CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’intelligence économique (IE) a toujours autant de mal à trouver sa place dans la pensée économique et industrielle, peut-être parce qu’en France, à l’instar du renseignement, elle est d’abord envisagée comme une science de l’action et accessoirement comme un état d’esprit et finalement une culture. Les différentes tentatives de conceptualisation se heurtent ainsi à une réalité multiple qui rend difficile l’énonciation de modèles normatifs acceptés de tous. En clair, les pratiques observées en IE ne reflètent pas la définition qui en a été donnée par le rapport Martre en 1994, où l’intelligence économique est définie « comme l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l’information utile aux acteurs économiques ». Le contenu théorique est donc trop petit pour son contenant pratique : l’IE n’est pas ce qu’elle est censée être. Elle est toujours plus que cela : émergeant comme une construction sociale au sein de l’organisation, elle est ce qu’on en fait.

2Assumer ce constat n’interdit pas, bien au contraire, de connaître les bases conceptuelles de l’IE, parce qu’elles sont autant de grilles de lecture susceptibles d’éclairer voire d’influencer les praticiens dans leur démarche. On distingue ainsi quatre grands courants conceptuels : la guerre, la sécurité, la compétitivité et la diplomatie économiques.

3Nous proposons de caractériser ces courants, dont les trois premiers sont considérés comme des paradigmes parce qu’ils forment un ensemble de croyances établies sur lesquelles se forgent les concepts d’intelligence économique. Le quatrième n’est encore qu’à l’état d’émergence, comme nous le verrons. Les critères de caractérisation sont réunis sous la forme d’un tableau qui permet une analyse comparée des quatre courants.

La guerre économique

4Une part importante des discours de l’intelligence économique est centrée sur la notion de « guerre économique ». Ce courant a largement dominé la pensée de l’IE jusqu’au milieu des années 2000, en raison, d’une part, de la profusion d’ouvrages qui ont été écrits par ses concepteurs, en tête desquels Bernard Esambert et surtout Christian Harbulot qui la définit comme « la poursuite de la guerre par d’autres moyens » et, d’autre part, du fait d’une forte réceptivité médiatique à ces discours. Tour à tour métaphore (Esambert, 1977, 1991), raisonnement analogique, argument de propagande et théorie géoéconomique, la guerre économique peut être considérée comme une grille de lecture historique et politique de la globalisation économique (Harbulot, 2007) corroborée par les événements eux-mêmes (Lucas et Tiffreau, 2001 ; Laïdi et Lanvaux, 2004). Elle trouve sa légitimité dans l’actualité interprétée sous un angle polémologique [1]. Elle est une théorie qui influence l’analyse des situations d’intelligence économique, tout événement économique étant envisagé comme la conséquence d’une stratégie appuyant la politique de puissance des nations.

5La guerre économique convoque, dès lors, un ensemble de valeurs centrées sur la notion de patriotisme économique (Carayon, 2006) et peut aller jusqu’à revendiquer un état de légitime défense économique. Il n’est donc pas surprenant que le concept de guerre économique soit réfuté par les économistes défenseurs des vertus du libre-échange (Krugman, 2000 ; Cohen, 2004), mais également par certains chercheurs qui la considèrent comme une métaphore abusive (Coulomb, 2003), ou comme une grille de lecture partielle ou dépassée des phénomènes économiques (Danet, 2002, Bulinge 2002, 2013).

Tableau 1

Le courant de la guerre économique

Tableau 1
Espace de référence Patrie, nation Réalités perçues Violence et conflits interétatiques Vision de l’économie Militaire (champ de bataille) Grille d’analyse Géo-économie, géostratégie, polémologie Valeurs Patriotisme économique Culture stratégique Offensive et défensive Posture stratégique Puissance, influence, protectionnisme, légitime défense économique Pratiques dominantes Sécurité active, contre-ingérence, renseignement et espionnage, influence, propagande, déstabilisation Prisme (Géo)économique et souverainiste

Le courant de la guerre économique

6L’intelligence économique est exprimée en termes de conflictualité et de violence économique, elle se rapproche du renseignement d’Etat dont elle assume le transfert de compétences. Bien qu’en certaines circonstances, les dirigeants d’entreprise puissent se sentir en guerre économique, peu construisent leur démarche d’intelligence économique sur ce concept de portée essentiellement interétatique. Pour beaucoup, la conception Etat-entreprise-puissance et la métaphore guerre-régiment-soldats montrent rapidement leurs limites face à une réalité moins dictée par la politique des Etats que par la dérégulation économique et financière. En fait, la guerre économique « à la française » apparaît alors comme une réminiscence de la pensée stratégique gaullienne. S’il est vrai qu’un pays comme la Chine peut envisager de conduire ses entreprises nationales comme des armées, cela semble pour l’heure peu envisageable pour les dirigeants de l’Union européenne. Notons cependant qu’après une période creuse, la guerre économique a connu récemment une certaine relance médiatique et intellectuelle (Delbecque et Harbulot, 2011, Laïdi 2012, Charpier 2012). C’est ainsi que le magazine économique L’Expansion titrait en couverture de son numéro double de décembre-janvier : « 2013. L’année de la guerre économique »…

Tableau 2

Le courant de la sécurité économique

Tableau 2
Espace de référence de compétitivité Etat, territoire, pôles Réalités perçues Menaces Vision de l’économie Sanctuarisée Grille d’analyse Politiques publiques et partenariats public-privé Valeurs Intérêt national, service public, sécurité, légalité, cohésion sociale Culture stratégique Défensive Posture stratégique Défense et sécurité des intérêts stratégiques Pratiques dominantes Contre-ingérence, sensibilisation, prévention, protection Prisme Politique et administratif

Le courant de la sécurité économique

La sécurité économique

7Face à l’absence de consensus sur le concept de « guerre économique », la politique publique d’intelligence économique a finalement conduit à adopter une posture dite de « sécurité économique ». Pour l’essentiel, on doit ce paradigme aux travaux du ministère de l’Intérieur et en particulier de l’Institut national des hautes études de sécurité (INHES, 2008) qui développe, sous la houlette de Gérard Pardini, ce que l’on peut considérer comme un concept d’ajustement. Il peut, en effet, être vu comme le plus petit diviseur commun des différents courants de l’intelligence économique et reflète à la fois la culture de la sécurité du ministère de l’Intérieur et une culture stratégique nationale défensive. Ici, les valeurs défendues sont la sécurité et l’intérêt national dans une perspective légaliste où l’économie est sanctuarisée face aux multiples menaces qui se développent. Cette politique de sécurité économique se caractérise par une démarche globale de sensibilisation, et par une mission centrale de lutte contre les ingérences et la criminalité organisée. Elle est en grande partie pilotée par le ministère de l’intérieur (DCRI, Gendarmerie Nationale).

8La sécurité économique peut paraître consensuelle, mais trouve également ses limites pour les tenants d’une intelligence économique à caractère géostratégique qui voient là une vision trop défensive des enjeux et pour les tenants d’une intelligence économique libérale dont les attentes appellent une posture plus offensive. Il en résulte une dérive des pratiques au sein d’officines plus ou moins obscures, lesquelles se développent à défaut d’une réponse publique-privée adaptée. On atteint là la limite de partage des valeurs puisque ces pratiques constituent une zone grise en rupture avec le discours officiel sur l’éthique et la légalité de l’intelligence économique défendue non seulement par l’Etat mais également par la plupart des théoriciens.

Tableau 3

Le courant de la compétitivité économique

Tableau 3
Espace de référence Entreprises et mondialisation Réalités perçues Risques, opportunités, forces, faiblesses Vision de l’économie Compétition internationale Grille d’analyse Marchés Valeurs Performance, innovation Culture stratégique Offensive et défensive Posture stratégique Compétitivité, rentabilité Pratiques dominantes d’IE Veille technologique & concurrentielle, lobbying, benchmarking, sécurité, protection Prisme Economique libéral

Le courant de la compétitivité économique

La compétitivité économique

9C’est le courant dominant auquel se réfère la plupart des acteurs politiques et économiques. L’intelligence économique est ainsi identifiée comme un « outil » de compétitivité nationale, territoriale et d’entreprises.

10La compétitivité économique est une notion qui s’applique indifféremment aux entreprises, territoires ou Etats. Il semble cependant que le terme lui-même ne trouve pas la même application s’agissant d’un Etat ou d’une entreprise, comme le souligne Gilles Ardinat [2]. Là encore, le concept reste flou bien qu’il bénéficie d’une image plus dynamique et d’une légitimité académique (Porter, 1993,1999) à laquelle se réfèrent volontiers (et parfois abusivement) les tenants de ce courant. Il a été concrétisé par la création des pôles de compétitivité, même s’il est par ailleurs considéré comme une « obsession fausse et dangereuse » dès lors qu’il est appliqué à une nation (Krugmann, 1994). Les travaux de Frank Bournois et Pierre-Jacquelin Romani confirment d’ailleurs que les problématiques d’entreprises ne sont pas exprimées en termes étatiques, leur grille de lecture reposant sur l’analyse stratégique et sur une logique libérale visant la conquête de marchés, la compétitivité à des fins d’avantages concurrentiels. L’intelligence économique est de fait clairement exprimée en termes de compétitivité : « Une démarche organisée, au service du management stratégique de l’entreprise, visant à améliorer sa compétitivité par la collecte, le traitement d’informations et la diffusion de connaissances utiles à la maîtrise de son environnement (menaces et opportunités) ; ce processus d’aide à la décision utilise des outils spécifiques, mobilise les salariés, et s’appuie sur l’animation de réseaux internes et externes. » [3]

11Les valeurs qui se réfèrent à ce paradigme reposent essentiellement sur les notions de performance, d’innovation, d’efficience, mais également, dans une moindre mesure et sous réserve d’inventaire, d’éthique et de responsabilité sociale et de développement durable. Quant aux pratiques, elles sont issues des travaux de recherche académique et de leur développement empirique en entreprises [4]. Elles reposent sur la triple capacité de maîtrise de l’information, de protection du patrimoine et d’influence de l’environnement stratégique de l’entreprise.

12Soutenue par l’Etat, cette posture d’intelligence économique bénéficie du soutien de structures étatiques qui agissent en supports à la démarche stratégique des entreprises. Sur le papier, tout semble devoir fonctionner comme sur des roulettes : information = compétitivité.

13Cependant, dire que l’IE est un outil de compétitivité apparaît comme une pétition de principe. Réduite à l’exposé d’une fonction et d’un processus, elle est un faire-valoir théorique et méthodologique (illustré par la définition du rapport Martre) censé résoudre les problèmes stratégiques posés par l’économie de la connaissance dans un contexte de compétition internationale. La réalité est beaucoup plus complexe et montre notamment que l’information s’intègre difficilement aux processus de décision et qu’au lieu de réduire l’incertitude, elle a tendance au contraire, à l’entretenir. Les dirigeants d’entreprises savent également qu’il ne suffit pas d’avoir des informations pour décider. L’information n’est qu’un élément parmi d’autres dans le puzzle décisionnel, et ce constat est encore plus fort en situation de gouvernance.

14Dès lors, l’intelligence compétitive ne peut se résumer à une démarche organisée de traitement d’informations (illustrée par le cycle du renseignement) synthétisée par des tableaux de bord (à la manière du business intelligence britannique). Elle est une dynamique d’intelligence stratégique [5] qui implique le développement d’une véritable culture de l’information et du renseignement chez les décideurs, mais pas simplement. Il faut également que l’organisation favorise le management de l’information et de la communication ce qui, de toute évidence, est d’autant plus difficile que la structure est importante. Comme on peut le voir, il y a loin des discours théoriques très prescriptifs à une pratique complexe, incertaine et par forcément rentable.

La diplomatie économique

15Le terme n’est pas nouveau mais le concept émerge après des années d’insuccès, raison pour laquelle on le considère comme un courant émergent mais pas encore comme un paradigme.

16La diplomatie économique est définie comme « un ensemble d’activités visant les méthodes et procédés de la prise internationale de décision et relative aux activités économiques transfrontières dans le monde réel. […] Elle a comme champ d’action le commerce, l’investissement, les marchés internationaux, les migrations, l’aide, la sécurité économique et les institutions qui façonnent l’environnement international, et comme instruments les relations, la négociation et l’influence »[6]. Cette vision multidimensionnelle de la réalité montre le caractère systémique de la diplomatie économique et surtout, la préoccupation qui la sous-tend et qui réside dans le maintien d’un équilibre global.

17Pour Claude Revel, la diplomatie économique multilatérale est affectée par trois caractéristiques de la mondialisation que sont l’explosion des échanges internationaux, la nécessité de nouvelles règles du jeu pour les réguler et la « transformation de notre société globale en société de l’information, avec des moyens de communication et d’expression immédiats et planétaires, qui induisent des modes de fonctionnement et de décisions nouveaux, dont l’utilisation à grande échelle des techniques d’intelligence (au double sens du terme) et d’influence ». [7]

18Le courant de la diplomatie économique, bien que non stabilisé, semble reposer essentiellement sur des valeurs de développement durable, d’éthique et d’harmonie dans le cadre multilatéral de relations internationales. Selon ce courant, l’intelligence économique peut être redéfinie comme le management responsable de l’information et de la communication. Elle « contribue à la construction concertée d’un environnement stratégique harmonieux, source de richesses différentes, dont l’enjeu est le retour à une forme d’équilibre » [8]. Cette vision utopique rejoint le concept de « métamorphose » d’Edgar Morin [9] et propose une grille de lecture systémique radicalement différente des précédentes, fondée sur le respect de la biodiversité et le développement humain dans une vision humaniste mondiale où l’économie est vue sous l’angle de l’intelligence collective.

Tableau 4

Le courant de la diplomatie économique

Tableau 4
Espace de référence Monde, humanité Réalités perçues Systémiques Vision de l’économie Intelligence collective, développement durable Grille d’analyse Multilatéralisme, développement durable Valeurs Ethique, harmonie, solidarité, respect de l’environnement Culture stratégique Diplomatique (recherche d’un équilibre) Posture stratégique Vigilance, responsabilité sociale de l’entreprise Pratiques dominantes d’IE Management responsable de l’information et de la communication (négociation, arbitrage, protection) Prisme Utopique et Humaniste

Le courant de la diplomatie économique

19Ce choix peut bien entendu être assumé par l’entreprise. Bien qu’en apparence angélique, il répond à un courant de fond que l’on voit émerger dans ce que certains aiment à appeler « les signaux faibles » de la littérature. Rappelons simplement que l’utopie est autant l’expression d’un idéal qu’une réflexion sur le réel.

20En résumé, les quatre courants de l’intelligence économique offrent des grilles de lecture théoriques dont l’analyse comparative met en évidence la diversité des postures envisageables en entreprises, comme le montre le tableau suivant :

Tableau 5

Les quatre courants de l’IE

Tableau 5
Guerre économique Sécurité économique Compétitivité économique Diplomatie économique Interétatique Intra-étatique Public-privé Trans-étatique Volonté de puissance géostratégique Défense des intérêts nationaux Néolibéralisme et mondialisation maîtrisée RSE et développement durable La guerre par d’autres moyens La défense comme stratégie La compétitivité comme règle La raison comme langage Conflictualité assumée Conflictualité subie Conflictualité non assumée Conflictualité négociée Renseignement étatique comme modèle d’IE Le renseignement étatique comme rempart Une IE à géométrie variable L’IE comme écologie de l’information

Les quatre courants de l’IE

21Rien n’étant plus pratique qu’une bonne théorie, comme l’enseignait Kurt Lewin, ce travail conceptuel donne aux praticiens des clés de compréhension de leur activité, même si le fait « d’entrer dans les cases » peut paraître restrictif voire exclusif. Vient alors la question du choix ou de la préférence d’un courant. On s’aperçoit alors que :

  • la posture d’intelligence économique résulte moins du choix d’un individu que d’une adaptation collective à la culture et aux valeurs de l’entreprise ;
  • chaque courant est difficilement conciliable avec les autres, à l’exception, on l’a vu, de la sécurité économique.

22A moins d’adopter une position idéologique, la question n’est donc pas ici de savoir si tel courant est meilleur qu’un autre. Laissons cette question aux logiques politiques (souverainiste, sécuritaire, néolibérale ou altermondialiste) par définition discutables voire opposables.

23Néanmoins, il est possible d’évaluer la domination d’un courant sur les autres au gré de l’exposition idéologique et/ou médiatique du moment.

24Le tableau ci-après montre la médiatisation des termes sur Google (le terme compétitivité, trop large, a été restreint par deux mots clés « compétitivité économique » et « compétitivité des entreprises »). Le web indique la médiatisation cumulée alors que les actualités donnent une indication conjoncturelle.

tableau im6
Web Actualités Guerre économique 323 000 58 Compétitivité 117 000 1630 Sécurité économique 135 000 16 Diplomatie économique 64 500 46

25Il apparaît ici que la notion de guerre économique bénéficie d’un avantage cumulatif très net alors qu’elle est devancée sur le terrain conjoncturel par la compétitivité.

26On peut également recourir à l’outil « Google tendances des recherches » qui permet de mesurer l’intérêt des internautes pour chacun des termes :

tableau im7

27Ici, la notion de compétitivité des entreprises gagne du terrain sur celle de guerre économique. Il est cependant impossible de conclure de manière définitive et ce d’autant plus que les phénomènes médiatiques sont extrêmement volatiles et sensibles à l’actualité. Cela dit, la médiatisation n’est qu’un élément susceptible d’influencer les acteurs, lesquels doivent rester maîtres de leurs choix.

28En conclusion, aucune posture est plus représentative de la réalité qu’une autre et donc préférable. La réalité perçue dépend du regard que portent les acteurs sur le monde d’où l’importance d’une mise en évidence des différents courants épistémologiques sur lesquels peut reposer une démarche d’IE en accord ou contrainte par la culture et la politique de chaque organisation (entreprise, collectivité, Etat).

29L’intelligence économique apparaît donc à la fois comme un choix assumé et comme démarche située. La réduire à une définition officielle, on le comprendra aisément, c’est se condamner à courir sans but, une caisse à outils à la main.

Notes

  • [1]
    La polémologie est l’étude scientifique de la guerre appréhendée comme phénomène psychologique et social.
  • [2]
    G. Ardinat, « La compétitivité, un mythe », Le Monde diplomatique, n°703, octobre 2012
  • [3]
    F. Bournois, P.J. Romani, L’intelligence économique et stratégique dans les entreprises françaises, Economica, janvier 2001
  • [4]
    Cette communauté mixte et interdisciplinaire se retrouve et échange régulièrement lors des colloques VSST organisés par l’équipe Doucet de l’université de Toulouse.
  • [5]
    L’intelligence stratégique au sens de Morin : « aptitude à s’aventurer stratégiquement dans l’incertain, l’ambigu, l’aléatoire en recherchant et utilisant le maximum de certitudes, de précisions, d’informations. L’intelligence est la vertu d’un sujet qui ne se laisse pas duper par les habitudes, craintes, souhaits subjectifs. C’est la vertu de ne pas se laisser prendre aux apparences. C’est la vertu qui se développe dans la lutte permanente et multiforme contre l’illusion et l’erreur… ». L’IS se différencie de l’IE par sa dimension téléologique naturelle. C’est une aptitude du dirigeant. Voir Bournois et Romani (2001).
  • [6]
    Bergeijk et Moon, cités par C. Revel, « Diplomatie économique multilatérale et influence », Géoéconomie, hiver 2010-2011, pp. 59-67
  • [7]
    C. Revel, « Diplomatie économique multilatérale et influence », Géoéconomie, hiver 2010-2011, pp. 59-67
  • [8]
    F. Bulinge, Intelligence économique : l’information au cœur de l’entreprise, Nuvis-CIGREF, 2013
  • [9]
    E. Morin, La Voie : Pour l’avenir de l’humanité, Fayard/Pluriel, 2012
Français

L’intelligence économique (IE) est un concept sibyllin et syncrétique. Objet d’innombrables définitions, il renvoie à des réalités très différentes que cet article se propose de clarifier. Franck Bulinge, professeur à l’institut supérieur de commerce de Paris, et Nicolas Moinet, professeur des universités et directeur du master intelligence économique et communication stratégique de l’IAE de Poitiers, mettent en évidence les quatre courants sur lesquels reposent les différentes approches conceptuelles de l’IE : la guerre économique, la compétitivité économique, la sécurité économique et enfin, la diplomatie économique. Chacun de ces courants définit un système de croyances qui agit comme un prisme à travers lequel est perçue la réalité économique, influençant directement notre rapport à la stratégie d’entreprise et étatique. Dès lors, la démarche d’IE relève d’une posture construite autour de cette réalité et n’existe donc que dans le contexte socioculturel qui la définit. Au-delà de son apparence théorique, cet article offre aux décideurs et aux acteurs de l’univers de l’IE la possibilité d’adapter leur politique d’IE en fonction de la culture et des valeurs de leur organisation. Une mise en cohérence qui permet d’éviter des conséquences fâcheuses.

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Franck Bulinge
Professeur à l’institut supérieur de commerce de Paris
Nicolas Moinet
Professeur des universités et directeur du master intelligence économique et communication stratégique de l’IAE de Poitiers
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
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Mis en ligne sur Cairn.info le 11/06/2015
https://doi.org/10.3917/sestr.012.0056
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