CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Le cliché d’une Éthiopie « éternelle », immuable et hors du temps, n’a pas disparu des publications alors qu’Addis-Abeba se hérisse de tours de verre et d’acier. Désormais reliées aux réseaux routiers, électriques de téléphonie mobile, les villes accueillent un exode rural intense. Ainsi, le pays change-t-il à un rythme accéléré depuis la déposition de Haylä Sellasé (1974) et la fuite de Mängestu (1991). En moins de quarante ans, l’Éthiopie est passée d’une monarchie biblique à une dictature militaro-marxiste, puis à une république populaire dont l’effondrement, en 1991, n’a pas entraîné son implosion à l’instar de l’URSS. Les Éthiopiens vivent désormais sous une république fédérale qui reconnaît à chaque peuple, nation et nationalité, l’autonomie jusqu’au droit à la sécession. Dans le même laps de temps, en dépit des famines et de la guerre civile, leur effectif a plus que triplé : 25 millions d’habitants en 1970 (avec l’Érythrée) et plus de 80 millions en 2010 (sans l’Érythrée). De plus, les traditions les plus anciennes se révèlent être d’invention bien plus récente. Jusqu’à l’arrivée en nombre des Européens au début du XXe siècle, beaucoup de chrétiens ne buvaient pas de café qui, comme le tabac, était un signe d’appartenance à l’islam. L’usage du tchat, stupéfiant « léger » associé aux rituels des soufis au XIXe siècle, s’est répandu après 1950 comme sédatif des désordres politiques et sociaux qui embrasent la Corne et le Yémen. Le mythe fondateur de la dynastie salomonienne fut rédigé sous sa forme actuelle au XII…

Français

Les Éthiopiens connaissent et interprètent leur longue histoire par le biais du mythe salomonien rédigé au XIIIe siècle. Terre sainte du Peuple élu, verus Israël, l’Éthiopie n’est, toutefois, pas protégée des aléas politiques. Menilek II utilisa, en le modifiant, le mythe fondateur et préserva ainsi son pouvoir et l’indépendance de son royaume. Sera-t-il efficace face aux guerres et aux famines qui déchirent la Corne en dépit de l’effondrement des dictatures ? L’Éthiopie ne risque-t-elle pas de perdre son âme en entrant dans la mondialisation ?

English

The Ethiopians have known and interpreted their long history thanks to the Solomonic myth written in the XIIIth century. However, as the Holy Land of the Elected People, as verus Israël, Ethiopia was not spared from political hazard. Menilek II made use of the originam myth to his own purpose in order to safeguard his own power and the independence of his realm. Could this myth face wars and famines which still continue to plague the Horn in spite of the collapse of dictatorships ? Is Ethiopia likely to loose its soul by entering globalization ?

Alain Gascon
Géographe, professeur émérite à l’Institut français de géopolitique de l’université Paris 8, ancien chargé de cours à l’INALCO.
Il vous reste à lire 95 % de cet article.
Acheter cet article 15,00€ 12 pages, format électronique
(html et pdf)
add_shopping_cart Ajouter au panier
Autre option
Membre d'une institution ? business Authentifiez-vous
Mis en ligne sur Cairn.info le 19/10/2013
https://doi.org/10.3917/secug.018.0027
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour ESKA © ESKA. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...