CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Dans Une famille française, Audrey Célestine rapporte l’expérience douloureuse de sa mère Chantal à qui, enfant, l’institutrice avait intimé avec colère et dégoût d’aller se « laver les mains » parce qu’elles étaient « sales ». Ses mains, écrit l’auteure, sont des mains de « métisse » dont la couleur varie aux articulations, comme beaucoup de peaux noires et métissées. Audrey Célestine (2018, p. 34) interprète ce qu’elle qualifie de « blessure de l’enfance » comme une forme de rappel à l’ordre (racial) fait à sa mère, qui découvre ce jour-là qu’elle est un « enfant noir, un enfant métis ». À la suite de cette anecdote, elle évoque le cas de Rachel Dolezal, une femme née de parents blancs qui revendique une identité de femme noire et s’est présentée comme telle pendant des années, suscitant une intense polémique aux États-Unis. Audrey Célestine dit avoir d’abord essayé de comprendre d’où le malaise, puis la colère ressentis à l’évocation de l’histoire de cette femme, lui venaient. Elle écrit alors :
Et puis, sur un plateau télé, une femme tente de contenir la colère dans sa voix et veut expliquer à Rachel […] le pourquoi de la haine et de la colère. C’est qu’il y a l’enfance de Rachel. […] « Être noir aux États-Unis », c’est avoir été un « enfant noir ». Ou plutôt, l’avoir découvert un jour, à l’occasion d’un épisode souvent violent […]. Être une « femme noire », c’est avoir été une « petite fille noire » qui a parfois eu honte de ses cheveux crépus ou bien à qui on a appris, patiemment, au fil des années, à en être fière (Célestine, 2018, p…

Français

Le concept de socialisation raciale, développé dans le contexte étatsunien, est presque absent, sous cette dénomination, de la littérature française sur la socialisation. Cet article propose de retracer la genèse de ce concept et de rendre compte de la littérature qui s’en est saisie et en a dessiné les contours théoriques. Après avoir présenté les premières théorisations et développements, il expose les limites de la notion. En seconde partie, il relève dans une revue de littérature des travaux français les éléments empiriques qui signalent – sans toujours la théoriser – la présence d’une dimension racialisée des processus de socialisation. L’article propose finalement une adaptation conceptuelle de la socialisation raciale au contexte français et plaide pour des investigations empiriques plus poussées. Ainsi, il avance que la prise en compte de la socialisation dans la conceptualisation de la race invite à en explorer la dimension de mise en pratique, c’est-à-dire à considérer la race comme ce que l’on fait.

  • socialisation raciale
  • race
  • famille
Solène Brun
Post-doctorante (ICM, CNRS), associée à l’OSC (Sciences Po, CNRS)
Institut Convergences Migrations, 8 cours des Humanités, 93300 Aubervilliers, France
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2022
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