Sens-Dessous : Notre soupçon porte sur la notion de « mixité sociale » qui peut apparaître comme un slogan, une manière d’attirer une certaine classe moyenne tout en niant comme vous l’écrivez « toute capacité d’organisation et de mobilisation des classes populaires » ?Marie-Hélène Bacqué : En effet, derrière la notion de mixité sociale, il y a l’idée que les quartiers homogènes seraient des problèmes en eux-mêmes. Ce préjugé s’adresse aux quartiers populaires : on ne pointe pas ici l’homogénéité des quartiers bourgeois qui sont pourtant – de fait – les quartiers les plus ségrégués et les plus homogènes. Cela conduit au postulat qu’il faudrait transformer les quartiers populaires caractérisés par leur anomie et leur dangerosité en faisant venir des classes moyennes qui apporteront des nouvelles normes de coexistences. C’est une idée ancienne, qu’on voit apparaître dès le xixe siècle, au moment où commencent à s’élaborer les politiques publiques du logement et où s’ouvre un débat en France pour savoir s’il faut construire des îlots d’habitat social ou s’il faut éclater l’habitat social un peu partout dans la ville. En somme, les quartiers populaires ne seraient pas légitimes. L’idée de mixité sociale, telle qu’elle est souvent mobilisée, introduit l’idée que le remède aux maux qui toucheraient les quartiers populaires tiendrait dans la possibilité de les ouvrir à la diversité en faisant venir des habitants d’autres classes sociales notamment dans l’habitat social. C’est faire fi des formes de solidarités et d’organisations qui s’y développent…