices aux salariés ayant perdu leur emploi, financé à part égale par salariés et employeurs (0,5 % du salaire pour chaque partie). La brusque montée du chômage en 1998 (triplement du taux de chômage et du nombre de chômeurs en moins d'un an) a conduit à profondément remanier la politique vis-à-vis de l'emploi, notamment ce qui concernait le volet allocations chômage de l'assurance chômage. L'assiette légale des bénéficiaires a été élargie à plusieurs reprises au cours de l'année 1998 jusqu'à inclure en octobre tous les salariés des entreprises de 1 salarié et plus, à l'exception de quelques catégories particulières : les plus de 65 ans et ceux trouvant un nouvel emploi à plus de 60 ans, les salariés travaillant moins de 80 heures par mois (y compris ceux travaillant moins de dix-huit heures par semaine), les fonctionnaires et employés des établissements d'enseignement, les employés des postes et les marins.

8 Les bénéfices offerts par l'assurance chômage ont également été étendus à plusieurs reprises. Leur durée, variable selon l'âge du bénéficiaire et la durée de cotisation, est passée de 60-210 jours à 90- 240 jours (cf. tableau), ce qui demeure toutefois très modeste et explique probablement la faible importance du chômage de longue durée en Corée. Leur montant s'élève à 50 % du salaire perçu au cours des trois derniers mois avec un maximum de 900 000 wons (700 €) et un minimum, qui est passé de 70 à 90 % du salaire minimum, lui-même enregistrant une hausse de 33 % entre 1997 et 2001 (la Corée demeure toutefois, au sein de l'OCDE, le pays offrant le plus grand écart entre salaire minimum et salaire moyen). Enfin, les conditions d'attribution ont été assouplies : l'allocation est versée à quiconque a cotisé à l'assurance chômage pendant cent quatre-vingt jours au cours des dix-huit derniers mois, contre douze mois précédemment. Il faut souligner cependant que, dans un pays où une large part de la population active n'est pas salariée et où, en outre, une importante proportion des salariés a un statut précaire, le système d'assurance chômage couvre nécessairement une part limitée de la population active totale (67% des salariés en 2001, d'après le ministère du Travail, soit 40% environ de la population active totale). Par ailleurs, dans une société valorisant à l'excès l'effort et la contribution individuelle à l'entreprise et à l'économie nationale, le principe même de l'allocation chômage est encore très mal accepté et le chômage lui-même souvent perçu comme une honte qu'il est parfois difficile d'avouer ; c'est notamment une cause importante de divorce, la Corée se distinguant dans ce domaine par le 2e plus haut taux de divorce au sein de l'OCDE, après les États-Unis.

Allocation chômage : durée maximale d'attribution (nombre de jours)

Durée de cotisation
Moins
d'un an
1-3 ans 3-5 ans 5-10 ans > 10 ans
Moins de 30 ans
30-50 ans
< 50 ans et handicapés
Âge du bénéficiaire
90 
90 
90 
90 
120 
150 
120 
150 
180 
150 
180 
210 
180 
210 
240 
figure im3

Allocation chômage : durée maximale d'attribution (nombre de jours)

Employment Insurance System Division, Ministry of Labor.

3. L'ASSURANCE RETRAITE : UN IMPÉRATIF À ÉLARGIR

9 Dang, Antolin et Oxley (2001) estiment que la Corée est le pays de l'OCDE où le taux de dépendance des personnes âgées (population âgée de plus de 60 ans rapportée à la population de moins de 60 ans) va connaître le taux de croissance annuel moyen le plus élevé (+ 2,82 %) au cours des cinquante années à venir (2000-2050). Ceci est le résultat de la combinaison de deux tendances fortes : une chute importante des naissances et un allongement rapide de la durée de vie : l'indice de fécondité est passé de 4,5 dans les années 1970 à moins de 1,5 aujourd'hui contre 1,9 en France à cause, notamment, du coût élevé des dépenses d'éducation [1] ; par ailleurs, l'âge moyen de la population est passé de 24 ans dans les années 1970 à 32 ans désormais, alors qu'à la même époque, il passait en France de 36 à 39 ans. En raison de ces deux tendances, la prise en charge des personnes âgées, qui relève traditionnellement de mécanismes de solidarité intergénérationnelle cantonnés au sein de la cellule familiale, est devenue très incertaine à court terme et l'élargissement du système de retraites est devenu en Corée un impératif majeur, qui a amené notamment l'OCDE à en faire le thème central de son étude sur l'économie coréenne en 2001.

10 Après l'instauration de régimes professionnels pour quelques catégories particulières (fonctionnaires, militaires, enseignants) dans les années 1960 et 1970, c'est en 1988 qu'un régime national d'assurance retraite est mis en place pour les salariés des entreprises employant plus de 10 personnes, puis en 1992 pour ceux des entreprises de plus de 5 salariés et en 1995 pour les agriculteurs et pêcheurs. À la suite de ces différentes extensions, le régime national de retraite (non compris les régimes professionnels) couvrait environ 7,3 millions de personnes en 1997, soit 35 % de la population active concernée. Comme pour l'assurance maladie, la crise a affecté l'efficacité du régime national d'assurance retraite en raison des nombreux licenciements qu'elle a entraînés : de 7,3 millions de cotisants en 1997, on est passé à 6,5 millions en 1998. En 1999, les pensions publiques ne représentaient encore que 4 % du revenu total des personnes âgées, alors que ce pourcentage était de 39 % au Japon, de 45 % aux États-Unis, de 87 % en Suède (OCDE, 2001). En 1999, le régime national de retraite a été étendu aux salariés des micro-entreprises (moins de 5 salariés) et aux travailleurs indépendants. Le nombre de cotisants a grimpé à 10,6 millions cette année-là pour atteindre aujourd'hui plus de 16 millions (cf. tableau), ce qui représente environ 75 % de la population active (une partie des 25 % restants relevant de systèmes de retraite professionnels, notamment ceux des fonctionnaires, des militaires et des enseignants)

Personnes couvertes par le régime national d'assurance retraite (septembre 2001)

Assurés en tant
que salariés
Assurés
individuels
Assurés
volontaires
Total
5 860 000 
(36,3 %)
10 118 000 
(62,7 %)
138 000 
(0,7%)
16 116 000 
figure im4

Personnes couvertes par le régime national d'assurance retraite (septembre 2001)

National Pension Corporation, site Internet (avril 2003).

11 En ce qui concerne les bénéfices, si les systèmes professionnels ont déjà commencé à verser des pensions en raison de leur mise en place précoce, le dispositif national de retraite ne commencera à verser de pensions (à taux réduit : vingt années de cotisation) qu'en 2008 et la majeure partie de la population active (celle qui a été intégrée en 1999) ne percevra une pension à taux plein qu'à partir de 2039, voire quelques années plus tard si la durée de cotisation est allongée comme cela est probable. Pour beaucoup de retraités coréens, la principale source de revenus est donc encore le soutien apporté par leurs enfants et/ou les revenus tirés du patrimoine ou d'une activité professionnelle indépendante. Le montant de la pension versé est calculé selon un processus complexe tenant compte à la fois du salaire moyen national et du salaire moyen perçu par l'assuré calculé sur toute la période où il a cotisé. Le dispositif est divisé en 45 classes allant d'un minimum de 220 000 wons (environ 170 €) à un maximum de 3 600 000 wons (2 800 €). D'après les projections réalisées, l'équilibre financier du système de retraite est, à terme, très problématique. Le taux de remplacement du revenu a été revu à la baisse en 1998 et les taux de cotisations ont été augmentés. Actuellement, les salariés cotisent, comme leur employeur, à hauteur de 4,5 % de leur revenu mensuel et les travailleurs indépendants à hauteur de 4% de leur revenu. Les projections réalisées sur l'équilibre financier du système de retraite laissent penser que, dans les prochaines décennies, ces taux de cotisation devront être doublés et que l'âge minimum du départ en retraite devra être porté de 60 à 65 ans. On évoque également la nécessité de mettre en place des dispositifs de retraite volontaire par capitalisation, de type fonds de pension.

4. DES MINIMA SOCIAUX : UN CHAMP D'APPLICATION ENCORE LIMITÉ

12 « Introduit en 1969 sous le nom de “préservation des moyens de subsistance”, le programme d'assistance sociale a encore fait la preuve du retard pris par la Corée dans le développement de son système de sécurité sociale », écrivait Shin (2000), peu avant la mise en place d'un nouveau dispositif, beaucoup plus ambitieux, de minima sociaux. L'assistance sociale combinait alors prestations en espèces et en nature à destination des plus défavorisés, les bénéficiaires relevant de deux catégories : ceux ayant perdu leur capacité à gagner un revenu (personnes âgées, handicapés, enfants) et les autres, « qui n'ont droit qu'à une assistance médicale et une aide à l'éducation limitée, sans allocation de subsistance ». Mais, ajoutait Shin, « les conditions d'ouverture du droit à l'assistance publique fixées annuellement par le gouvernement sont trop strictes et peu réalistes » (Shin, 2000). Pour cette raison, le dispositif d'assistance publique ne concernait que 370 000 personnes, soit moins de 1 % de la population en 1997. En 1999, les bénéfices offerts étaient de 79 000 wons (60 €) par mois pour une personne seule et de 250 000 wons (190 €) pour un ménage de quatre personnes.

13 Le nouveau dispositif de minima sociaux, adopté légalement en septembre 1999 (Minimum Standard of Living Protection Law) et entré en vigueur en juillet 2000, affiche une volonté de garantir aux plus démunis un niveau de vie plus décent. L'impact de la crise de 1997-1998, notamment la brusque montée du chômage et du nombre de sans-abri, est indéniable sur la mise en place de ce dispositif. À l'instar du RMI français, ce dispositif offre aux ménages coréens une allocation différentielle pour atteindre un seuil de revenu minimum, fixé par un comité auquel participent des fonctionnaires, des experts et des représentants des citoyens. Son montant s'élève actuellement à 990 000 wons, soit environ 750 € (montant réévalué en décembre 2001) pour un ménage avec deux enfants, mais de ce minimum sont déduites les aides allouées au ménage à divers titres, en particulier bourse scolaire, allocation logement et aide médicale. En conséquence, le maximum que peut en théorie recevoir un ménage avec deux enfants est 870 000 wons (environ 650 €). Ce dispositif est accessible, en principe, aux personnes sans ressources ou disposant d'un revenu inférieur au seuil de revenu minimum. À moins qu'il ne s'agisse d'une personne âgée, d'une femme enceinte, d'un mineur de moins de 18 ans ou d'une personne qu'un handicap empêche d'exercer une activité professionnelle, les bénéficiaires sont tenus, en contrepartie, de participer à un programme financé par le gouvernement et s'engagent à accepter n'importe quel emploi ou formation qui leur est proposé. Le dispositif est donc susceptible d'intégrer un grand nombre de personnes, notamment la grande majorité des retraités qui ne perçoit pas de revenu. Sa portée est cependant limitée par deux autres conditions très restrictives : il n'est pas accessible à ceux dont le patrimoine est supérieur à un seuil relativement bas (32 millions de wons, soit 25 000 € environ, pour un ménage avec deux enfants) et il ne concerne que ceux qui ne sont légalement sous la responsabilité d'aucun membre de la famille, cette responsabilité s'étendant non seulement au conjoint, mais également aux parents, aux enfants, aux frères et sœurs. On retrouve là la logique toujours vivace qui veut que la solidarité familiale prime sur toute autre forme de solidarité, notamment sur l'assistance gouvernementale.

14 Le gouvernement estimait, lors de l'introduction de ce dispositif, que 640 000 ménages (1,4 million de personnes) en bénéficieraient et il prévoyait en conséquence que le budget de l'État pour la protection du niveau de vie passe de 1,4 % à 2 % du budget total entre 1999 et 2000, puis à 2,9 % en 2001, notamment à cause de l'augmentation de travailleurs sociaux nécessaire pour assurer le suivi du nouveau dispositif. En novembre 2002, le Seoul Development Institute indiquait pour sa part que 80 000 ménages (représentant 170 000 personnes) recevaient l'allocation dans la capitale sud-coréenne, estimant pourtant que plus du double (400 000 personnes) vivaient à Séoul avec des revenus inférieurs au niveau du minimum social. L'OCDE, qui ne se compte pourtant pas en général au nombre des plus farouches avocats des dispositifs de minima sociaux, a souligné dans une de ses dernières études les insuffisances de ce dispositif, indiquant que « malgré ces efforts, en raison de règles d'éligibilité complexes, beaucoup de personnes en situation de pauvreté recevront des prestations très basses, voire, dans certains cas, ne recevront rien du tout » (Adema et al, 2000).

5. L'AMORCE D'UN CHANGEMENT DE PARADIGME

15 D'après Lee et Rhee (1998), « la forte croissance économique jusqu'à la crise a conforté le sentiment qu'elle pouvait éliminer la pauvreté et régler les problèmes de répartition des revenus. Sur la base de ce sentiment, combiné au recours aux systèmes traditionnels de soutien sur une base familiale, on n'a accordé qu'une attention limitée au développement de dispositifs de protection sociale ». Les aménagements récents que nous avons évoqués montrent qu'une attention accrue est portée désormais à l'essor de dispositifs sociaux de type assurantiel et d'un dispositif de minima sociaux pour les exclus du marché du travail. Certains de ces aménagements (extension rapide du système d'assurance chômage et du dispositif de minima sociaux) sont la conséquence directe de la crise économique de 1997-1998, tandis que d'autres (transformations des systèmes d'assurance maladie et retraite) répondent à une orientation politique antérieure à 1998. H.J. Kwon (2002) souligne que la réforme du système d'assurance retraite avait fait l'objet d'un rapport publié en 1997. Kühnle (2002) affirme même que « depuis la fin des années 1980, la Corée est en pointe parmi les tigres asiatiques pour ce qui concerne la réforme de la sécurité sociale ». L'appréciation paraît très exagérée et est d'ailleurs en contradiction avec d'autres analyses, qui plaçaient au milieu des années 1990 la Corée à un niveau comparable à celui des autres pays d'Asie orientale dans ce que leurs auteurs appelaient respectivement les pays « à système de protection sociale de type japonais » (Goodman, Peng, 1996) ou « à État-providence confucianiste » (Jones, 1993). Ce n'est que depuis le milieu des années 1990 que la protection sociale est devenue un enjeu de société important et, si la Corée peut apparaître en avance par rapport aux autres NPI asiatiques, ce n'est véritablement le cas que depuis la fin des années 1990 et plus précisément depuis le gouvernement du président Kim Dae-jung (1997-2002). Ce n'est que depuis cette date, en effet, qu'a commencé à être remise en cause, dans le droit puis dans les mentalités, la conception minimaliste de la protection sociale, qui a longtemps prévalu en Corée du Sud.

16 En vertu de cette conception minimaliste, le système coréen de protection sociale a longtemps fonctionné sur la base de droits sélectifs accordés au niveau de l'entreprise ou de la branche, surtout aux salariés des grandes entreprises et à des groupes professionnels très spécifiques. La redistribution verticale y était très réduite, note Gough (2000). Les nombreuses failles de ce système étaient comblées par un recours fréquent à la solidarité familiale et, pour une grande majorité des travailleurs, les avantages reçus en cas de maladie, de chômage ou de départ à la retraite étaient en outre dépendants du bon vouloir et de la capacité financière de leur employeur. Le rôle des entreprises dans le domaine social était important et cela était même utilisé à l'occasion par le patronat comme un moyen de s'assurer la docilité de la main-d'œuvre. Il s'agissait donc d'un système de type paternaliste, limitant les dépenses publiques et servant au gouvernement pour asseoir la stabilité du régime, comme cela a été souligné, notamment par H.K. Lee (1999) ou H.J. Kwon (2002). Il s'agissait par ailleurs d'un système en phase avec la culture confucianiste de la Corée, notamment le concept central de piété filiale, longtemps mis en avant par les pouvoirs publics pour éviter la mise en place de mesures sociales considérées comme des obstacles à la croissance économique (Chung, 2001).

17 Le dispositif de Severance Allowance est significatif de la philosophie de ce système de droits sélectifs : à l'occasion de son départ de l'entreprise, qu'il s'agisse de départ en retraite, de départ volontaire ou de licenciement, le salarié coréen reçoit de la part de son employeur une allocation équivalente au moins à un mois de salaire par année d'ancienneté. Avant l'extension des programmes d'assurance retraite et chômage évoquée ci-avant, ce système constituait donc le principal dispositif d'allocation retraite et d'allocation chômage, dans un pays où celui-ci a longtemps été presque inexistant. Légalement obligatoire pour les entreprises de 5 salariés seulement (27 % de la population active), il dépend en outre de la capacité financière de l'employeur et place le salarié face au risque de perdre à la fois son emploi et son allocation en cas de faillite de son employeur, risque aggravé par le fait que rien dans la loi n'oblige celui-ci à constituer des réserves pour provisionner cette allocation. Les incitations fiscales (40 % de déductions fiscales pour les réserves accumulées au sein de l'entreprise, 100 % pour celles placées à l'extérieur) n'étant pas suffisantes pour des entreprises à court de liquidités, les salariés des nombreuses entreprises ayant fait faillite au moment de la crise ont donc perdu leur emploi et leur Severance Allowance, comme cela s'est passé par la suite pour les salariés du groupe américain Enron. Avec les modifications apportées aux dispositifs d'assurance chômage et retraite, la Severance Allowance est amenée, à terme, à disparaître.

18 Alors que les mesures précédentes relevaient essentiellement de droits sélectifs, le nouveau modèle met au contraire l'accent sur la notion de droits universels, qui ne sont plus dépendants de l'entreprise, mais garantis par des dispositifs publics nationaux obligatoires financés à parts égales par les employeurs et les salariés. Entre 1992 et 1999, les cotisations sociales moyennes versées par les employés coréens ont ainsi augmenté de plus de 100%, passant d'environ 3% du salaire brut à près de 7 % en moyenne (pour les salariés des entreprises de plus petite taille, la hausse a même été encore plus importante). Dans un pays avare en droits sociaux universels et en protection sociale, ces aménagements marquent un véritable changement de paradigme social. « La société n'étant qu'une vaste assurance contre les risques qu'elle provoque, c'est en s'organisant comme une assurance qu'elle rejoindrait sa propre vérité », écrit Ewald (1986) à propos de la « rupture décisive » que constitue, selon lui, « la naissance d'une société assurantielle » en France à la fin du XIXe siècle, puis sa construction au cours du demi-siècle qui suit. Les aménagements récents du système coréen de protection sociale sont les prémisses d'une telle rupture et pourraient conduire, à terme, à l'émergence d'un nouveau modèle de compromis social. Celui-ci ne sera atteint, cependant, que si les dispositifs existants sont étendus de telle sorte qu'ils couvrent une plus large proportion de la population active. La structure de la population active sud-coréenne offre une indication générale de l'efficacité réelle de la protection sociale dans ce pays : la forte proportion de non-salariés indique qu'une large part de la population active est encore légalement exclue de l'assurance chômage qui concerne, par définition, des salariés, la faible proportion de salariés réguliers indique par ailleurs qu'une large part des salariés eux-mêmes ne sont pas intégrés dans tous les dispositifs de l'assurance sociale. H.J. Kwon (2002) indique ainsi que si 80 à 95 % des employés réguliers sont couverts par chacun des différents volets évoqués, cela n1est le cas que de 20 % des employés temporaires.

6. DES OBSTACLES STRUCTURELS À SURMONTER

19 Le principal problème que rencontre le système coréen d'assurances sociales, tout particulièrement ses branches maladie et retraite, est un problème d'équilibre financier : ces programmes reposent sur une structure de recettes (assiette et taux de cotisation) qui n'est pas suffisante pour faire face aux augmentations prévisibles de dépenses liées au vieillissement rapide de la population et aux augmentations tarifaires des soins médicaux qui accompagnent le développement économique.

20 Les comptes consolidés des trois branches de l'assurance maladie sont devenus déficitaires en 1997 et la situation est même devenue très critique en 2001 à la suite de fortes hausses de tarification accordées aux professionnels de la santé. Les honoraires des médecins et les tarifs des hôpitaux ont ainsi augmenté de près de 60 % en 2000. Les statistiques de l'assurance maladie montrent que le coût annuel moyen par assuré est passé de 195 000 wons (160 €) en 1997 à 387 000 wons (315 €) en 2001, soit une hausse de 100% en quatre ans. Le nombre d'actes médicaux, qui a connu une évolution annuelle de l'ordre de + 10 à 15 % de 1997 à 2000, a soudainement enregistré une hausse de près de 40 % en 2001, première année pleine de fonctionnement du nouveau système séparant les fonctions de prescription et de délivrance des médicaments. Concernant l'assurance retraite, Shin (2000) note que « le système de pension coréen est trop généreux pour maintenir son équilibre financier. Le taux de cotisation est relativement bas, bien qu'il soit censé déboucher sur une pension élevée équivalent à un taux de remplacement de 70 % ». D'après H.J. Kwon (2002), « lorsque le paiement des pensions débutera en 2003, le fonds se videra en l'espace de trente ans, sauf réforme de ses structures de financement ». L'OCDE (2001) estime que « le taux de cotisation de 9 % devrait être doublé pour préserver l'équilibre du système actuel » et prévient que cela « devrait affecter négativement la croissance potentielle de la Corée ». Dans un même souci d'équilibre financier, le taux de remplacement du revenu a également été revu à la baisse en 1998 [1] et il est prévu que l'âge du droit à pension passe de 60 à 65 ans entre 2013 et 2033.

21 Prost (1987) a souligné que, en France, le recul des emplois familiaux avait été lié au développement des avantages sociaux obtenus par les salariés. À l'inverse, l'importance des emplois familiaux et indépendants (40 % de la population active) est un indicateur de l'insuffisance des avantages sociaux obtenus par les salariés coréens. En plus, le fait que les différents dispositifs de l'assurance sociale ne s'appliquent pas à certaines catégories de salariés (emplois temporaires et journaliers qui représentent 33 % de la population active) atténue le caractère universel de ces dispositifs. Cette structure de l'emploi rend l'équilibre financier des dispositifs sociaux particulièrement problématique, car les exclus de l'assiette des cotisants sont, par exemple dans le cas de l'assurance maladie, des bénéficiaires au titre d'ayant droit. Ce problème d'équilibre financier est en outre aggravé par des éléments structurels caractéristiques de la société coréenne : d'une part un manque de confiance envers les institutions et un manque de rigueur de la part des administrations concernées, d'autre part l'absence d'une culture de la concertation et de la transparence, ce qui rend difficile la mise en place du contrôle pourtant nécessaire pour garantir la confiance.

22 S'inspirant des travaux sur le capital social, ceux de Putnam en particulier, Fukuyama (1995) fait du niveau de confiance au sein d'une société l'élément explicatif central de son développement économique. Obéissant à un parti pris idéologique très contestable – celui des néo-conservateurs -, les travaux de Fukuyama sont très controversés. S'agissant spécialement de la Corée, son raisonnement est rendu caduc par une conclusion erronée. Il considère en effet que la société coréenne étant essentiellement familiale, la confiance y est limitée, comme en France ou en Italie. En vertu de sa grille d'analyse, cela devrait se traduire par une économie composée essentiellement de petites structures, alors que l'économie coréenne est dominée, plus que beaucoup d'autres, par quelques grands conglomérats omniprésents dans pratiquement tous les secteurs d'activité (voir notamment E.M. Kim, 1997 ou Lautier, 1999). Le constat que dresse Fukuyama à propos de la confiance demande en fait à être nuancé, comme l'ont souligné certains chercheurs coréens (voir Bidet, 2003 pour une présentation plus développée sur ce point). L'erreur majeure de Fukuyama serait de ne pas faire la distinction entre deux formes de confiance : la confiance privée et la confiance publique, terme désignant la confiance envers les institutions, les élites et les « règles du jeu » régissant la société. Si le niveau de la seconde est effectivement bas dans la société coréenne, celui de la première peut en revanche être considéré comme relativement élevé. Comme le résume W.B. Kim (1998), « en Chine et en Corée, la confiance absolue est souvent limitée aux relations familiales, tandis qu'une confiance plus restreinte s'étend aux formes de réseaux fondés sur des éléments exclusifs tels que la région, l'école ou la classe ». Cette méfiance traditionnelle vis-à-vis des institutions affecte le bon fonctionnement des dispositifs d'assurance sociale, car elle contribue à augmenter le risque moral qui leur est inhérent. Elle est alimentée par l'inégalité de comportement manifeste des différentes catégories concernées devant la fiscalité et/ou les prélèvements sociaux : certaines catégories d'assurés, spécialement parmi les professions indépendantes, sous-déclarent leurs revenus pour verser des cotisations moins importantes (phénomène souligné par l'OCDE), certains employeurs, en particulier des patrons de PME, ne s'acquittent pas des cotisations qu'ils devraient verser, l'administration elle-même n1apporte pas toujours les garanties qu'elle utilise à bon escient les sommes collectées (ce fut longtemps le cas pour le fonds de réserve des retraites). À cela s'ajoute le fait que des différences dans le mode même de calcul des cotisations pour les salariés et les non-salariés suscitent des critiques quant à l'équité des contributions respectives.

23 La cogestion ou le contrôle paritaire des dispositifs sociaux constitue un des moyens les plus efficaces d'atténuer la méfiance vis-à-vis des institutions. Mais la Corée se distingue également dans ce domaine par une longue tradition de mise à l'écart des représentants des salariés de toute décision socio-économique. D'après H.K. Lee (1999), « l'action collective des travailleurs et du mouvement syndical a longtemps été perçue comme plus menaçante que n'importe quel autre mouvement social ». Les syndicats ont effectivement été pendant très longtemps sévèrement réprimés ou manipulés par le gouvernement et la liberté syndicale est encore très imparfaite : le pluralisme syndical au sein de l'entreprise n'existe pas (certaines entreprises comme Samsung ne tolèrent même pas de syndicats) et de nombreux dirigeants syndicaux sont encore emprisonnés. Jusqu'à la fin des années 1980, la société coréenne a été marquée par un étouffement presque systématique de la société civile et des mouvements ouvriers ou syndicaux au nom de la sécurité nationale. Ce n'est que depuis la démocratisation de 1987 que les choses ont commencé à évoluer sur ce point (voir Bidet, 2002 ; 2003). En ce qui concerne la politique sociale, H.J. Kwon (2002) note cependant que, jusqu'en 1997, « les décisions de politique sociale ont été laissées entre les mains d'un petit nombre de dirigeants haut placés, la plupart des citoyens n'ayant pas voix au chapitre ». Il ajoute : « Peu d'efforts ont été faits pour mettre en place des dispositifs institutionnels garantissant l'obligation de rendre compte et la transparence dans la gestion de ces programmes. » Si des mouvements de citoyens ont récemment joué un rôle actif pour dénoncer la mauvaise utilisation de certains fonds sociaux ou pour accélérer la mise en place de dispositifs sociaux tel que le nouveau système de minima sociaux, le comité tripartite réunissant représentants des syndicats, du patronat et des pouvoirs publics mis en place en février 1998 n'a pas produit de résultats convaincants. Kühnle (2002) note que « le système de protection sociale devra inclure des procédures de prise de décision démocratique de manière à construire la confiance du public et le consensus ». La gestion des différents dispositifs que nous avons évoqués est en effet sous le contrôle presque absolu des différents ministères de tutelle (santé et travail). On peut cependant escompter que, avec le développement et l'extension des dispositifs fonctionnant sur le principe de l'assurance, les assurés joueront un rôle croissant, que ce soit via les syndicats (peu représentatifs, cependant, d'une large part de la population active), via les mouvements de citoyens ou via toute autre forme de regroupement d'assurés.

Notes

  • [*]
    Hankuk University of Foreign Studies, Séoul et GEODE, Université de Paris X - Nanterre.
  • [1]
    Les citations sont traduites par l'auteur.
  • [1]
    La Corée connaît un taux d'activité féminin particulièrement bas dans la tranche d'âge 30–45 ans en raison de l'accent placé sur l'éducation des enfants au détriment de l'activité professionnelle.
  • [2]
    Pour l'administration coréenne, un emploi est « régulier » s'il fait l'objet d'un contrat d'une durée supérieure à un an ; il est « temporaire » si la durée du contrat est comprise entre un mois et un an, et « journalier » si elle est inférieure à un mois. Comme il n'existe pas de restriction légale au renouvellement des différents types de contrats, un emploi peut être indéfiniment temporaire.
  • [1]
    10% du revenu des ménages coréens contre 1,4% au Royaume-Uni, note Gough (2000).
  • [1]
    Pour plus de détail sur ce point, on peut se reporter au rapport cité de l'OCDE.
Français

Dans le sillage de son adhésion à l'OCDE en 1996 et de la crise économique de 1997-1998, la Corée du Sud a accompli ces dernières années des efforts remarquables pour développer son système de protection sociale et l'orienter vers un système à portée universelle. Dans un pays où la protection sociale a longtemps été sacrifiée à la seule croissance économique, les aménagements effectués marquent un tournant décisif qui pourrait consacrer l'émergence d'un nouveau compromis social et, à terme, d'un nouveau modèle de développement socio-économique. Des lacunes demeurent toutefois, qui limitent la portée des différents dispositifs mis en place ou empêchent leur bon fonctionnement.

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Éric Bidet [*]
  • [*]
    Hankuk University of Foreign Studies, Séoul et GEODE, Université de Paris X - Nanterre.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2012
https://doi.org/10.3917/rtm.175.0603
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